Dates:
Samedi, décembre 1, 2018 - 00:00 - 23:45

Adresse

Campus des Cordeliers
15, rue de l'École de Médecine
75006 Paris
France
Adresse du site Web: email:

Du surgissement à l’élaboration du fantasme
Samedi 1er décembre 2018
Amphithéâtre Pasquier, Campus des Cordeliers
15, rue de l’École de Médecine 75006 Paris

S’il est une découverte freudienne qui a bouleversé l’histoire des idées, c’est celle du fantasme. Davantage que l’inconscient qui depuis l’invention du mot par Cudworth était devenu une évidence partagée. Avec le fantasme, Freud montre que chacun se voit, voit le monde et y envisage ses actions à partir d’une construction singulière tissée dans son enfance à partir de « choses vues et entendues » qui y étaient colorées par les souhaits de son entourage, ce qui rend son rapport aux autres, voire à ses intentions, délicat, loin de l’optimisme cartésien d’un bon sens partagé.
Freud saisit le statut catégoriel du fantasme, de nature tout aussi objective, dit-il, que la pensée conceptuelle, tout en se différenciant par son inadaptation aux exigences logiques du monde extérieur ; c’est la raison pour laquelle il lui donne le nom de réalité psychique. Si la réalité du fantasme est objective, et non subjective, c’est qu’il est implémenté (comme les concepts), à partir de l’idiolecte maternel infra-linguistique : regard, mimique, gestuelle, intonation, interjections, etc., dans les premiers mois de la vie de l’enfant ; et c’est pourquoi il se distingue, comme les concepts, de ses productions : énoncés, scenarii imaginaires, symptômes qui s’imposent à nous.
Freud saisit aussi la temporalité d’après-coup du fantasme, quand la pensée conceptuelle est intemporelle. Car, dans la vie quotidienne, le fantasme se manifeste lorsqu’un événement, Ereignis, l’interpelle et engendre ce qui est vécu, Erlebnis, se dépliant sous l’expression d’un énoncé, d’un scénario, d’un symptôme, d’un lapsus, d’un acte manqué.
Une chose est donc le scénario imaginaire qui s’impose au sujet sous l’aspect disons d’« un enfant est battu » et qui suscite son excitation, quand la même scène perçue dans la réalité suscite une aversion, autre chose le fantasme qui préside à la production de ce scénario et dont l’accès passe par la levée de l’amnésie infantile.
C’est tout l’enjeu d’une psychanalyse. L’élaboration du fantasme. Pour que celui qui s’y engage s’affranchisse de la contrainte des souhaits de son environnement d’enfance projetés depuis à l’envi sur les acteurs de son existence, comme de la contrainte des idéaux sociétaux. Pour saisir ce qu’il en est de ses ambitions propres et envisager un rapport aux autres défait de raisons inactuelles ou idéales.
Aborder les divers aspects de cette question, c’est le projet de cette journée, et déjà de montrer qu’il est urgent, pour paraphraser Stanley Cavell qui vient de nous quitter, de « dépsychologiser la psychanalyse », c’est-à-dire, en précisant le statut catégoriel du fantasme, de faire un retour minutieux à la pratique, au comment de l’acte du psychanalyste qui permet à l’analysant d’entendre ce qui a fait pour lui événement d’où, par la remémoration, la répétition et la perlaboration, puisse se déployer le fantasme sous-jacent pour en assurer la déconstruction, gage de la mise en abîme de ce qui faisait aliénation.