Chronologie

Chronologie : Situation de la Psychanalyse dans le Monde, du temps de la vie de Freud

Olivier Douville

Psychanalyste, Maître de conférences en psychologie clinique, Université Paris-10 Nanterre, Laboratoire « Médecine, sciences du vivant, psychanalyse » , Université Paris 7. Directeur de publication de Psychologie Clinique, douvilleolivier@noos.fr. Adhérent praticien d'Espace Analytique et membre de l'Association Française des Anthropologues

1874-1878

Freud suit le cours facultatif de philosophie - lectures de textes, Aristote -, donné par Brentano (1838-1917) aux étudiants en médecine de Vienne.

Freud, en compagnie de son ami d’enfance, Eduard Silberstein, assiste à Leipzig aux conférences de Gustav Theodor Fechner (1801-1887) créateur du « principe de constance » qui rend compte des processus d’émergence d’une forme stable à partir d’un état désordonné et dont la théorie d’auto-organisation du Moi aurait exercé une influence sur les théories freudiennes de la seconde topique.

Premières recherches anatomiques à l'institut de Physiologie d'Ernst Wilhem von Brücke, scientifique allemand considéré comme un des fondateurs de l’histologie (1819-1892).. Premières publications dans le bulletin de l'Académie des Sciences: à cette occasion Freud change définitivement en Sigmund son prénom de Sigismund.

Premières publications. ("Sur l'intersexualité des anguilles et sur le Petromyzon", 1877).

1879 

Freud interrompt ses études de médecine car il est appelé comme « élève médecin militaire » à l’hôpital de la garnison militaire impériale. Durant cette année de service militaire, il traduit quatre essais du 12° volume de John Stuart Mill (1806-1873).

1880-1882 

Lors de son éjour chez Brücke, Freud y est présenté en 1880 à Josef Breuer (1842-1925), qui lui racontera déjà l’histoire d’Anna O, traitée dans cette période. En la laissant parler de ses « hallucinations », le plus souvent d’elle-même, parfois à son invite plus ou moins insistante, le médecin obtenait un apaisement temporaire de l’état morbide. Un jour même, il s’aperçut que l’évocation de l’origine événementielle d’un symptôme s’était accompagnée de la disparition de celui-ci. Breuer faisait alterner des séances de parole libre sans hypnose (le soir) avec des séances d’ « hypnose artificielle » (le matin). Avec de telles séances de libre parole, véritable « ramonage de cheminée » (chimney sweeping), le procédé technique de la psychanalyse était en fait déjà forgé, bien qu’éludant encore de façon prudente la question d’une étiologie d’origine sexuelle, que la perspective trop physiologique et d’ailleurs plutôt puritaine de Breuer refusera toujours plus ou moins d’admettre entièrement. Freud, à qui Breuer rapporte ce cas, fin 1882, en est intellectuellement impressionné. Il le rapportera plus tard au Pr. Jean-Martin Charcot (1825-1893) au cours de son séjour à Paris de 1885 à 1886, lequel ne s’y intéressera pas.

1882

Freud, faute de ressources matérielles, ne continue pas sa carrière de chercheur, il entre à l’hôpital général de Vienne dans le service du professeur de médecine interne Hermann Nothnagel (1841-1905). Breuer l’entretient du cas Anna O .

France : Création à Paris de la Chaire de la clinique des maladies nerveuses, Charcot en est titulaire. La neurologie prend le rang d'une discipline à part entière.

1883

Freud devient l’assistant de Theodore Meynert (1833-1898), professeur de psychiatrie à qui la ville de Vienne doit la création en 1870 de la première clinique psychiatrique, et il opte pour une spécialisation en neurologie.

1885

Freud qui fut en 1881 docteur en médecine à l'Université de Vienne y est promu Privatdozent (sorte de chargé de cours) en neuropathologie (Neuropathologie). Le soutien de Brücke lui fut très précieux.

Peu après un remplacement dans la très prestigieuse institution pour malades mentaux d’Oberdöbling, dirigée par le célèbre psychiatre Maximilian Leidesdorf (1818-1889), Freud forme l’idée que le milieu de la médecine viennoise est trop limité à une perspective physiologique (anatomophysiologique) : « Le grand nom de Charcot brillait au loin ».

Hiver 1885-1886 

Freud obtient une bourse de l’Université de Vienne pour faire un voyage d’étude. Il choisit Paris, et a pu obtenir du célèbre hypnotiseur Benedikt un mot d'introduction auprès de Charcot. Il détruit tous ses manuscrits. A Paris, où il ;arrive le 13 octobre 1885, il loge dans une « jolie chambre » au rez-de-chaussée du petit hôtel « Royer-Collard », près du Panthéon, aujourd’hui « Hôtel des jardins du Luxembourg ». Il écrit " Pendant bien des années, je ne rêvais que de Paris, et le bonheur extrême que je ressentis en posant pour la première fois le pied sur ses pavés me sembla garantir la réalisation de mes autres désirs "

Au cours du séjour parisien à la Salpêtrière auprès de Charcot, qui es titulaire de la première chaire mondiale de neurologie, Freud s’est déjà décidé à dépasser la perspective stricte de la neuropathologie vers celle de la psychopathologie fondée sur la psychologie. Charcot guide Freud vers la psychopathologie clinique en lui confiant le cas d'une femme hospitalisée à la Salpêtrière depuis 1853, souffrant d'hémiplégie et d'autres symptômes

1886 

De retour à Vienne, Freud accepte de diriger le service des enfants atteints de maladies nerveuses à l’Institut Kassowitz, le premier hôpital pour enfants malades fondé à Vienne e 1882 par l’empereur Joseph II, à la suite d’un accroissement singulier de la mortalité infantile. Max Kassowitz (1842-1913) s’est rendu célèbre comme biologiste en critiquant certains aspects de la pensée de Darwin ; on retrouve certaines de ses idées sur la genèse et la désagrégation du protoplasma dans l’ « Au-delà du principe de plaisir » de Freud ;

En octobre, dans le cadre de la Société de Médecine Impériale, Freud, jeune chargé de cours âgé de 30 ans, donne une conférence, à l’Académie des Sciences, sur l’hystérie. Arthur Schnitzler (1862-1931), jeune médecin inconnu âge de 24 ans, rapporte dans la prestigieuse Wiener Medizinische Presse cette séance restée fameuse et orageuse car il a pu y être entendu que la paternité de notions déjà connues à Vienne était attribuée à Charcot. De plus, la catégorie clinique de l’ « hystérie virile » est alors très difficilement admise. Après des recherches, Freud revient présenter, en novembre, à l’Académie de Médecine un patient, orfèvre de 29 ans, M. P… dont, dit-il, la maladie renvoie à un moment où son frère débauché refusa violemment de lui rendre une somme due se jeta sur lui avec un couteau et qu’elle s’est déclenchée lorsqu’une femme l’a accusé de vol. Il lui a semble alors que la partie gauche de sa tête avait reçu un coup en même temps que chutait son acuité visuelle.

Freud installe sa première consultation privée en 1886, en usant d’abord de l’électrothérapie accompagnée d’adjuvants tels que bains et massages, système qu’il prolongera à l’occasion encore jusqu’en 1895.

1887

Arthur Schnitzler donne à l'Internationale Klinishe Rundschau (Revue Clinique Internationale) une recension pleine d’enthousiasme de la traduction des leçons de Charcot par Freud.

Freud est élu membre de la Société Médicale de Vienne.

Naissance de Mathilde Freud, prénommée d'après la femme de Breuer.

Rencontre avec Wilhelm Fliess, rhino-laryngologiste berlinois en stage à Vienne, qui poursuit de vastes recherches de physiologie et de biologie générale. Début de leur correspondance.

1888

Peu encouragé d’abord par la réticence de Charcot à user de l’hypnose comme procédé thérapeutique, Freud l’adopte entre décembre 1887 et juin 1889, sous forme de la procédure de la suggestion suppressive sous hypnose. Il appellera parfois cette technique procédé cathartique de Breuer, expression problématique qui s’identifie aussi avec la pratique de la libre parole, à partir du cas d’Emmy von N… en 1889, Breuer ayant recouru jadis à ces deux procédures différentes dans la cas d’Anna O.

Après en en avoir vu la démonstration à Paris par Charcot, et même quelques fois jadis à Vienne par les magnétiseurs Carl Hansen et Benedikt, il ne l’avait jusqu’alors utilisée que rarement dans sa propre pratique médicale, au cours d’un séjour dans la clinique privée d’Obersteiner (1885).

Freud publie la traduction du livre de Bernheim De la suggestion et des applications à la thérapeutique. Il emploie, pour la première fois, une méthode inspirée de Breuer à la thérapie de Emmy von N. (Fanny Moser).

1889

Freud voyage à nouveau en France, à Nancy où il se rend auprès de Hippolyte Bernheim (1840-1919) et de Liébault (1823-1904), puis à Paris où il assiste au premier Congrès d’hypnotisme.

1891 

Parution de Contribution à la conception des aphasies, ouvrage dédié à Breuer où est critiquée la théorie des localisations.

Freud et sa famille -il est père de trois enfants- s’installent dans le 9° arrondissement de Vienne, au n° 19 de la Bergasse, adresse destinée à devenir mondialement réputée. Freud reprend l’appartement du Dr. Victor Adler (1852-1918), chef du parti social-démocrate autrichien qui y avait installé son cabinet médical. Freud dans les premières années de son installation pratique la méthode cathartique. Pendant le demi-siècle passé à la Bergasse, Freud reçut près d’un millier de patients.

1892

Conférences tenues par Freud devant le Club médical de Vienne le 27 avril et le 4 mai.

Nouvelle traduction de Charcot: Leçons du Mardi, 1887-1888, accompagnée de notes personnelles.

Une patiente de Freud (Elisabeth von R.) « invente » la méthode des associations libres.

Au moment de sa mort, Theodor Meynert (1833-1892), médecin psychiatre et neuroantomiste allemand, alors et maître et chef de clinique de Freud fait à son ancien élève la confidence suivante : « Vous savez bien, Freud, que j’ai toujours été un des plus beaux cas d’hystérie masculine ».

Allemagne : Felix Gattel (1870-1904) prend contact avec Freud. Il reste dans l’histoire de la psychanalyse comme son premier élève. Il séjourne à Vienne pour étudier chez Freud de mai à octobre 1897 et publiera “Mise en question de l’hypothèse d’une étiologie sexuelle de la neurasthénie et de la névrose d’angoisse” (1898).

1893

La biographie de Freud apparaît dans un « Who's Who » viennois.

Espagne : la Revista de Ciencias Medicas de Barcelone et la Gazeta médica de Grenade publient “Le mécanisme psychique des phénomènes hystériques” de Breuer et Freud. C’est la toute première traduction publiée au monde d’une œuvre de Freud.

France : Pierre Janet (1859-1947) soutient sa thèse sous la direction de Charcot : Contribution à l'étude des accidents mentaux des hystériques, il cite d’abondance l’article paru début 1893 et qui deviendra la “Communication préliminaire” des Etudes sur l'hystérie (1895).

Un extrait de l’article paru le 2 janvier, « Le crime et la folie », signé Maurice de Fleury, médecin, chroniqueur médical du Figaro, opposant irréductible au tabac et ami de Zola, donne une idée du climat hygiéniste qui régnait alors en France y compris au sein des esprits « progressistes »: « Et puisque nos lois actuelles ne permettent pas de jeter à la Seine, comme autrefois dans l’Eurotas, les enfants à l’âme difforme, essayons de l’ “ orthopédie mentale ”, selon le mot de M. Strauss : multiplions les refuges et les asiles pour les gamins vicieux et sournois, et si l’éducation n’a pas prise sur eux, au lieu de les lâcher à leur majorité, créez à leur intention des abris sûrs, ou bien envoyez-les exercer leurs “ impulsions ” sur des pirates tonkinois ou sur les nègres qui vont tâcher de nous coûter cher en Afrique » ;

Grande Bretagne : Frederic. W. H. Myers (1843-1901) a introduit le premier les idées de Freud et Breuer sur l'hystérie en Grande-Bretagne dans un article intitulé “The mechanism of hysteria”, publié dans les Proceedings of the Society for Psychical Research, 1893, 9 : 12-15.

1894

Allemagne : Le neurologue allemand Hermann Oppenheim (1858-1919), spécialiste des névroses traumatiques et partisan de la thèse psychogénique, cite Freud.

États-Unis : William James (1842-1910), psychologue et philosophe américain, frère aîné du romancier Henry James, résume la version préliminaire du travail de Freud et de Breuer sur l’hystérie pour le premier numéro de la Psychological Review. Il avait publié quatre ans plus tôt ses fameux Principes de psychologie.

France : Gilbert Ballet (1853-1916), formé par Jean-Martin Charcot, dont il était chef de clinique à l'Hôpital de la Salpêtrière et futur créateur de la PHC, a également cité les travaux de Freud et Breuer dans sa communication au Congrès des médecins aliénistes et neurologistes de 1894 dans son rapport intitulé “L'hystérie et la folie”.

1895

Publication, en collaboration avec Breuer des Etudes sur l’Hystérie. Breuer qui possède un des cabinets de médecine les plus prestigieux de le ville de Vienne a pour patients la plupart des grands médecins viennois dont Sigmund Exner (1846-1926), Ernst von Fleisch-Marxow (1846 1891) et Ernst Wilhem Brücke. Homme de grande culture et voyageur émérite il compte aussi le musicien Johannes Brahms au nombre de ses patients et noue des relations amicales avec Arthur Schnitzler et Hugo Wolf. Philanthrope, il distribue gratuitement des soins aux pauvres.

