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Joyce et Sophie
Joyce et Sophie
Joyce et Sophie
Commentaire du sinthome avec le travail de Sophie Calle en cette biennale de Venise 2007 où l'exposition " Prends soin de toi " est exposée au pavillon français. 1.
1 - Le ratage et sa réparation, séminaire sur Joyce." Ce que je voudrais marquer, c'est ce que j appelle, que je désigne, que je supporte du sinthome qui est ici marqué d un rond, d'un rond de ficelle, ce qui est censé par moi se produire à la place même où disons le tracé du noeud fait une erreur " explique Lacan en février de son séminaire intitulé le sinthome. Il y aurait ainsi " une sorte de lapsus du noeud lui-même " et c'est sur cette possibilité même que la topologie des noeuds intéressent un psychanalyste dans son abord de l'inconscient : la possibilité même du ratage, du type de ratage que l'inconscient assure dans nos vies psychiques.
Lacan le dit en ces termes : " ca se rate, tout aussi bien que l'Inconscient est là pour nous montrer que c'est à partir, c'est à partir de sa consistance à lui, à l'Inconscient, qu il y a des tas de ratés "
Puis passé le moment où il évoque la question entre l'équivalence et le non rapport, soit l'endroit où la réparation a lieu quand il y a ratage du noeud, il finit par s'exprimer ainsi :
" Si une femme est un sinthome pour tout homme, il est tout à fait clair qu il y a besoin de trouver un autre nom pour ce qu il en est de l'homme pour une femme, puisque justement le sinthome se caractérise de la non équivalence "
Puis à la fin de son séminaire, il traitera de la même manière quelque chose qu il nomme " ego " et non pas " moi " Donnons-lui toute son importance, du coté de la sublimation par exemple : il existe une réparation qui consiste à faire de son " moi ", un " ego ", peut-être d ailleurs comme le racontait Stendhal'et toute une série de " snobs " égotistes.
Mais revenons à Sophie. Dans cette exposition " prend soin de toi " est la dernière phrase d une lettre de rupture qui ne lui semble pas adressée " c était comme s'il ne m'était pas destiné ". Pour prendre soin d'elle Sophie Calle décide de laisser au commentaire de 107 femmes, ce mail de rupture. Et de l'avis de toutes ou presque cet homme est " égoïste ". Peut-être nous dira-t-elle quelque chose sur l'ego, si cette littérature (de l'aveu de l'homme en question, X) parvient à s écrire sur le noeud de Lacan.
Le NoeudOn part de RSI en noeud borroméen canonique
Une erreur est introduite à l'endroit désigné par la flèche. Du coup le rond du haut, dit imaginaire, peut s'en aller. C'est à cet endroit que Lacan répare avec un rond qu il appelle " ego ". L'erreur est entre le symbolique et le réel, et c'est l'imaginaire qui " fout le camp ". Cette réparation à l'endroit de l'erreur est donc à l'endroit où les deux autres consistances, symbolique et réel, ont provoqué une possibilité pour l'imaginaire, nouvelle. L'imaginaire qui " fout le camp " ? Qu'est ce que ca veut dire, que l'imaginaire s évanouit, disparaît, ou qu'il devient chaotique, hors mesure, hors repères. X a l'air d'en dire quelque chose et c'est à cet endroit que l'ego vient réparer.
3 - l'angoisse de X
Du coup, revenons au mail que reçoit de Sophie Calle, peut-être la dimension de cette angoisse mérite une attention. Elle rend, une fois donnée à l'écriture, comme un son artificiel, qui serait lui-même à interpréter. Cette tonalité artificielle vient de sa fonction qui n est pas en relation avec l'amour, mais avec l'ego certes, mais comme une parade à l'angoisse. Ce n'est pas le moi du narcissisme qui serait ici montré, mais le moi d une réparation. Ainsi s'explique les répétitions de X, trois fois :
" j'allais mal'tous ces derniers temps " : expression banale s'il en fut pour faire valoir une totalité adossé à l'accompli. La limite du dernier n'evoque-t-elle par la fin dernière, la mort symbolique. " Comme si je me retrouvais plus dans ma propre existence " (facile : l'existence au sens de Kierkegaard est la référence lacanienne pour parler du " réel'").
