Décès de Michèle Larnaud

Michèle Larnaud

La chose est assez rare pour être relevée : un collègue -- homme ou femme -- avive votre sensibilité analytique et la marque d'une façon indélébile par la teneur et le style de ses interventions dans les échanges entre pairs.

Pour moi, Michèle Larnaud était longtemps de ceux-là. Dans les divers groupes de travail (des Cartels Constituants principalement, mais ailleurs aussi) où nous nous trouvions ensemble. Elle m'a beaucoup appris, autant par les différences marquées entre nos positions que par les inflexions qu'elle donnait à celles sur lesquelles j'étais surpris de découvrir que nos vues convergeaient.

Ceux qui ne l'ont pas connue dans ce contexte peuvent se faire une idée de ses qualités de praticienne en lisant son écrit « Les lacaniens ne sont pas commodes » (trouvable sur le site des C.C.A.F.), un des rares qu'elle ait publiés, mais qui donne la mesure de son acuité et de son talent cliniques, sa ténacité à se maintenir à sa place d'analyste, même dans les épreuves les plus rudes.

L'intelligence, la rapidité et la finesse de la plupart de ses dires exprimaient aussi une grande sensibilité, d'une énorme valeur mais qui lui a exigé sa livre de chair. Suite à une tragédie personnelle, survenue sur ce que je percevais comme une forme de timidité qui a fait qu'elle ne pouvait surmonter sa réticence à dire le négatif -- parfois nécessaire -- qu'en lui donnant parfois une expression excessive, polémique et, à la fin, trop souvent blessante, elle a éloigné nombre de collègues. Pendant les dernières années de sa vie, marquées par des problèmes de santé qui lui rendaient le mouvement pénible, la composante agressive de sa timidité semble s'être retournée contre elle.

Ceux qui l'ont appréciée et aimée pour son discernement, sa culture et la vivacité de son esprit se souviendront surtout de la femme que les mots, les siens comme ceux des autres, faisaient rire avec une jubilation irrépressible et contagieuse.

Absente de nos réunions, elle nous manquait déjà. Sa mort nous prive du dernier espoir d'entendre à nouveau sa voix si singulière.

Sean Wilder

Post scriptum : Ayant relu le texte de Michèle Larnaud cité plus haut, je me rends compte avec consternation qu'il ne contient pas le matériel clinique qu'elle avait exposé dans notre groupe de travail. Sans doute n'a-t-elle pas voulu commettre l'indiscrétion qu'aurait été sa publication. C'est dommage, bien que cette suppression soit toute à son honneur.
Localisation: Montpellier