Les Etudes … sont saluées dans la Morgenpresse (Journal du Matin) le 2 décembre 1895 par un Dhytirambe du futur directeur du Théâtre de la ville, Alfred von Berger (1853-1912) , qui souligne, dans un article « Seelenchirurgie » (« Chirurgie de l'âme »). à quel point le temps est selon lui venu pour la science de se pencher sur un domaine « où les poètes étaient ceux qui avaient le plus et le mieux exprimé les secrets de l'âme humaine ». Les liens entre l'exploration scientifique des processus qui échappent au conscient et la dramaturgie théâtrale continueront à être un objet de recherche pour Alfred von Berger qui publiera dans la revue Die Wage, en août 1900, son texte « Sur la représentation dramatique de phénomènes psychique.

États-Unis : Robert Edes, dans son ouvrage The New England Invalid, fait quelques allusions au travail de Freud (Boston Medical and Surgical Journal CXXXIII). C’est par ce biais et par les textes de W. James, que Granville Stanley Hall, philosophe et psychologue américain, (1844-1924) prend connaissance de l’existence des premiers écrits de Freud.

James Jackson Putnam, professeur de neurologie à Havard (1846-1918) fait mention des cures des hystériques menées par « Janet et Breuer et Freund » (sic).

1895-1896

France : premières recensions des articles neurologiques de Freud : “Les neuropsychoses de rejet”, par Paul Kéraval parues dans les Archives de neurologie  ; “Obsessions et phobies, leur mécanisme physique (sic) et leur étiologie”, “L’hérédité et l’étiologie des névroses” rédigée dans cette même revue par un des plus besogneux des élèves de Charcot, Edouard Brissaud, inventeur du terme de « sinistrose » (1852-1909). Dans la Revue de neurologie, Raichline fait un compte-rendu important sur la conception freudienne de la neurasthénie et de la névrose d’angoisse. À Nancy, René Hartmann soutient sa thèse Contribution à l'étude des affections spasmo-paralytiques infantile où il cite l’article de Freud (paru en 1893) relatant le cas de deux enfants, fils de consanguins, atteints de rigidité paraplégique. En 1896, dix ans après avoir quitté Paris, Freud publie un article rédigé en français dans la déjà réputée Revue Neurologique. Il s’agit de “L’hérédité et l’étiologie des névroses”, texte dans lequel apparaît pour la première fois le terme de psycho-analyse. Cette même année ce texte sera publié en allemand dans le n° 10 du Neurologisches Zentralblat (Journal Central de Nerologie).

Allemagne : Le psychiatre suisse Eugen Bleuler (1857-1939) rend compte de façon élogieuse des Études sur l'hystérie dans la Münchener Medizinische Wochenschrift (Hebdomadaire Médical de Munich). En 1884 Bleuler avait séjourné en Angleterre et en France où il suivit les cours de Jean Martin Charcot. Après avoir travaillé comme assistant à Munich dans le laboratoire de Johann Bernhard Aloys von Gudden (1824-1886). Auguste Forel, entomologiste, neuroanatomiste et psychiatre suisse, un des pionniers de la sexologie (1848-1931) le choisit pour être son assistant à la clinique psychiatrique du Burghölzli en 1885. Bleuler a publié en 1889 un livre sur l’hypnose où il rend compte des expériences où il fut hypnotisé par von Speyr et Forel

Freud, pour la première fois, use du mot « psychoanalyse »

psycho-analyse ou psychoanalyse ?

» dans un texte rédigé en français “L’hérédité et l’étiologie des névroses”, publié dans la Revue neurologique, IV, 6. « Les idées ici exposées, ayant pour point de départ le résultat de la psychoanalyse, qu’on trouve toujours comme cause spécifique de l’hystérie un souvenir d’expérience sexuelle précoce, ne s’accordent pas avec la théorie psychologique de la névrose de M. Janet, ni avec une autre, mais elles s’harmonisent parfaitement avec les propres convictions… »

Ce terme réapparaît deux mois plus tard, cette fois en allemand (Psychoanalysis) dans les “Nouvelles remarques sur les psychonévroses de défense”, puis à nouveau en 1898, dans “La sexualité dans l’étiologie des névroses”, où il est question de la procédure « psychanalytique », en même temps que de « psychologie des névroses ».

Le 6 décembre dans une lettre à Wilhem Fliess, (1858-1928) médecin que Freud a rencontré par l’intermédiaire de Breuer, Freud décrit un appareil psychique avec ses trois plans, inconscient, préconscient, conscient.

Rupture avec Breuer.

Mort du père de Freud (23 octobre) et début de la passion de ce dernier pour les antiquités.

Etats-Unis : James évoque le travail et les hypothèses de Freud dans ses conférences à Lowell sur « Les états mentaux exceptionnels ».

1897

Début de l'auto-analyse qui conduit Freud à ne plus mettre au premier plan la théorie traumatique des névroses (developée avec Breuer), une telle décision mènera à la reconnaissance de la sexualité infantile et du complexe d'Œdipe. Freud décide d'écrire un livre sur les rêves. « J'ai jeté un coup d'œil sur la littérature et je me dis, comme l'espiègle démon celte: "Que je suis content! Nul regard n'a percé le voile du déguisement de Puck". Personne ne soupçonne le moins du monde que le rêve, loin d'être quelque chose d'insensé, est bien une réalisation de désir. » (Lettre à Fliess, 16 mai) Dans cette même correspondance, Freud propose la première interprétation de la pièce de Sophocle, Œdipe roi (lettre du 15 octobre).

La pétition initiée par le médecin et sexologue allemand Magnus Hirschfeld (1868-1935) demandant l’abrogation du paragraphe 175 du code pénal allemand réprimant l’ « inversion » (l’homosexualité masculine) recueille plus de 6000 signatures dont celles de Freud, de Kraft-Ebing, de Andréas-Salomé, de Tolstoï, de Zola, de Rilke, de Mann et d’Einstein.

Allemagne : lors du 3° Congrès international de psychologie à Munich, Theodor Lipps (1851-1914) professeur de philosophie allemand, un des théoriciens majeurs de l’empathie et auquel Freud rendra hommage à de nombreuses reprises, déclare que le problème de l’inconscient est le problème de la psychologie. Sa conférence s’intitule « Le concept d’inconscient en psychologie ». Dans sa Traumdeutung, parue en 1900, Freud écrira : « La question de l’inconscient est, selon la forte parole de Lipps, moins une question psychologique que la question de la psychologie. ».

France : Paul Hartenberg et Paul Valentin fondent la Revue de psychologie clinique et thérapeutique qu’ils dirigeront jusqu’en 1901.

1898

France : Paul Hartenberg, défenseur de la thérapie par suggestion, dans la ligne de Bernheim, et adversaire de la psychologie expérimentale, fait paraître dans sa Revue de Psychologie Clinique et Thérapeutique une revue critique sur la sexualité dans l’étiologie des névroses.

Suisse : Succédant à Forel, Bleuler qui était son assistant dirige la clinique psychiatrique du Burghölzli qu’il tiendra jusqu’en 1927

1899

Publication de la Traumdeutung datée par l’éditeur de 1900.

Brésil : à L’Ecole de médecine de Salvador de Bahia, Juliano Moreira (1873-1933), disciple de E. Kraepelin et membre des sociétés de Medecine, de Rio et de Paris, commente pour la première fois au Brésil les idées de Freud. Brésilien de naissance, de race noire, né deux avant l'abolition de l'esclavage, issu d'un milieu où dominait une culture européenne germanophone, Il occupe la chaire de neuropsychiatrie à la faculté de médecine de Bahia et est à l'origine de de nombreuses réformes humanistes dans le traitement de la maladie mentale. Il défend l'idée selon laquelle l'origine des troubles mentaux était due à des facteurs physiques et situationnels, comme le manque d'hygiène et le non accès à l'éducation , contrairement aux thèses répandues dans le milieu académique de cette époque qui met en corrélation les problèmes psychologiques au Brésil avec le métissage. Dès 1900 il représente le Brésil à divers congrès internationaux : à Paris, cette année là– tout en étant également élu Président Honoraire du 4ème Congrès International de l'aide aux personnes souffrant d'aliénation mentale à Berlin; il représenta également le Brésil aux Congrès de Lisbonne en 1906; Milan et Amsterdam en 1907; Londres et Bruxelles en 1913.

États-Unis : Stanley Hall et le corps enseignant de la Clark University organisent une semaine de conférences internationales publiques pour les dix ans de l’Université. Santiago Ramon Y Casal, (1852-1934) professeur d’histologie à Madrid connu pour ses travaux sur la structure du système nervuex et futur prix Nobel qu’il obtiendra en 1906 et August Forel (directeur de l’Hôpital du Burghölzli) y participent. A Clark, Forel dans ses conférences sur l « Hypnotisme et l’activité cérébrale » commente les Etudes sur l'hystérie de Freud et Breuer. Cette même année, Erwin Runkle publie une longue recension de ce livre dans l'American Journal of Psychology (fondé par Hall) numéro de juillet, pages 592-594.

1900

France : René Morichau-Beauchant (1873-1951), qui jouera un grand rôle dans la diffusion de la psychanalyse en France, prend connaissance de la Traumdeutung.

A Lyon A. Manaud soutient, sous la direction de César Tournier sa thèse « La névrose d'angoisse, trouble nerveux d'origine sexuelle  qui s’appuie sur les travaux de Freud.

1901

États-Unis : Stanley Hall cite les travaux de Freud devant ses étudiants.

France : Paul Hartenberg publie Les timides et la timidité chez Alcan (réédité en 1904 et 1910) et La névrose d'angoisse, ce dernier ouvrage est riche de citations de Freud.

Suisse : Bleuler, extrêmement impressionné par L'Interprétation des rêves, invite Carl G. Jung (1875-1961) au Burghölzi à donner une conférence sur cet ouvrage. Bleuler, et non Jung, introduit la psychanalyse au Burghölzi où il recrute une équipe de collaborateurs ouverts à la psychiatrie dynamique.

1902

Freud est nommé Professeur extraordinaire (premier grade universitaire, c’est-à-dire professeur sans chaire). Le décret est signé de l’empereur François-Joseph, le 5 mars. Il deviendra Professeur en titre en 1920, à un âge où il ne donnait plus aucun cours. Après sa nomination Freud écrit à Wilhem Fliess : « Les félicitations et les fleurs pleuvent de toutes parts, comme si le rôle de la sexualité avait soudain été reconnu officiellement par Sa Majesté, l’importance du rêve confirmé par le Conseil des ministres et la nécessité d’une thérapie psychanalytique pour l’hystérie adoptée au Parlement avec une majorité des 2/3 ».

Octobre : création à Vienne de la Psychologische Mittwoch Gesellschaft (Société psychologique du mercredi) à l’initiative de Stekel. Première société psychanalytique au monde, elle réunit notamment : Rudolf Rietler (1865-1917) qui fut selon E. Jones le premier à pratiquer la psychanalyse après S. Freud ; Max Kahane, Ludwig Jekels (1861-1954) ; Wilhelm Stekel (1868-1940) ; Hugo Heller (1870-1923), éditeur ; Alfred Adler (1870-1937) ; Paul Federn (1871-1950) ; Eduard Hitschmann (1871-1957) ; Max Graf (1875-1958), musicologue ; Hanns Sachs (1881-1947) ; Otto Rank (1884-1939), ouvrier métallurgiste, initié à la psychanalyse par le médecin de sa famille ; A. Adler (1870-1937). Wihlem Stekel qui, selon Ernest Jones (1879-1958) fut à l’initiative de ces réunions, en relatait les discussions chaque semaine dans l’édition du dimanche du Neues Wiener Tagblatt (Nouveau Quotidien Viennois).

France : dans une conférence donnée à l’Institut Général de Psychologie, Henri Bergson (1859-1941) fait référence à la Traumdeutung et cite, au côté de Robert et Delage, le nom de Freud. On mentionne brièvement Freud lors du Congrès des médecins aliénistes et neurologistes de Grenoble. Paul Hartenberg, publie La névrose d'angoisse, (recueil d’articles publiés l’année précédente dans la Revue de Médecine), ouvrage dans lequel il expose la conception freudienne tout en critiquant son étiologie purement sexuelle.

Japon : l’écrivain Ogaï Mori, médecin de formation, et dont un des plus fameux roman a pour titre Vita Sexualis, fait mention de la théorie freudienne de la sexualité dans un article de médecine. Cet écrivain est parti pour en 1884 l'Allemagne en tant que boursier du ministère des Armées. A Berlin il a poursuivit ses recherches sur la prophylaxie, en même temps qu’il découvre la société occidentale et s’initie à ses œuvres : Sophocle, Halévy, Dante, Hartmann, mais aussi la peinture et le théâtre. De retour au Japon en 1888, il mène une carrière médicale et consacre une part importante de sa vie à la littérature. Il fonde des revues, écrit des pièces de théâtre et traduit Strindberg, Schnitzler, mais surtout Henrik Ibsen

Suisse : dans le livre que Jung publie en 1902 sur les phénomènes occultes, se trouve déjà une première référence à L'interprétation des rêves.

1903

Japon : Sasaki écrit une série d’article dans une revue de philosophie à propos du psychologue zurichois G.W. Störring où est évoqué le cas d’Elizsabeth von R. dans les Etudes sur l'hystérie.

Suisse : Le psychologue Théodore Flournoy (1854-1920) rédige une note pour les Archives de psychologie, sur L'interprétation des rêves, première recension en français de ce livre.

1904

Allemagne : Parution de la somme dirigée par le psychiatre Léopold Loewenfeld (1847–1924): Die psychische Zwangserscheinungen. Auf klinischer Grundlage dargestellt, Bergmann, Wiesbaden. L’ouvrage de référence en allemand sur la névrose obsessionnelle avant Freud rédigé à partir de l’observation partir de 200 patients "anancastiques". Le contexte familial y est finement détaillé. Freud dans une contribution anonyme y expose pour la première fois la méthode des associations libres: "Die Freudische psychoanalytische Methode » âges 545-553.