" une angoisse terrible " qu'il nomme ensuite d'un néologisme " in-tranquilité ". il ajoute " je ne peux même pas dire dans quel état je me trouve moi-même. "
Les règles qu'il évoque ensuite, la première " ne pas être la quatrième " et " le jour où nous cesserions d être amants, me voir ne serait plus envisageable " dont Sophie dans une des vidéos de son exposition (séance de médiation) dit qu elle ne les a jamais dites, juste évoquées et certes pas comme une règle, me semblent donc les réparations qu'il produit pour parer à cette angoisse. Sur le noeud ca donne ainsi
Le mot angoisse est répété deux fois, avant qu'il n'invente " l'intranquillité ", l'effort vers l'amour, et la disparition de la phrase : " Mais non. c'est même devenu encore pire. " l'angoisse renvoie au lieu central du noeud où se superposent trois trous, et où s'indifférencient les consistances que je lis dans cette invention du néologisme et cet aveu : " je ne peux même pas dire dans quel'état je me sens moi-même ", deux fois " même " pour cacher le " aime ", invention contre limite impossible, où le je et le moi ne se reconnaissent pas ! Deux expressions pourtant qui entourent ce lieu où rien d autre qu un " Mais non "
Cet " aime " impossible comme le remarquent nombre des 107 femmes, ne signe-t-il pas le ratage du noeud. X peut inventer un mot dans la dimension du symbolique pour dire sa peine, " in-tranquillité ", il peut exprimer qu'il ne peut pas dans la dimension de la limite réelle. Mais le lieu dans l'imaginaire d un lien, entre symbolique et réel, là où s inscrit dans la vulgate lacanienne la jouissance phallique 2, ratage& ratage dans le noeud, dans l'ensemble, certes pas dans le moment où l'amant officie !
4 - La réparationRemarquons alors que la deuxième description de l'angoisse intervient entre l'énoncé des deux règles qui sont données comme les justifications de la rupture.
En effet, en même temps que la description de l'état de X, est donnée la réparation. Elle est évoquée sous cette forme énigmatique : " une angoisse contre laquelle je ne peux pas grand chose, sinon aller de l'avant pour tenter de la prendre de vitesse, comme j ai toujours fait "
il s'agit bien de se prémunir contre l'angoisse d une certaine manière. Répétition évoquée et admise, n empêche qu est ce donc que " prendre de vitesse " une angoisse, sinon revenir à sa manière, et disons le, pour ce texte, revenir à son " ego ". l'amour avait donc bien déstabilisé l'organisation de cet homme, certes pris dans la manière d'un Dom Juan, mais dont il dit ici la dimension nécessaire. Et pourquoi ne pas le croire ?
Alors, avec ces deux règles dont la première est posée à l'entrée du lien, et la seconde à la sortie du lien, X ne parvient-il pas à produire comme un succédané de fantasme d obsessionnel (comme le remarque Françoise Gorog, psychanalyste, une des 107 femmes). Il a une liste de femmes, il passe de l'une à l'autre, dans une projection infinie qui le protège de l'angoisse. Mais pour X, ce n est pas un jeu ! Grâce au séminaire de Lacan, et sans exclusive d autres lectures, j'y lis les deux dessus-dessous de remise en place de l'" ego " qui apparaît alors, bien loin, d un égoïsme moral, comme une réparation pour un ratage du nouage de deux consistances réel et symbolique. Son " moi ", " s'est rebroussé " en quelque sorte, pour reprendre le terme de Freud quand il parle de la sublimation : le moi fonctionne dans une autre orientation que sa fonction première de " lieu de la conscience ", qui en soi protège de l'inconscient. l'organisation d un ego est cette conscience même de se protéger de l'angoisse. X redouble sa conscience (le moi) d'une conscience de la protection, ainsi se rebrousse le moi en ego, qui de son rôle de lieu de l'angoisse, devient " réparation ". Et pourquoi ne pas y lire une conséquence directe de la psychanalyse !
Avec le noeud, on peut donc rajouter que la réparation est en train de se faire dans cette lettre. La deuxième règle n est pas encore enfreinte, il aimerait seulement l'enfreindre ! A Sophie d'y lire peut-être autre chose qu'une rupture, comme le dit au téléphone Macha Béranger !
Où l'on voit aussi que la description la plus terrible de son état se situe sur le parcours de la réparation, entre l évocation des deux règles et de leur transgression.
Je peux résumer tout cela sur le noeud suivant :
Maintenant, ce texte en dit certainement davantage sur les hypothèses de la topologie lacanienne que sur X. Mais comme le plus intéressant de l'exposition est le souci qu ont eu toutes ces femmes de proposer une réponse explicite (comme Florence Aubenas qui explique en deux pages pourquoi elle met cette lettre à la poubelle), je n'ai pas résister à y aller de la mienne.
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