Zéro de conduite pour le directeur de l'Inserm : les organisateurs de la pétition s’expliquent devant les journalistes

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À la table pour répondre aux questions de la presse se trouvaient réunis mardi 21 mars un certain nombre de spécialistes compétents en matière de prise en charge psychologique et psychiatrique des enfants. Les auteurs de la pétition s'avérant nettement plus représentatifs de la réalité de la clinique que les « experts » qui – à la demande de l'Inserm - ont soi-disant épluché la « littérature internationale » sur le sujet.

Pierre Suesser pédiatre Vice Président du Syndicat des Médecin Médecin de PMI , François Bourdillon Professeur de santé publique à la Salpétrière, Bernard Golse Chef de service en pédopsychiatrie à l'hôpital Necker-enfants malades, Gérard Schmidt Président du Collège de Pédopsychiatrie au sein de la Fédération Française de Psychiatrie, Sylviane Giampino enfin, Psychanalyste et fondatrice de l'Anapsy-petite Enfance.

Tous les intervenants ont eu à cœur de démontrer à ceux qui prétendaient qu'ils n'avaient pas lu le fameux rapport, leur parfaite connaissance du dossier ainsi que celle de la réalité du terrain.

Sans doute faut-il rappeler tout d'abord, comme le firent les intervenants, que ce rapport n'a pas été écrit par les chercheurs de l'Inserm mais bien par des « personnalités » supposé représentatives. Les personnels de l'Inserm quant à eux, se seraient bien passés de cette publicité faite à leur maison au moment même où les crédits leur sont chichement distribués.

Et c'est bien la scientificité de ce fameux rapport que tous ont contesté Comment ont été recrutés les rapporteurs ?

C'est précisément la question que reprend le Professeur Bourdillon. Qu'en est-il de cette méthodologie qui transforme en « littérature internationale » l'habituelle littérature anglo-saxonne, qui substitue le dépistage à la prévention, qui confond le terrain scientifique et le terrain idéologique, qui prend les symptômes pour des maladies et mêle les troubles du comportement et la délinquance ? Un rapport qui néglige la classification française qui s'appuie sur une démarche psychopathologique specifique de l'enfant pour lui appliquer une classification américaine faite pour constituer des groupes homogènes de patients adultes en vue d'établir une corrélation médicamenteuse avec les symptômes et les comportements repérés dans le groupe.

C'est bien ce qui ressort de ce rapport, qu'il n'a rien de scientifique, que l'idéologie y est dominante, la méthodologie orientée vers un résultat prévisible et aisément exploitable. Que ce rapport en un mot n'a aucune crédibilité car il est selon le mot de Gérard Schmidt « monolithique et idéologique ».

C'est bien aussi l'avis de Bernard Golse qui s'attachera à démontrer que s'il est favorable à des recherches dans ce domaine il demande qu'on les fasse sur des bases fiables et non partisanes.

Comment se fier en effet à un rapport qui oublie les acteurs de terrain, laisse de côté les sciences humaines et se laisse récupérer par les politiques ? Rappelons la déclaration de Nicolas Sarkozy « il faut prévenir les troubles du comportement des plus jeunes, comme l'ont mis en évidence plusieurs pédopsychiatres et une étude récente de l'Inserm, en coordonnant les interventions auprès des enfants dès la maternelle et l'école primaire ».

Quant aux laboratoires ils sont trop heureux d'une aubaine qui bientôt leur servira, si l'on n'y prend garde :9 % des petits Français sur un plateau pour écouler leurs petites pilules si bien prévues à cet effet !

On connaît le mécanisme, il a fait ses preuves. Une caution donnée par de soi-disant spécialistes, un symptôme transformé en diagnostic et le tour est joué. Les médecins ne proposeront pas eux-mêmes la prise des médicaments mais les parents formatés par la publicité des laboratoires le leur réclameront. Et l'on verra bientôt fleurir des associations de malades manipulés par ces derniers qui réclameront qu'on leur prescrive « librement » les médicaments qu'ils demandent pour leurs enfants et que des spécialistes obtus leur refusent.

C'est Sylviane Giampino qui devait conclure en soulignant le risque encouru par la population à la suite de ce rapport stigmatisant pour les familles et moralisateur. Soulignant la qualité du travail quotidien des professionnels de terrain et la difficulté de leur action dans des conditions rendues difficiles par la précarité des conditions de travail et la capacité insuffisante des structures d'accueil, elle insista sur la nécessaire confiance indispensable entre les parents, les enfants et les professionnels. Cette pratique, qualifiée par elle et Pierre Suesser de prudente, risque d'être rendue difficile par le caractère prédictif et stérilisant des soupçons qui dès lors vont peser sur les familles. « Nous savons bien qu'il existe de nombreuses familles en difficulté, mais nous avons besoin d'une approche globale et d'un climat de confiance pour travailler avec ses familles. »

Tous ces problèmes, les organisateurs souhaitent les soulever avec l'ensemble de la profession, sous le regard attentif du public. Un colloque est déjà prévu le 17 juin à Paris et « une demande de reprise de la procédure de discussion, de lecture critique et de validation scientifique selon les procédures en vigueur dans le champ scientifique » va être soumise au Directeur de l'Inserm.

Les 155 000 signataires de la pétition « zéro de conduite » ont sans doute permis de mettre un coup d'arrêt à une dérive de plus en plus inquiétante de ceux qui prétendent parler au nom de la science mais n'en respectent pas les procédures les plus élémentaires de validation. Cependant il n'est pas douteux qu'étant donné les intérêts en jeu dans cette affaire nous ayons à l'avenir à mener de nombreuses luttes pour que ne s'impose pas dans ce pays un mode de pensée, de soins et de vie aux antipodes des aspirations de la population et des professionnels concernés.

Laurent Le Vaguerèse

les textes qui développent les arguments de remise en cause du rapports sont lisibles sur le site zéro de conduite "WWW.pasde0deconduite.ras.eu.org"