Fin du voyage de Ernst Kraepelin (1856-1926) à Java: l'amok et le latah sont rattachés à l'épilepsie psychique et à l'hystérie.

Argentine : José Ingenieros (1877-1925), psychiatre et criminologue, publie un article où est mentionné le nom de Freud. Ingenieros est directeur de la revue Psiquiatría y Criminología, il voyage en Europe où il donne des conférences. Il sera président de la Société médicale argentine en 1909.

États-Unis : Stanley Hall coordonne un ouvrage en deux volumes (1373 pages), Adolescence. Ce recueil de textes américains et européens, mêle sexologie, neurologie, psychologie de l’enfant et psychiatrie. S’y invente la notion moderne d’adolescence. Hall se réfère à de nombreuses reprises à l’étude des traumas selon Freud. Tout comme Janet il situe l’évolution critique de la personnalité dans la puberté. Première invitation de Janet à faire des conférences à l’institut Lowell de Boston.

Russie : une des premières traductions d’un texte de S. Freud, Über den Traum (1901) paraît dans le numéro cinq du supplément du Courrier de Psychologie, d'Anthropologie légale et d'Hypnotisme aux éditions Brokhaus/Efron Encyclopédie.

Le prix Nobel Ivan Pavlov (18949-1936) publie son article décisif sur la sécrétion psychique des glandes salivaires et commence à correspondre avec Pierre Janet à propos des névroses expérimentales.

Suisse : Freud apprend par Eugen Bleuler, qui débute une correspondance avec lui, que la psychanalyse est appliquée à la clinique du Burghölzli par C. G. Jung. Karl Abraham (1877-1925) arrive au Burghölzi en décembre.

1905

Publication du Mot d’esprit et sa relation à l’inconscient.

Printemps, Otto Rank (1884 - 1939) âgé de 21 ans remet à Freud le manuscrit d'un petit livre qui s'intitule L'artiste. Tentative audacieuse d'application de la démarche psychanalytique à des faits d'ordre culturel.

Inde : The Psychological Bulletin évoque l’existence de la psychanalyse.

Norvège : R. Vogt (Christiania) rend justice à la psychanalyse dans son ouvrage de psychiatrie Psykiatriens Grundtraek, tenu par Freud comme le premier ouvrage de psychiatrie à parler de psychanalyse.

Pays-Bas : August Starke (1880-1954) qui a découvert la psychanalyse à la lecture des textes de Freud sur le rêve, pratique la psychanalyse en privé.

1906

Federn (1871-1950) qui commence à pratiquer la psychanalyse entreprendra en 1906 une psychothérapie psychanalytique d’une patiente catatonique.

Année de la rupture définitive avec Fliess qui rédige le pamphlet Pour ma propre cause dans lequel il accuse Freud de vol d'idées. Freud tente de créer chez la jeune maison d'édition Deuticke une collection qui reprend ses articles après leur parution régionale en les regroupant et les rendant disponibles sur le marché du livre. Il confie aussi les quatre tomes de ses traductions des ouvrages de Bernheim et de Charcot. Mais il pousse aussi H. Heller à publier une nouvelle collection, les Schriften zur angewandten Seelenkunde (Écrits de psychologie appliquée). Il s'agissait de présenter au public « l'application des découvertes psychologiques à des thèmes de l'art et de la littérature, ainsi que de l'histoire de la civilisation et de la religion ». Freud se présente comme directeur de cette publication et inaugure la série par Gradiva (1907). La collection sera reprise par Deuticke. On y trouve publiés des travaux de Freud (n° 1 et 7), Rilkin, Jung, Abraham (n° 4 et 11), Sadger, Pfister, M. Graf, Jones (n° 10 et 14), Sorfer, Sadger (n° 16 et 18), Keilholz (n° 17) et von Hug-Hellmuth. Aux soirée du mercredi, Rank présente d'importants extraits d'un ouvrage volumineux à paraître sur le thème de l'inceste dans la littérature.

Freud prend connaissance des « mémoires » du Président Schreber.

Début de la correspondance avec Jung.

Juin, Freud, à l’invitation du professeur de droit Löffler, participe à un séminaire où les étudiants se familiarisent avec une nouvelle méthode d’enquête, en la soumettant à l’épreuve des procès simulés. Löffler et ses étudiants espèrent que les témoignages dans les procès puissent être recueillis selon une méthode « scientifique » qui emprunterait son modèle à la psychanalyse et à la psychothérapie.

États-Unis : Pierre Janet donne un cycle de conférences pour la seconde fois dans ce pays. Il prononce les conférences inaugurales des locaux de l’école de médecine de Havard en octobre et en novembre

Des groupes d’étude centrés sur la psychothérapie se forment à Boston et à Cambridge. La même année Morton Prince (1854-1929) qui s’était initié aux thérapeutiques hypnotiques à Nancy, aux côtés de Freud, crée le Journal of Abnormal Psychology (Revue de Psychopathologie) publié à la fois aux États-Unis (Boston) et en Grande-Bretagne, où sont exposées et discutées les thèses freudiennes, surtout celles portant sur le rêve. et publie “La dissociation d’une personnalité” qui est la première étude exhaustive d’une « personnalité multiple » à faire usage d’un vocabulaire d’allure psychanalytique : Miss Beauchamp. (Après le cas Felida X. de E. Azam, France, 1887, mais qui, pour cause, n’use pas de ce vocabulaire). Dans le commentaire de son cas, M. Prince « fait le tri » au sein des théories freudiennes, il n’accepte pas la théorie de la sexualité et énonce que la méthode freudienne ne peut être acceptée qu’après vérification par l’hypnose. La notion de « subconscient était centrale dans la perspective de Prince qui ne voit dans le conscient et dans l’inconscient que des formes de ce subconscient.

Grande-Bretagne : dans cette même revue, James Jackson Putnam (1846-1918), neuropsychiatre de nationalité américaine, professeur de neurologie à l'école de médecine de l'université Harvard et fondateur de l' »American Neurological Association », publie le premier article en langue anglaise exclusivement consacré à la psychanalyse.

1907

Publication du Délire et les rêves dans la Gradiva de W. Jensen.Janvier : rencontre de Freud et de Max Eitingon (1881-1943). Ce dernier, né en Russie et ayant fait ses études de médecine à Zurich en tant que « sous-assistant » à la clinique du Burghölzli, est le premier étranger qui prend place aux réunions du mercredi les deux semaines qu’il séjourne à Vienne. Lors de longues promenades au jour tombant, dans la ville, Freud entreprend la psychanalyse d’Eitington. Première analyse « didactique » dont l’objectif est de mener l’analysant à devenir psychanalyste.

Février, le 22 : Freud annonce à son petit groupe que le docteur Johannes Bresler (1866-1936), rédacteur en chef de la Psychiatrisches Neurologisches Wochenschrift   (Revue Hebdomadaire de Psychiatrie et de Neurologie) lui demande de devenir co-rédacteur d'une nouvelle revue qu'il allait créer sous le nom de Zeitschrift für Religionspsychologie (Journal de Psychologie des Religions). Freud accepte et collabore au premier numéro en publiant le premier de tous les articles qu'il devait consacrer à la religion (“Zwangshandlungen und Religionsübungen” [“Actions compulsionnelles et exercices religieux”], G.W., VII p. 129).

Mars : Freud rencontre Jung, le 3. Jung et Ludwig Binswanger (1881-1966) assistent à la réunion hebdomadaire du groupe viennois. Le père de Binswanger était aussi clinicien et un de ses oncles avait traité Nietzsche. Binswanger prend la fonction d'assistant de Bleuler, poste laissé disponible par le départ de Karl Abraham pour Berlin. C'est au Burghölzli, auprès de Bleuler et Jung qu'il apprend les premiers rudiments de la pensée freudienne.

Otto Gross (1877-1920) qui travaille à Graz sous la direction de Gabriel Anton. publie un article favorable aux travaux de Freud, suivi en 1907 par un « livre original où il reconnaît l'exactitude des théories freudiennes de la libido, du refoulement, du symbolisme, etc. ». Otto Gross est le fils de Hans Gustav Adolf Gross (1847-1915), médecin autrichien, qui fut l'un des fondateurs de la criminologie. Toxicomane, il exerce comme médecin et s'oriente ensuite vers la psychiatrie et il exerce dans les cliniques de neuropsychiatrie de Munich et de Graz. Il orienta son travail vers des recherches psychosexuelles. Otto Gross fréquenta la colonie Monte Verita, grand lieu du « lebensreform » (mouvement de réforme de la vie).

En 1907, lorsque le libraire et éditeur viennois Hugo Heller invita diverses personnalités à lui indiquer leurs dix livres préférés, Sigmund Freud mentionna Gomperz, Griechische Denker, dans sa liste qui retenait aussi Multatuli, Kipling, Anatole France, Zola, Merejkowsky, Gottfried Keller, Conrad Ferdinand Meyer, Macaulay et Mark Twain

Allemagne : autour de Binswanger, des psychiatres se familiarisent avec la méthode cathartique. Le psychiatre et neurologue Smith Elly Jelliffe (1866-1945), qui sera pour beaucoup dans le succès de la psychanalyse aux USA, suit les cours de psychiatrie d’E. Kraepelin. Il y fait la rencontre de Dubois et de Jung qui éveillent sa curiosité à la psychanalyse. L’année suivante il sera à Paris où il suivra les enseignements de Janet, de Dejérine et de Babinsky.

Etats-Unis : dans le Journal of abnormal psychology, que Morton Prince vient de fonder, paraît un symposium sur le « subconscient » regroupant des contributions de Münsterberg (1863-1916), Janet, Ribot (1839-1916) et Jastrow (1863-1944)

De retour d’Allemagne, Jellife en compagnie de son collaborateur de toujours, le neurologue et psychiatre William Alanson White (titulaire de la chaire des maladies ment ales et nerveuses de l’Université de Georegetown, 1870-1937), crée et édite les Nervous and Mental Disease Monograph Series, qui abritent certaines traductions de Freud, Jung, Adler ou d’autres psychanalyste européens, de même des monographies en psychiatrie et en neurologie.

Pays-Bas : septembre, 1° congrès international de psychiatrie, de neurologie et d’assistance aux aliénés. Janet et Jung y participent. Albert Willem Van Renterghem (1846-1939), consacre son exposé à la psychothérapie, il fait mention des idées de Freud. Il avait ouvert en 1887 avec Frederik Willem van Eeden (1860-1932) écrivain, psychiatre et réformateur social néerlandais un institut de psychothérapie à Amsterdam, où étaient pratiquées les méthodes d'hypnose de Liébeault dont van Eeden avait suivi les cours à Nancy

Suisse : C. G. Jung crée à Zurich la Société Freud  que préside Bleuler. S’y retrouvent Binswanger, Franz Riklin, Édouard Claparède (psychologue et pédagogue, 1873-1940), Alphonse Maeder (1882-1971)… Les membres se réunissent à l’hôpital du Burghölzli ; elle sera dissoute en 1913. Selon K. Abraham, l’Association freudienne de Zurich a tenu sa première réunion vers le milieu de l’année et prend pour nom Gesellschaft für Freudsche Forschung (Association pour la recherche freudienne). Les médecins du Burghölzi entreprirent d'analyser réciproquement leurs rêves. Alphonse Maeder, en 1907, informe le lectorat des Archives de psychologie de la Suisse romande de ce que Freud dit être l'interprétation des rêves, et la  logique des actes manqués. Les psychologues seront la courroie de transmission de la psychanalyse en Suisse. Ils argumentent de sa solidité expérimentale. La pratique des mots inducteurs (ou test d’association verbale) mise au point par Jung et Riklin : un mot est prononcé, auquel le malade doit associer les termes qui lui viennent à l'esprit, l'opérateur chronomètre et, si le temps est trop long, on diagnostique "un complexe" à interpréter et à traiter est considérée comme la transposition expérimentale et donc « sérieuse » de la règle fondamentale et de son invite à l’association libre. Freud objecte, en vain

1908

2 février : Sandor Ferenczi (1873-1933), médecin hongrois, rend visite à Freud, qui éprouve aussitôt pour lui une vive sympathie et l'invitera à passer pendant l'été deux semaines à Berchtesgaden où il est en vacances avec sa famille.

25 avril : Le suisse Oskar Pfister (1873-1956), psychanalyste et pasteur protestant, rend visite à Freud.

26 avril : Congrès international restreint de psychanalyse à Salzbourg, le premier d’une longue série, sous le nom de Rencontre des psychologues freudiens. 42 membres de six pays participent à cette réunion : Autriche, Allemagne, Hongrie, Suisse, Angleterre et États-Unis. Il y eut neuf communications dont 4 autrichiennes, 2 suisses, 1 anglaise, 1 allemande et 1 hongroise. Freud présente ses “Remarques sur un cas de névrose obsessionnelle” et parle pendant plusieurs heures. Jung fait une communication sur la démence précoce (ce mot se trouve pour la première fois sous al plume de Havelock Ellis en 1898). Seule communication de tour anthropologique, celle de F. Riklin, qui parle de “Quelques problèmes posés par l’interprétation du mythe”. L’un des résultats fut la fondation en 1909 de la première revue de psychanalyse, le Jahrbuch für psychoanalytische und psychopathologische Forschungen (Annales de recherches psychanalytiques et psychopathologiques), avec Bleuler et Freud comme directeurs et Jung comme rédacteur en chef. Freud inaugure cette revue avec la publication du cas « Hans ». Les autres contributions émanent toutes de l’école de Zurich : A. Maeder, “Sexualité et épilepsie” ; Jung, “La signification du père pour le destin de l’individu”, Binswanger, “Essai d’une analyse d’hystérie”. En 1913, Freud luttera pour reprendre à Jung le contrôle de la revue.

6 mai : Karl Abraham, Abraham A. Brill (1874-1948) et Ernest Jones viennent rendre visite à Freud. Brill a fait sa formation en psychiatrie au Burghölzli. Avant de repartir pour New York, obtient l’autorisation de traduire en anglais les œuvres du maître ; ses talents de traducteur sont limités par sa piètre maîtrise de l’allemand et de l’anglais, ce qui inquiète Jones.

Septembre : la Société psychologique du mercredi regroupe 32 membres et devient la Wiener Psychoanalytische Vereinigung (WPV, Union viennoise de psychanalyse).

Freud séjourne quatre jours au Burghölzli à Zurich et y aborde les problèmes de la psychose.

Allemagne. Août : Karl Abraham fonde la société psychanalytique de Berlin. La première réunion a lieu le 27 en présence de Magnus Hirschfeld (sexologue), Iwan Bloch (1872-1922, sexologue exerçant à Berlin, considéré comme le premier sexologue en date, Il retrouvera le manuscrit « Les Cent Vingt Journées de Sodome » du Marquis de Sade, qui était considéré comme perdu, qu’il a publié en 1904 sous le pseudonyme de Eugène Dühren.), Heinrich Köerber (1861-1927, convaincu de la justesse des thèses darwiniennes de Häckel), Otto Juliusburger (1867-1952, psychiatre intéressé aux idées de Freud et grand-père d’Albert Einstein, avant l’arrivée d’Abraham, il avait fait un an plus tôt une communication tenue pour favorable aux idées psychanalytiques : “Beitrag zu der Lehre von der Psychoanalyse”, Sitzungsbericht des Psychiatrischen Vereins [Berlin] - Contribution à l’étude de la psychanalyse, compte rendu de séance de l’Union Psychiatrique, 14 décembre 1907).

Canada : La clinique de neurologie de Toronto applique la psychanalyse sous la responsabilité celui qui l’a fondée en 1905, Donald Campbell Meyers (1863-1927), formé en Europe, notamment chez Charcot à Paris et chez Ferrier à Londres. L’innovation de Meyers fut sévèrement combattue par le psychiatre E. Ryan. Au point que le gouvernement convoque une réunion sur la psychiatrie européenne. Le psychiatre Charles Kirk Clarke (1857-1924) visite à cette occasion la clinique de Kraepelin. Il permettra à Jones de s’établir au Toronto Lunatic Asylum comme neuropathologue, il y restera jusqu’en 1913.

États-Unis : le forum de l’Association neurologique de New-York sur les méthodes psychothérapeutiques entreprend une communication favorable à « la méthode cathartique de Freud ». Jones qui avait quitté Londres pour enseigner à l’Université de Toronto, est invité par Morton Prince à Boston pour parler de psychanalyse devant des médecins et des psychologues concernés par la psychothérapie, il parle devant Hugo Münsterberg (1863-1916, Élève de Wilhelm Wundt à Leipzig, invité par James à venir à Harvard pour diriger le laboratoire de psychologie), Taylor, Isador H. Coriat (1875-1943, qui fut médecin assistant dans le Worcester State Hospital sous la tutelle d'Adolf Meyer).

France : Alfred Binet (psychologue français, 1857-1911) contacte C.G. Jung pour un article de présentation sur L'Analyse des rêves. Jung écrit à Freud : « J’ai déjà fabriqué une petite chose pour Binet, ce n’est naturellement que de l’orientation superficielle, mais écrit de telle façon qu’un français aussi puisse comprendre, pour autant qu’il le veuille. Malheureusement, seuls les psychologues auront la chose entre les mains, elle sera donc sous mauvaise garde… ».

Russie : le psychiatre Nicolaï Ievgravfovitch Ossipov (1877-1934), assistant à la clinique psychiatrique de l’Université de Moscou, publie dans le Journal de neuropathologie et de psychiatrie “Les vues psychologiques de S. Freud”, une recension sur les conceptions freudiennes à travers la littérature allemande de 1907. En 1908 s’ouvre, sous la direction du même Ossipov, un dispensaire de psychothérapie à la clinique psychiatrique de l’Université de Moscou. Ossipov débutera une correspondance avec Freud dès 1910. Avec deux autres psychiatres, Dlovlmja et Asariani, il reçoit deux fois par semaine des patients en consultation externe, et fait parfois des consultations publiques devant un parterre de médecins et d’étudiants en médecine. En 1909, se joignent à eux trois jeunes psychiatres, Rosenstein, Derjabine et Podjpolski. Ce premier centre de traitements « psychanalytiques » fonctionnera jusqu’en 1911.

Suisse : Charles Ladame publie dans l’Encéphale (pages 180-195) “L’association des idées et son utilisation comme méthode d’examen dans les maladies mentales” où la psychanalyse est décrite selon la méthode jungienne. Ce psychiatre se consacrera dès 1915 à la création plastique des patients internés et ouvrira alors le Musée d’art asilaire de la clinique Bel Air, près de Genève.

1909

Australie : Freud reçoit une lettre de Sydney lui apprenant qu’un petit groupe étudiait avec ferveur ses œuvres 

Etats-Unis, septembre : Freud s’y rend aux en compagnie de Jung et de Ferenczi. Ils analysent mutuellement leurs rêves à bord du bateau qui les mène là-bas. La puissance invitante est Granville Stanley Hall (1846-1924), professeur de psychologie et président de la Clark University de Worcester (Massachusetts), qui marque ainsi le 20e anniversaire de cette université. G. Stanley Hall reçut le premier doctorat de psychologie de Harvard (dir. W. James) et créa en 1887 l’American Journal of Psychology. L’anthropologue Boas, formé à la Clark, intervient dans ce cycle de conférences en exposant un travail sur quelques problèmes psychologiques en anthropologie. Jung et Freud y font des communications et y sont faits docteurs honoris causa. Freud y prononce les Cinq leçons sur la psychanalyse. Freud, stigmatisant la vogue des cures mentales d’inspiration religieuse, ose la comparaison entre les thérapeutiques de suggestion et les techniques des medecine-men indiens. Les conférences de Jung traitent des études d’associations diagnostiques et les “Conflits de l’âme enfantine”. Le psychologue japonais, Hikozo Kaki, fait partie de l’auditoire et il sera le premier ambassadeur réellement averti de la psychanalyse au Japon. Freud visite New York avec Ernest Jones et avec Abraham Arden Brill, qui les accueille à leur arrivée le 27, et les guide dans New York. Il se lie d’amitié avec James Jackson Putnam professeur de neurologie à l’Université de Harvard. Putnam écrira à Freud : « Votre visite a eu sur moi un profond retentissement ; je travaille et je lis vos écrits avec un intérêt toujours plus marqué. » Putnam annonce à Freud que la débat sur la formation sexuelle des enfants est vif à Boston.

Première traduction américaine d’une œuvre de Freud.

Pour mieux situer le voyage de Freud aux Etats-Unis, nous rajoutons deux témoignages qui peuvent ne pas être strictement contemporains de ce séjour. D’une part ce que Roland W. Clark relate d’une conversation avec l’écrivain Max Eastman dans laquelle Freud aurait dit : « Peut-être que vous êtes behavioriste. Selon votre Watson, même la conscience n’existe pas. Mais c’est tout bonnement stupide. C’est absurde. La conscience existe de toute évidence et partout –sauf peut-être en Amérique ». D’autre part l’anecdote relatée par Fritz Wittels d’un homme qui suggère à Freud de rejoindre les psychologues de la mesure et la psychologie dite scientifique. Pourquoi ajoute-t-il ne pas mesurer la libido comme on le fait de l’électricité qui s’exprime en ohms, puis en ampères et en volts ? et pourquoi ne pas nommer l’unité de mesure « un Freud » en l’honneur du découvreur. Freud mime le plus vif intérêt, complimente l’inventeur pour son idée et termine ainsi sa réponse : « Je ne comprends pas assez de physique pour donner un jugement fiable en la matière. Mais si vous me permettez de vous demander une faveur, n’appelez pas votre unité par mon nom…J’espère mourir avec une libido non mesurée ».

France : Dans L'Année psychologique, Binet publie un article de Jung sur les rêves.

Suisse : 6ème congrès international de psychologie à Genève, sous la présidence de Théodore Flournoy Théodore : un de ses thèmes est le subconscient.

1910

Le deuxième Congrès International de Psychanalyse a lieu les 30 et 31 mars à Nuremberg, organisé par C. G. Jung qui sera absent (nouveau voyage en Amérique). Freud, qui y fait une communication “Sur les perspectives d’avenir de la thérapeutique analytique”, est inquiet à cause du voyage en Amérique de Jung. Le 3 avril, il peut cependant écrire à Ferenczi : « Pas de doute qu’il n’ait été extraordinairement réussi […] J’ai l’impression que l’enfance de notre mouvement s’achève avec le Reichstag de Nuremberg. Reste à espérer que la période de jeunesse sera fructueuse et belle. » Sa lettre à Jones du 15 de ce même mois confirme : « Nuremberg a été une réussite ». Le 21 avril, dans une lettre adressée à L. Binswanger, Freud désignera encore ce congrès de façon « ironique » comme le « Reichstag de Nuremberg ». Le congrès eut une conséquence importante : la fondation, à la suite d’une proposition de Ferenczi, de l’Association Internationale de Psychanalyse (International Psychoanalytic Association, IPA), rassemblant les Ostgruppen (groupes de l’Est) de Zurich, Vienne et Berlin, avec Jung pour président (désigné par Freud), Riklin pour secrétaire et Zurich, la ville-domicile du président, pour siège. Les sociétés de psychanalyse existantes deviennent des sections locales de l’Association Internationale, des statuts sont acceptés. Le choix de mettre en place une organisation indépendante ne fut arrêté que peu de semaines avant le congrès. Freud avait pensé auparavant que les psychanalystes pouvaient s’affilier à l’« Ordre international pour l’éthique et la culture », créé par le pharmacien suisse A. Knapp. Jung et Riklin sont nommés rédacteurs de l’organe officiel de l’Association, le Korrespondenzblatt (Le Bulletin) , qui devait paraître chaque mois. Le premier numéro sort en juillet. Freud doit alors faire preuve de diplomatie avec les membres de la Société Psychanalytique de Vienne. Il veut faire de Zurich le centre du mouvement psychanalytique et confier à un non-juif (c’est-à-dire à C. G. Jung) la direction de cette nouvelle association. Divergences, tensions, inquiétudes chez les Viennois fidèles (Hitschman). Freud apaise la Société viennoise. Il nomme Adler à sa place en position de présidence et propose, en partie pour concurrencer le Jahrbuch (Revue annuelle) de Jung, la parution d’une revue mensuelle, le Zentralblatt für Psychoanalyse, Medizinische Monatsschrift für Seelenkunde (Feuille centrale de psychanalyse, Mensuel médical de psychologie), dont Adler et Stekel sont rédacteurs en chef, le directeur de rédaction, Freud et l’éditeur, J. F. Bergmann à Wiesbaden. Deuticke, qui jusqu’alors avait édité Freud, refusa d’assurer la publication du Zentralblatt en prétextant que le concours de Stekel risquait d’enlever à la revue son caractère scientifique.

Été : parution du premier demi-tome du Jahrbuch (Tome 2, 1° cahier ; articles de Abraham, Jung [2 articles], Maeder, Pfister, Assagioli, Neïditch, Freud) octobre, le 21, Société viennoise. À l'assemblée administrative Adler est élu président et Stekel vice-président, Steiner trésorier, Hitschman bibliothécaire et Rank, secrétaire.

Vacances en Hollande où, malgré son habitude de n'accepter aucun rendez-vous professionnel, Freud répond à un appel du compositeur Gustav Mahler qu'il « psychanalyse » pendant un après-midi de promenade à travers la ville. Puis voyage en Sicile en passant par Paris, Rome et Naples, en compagnie de Ferenczi, qui sera pendant de longues années son ami le plus proche et son fidèle compagnon de voyage.

Création de la Société psychanalytique de Vienne. Isidor Sadger se prononce contre l’admission des femmes. Freud qualifie cette position de « grave inconséquence » et il s’y oppose très nettement.

Allemagne : à Hambourg, les médecins allemands adoptent une résolution dans laquelle les sanatoriums pratiquant la méthode du traitement freudien sont à boycotter.. Cette même action offensive contre la psychanalyse se poursuit en octobre 1910. Lors d’un Congrès de neurologie de Berlin, Oppenheim appelle à un boycott des maisons de santé qui pratiquent cette thérapie..

En mars 1910, Karl Abraham met sur pied la Société Berlinoise de Psychanalyse, affiliée à l’Association Internationale, et dont il restera Président jusqu’à sa mort. Grâce à ses efforts, le groupe des psychanalystes allemands prend une importance croissante dans le mouvement ; ce qu’indique le choix des lieux de congrès internationaux Salzbourg en 1909, Nuremberg en 1910, Weimar en 1911, Munich en 1913.

Angleterre : Parution du livre de Frazer, Totémisme et exogamie, lu attentivement par Freud.

Amérique Latine : Brill introduit la psychanalyse à Cuba. Freud reçoit de la Havane la traduction par le Dr. Fernandez d’un essai de lui (Freud à Jung, le 5 juillet). Au congrès international de médecine à Buenos Aires un médecin d’origine chilienne (Germàn Greve Schlegel) se déclare en faveur de l’existence de la sexualité infantile, il expose également les idées de Freud sur la libre association.

États-unis, Putnam publie (Journal of Abnormal Psychology ) une série d'articles sur la visite de S. Freud à Worcester. Granville Stanley Hall consacre lui aussi à la visite de Freud et à la psychanalyse le numéro entier d'avril du American Journal of Psychology, qui contiendra les conférences. Freud écrit à Putnam « pour le prier de prendre la direction de la Section américaine » (Freud à Jones 03/07/10). Jones est élu membre de l'American Neurologic Association. Le 17 mai, Freud à C.G. Jung : « J'ai trouvé ici aujourd'hui une longue lettre de Washington, de Jones, avec des rapports sur les événements excitants dans l'ensemble pleins de succès de l'American Psychopathological Association du 2 mai. Putnam semble avoir de nouveau été très brave, et Jones lui-même rattrape ses ambiguïtés des années précédentes par un zèle infatigable, de l'adresse, et, j'aurais presque dit de l'humilité, cela est très réjouissant. Il tient la fondation d'un groupe local américain pour très difficile pour l'instant, ou pour possible formellement seulement, mais ce sont là des soucis de gouvernement, qui vous incombent ».

En mai, Freud devient membre de l'Association Américaine de Psychologie, fondée le lundi 2 mai et forte de 40 membres. Dans Sur l'histoire du mouvement psychanalytique (1914), Freud notera que « Le fait caractéristique, là-bas, a été que, dès le commencement, des professeurs et directeurs d'asile d'aliénés ont pris part à la psychanalyse dans la même mesure que des praticiens indépendants… ». Le 2 mai, l’Association des psychopathologues américains voit le jour à Boston dans l’optique de réunir des médecins et des psychologues intéressés par la psychologie « anormale ». Prince y développe son admiration pour Freud.

Hongrie : Parution du premier ouvrage en langue hongroise concernant la psychanalyse.

Inde : on trouve à Calcutta une sélection des textes de Freud, dans une traduction anglaise approximative due à Brill.

Italie : R. Assagioli qui a rencontré Jones en 1908 et a suivi à Zurich l’enseignement de Jung, soutient la première thèse sur la psychanalyse. Il n’accepte pas complètement la théorie de la sexualité, reprochant à Freud de ne pas accorder suffisamment d’importances aux instincts non sexuels.

Russie : Ossipov, fondateur de la terminologie psychanalytique russe, rend visite à Freud. En Russie, il fonde la Bibliothèque psychothérapeutique.

Suisse : à Zurich, Bleuler publie sa défense de la psychanalyse, La psychanalyse de Freud, qui ne donne pas satisfaction à Freud. L’Association psychanalytique zurichoise est fondée en 1910, elle est issue de la Gesellschaft… fondée en 1907. Apparemment, les membres fondateurs de cette association ne souhaitaient pas tous rejoindre les rangs de l’Association Psychanalytique Internationale. Selon un rapport de Jung à Freud (17 juin), Binswanger déclarait « n’accepter la présidence que si toutes les séances étaient communes avec les non-membres ». Freud jugeait cette situation « tout à fait intenable » (lettre à Jung du 19 juin). Jung à Freud, le 10 mai : « Je ne pouvais réellement rien faire contre cette décision. Mon autorité n’y a pas suffi. À part Rilkin, tous les autres, Bleuler et environ neuf membres, voulaient faire entériner la décision suivante : pour la période de transition, des conditions spéciales devaient être créées. En même temps s’exprimait l’espoir que ces messieurs allaient réfléchir et accepter. » La nouvelle association compte 19 membres à ses débuts.

1911

Février : Début de la séparation d'avec Adler. Les opinions de ce dernier sont discutées par l'Association Viennoise les 8 et 22 février, après qu'il y eut prononcé des discours le 4 janvier et le 1er février. Après la session du 22 février se tint une séance du Comité au cours de laquelle Adler démissionna de son rôle d'arbitre pour « incompatibilité de sa position scientifique avec son statut dans l'Association ». Stekel, représentant du médiateur, ainsi que d'autres démissionnèrent, par solidarité avec Adler.

Mars à juin : Freud se débarrasse d'Adler. Freud est président du groupe de Vienne. Il écrit à Jung que « derrière la rigueur apparente d'Adler est apparu en réalité un grand morceau de confusion. Qu'un psychanalyste puisse insister tellement sur le moi, je ne m'y serais pas attendu. Le moi ne joue-t-il pas le rôle du stupide Auguste au cirque, qui met son grain de sel partout pour que les spectateurs croient que c'est lui qui dirige tout ce qui se passe ? ». Quant Adler quitte l'association, s'en vont aussi D. Bach, S. von Maday, et le baron F. von Hye. Le nom d'Adler n'apparaît plus dans le numéro suivant du Zentralblatt (Vol I n° 10-11, juillet-août 1911). Le numéro est introduit par la « déclaration » suivante : « Par la présente, je porte à la connaissance des lecteurs de cette revue que je me retire d'aujourd'hui de la rédaction de cette revue. Le directeur de cette revue, Mr. le Pr. Freud a été d'avis qu'il y a entre lui et moi des oppositions scientifiques telles qu'elles rendent inopérantes une rédaction commune de cette revue. Aussi ai-je pris la décision de me retirer de mon plein gré de la rédaction de cette revue ». À partir de ce moment le Dr Stekel reste le seul rédacteur en chef. Fusion du Korrespondenzblatt et du Zentralblatt (le dernier absorbe le premier et est élevé au rôle d'organe officiel de l'internationale psychanalytique).

Suicide d'Honneger. Freud à Jung, le 2 mars : « Je suis frappé de ce qu'en fait nous consommons beaucoup de personnes ». Septembre, 21-22, 3° congrès de l'IPA à Weimar (Pdt. C.G. Jung). L'IPA compte 106 membres. J. Putnam assiste à cette rencontre.Feud y rencontre Lou Andreas-Salomé qui lui fait part de son enthousiasme pour la psychanalyse et de son désir de quitter la Suède pour l’Autriche afin de suivre ses cours et de participer aux réunions du mercredi soir. Freud, fasciné par cette jeune femme accepte de grand cœur.

Novembre : mise en place de la nouvelle revue psychanalytique non-médicale qui en 1912 s'intitulera Imago : « Cette année, écrit Freud le 31 décembre, n'a pas été quand j'y réfléchis excellente dans l'ensemble et pour notre cause. Le congrès de Weimar était beau, et les jours auparavant à Zurich ; j'ai eu à Klobenstein une courte période de productivité très riche de contenu. Le reste était plutôt moindre. Mais il doit y avoir de telles périodes ».

États-Unis : le 9 mai, veille des congrès annuels de l’Association de psychopathologie américaine et de l’Association de neurologie américaine, E. Jones et J. J. Putnam fondent l’American Psychoanalytic Association (APA) à Baltimore. Cette association comprend des membres venus du Canada et de toute l’Amérique Freud, appuyé par Jones, souhaitant qu'une section américaine du mouvement analytique soit fondée propose le nom prestigieux de James Jackson Putnam, de Boston, pour la présidence, Jones en étant le secrétaire. La haute estime qui entoure la nom de Putnam et le pouvoir qui allait lui être conféré furent pour Brill de puissants motifs de jalousiece qui l’amena à former le 12 février, le premier groupe local américain sous le nom de The New York Psychoanalytic Association avec une certaine précipitation trois mois avant l'American Psychoanalytic Association. Brill exclue l’idée que cette association puisse admettre des membres non-médecins, et ce contre l’avis de Freud. Cette société est statutairement conçue pour ne réunir que « cinquante médecins engagés en psychanalyse ». Bronislav Onuf, neurologue new-yorkais, qui, depuis 1890, suivait les publications de Freud en est le vice-président. Dix des quinze fondateurs travaillent ou ont travaillé à l’hôpital d’État de Manhattan. Cette situation tendue a perduré jusqu'à ce que le groupe de New-York soit en mesure de prendre le contrôle de l'A.Ps.A.. La société de New York décide de ne pas s’affilier à l’APA et désigne Brill pour la représenter à Weimar, ledit congrès accepta le principe de la double affiliation. L'histoire du groupe de New-York est marquée par les travaux réputés de nombreux auteurs . Dès les débuts, Brill fut entouré de Adolf Meyer, Clarence P. Oberndorf, Adolph Stern, H. W. Frink, Abram Kardiner, Lawrence Kubie, Bertram Lewin et Clara Thompson, pour n'en citer que quelques uns. Horace W. Frink publie dans Americ. Med un article relatif à l’usage des rêves en psychothérapie. Cet esprit brillant en lequel Freud a placé beaucoup de sa confiance est malheureusement sujet à de grands épisodes schizophréniques. Il est mort interné dans une institution psychiatrique.

Putnam met en place un poste de psychanalyste pour Emerson au Massachussets General Hospital. Séjournant à Vienne avant de se rendre à Weimar pour le III° Congrès international de psychanalyse, il passe six heures en analyse avec Freud. Putnam témoignera en 1913 et reconnut que « l’investigation psychanalytique… l’a énormément aidé, eu égard à la fois à ses sentiments envers sa fille et à sa tendance à la dépression, sans parler de son attitude générale envers la vie ».

Parution du premier livre américain sur la psychanalyse Mental Mechanism, écrit par W. A. White.

France : Binet, dans son bilan annuel de la psychologie pour l’année 1910, place les recherches en psychanalyse parmi les quatre questions les plus décisives pour la psychologie, dans son ensemble.

Guillaume Apollinaire emploi le terme de psycho-analyse dans ses rubriques du Mercure de France : « La vie anecdotique », renseigné par Cendrars qui revient d’Allemagne.

Inde et Australie : Le 12 mars, Freud à S. Ferenczi : « Dimanche dernier, j’ai eu la visite de notre adhérent en position avancée, Sutherland, de Sagar, en Inde, qui est un homme magnifique, il traduit l’Interprétation des rêves […] Il est soutenu par un plus jeune, Berkeley-Hill, qui fait de la psychanalyse avec les hindous et trouve auprès d’eux confirmation de tout et il veut publier là-dessus. Il y a deux jours, un autre continent s’est annoncé : l’Australie. Le secrétaire du département de neurologie du Congrès australo-asiatique s’abonne au Jahrbuch et me demande un bref rapport sur mes théories, à paraître dans les publications du Congrès, car ces théories sont encore complètement inconnues en Australie. D’Afrique, encore aucun signe de vie ! ». La présentation de Freud paraît dans Transactions of the Ninth Session, Australian Medical Congress, à Sidney sous le titre “On Psycho-analysis”. Berkeley-Hill (1879-1944) est médecin major au Bengale, puis à Bombay ; tout comme Sutherland, il adhère d’abord à l’Association américaine, pour être ensuite un membre fondateur de celle de Londres. Il fut analysé par Jones. Andrew Davidson (1869-1938), né en Écosse, est psychiatre à Sydney ; il est secrétaire de la section de médecine psychologique et de neurologie du congrès médical australo-asiatique. W. D. Sutherland (1866-1920) est médecin d’état-major dans une académie de cavalerie à Sanghor. Un autre médecin militaire qui a exercé à Calcutta, C.D. Daly travaillera par la suite sur les problèmes des chiffres dans le rêve et sur le complexe psychique lié aux menstrues, dans la littérature. Les publications des médecins militaires Britanniques en Inde vont devenir le reflet grandissant des tensions et des peurs que connaissent les sujets britanniques en Inde à la veille de l’indépendance.

Allemagne : Deux congrès psychanalytiques se tiennent, l’un à Munich le 7 septembre, l’autre à Weimar (III° Congrès international de psychanalyse), quatre jours après. Freud y fera la connaissance de Lou Andreas-Salomé. Ils débuteront une longue correspondance dès l’année suivante.

Espagne : José Ortega Y Gasset publie un long texte, “La psychanalyse, une science problématique”. L’auteur est un philosophe important, pour certains un des précurseurs de l’existentialisme, qui s’est également formé en Allemagne. Il sera l’auteur de La révolte des masses (1929). Par le biais de la Revisita da Occidente, il tentait d’exposer et de défendre les principaux courants de la pensée scientifique et philosophique de langue allemande.

France : En mai, Freud cherche comment faire mieux connaître la psychanalyse. Dès 1900, des travaux d'auteurs de la Suisse romande ou de France discutent des textes de Freud, mais trop souvent dans le but de les adapter au « génie francophone » (sic) ou de les rendre « plus clairs » (sic), en abrasant leur originalité avec des rémanences du vocabulaire de l'hypnose (P. Ladame, 1900 qui part en guerre contre le pansexualisme qu'il suppose à Freud ; N. Kostyleff, 1911-1912 ; A. Hesnard, 1912 ; Y. Delage, 1915). Morichau-Beauchant, professeur de médecine à Poitiers, qui entretient depuis novembre 1910, une correspondance avec Freud, se révèle plus soucieux de la cohérence de la pensée freudienne, il publie en novembre1911 “Le rapport affectif dans la cure de psychonévroses”, dans La Gazette des Hôpitaux civils et militaires que Freud qualifia d'« admirable article et premier article de psychanalyse jamais publié en France » et qui fut également fort estimé par E. Jones. Freud écrit à Ferenczi : « Notre français de Poitiers, qui se taisait depuis janvier, m’envoie ce jour une lettre, une contribution au Zentralblatt (Homosexualité et paranoïa) […] et un tiré à part d’un excellent article… ». Morichau-Beauchant sera membre du Comité de rédaction du International Zeitschrift für ärztliche Psychoanalyse (Revue internationale de psychanalyse médicale) dès sa création en janvier 1913.

Polémique à la Société de psychologie entre Beranrd Leroy et Alphonse Maeder sur l'interprétation freudienne des rêves. Maeder, physicien suisse devenu psychothérapeute débutait son travail dans le sanatorium du Dr. Bircher-Benner.

Grande-Bretagne : Freud est convié à devenir membre correspondant de la London Society for Psychical Research.

Grande-Bretagne : Parution dans un volume de la revue de neurologie, Brain,d’un essai que Jones qualifie de « magistral », “La conception freudienne de l’hystérie”, dû à Bernard Hart et fort louangeur pour la psychanalyse, auquel fit suite une bibliographie incluant 281 titres d’ouvrages de psychanalyse.

Pays-Bas : le Dr. Stärcke, près d’Utrecht, demande son admission à l’Association. Le Dr. van Emden, de Leyde, a appris la psychanalyse sur lui-même et écrit à Freud qu’il a l’intention de l’appliquer sur ses malades.

Suisse : Rorschach essaye le test es tâches d’encre et Bleuler publie Dementia praecox ou groupe des schizophrénies dans le Manuel de psychiatrie d'Aschaffenburg.

1912

En janvier, Rank fonde, en collaboration avec Hans Sachs, Imago (Zeitschrift für Anwendung der Psychoanalyse auf die Geisteswissenschaften (Revue pour l'application de la psychanalyse aux sciences de l'esprit). Parution du numéro un le 28 mars chez l'éditeur viennois Hugo Heller. Rank est rédacteur en chef d'Imago. « Hans Sachs a créé en 1912 la revue Imago, qu'il dirige avec Rank ; en éclairant, au moyen de la psychanalyse, des systèmes et des personnalités philosophiques, Hitschmann et von Witerstein ont inauguré, dans cette même revue, des travaux dont il reste à souhaiter qu'ils soient poursuivis et approfondis ». (Sur l'histoire du mouvement psychanalytique, p. 70). Imago se proposait de se spécialiser, comme le proclamait son en-tête, dans l'application de la psychanalyse aux sciences humaines. À l'origine, « cette nouvelle revue, nullement médicale » devait s'appeler Eros et Psyché. Le nom qu'adoptèrent ses fondateurs en hommage à la littérature renvoie explicitement au roman récent du poète suisse Carl Spitteler qui avait célébré le pouvoir de l'inconscient dans une brumeuse histoire d'amour. Freud est d'abord inquiet pour Imago qui malgré les deux rédacteurs (Rank et Sachs, deux non-médecins, qualifiés par lui d’« honnêtes garçons et brillants sujets ») risquait de connaître plus de difficultés que les deux autres périodiques. Les craintes sont vite détrompées. Imago, rapporte Freud à la fin de l'année 1912, « marche extraordinairement bien » ; le volume des abonnements (230), allemand en majeure part, est satisfaisant et Freud s'étonne de l'accueil plus réservé que les viennois font à Imago (lettre inédite à K. Abraham).

Mai : Freud présente à la Société de Vienne la première partie de Totem et Tabou et, en octobre, un travail intitulé “Le destin de deux femmes” qui a trait à la psychose.

Juin : E. Jones était à Vienne, sous l'impression de la sécession d'Adler et de Stekel, il craignait une rupture avec Jung. Le 30, avec l'accord de Freud et autour de celui-ci, il fonde un Comité secret composé des plus proches disciples et chargé de veiller à la diffusion de la cause analytique. L'idée en avait germé chez Ferenczi. S'y retrouvent S. Ferenczi, O. Rank, K. Abraham, H. Sachs et bien sûr E. Jones et S. Freud. E. Jones fait une psychanalyse avec Freud puis avec S. Ferenczi. En 1919, Eitingon fut admis comme sixième membre, sur proposition de Freud. (1° août, lettre de Freud à E. Jones : « J'ose dire qu'il me sera plus facile de vivre et de mourir si je savais qu'il existait une telle association pour veiller à ma création… quoi que puisse nous réserver l'avenir, le futur chef de file du mouvement psychanalytique pourrait sortir de ce petit cercle d'hommes triés sur le volet, à qui je suis encore prêt à faire confiance malgré mes récentes déceptions ».

Eté : Freud lit La religion des Sémites de Roberton Smith et y trouve confirmation de ses idées qu’il inclinait à trouver trop osées. « Le livre donne l’impression de circuler sur de l’eau en gondole. »

Publications : Au début de cette année 1912, Freud et Stekel ont eu une explication. Pour se défendre contre les thèses de C.G. Jung, S. Freud voulait instaurer pour le Zentralblatt un « Comité de référence » (Reitler, Hitschmann, Tausk, Ferenczi). Ils devaient en particulier discuter des travaux du Jahrbuch dans l'esprit de Freud. Mais Stekel déclara qu'il n'admettrait jamais que V. Tausk écrive dans son journal (lettre du 27 octobre à Ferenczi). L'éditeur Bergman n'admettant pas le licenciement de Stekel comme rédacteur, Freud lors du congrès des dirigeants des Associations psychanalytiques locales, à Munich, convint d'abandonner le Zentralblatt à Stekel et de fonder le International Zeitschrift für arztliche Psychoanalyse. Offizielles Organ des Internationalen Psychoanalytischen Vereinigung (ed H. Heller, Revue internationale de psychanalyse médicale, Organe officiel de ). Il écrit à Jones pour l'enjoindre de retirer son nom du comité du périodique de Stekel. O. Rank avec Ferenczi sont rédacteurs de l'Internationale Zeitschrift (Revue Internationale) . À partir de 1939 la revue fusionnera avec Imago .Le n° 1 est prévu pour la mi-janvier 1913. Stekel manifeste de fortes propensions à faire du Zentralblatt sa chasse gardée. Rupture virulente et effervescente avec Freud.

Fritz Wittels publie Tout pour l'amour où il développe l’idée d’une première société humaine qui est celle d’un âge d’abondance avant l’ère des glaciations, période durant laquelle la culture amoureuse préhumaine permit l’adaptation aux nouvelles conditions de vie. Il en déduit que la civilisation est de la culture amoureuse appliquée. Ces thèses peuvent avoir retenues l’attention de Freud lorsqu’il rédige la partie « phylogénétique » d’un chapitre de sa Métapsychologie « vue d’ensemble sur les névroses de transfert ». Wittels est un écrivain possédant une formation de philosophe et admis par Freud dans son cercle après un article publié dans le Flambeau, le journal de Karl Krauss, en 1907, et parlant à propos de l’avortement « criminel » de la nécessité préventive d’une éducation sexuelle et d’une politique de contrôle des naissances où il se réclamait de la double influence de Krauss et de Freud.

Octobre : La famille Freud accueille Lou Andréas-Salomé qui occupera plus tard une petite chambre dans le grand appartement où se trouve le cabinet de Freud.

Novembre : « Le Congrès a officiellement fait du Zentralblatt son organe » (lettre de Jones à Freud du 6 novembre).

Décembre : Le 2, un accord provisoire a eu lieu entre l'éditeur J.F. Bergmann et C.G. Jung concernant la séparation du Korrespondenzblatt et du Zentralblatt.

Sabrina Spielren publie l’article qu’elle a présenté l’année précédente à Freud “La destruction comme cause du devenir”. De nombreux commentateurs y voient une préforme de la théorie de la pulsion de mort. Freud, réservé, écrit à Jung qu’il trouve que cet article, en dépit de son intérêt, consacre le retour d’un personnalisme.

Chine : La revue Dongfanfzashi (Revue de l’Orient) qui a publié l’année précédente un article sur la notion d’inconscient sans le référer au sens qu’il prend en psychanalyse (dans un article « Prospértie et ruine de l’Europe et de l’Amérique »), mentionne cette fois-ci le nom de Freud dans un texte « L’interprétation psychologique de Roosevelt » qui est la traduction d’un article américain.

France : Le 2 janvier 1912, dans une lettre de Freud à K. Abraham : « Les derniers bons augures viennent, cela est étonnant, de France. Avec Morichau-Beauchant, de Poitiers, nous avons gagné un appui solide et aujourd’hui j’ai reçu une lettre d’un élève de Régis, à Bordeaux, qui de la part de ce dernier, et au nom de la psychiatrie française présente des excuses pour le dédain dans lequel la psychanalyse a été tenue jusqu’à présent en France et se déclare prêt à publier dans L'Encéphale un long article sur elle ».

Angelo Hesnard écrit à Freud "au nom de la psychiatrie française" pour lui présenter "des excuses pour le dédain dans lequel la psychanalyse a été tenue jusqu'à présent".

Grande Bretagne : M. D Eder, Médecin chef de la London School Clinic en 1908 et de la Nursery School à Deptford en 1910, sera un des traducteurs de Freud. Il publie cette anne-là « .Freud's Theory of Dreams » (« La théorie freudienne des rêes » dans Transactions of the Pscho-Medic. Soc., Londres

Grèce : la psychanalyse y fait son entrée par la traduction dans une revue littéraire d’avant-garde de l’article de Reik “Poésie et psychanalyse”.

Japon : Kenji Otsuki, qui a suivi des études de Lettres avant de s’intéresser à la psychanalyse, mentionne Freud dans un article portant sur la psychologie de l’oubli.

Russie : À la charnière 1911-1912, création du Cercle Psychanalytique de Moscou. Freud écrit à Jung non sans humour "En Russie (Odessa) il semble y avoir une épidémie locale de la psychanalyse". Il notera plus tard dans Histoire du mouvement psychanalytique  : qu’en Russie, la psychanalyse est devenue connue et s'est répandu largement."

Suisse : Bleuler quitte définitivement l’API, en novembre 1912.

Tchécoslovaquie : Kafka (Franz) compose “Le verdict” et dans son Journal, cite Freud et associe sur sa propre vie et sur celle de son père.

1913

Janvier : Freud présente à la Société de Vienne, la seconde partie de Totem et Tabou. Il crée la revue International Zeitschrift für ärztliche Psychoanalyse, en janvier 1913.

Mai : Le 25, première réunion du Comité secret. À cette occasion, Freud offre à ses disciples membres du Comité une entaille grecque de sa collection montée en chevalière. Ultérieurement Freud Freud donnera cet anneau à des femmes : Marie Bonaparte, Lou Andréas-Salomé, Anna Freud, Katherine Jones, Ruth Mack Brunswick, que Dorothy Tiffany Burlingham, Gisela Ferenczi, Jeanne Lampl-de-Groot, Edith Jackson, Henry Freud, et Eva Rosenfeld

Publications : K. Abraham constate que Stekel connaît bien des difficultés pour maintenir le Zentralblatt qui menace ruine .

Allemagne, septembre : 4° congrès de l'IPA à Munich (président C. G. Jung). Les partisans de Freud contraignent Jung à démissionner de ses fonctions de rédacteur en chef du Jahrbuch (démission effective le 27 octobre) qui sera nommé Jahrbuch Der Psychoanalyse. Ce nouveau Jahrbuch, V, 2, (1913) porte à la page 757 les communications suivantes :

Déclaration du Prof. Bleuler : « Ce volume achevé, je me retire en tant que rédacteur de la rédaction, mais continuerai bien entendu à porter tout mon intérêt à la revue ».

Déclaration de la rédaction : « Je me suis vu obligé de démissionner en tant que rédacteur du Jahrbuch. Les raisons de ma démission sont de nature personnelle, c'est pourquoi je dédaigne une discussion publique » (C.G. Jung).

Communication de l'Éditeur : « Après la démission du Prof. Bleuler et du Dr. Jung, le Prof. Dr. Freud poursuivra la publication du Jahrbuch. Le prochain volume en paraîtra au milieu de 1914 avec le titre de Jahrbuch Der Psychoanalyse. Rédigé par le Dr. K. Abraham (Berlin) et le Dr. Hitschman (Vienne) ».

« La publication n'entend plus comme par le passé servir d'archives à des travaux concernant ce domaine, mais remplir sa mission par une activité rédactionnelle qui s'attache à discuter toutes les méthode et toutes les acquisitions relatives à la psychanalyse » S. Freud (Sur l'histoire… p. 87).

Premières expériences de psychothérapie de groupe par Jacob Moreno à Vienne.

Freud part pour Rome en compagnie de Minna. Il y amorce un des grands tournants de la théorie psychanalytique : "Pour introduire le narcissisme" (1914), et rédige la préface de Totem et Tabou (paru dans Imago en 1912-1913 « Ce livre constitue la première tentative que j'ai faite en vue d'appliquer à certains phénomènes encore obscurs de la psychologie collective les points de vue et les données de la psychanalyse. (...) Il se propose de créer un lien entre ethnologues, linguistes, folkloristes, etc., d'une part, et psychanalystes, de l'autre. »

États-Unis : en hiver, création par Whithe et Jelliffe à New York d’une nouvelle revue, exclusivement consacrée à la psychanalyse, The Psychoanalytic Review. An Educationnal American Journal of Psychonalysis. Brill à New York publie sa traduction de la Traumdeutung.

Adolf Meyer, psychiatre suisse ayant émigré aux Etats-Unis en 1892, devient professeur de psychiatrie à Johns Hopkins, où viennent le rejoindre John Watson et Léo Kanner et il sooutient la diffusion de la psychanalyse. Ouverture de la Henry Phipps Clinic de l'hôpital de Johns Hopkins, que Meyer dirige. Meyer qui a eut une influence certaine sur la psychiatrie américaine et notamment sur Brill était partisan d’une approche de la maladie mentale qui pouvait intégrer la psychanalyse dans sa composition mais faisait une place importante aussi à la sociologie et à la biologie.

Au Boston Psychopathic Hospital, sous l'impulsion du psychologie et ethologue Robert Mearnes Yerkes, se crée le premier internat pour les psychologues.

France : Parution dans L'Encéphale, 10, avril, de “La doctrine de Freud et son école”, important article de Angelo Louis Marie Hesnard, médecin de la marine nationale et du Pr. Emmanuel Régis. Hesnard, assistant du professeur E. Régis à la Clinique des maladies mentales de Bordeaux, traduit et commente les positions freudiennes. Régis condamne l’étiologie freudienne arguant que la recherche objective a établi de façon indiscutable les liens entre maladies du cerveau et psychonévroses. Il conseille toutefois ceux qui se destinent à devenir psychanalystes en leur recommandant de bien noter leurs rêves.

Grande-Bretagne : Fondation de la London Psycho-Analytical Society. L’association compte treize membres, dont quatre exercent la psychanalyse. À Londres, au XVIIe congrès de médecine, Pierre Janet présente une communication sur la « psycho-analyse », où, contre Freud, il met en avant l’hypothèse d’une dépression mentale à l’origine du rétrécissement du champ de conscience. Il souligne, qu’à ses yeux, la méthode de Freud n’est pas expérimentable et réfute l’importance de la sexualité dans la genèse des troubles psychologiques. Lors de la discussion, il est critiqué par Jung et Jones. C’est dans ce contexte de critiques et de polémiques qu’à la demande de E. Rignano, Freud fait paraître son article sur “L'Intérêt de la psychanalyse” dans la revue Scienta (revue italienne fondée par E. Rignano et F. Enriquez, important forum international de la méthodologie scientifique).

Henri Bergson, dans The Independant de New York, a fait l'éloge de la psychologie freudienne, devient président de la Society for Psychical Research de Londres. C’est à travers Bergson que de nombreux thérapeutes américains vont lire l’œuvre freudienne.

Devant la Société psychomédicale de Londres, Jung utilise pour la première fois le terme de « psychologie analytique ».

Dans le numéro d’avril du Lancet, Warburton Brown publie un article sur la théorie freudienne du rêve. Où l’on voit que sa curiosité avertie pour la psychanalyse était antérieur à son affectation dans une clinique neurologique après el première guerre, même si ce nouveau travail n’a pu qu’amplifier son intérêt pour la technique psychanalytique et la métapsychologie.

Hongrie : En mai, création par S. Ferenczi de la Société Psychanalytique de Budapest. Autour de lui, Sandor Rado (étudiant en médecine), Istvan Hollos (psychiatre), Hugo Ignotius (journaliste et rédacteur en chef de la revue Nyugat, Occident). Cette société allait se révéler, avec celle de Vienne, le centre intellectuel le plus important pour la psychanalyse. À partir de 1919, ils seront rejoints par Imre Hermann, Melanie Klein, Geza Roheim, René Spitz, Eugénie Sokolnicka.

Suisse : Pour parachever la rupture avec Jung qui est rejoint par Riklin, Freud veut rompre tout lien avec le groupe de Zurich. Il pense à la manœuvre suivante : dissoudre l’Association Internationale de Psychanalyse en déposant une demande de dissolution à la Centrale, demande signée des trois groupes de Vienne, Berlin et Budapest. Si Jung ne donne pas suite, il reste aux trois groupes la possibilité de se retirer et de fonder aussitôt une nouvelle association. À dater de cette rupture se pose la question de l’existence et de la nature des mécanismes spécifiques de la psychose et des voies de son traitement par la psychanalyse.

1914

Parution à Vienne du livre de L. Kaplan, Grundzüge der Psychoanalyse (Fondements de la psychanalyse), un des premiers résumés systématiques de la théorie de Freud. Le Dr. Léo Kaplan (1876-1956), né en Russie, s’installe à Zurich en 1897 et y demeure jusqu’à sa mort. À partir de 1910, il s’oriente vers la psychanalyse, mais n’appartiendra à aucune association scientifique.

Allemagne : K. Abraham espère édifier une théorisation des psychoses à partir des patients souffrants de névroses de guerre. La guerre lui donne l’occasion d’exercer les fonctions de médecin militaire. De fin août 1914 à la mi-novembre 1915, il travaille avec des sujets qui présentent des traumatismes physiques et psychiques. S’il commence à occuper des fonctions de chirurgien à un poste à l’arrière (Berlin), il se rapprochera du front, à Allenstein.

Brésil : À Rio, conférence de Juliano Moreira à la Société Brésilienne de psychiatrie, neurologie et médecine légale sur la méthode freudienne. Genserico Aragao de Souza Pinto, médecin originaire du Ceará, publie sa thèse de médecine “De la psychanalyse, la sexualité dans les névroses”.

États-Unis : À Buffalo, Helen J.C. Kuhlman soumet ses patients à des recherches sur le complexe d’Œdipe. Morton Prince voit paraître son ouvrage théorique fondamental : L'inconscient, qui contient une théorie psychologique qui fait de l’inconscient le mental ignoré sur lequel on peut faire des expériences hypnotiques, les personnalités d’un individu étant des systèmes d’état psychiques relativement indépendants, ayant chacun son organisation.

Séjour de Paul Federn, premier analyste didacticien aux Etats-Unis. Jeliffe et Oberndord (le premier historien de la psychanalyse aux Etats-Unis) entreprennent une analyse avec lui.

France : Parution de La Psychanalyse des névroses et des psychoses de A. Hesnard et du Pr. Emmanuel Régis. L’ouvrage sera réédité en 1922 et 1929. Sa préface est assez parlante : « Peut-être s’étonnera-t-on de voir cette vulgarisation d’une théorie allemande, à la fois si prônée, si contestée et, par certains côtés si étrange, entreprise par des psychiatres français qui ne passent pas pour sacrifier outre mesure à la mode actuelle du germanisme scientifique […] L’impartialité indépendante vis-à-vis de l’étranger ne saurait être confondue avec la xénophobie […] En dépit de ses exagérations, de ses outrances, de ses allures mystiques, voire de ses étrangetés, cette doctrine est loin d’être sans grandeur ».

Freud considère la France comme le pays européen où la psychanalyse est la moins développée. 

Hongrie : Ferenczi qui se rendait à Vienne est rappelé en Hongrie pour servir comme médecin d’un corps de hussards basé à Papa, à peu près à 120 km de Budapest.

Italie : Marco Levi-Bianchini, maître de conférences à Naples, rédacteur en chef du Manicomio (recueil d’ouvrages psychiatriques, publiés par l’Archivio di Psichiatria e Scienci Affini, Nocera Superiore, Naples) envisage la traduction des neuf conférences américaines (celles de Freud et celles de Jung. Il traduira les cinq conférences de Freud). Il offre aussi un échange de revues. Propositions que Freud accepte (lettre à Ferenczi du 30 octobre). Marco Levi-Bianchini (1875-1961) s’intéresse dès 1900 à la psychanalyse, tout en exprimant des réserves sur la théorie de la sexualité. Membre fondateur en 1925 de la Société Italienne de Psychanalyse, il en reste le président d’honneur jusqu’à sa mort. Ègalement membre de l’Association viennoise (1922-1936), la Société Italienne ne fait pas partie de l’IPA. Bien que membre du parti fasciste, Marco Levi-Bianchini est suspendu de ses fonctions en 1938, en raison de son origine juive. Il sera un des rares membres de la Société Italienne à ne pas émigrer et publie un livre sur Freud en 1940. Sa traduction des Cinq Psychanalyses paraît en 1915 et constitue le premier volume publié par la Biblioteca Scientifica, fondée par lui-même et qui deviendra Bibliot. Pychoan. Int.

Japon : Yoshibidé Kubo, après un séjour à la Clark University où il fut introduit aux thèses psychanalytiques par S. Hall, publie une série de textes sur le rêve.

Pays-Bas : Gerbrandus Jelgersma, Professeur titulaire de psychiatrie à l’Université de Leyde tient, le 9 février, pour le 319° anniversaire de la fondation de l’Université un discours rectoral portant sur “La vie psychique inconsciente”.

Suisse : Le 20 avril, démission de Jung de la Présidence de l’Association Internationale. En juillet, la section locale de Zurich quitte l’Association Internationale (par 15 voix contre une). Pfister, le 13 juillet, puis le 28 juillet Binswanger, qui n’avait pas pu prendre part au vote, mais qui avait fait part à Maeder de son intention de voter contre une scission, demandent tous deux à rejoindre le groupe viennois.

Nouvelle-Guinée : B. Malinowski se rend chez les Mailu, en Nouvelle-Guinée, puis aux Iles Trobiand. Il critiquera et évaluera les thèses proposées par Freud dans Totem et Tabou.

1915

Lettre de Freud à Jones : « Ce que Jung et Adler ont laissé de notre mouvement a été détruit par le conflit des nations. Pas plus que les autres organisations, la nôtre qui se dit internationale n’est capable de garder des contacts ».

Les revues de psychanalyse vont pâtir de la guerre. Happé par la machine militaire, Rank est nommé rédacteur en chef d'un journal de propagande à Cracovie. Ces ennuyeuses fonctions paraissent à S. Freud un gâchis presque criminel. Il y a peu de temps et encore moins d'argent disponibles pour les divers périodiques psychanalytiques. Le Jahrbuch (éditeur Deuticke) cesse de paraître, tandis qu'Imago et l'Internationale Zeitschrift für Psychoanalyse (fondé en 1913) ne tiennent le coup que sous une forme réduite. Freud délègue à Ferenczi le soin de maintenir en vie la Zeitschrift für Psychoanalyse qui paraît en 1915, alors que l'année 1916-17 ne sera imprimée qu'en 1918. Imago, ne paraît pas en 1915, et elle devra de nouveau s'interrompre en 1917 et en 1918. Deux livres parlent de psychanalyse et sont lus avec bienveillance par Freud. Il s’agit de On human motives de Putnam, à Boston et de De Bahandeling von Zenuwizieken door Pycho-Analyse (Le traitement de malades des nerfs par la psychanalyse) d’Adolf Fredrik Meijer, à Amsterdam. « Le livre de Putnam est intentionnellement vulgarisateur, sinon je dirais que c’est mauvais. Gentil comme tout, fidèle aussi (Jung ne s’y trouve pas, Ferenczi est cité) […] La psychanalyse hollandaise provient d’A. Meijer […] correcte, raisonnable. Un homme tout à fait nouveau. Il a été analysé par un élève de Jung, mais il s’est forgé un jugement selon lequel les affirmations de Jung auraient été anticipées par moi, qu’il n’aurait rien dit de nouveau » (Freud à Ferenczi, le 10 juillet).

Hiver 1915/1916 : Freud donne son premier cycle des 28 conférences à l’Université de Vienne.

Argentine : Honorio Delgado qui fut l’un des grands précurseurs du développement de la psychanalyse en Argentine, œuvrait dès 1913 (au Pérou) à faire connaître les travaux de Freud auprès de ses collègues, malgré une profonde ambivalence qui l’amenait à souvent déformer la pensée de Freud. Sa première publication, en 1915, publiée dans El Commercio, commente l’article de Freud “L’intérêt pour la psychanalyse”.

Brésil : publication de la thèse soutenue l’année précédente par Pinto et qui sera le premier livre brésilien de psychanalyse.

Grèce : Manolis Triantafilidis, professeur de linguistique, rédige “L’origine de la langue et la psychologie freudienne” premier texte d’un auteur grec consacré à la psychanalyse, publié dans le Bulletin du groupe pédagogique. Ce Bulletin est l’organe d’un groupe constitué en mai 1910 par des pédagogues progressistes est partisan des thèses de Freud concernant l’œdipe et la sexualité infantile et désire que la pédagogie soit pensée avec le corpus freudien. Triandafillidis suit à Munich une cure avec l’adlérien Self et entretient une correspondance avec Freud et Adler. La psychanalyse prend racine en Grèce dans les milieux littéraires, dès cette année paraissent des traductions en Grec de ses œuvres.

Norvège : J. I. Stromme donne à l’hôpital psychiatrique de Dale la première conférence sur la technique psychanalytique. Stromme s’était auparavant formé au Burghölzi, chez Bleuler et fut analysé par Pfister.

Portugal : Egas Moniz, qui sera prix Nobel de médecine et de physiologie, en 1949, et a joué un rôle politique d’importance (successivement Ministre à la Cour de Madrid, Ministre des Affaires étrangères et chef de la Délégation portugaise à la Conférence de la Paix à Versailles, publie “Les bases de la psychanalyse”, à la suite de sa leçon inaugurale du cours de neurologie.

Prusse-orientale : Abraham est envoyé comme volontaire diriger l’hôpital d’Allenstein, il y reste jusqu’à la fin des hostilités.

Tchécoslovaquie : Stuchlik, né en Tchécoslovaquie est le premier psychanalyste tchèque. Il a travaillé à Munich chez Kraepelin, puis avec Bleuler au Burghölzli, et fréquentera en 1917 les séminaires de la Société Psychanalytique de Vienne. Il publie, en 1915, son premier texte psychanalytique en langue tchèque.

1916

Du fait de la guerre, Rank, enrôlé dans l’artillerie lourde depuis juillet 1915, part pour Cracovie, à la grande tristesse de Freud. Sachs le remplace dans les activités de l’Association viennoise. Durant les trois années de guerre Rank publiera le Krakaue Zeitung. (Journal de Cracovie).

Hiver 1916/1917 : Freud donne son second cycle des 28 conférences à l’Université de Vienne. Autre parution de Kaplan, Problèmes psychanalytiques, que Freud juge politiquement digne d'éloges, mais « à part ça, ni profond, ni ambitieux ».

Freud sera proposé pour le prix Nobel de Littérature par Barany.

Allemagne : Groddeck crée et dirige le sanatorium de Baden-Baden qui n'est habilité à recevoir que des patients atteints de troubles organiques. Il y applique des méthodes thérapeutiques interventionnistes et peu conventionnelles, aux confins de la psychologie des profondeurs et de la médecine corporelle. W. G. Groddeck choisit comme son père, la carrière médicale, il fut l'assistant du célèbre docteur Schweninger, le médecin personnel de Bismarck. Dans un premier temps hostile à la psychanalyse, il se rapproche très vite de Freud et entre ainsi progressivement dans le cercle fermé des disciples proches.

Brésil : un médecin de l’état de Minas Gerais, Luiz Ribeiro do Valle publie Psychologie morbide dans l'œuvre de Machado de Assis (1916) qui sera un essai d’application de la méthode freudienne à la littérature.

Chine : Freud écrit dans L’introduction à la psychanalyse : « La langue et l’écriture chinoises, très anciennes, sont aujourd’hui encore employées par 400 millions d’hommes. Ne croyez pas que j’y comprenne quoi que ce soit. Je me suis seulement documenté, dans l’espoir d’y trouver des analogies avec les indéterminations des rêves, et mon attente n’a pas été déçue. »

La revue Dongfanfzashi (Revue de l’Orient) mentionne dans un de ses articles la technique de l’association libre, il s’agit d’une traduction d’un texte en anglais du Mc Clure’s Magazine portant sur L’ « Interprétation des rêves ».

États-Unis : Watson lance des attaques très polémiques contre la psychanalyse, visant Freud et Prince. Le behaviorisme est alors en plein essor ce qui renforce la tendance de la plupart des psychologues et de quelques psychanalystes à ne voir dans l’inconscient freudien qu’un rouage plus ou moins secret de la machinerie neurologique.

Hongrie : G. Roheim (1891-1953) âgé de vingt-quatre ans commence, en mars, sa cure psychanalytique avec S. Ferenczi. Roheim fera une seconde psychanalyse avec Vilma Kovacks, puis il devient psychanalyste dans l'Association hongroise. Ferenczi prend également en analyse Melanie Klein.

Japon : Kiyoyasu Marui se forme à la psychopathologie et à la psychanalyse à la John Hopkins University (États-Unis) sous la direction d’Adolph Meyer. Il y séjournera jusqu’en 1919 où il sera nommé professeur de psychiatrie à l’université de Tôhuko à Sendaï. Ses élèves au Japon, notamment Kosawa, y jetteront les bases de la psychanalyse, à côté d’un courant formé par Taekichi Yabe et ses disciples, au début des années trente.

Pays-Bas : Vers la fin de l’année, création de la Nederlandse Vereniging voor Psychoanalyse (NVP, Hollande) par J. Van Ophuijsen, qui avait semblé antérieurement être plutôt jungien.

1917

S. Freud envisage d'écrire un essai sur les répercussions des théories de J. B. Lamarck sur la psychanalyse (cf. son texte métapsychologique de 1915 : “Vue d'ensemble sur les névroses de tranfert”).

Mort en Hollande de J. Stärcke « probablement une véritable perte » (Freud à Ferenczi, le 29 mai). Adhésion de Anton von Freund (dont Freud avait fait la connaissance l’année précédente en le traitant d’une névrose qui s’était développée à la suite de l’ablation d’un sarcome du testicule, et dont la femme a été en cure analytique avec Ferenczi), de Groddeck (qui a adressé à Freud ses travaux) et de Pötzl. Ce dernier fait à l'université de Vienne des conférences décrivant des expériences touchant les rêves et qui doivent confirmer les théories freudiennes. Freud écoute ses cours et l'invite à assister aux réunions de la Société Viennoise.

Été : Mort au front de H. Graff, le fils unique de Rosa, sœur préférée de S. Freud.

Chine : La revue Dongfanfzashi (Revue de l’Orient) mentionne le nom de Carl G. Jung dans un article traduit du Japonais par Paochang et qui porte sur le rêve.

Hongrie : En janvier, S. Ferenczi propose comme thème de conférence pour le public de Budapest, “La névrose comme institution sociale” (il rajoute à Freud : « Thème que vous aviez promis à Martin Buber »).

États-Unis : Parution de Qu'est-ce que la psychanalyse ? de Isador Coriat lequel applique la psychanalyse à l’œuvre d’art tout en vantant la fonction sociale de l’artiste. Il salue en la ballade du poète Conrad Aiken “La jigue de Forslin”, « l’audace d’un chef-d’œuvre psychanalytique ». En dépit d’un scepticisme affiché par Freud à propos de l'évaluation systématique des effets des psychothérapies, ce praticien en libéral publie également, en 1917, à Boston, "Quelques résultats statistiques concernant le traitement psychanalytique des psychonévroses". Dès cette première recherche, les considérations méthodologiques sont l'une des principales préoccupations de ce clinicien. Cette étude de 1917 précède le  rapport d’Otto Fenichel en 1930 concernant l’Institut de Berlin, celui d’Ernest Jones en 1936 à propos de l’Institut de Londres et de celui de Franz Alexander en 1937 pour l’institut de Chicago.

Traduction par Brill des Textes fondamentaux de Freud dont le Totem et tabou (Dans sa note de lecture à propos de cette traduction, White ne tient pas compte de la thèse du meurtre du père de la horde et renvoie directement à Frazer). White et Jelliffe donnent du modèle psychanalytique une vison complexe dans Les maladies du système nerveux, livre dans lequel ils affirment que, loin d'être réservée au seul traitement de la névrose, la psychanalyse peut être appliquée aux maladies mentales, de la démence précoce à la psychose maniaco-dépressive.

France : en mai, Pierre Marie, à la Société de neurologie, déplore le grand nombre « de pathologies hystériques décrites à l’époque de Charcot et que l’on pouvait croire disparues à tout jamais, tant elles étaient rares avant la guerre ».

Pologne : Eduard Abramouski dirige une Association pour la Recherche en Psychopathologie qui deviendra un lieu où se rencontrent et débattent des psychanalystes polonais.

Tchécoslovaquie : Kafka écrit en novembre 1917 une lettre à Max Brod « …les ouvrages psychanalytiques au premier abord vous rassasient de façon étonnante, tandis qu'immédiatement après on se retrouve avec la même vieille faim ».

1918

Anna Freud commence une analyse avec son père. Sigmund Freud déclare à E. Weiss qu'il est simple d'analyser sa fille et à Sandor Ferenczi que la cure sera « élégante ».

Novembre, le 17 : lettre circulaire de Freud à Ferenczi, von Freund et Rank pour employer les intérêts de la fondation à la création de deux prix annuels, l'un affecté à un travail médical, l'autre à un travail appliquant avec succès l'analyse à un thème non médical (« de type Zeitschrift ou Imago »).

Brésil : Les idées de Freud sont commentées par le psychiatre Julio Pires Porto-Carrero, médecin de Pernambuco qui intègre des références à la psychanalyse dans ses recherches et ses études, tandis qu’Afrano Peixoto commente le livre de Regis et Hesnard, La psychanalyse des névroses et des psychoses, dans son enseignement de psychiatrie légale, et Henrique Belford Roxo mentionne les thèses psychanalytiques dans ses cours à la Faculté de médecine de Rio de Janeiro.

États-Unis : en novembre, mort de J. J. Putnam (annoncée à Freud par Jones en décembre). William Alanson White constate l’importance que prend la psychanalyse dans la vie américaine, dans ses institutions d’enseignement et ses productions artistiques ; il fera, par la suite, marche arrière. Naissance de la médecine psychosomatique : Smith Elly Jelliffe en forge le terme. À l’occasion de la grande grippe de cette année-là il affirme que chacun réagit au virus en fonction des facteurs de personnalité et de la façon dont sont traités ou ont été traité les conflits intérieurs. Freud le classe parmi les pionniers de la médecine psychosomatique.

Traduction du Totem et Tabou de Freud, à New York. Il sera traduit à Londres l’an d’après. La réception des ethnologues anglo-saxons est négative qui jugent le matériel désuet et l’interprétation hasardeuse.

Grande-Bretagne : Parution dans The Lancet de l’article de Williams H. Rivers, “Le refoulement de l’expérience de guerre”, qui révolutionne la théorie du traumatisme y compris dans sa dimension transférentielle.

Hongrie : Le 23 mars, reconstitution de l’Association Psychanalytique hongroise. Avec le retour des médecins militaires, le nombre de praticiens de la psychanalyse est passé à cinq : Hollos, Harnik, Pfeifer, Rado et Ferenczi. Le ministre de la Guerre avait contacté Ferenczi pour fonder une sorte de clinique pour anciens combattants à Budapest. Celui-ci suggère l’embauche de Eitingon comme son assistant, mais il fut objecté que ce dernier n’était pas hongrois. En octobre, une pétition circule qui rassemble 180 signatures, pour que Ferenczi soit autorisé par le Recteur de l’Université à donner des cours de psychanalyse.

Les 28 et 29 septembre, Ferenczi et von Freund organisent le 5e congrès de l’IPA à Budapest (Pdt. K. Abraham). Le congrès se déroule à l’Académie des Sciences en présence des représentants des gouvernements allemand, autrichien et hongrois. Au congrès, l’importance des névroses de guerre sur quoi Ferenczi a énormément travaillé est mise en évidence par Freud (intervention sur Die Kriegsneurosen und ihre Psychoanalyse , Les névroses dues à la guerre et leur psychanalyse ). Roheim intervient sur Das Selbst. Eine Volkspsychologie-Studie. (Le soi, une étude en psychologie des peuples). Les travaux sont salués avec un enthousiasme qui a pour conséquence de projeter la création de cliniques et d’hôpitaux psychiatriques sur la base de principes psychanalytiques, à travers l’Allemagne et l’Autriche-Hongrie. Apparaît alors un rôle nouveau pour la psychanalyse, avec des implications politiques : la volonté de remédier aux problèmes sociaux. Contributions d’Abraham, Ferenczi, Jones et Simmel. Au cours du congrès, Hermann Nunberg, en accord avec Freud, propose pour la première fois qu’une des conditions requises pour devenir psychanalyste soit d’avoir fait une psychanalyse. Ce principe qui devenait de plus en plus cher à Freud ne sera adopté qu’en 1926. En effet, V. Tausk et O. Rank s’opposent avec succès au vote d’une motion en ce sens. S. Freud considère que le centre de la psychanalyse se trouve en Hongrie, pays où Ferenczi et la psychanalyse jouissent d’une brève période de soutien libéral sous le ministère de Mihaly Karoly. Ferenczi est élu président de l’Association Internationale. Freud conclut son intervention en parlant de l’avenir du mouvement psychanalytique, prophétisant que dans un futur proche des établissements de soin ayant à leur tête des « médecins psychanalystes qualifiés » permettront d’élargir le champ d’exercice de la thérapie psychanalytique au delà des classes sociales favorisées et de « traiter une foule de gens », « la société reconnaîtra aussi que la santé publique n’est pas moins menacée par les névroses que par la tuberculose ».

Le gouvernement autrichien envoie un médecin d’état-major pour savoir ce qui s’y dit dans l’optique de mettre en place des services de psychanalyse pour le traitement des névroses de guerre.

Inde : La traduction de L'interprétation des rêves est disponible à Calcutta.

Pérou : La Revista de psiquiatria y disciplinas conexas est fondée à Lima par H. Valdizlan et H. Delgado. Sa vocation interdisciplinaire s’affirme dans son sous-titre : “Publication trimestrielle de psychiatrie, psychanalyse, pédagogie, sociologie, médecine légale, criminologie et histoire de la médecine”. Les théories des rédacteurs sont tout à fait éclectiques qui entremêlent les thèses de Freud, Adler et de Jung. La revue n’en a pas moins joué un rôle pionnier pour la diffusion de la psychanalyse en Amérique du Sud.

Pologne : Ernst Simmel, médecin chef de l’hôpital de Posen (Silésie), introduit les principes de la cure psychanalytique et de la cure cathartique dans le traitement des patients. Il écrit un ouvrage Névroses de guerre et traumatisme psychique. Cet ouvrage est salué par Freud : « Voici pour la première fois un médecin allemand qui se situe entièrement, sans condescendance protectrice, sur le terrain de la psychanalyse ».

Une association psychanalytique polonaise est fondée (en 1923, le Internationaler Psychoanalyse Verlag, Edition internationale de Psychanalyse , crée un fonds polonais).

Russie : En Ukraine, à Odessa, Moshe Woolf, crée la revue La vie de l'âme.

1919

Janvier : Création de l’Internationaler Psychoanalytische Verlag (directeurs : Freud, Ferenczi, Rank, von Freund). Un don généreux d’Anton von Freund (Antal von Freund von Töszeghi, 1880-1920), patient de Freud et proche du groupe de Budapest, permet de financer une maison d’édition consacrée à l’analyse, la Verlag. Rank, l’un des membres fondateurs, en est directeur. La Verlag sera détruite en mars 1938 à Vienne par les nazis, après l’Anschluss. Anton von Freund, fils d'un riche brasseur hongrois, brasseur lui-même et docteur en philosophie est membre du « Comité secret ». L'analyse de von Freund par Freud est particulièrement intéressante, y compris celle du « fantasme névrotique » de « rendre le père riche ». L'International Psychoanalytischer Verlag passe sous la gestion de Rank.

Mars : K. Abraham demande à Freud que l'on renouvelle l'expérience du Jahrbuch. « Je continue à penser que la suppression du Jahrbuch a été une erreur. Maintenant que nous avons justement une maison d'édition à nous, il faudrait qu'existe, en plus de la Zeitschrift à laquelle on s'abonne, un Jahrbuch qu'on achète pour se mettre au courant de l'état de la science. Les comptes-rendus d'ouvrage encombrent inutilement la Zeitschrift » (cf. lettre de Freud à Abraham, 1919. « Votre invite à remettre le Jahrbuch en marche appelle également un examen minutieux et pourra intervenir dans vos entretiens avec Rank. Les difficultés m'apparaissent à présent plus grosses que le besoin. Étant donné l'énormité des frais d'impression, la maison éprouve déjà l'entretien de deux revues comme une lourde tâche. En outre, la troisième serait limitée à un public purement psychanalytique dont le pouvoir d'achat n'est pas très grand. Peut-être pourrait-on inciter Deutike à reprendre le Jahrbuch ; mais je crains que la matière que nous produisons au cours d'une année ne suffise pas à l'alimenter »).

Avril : À Leipzig à l'initiative de l'étudiant en médecine Karl H. Voitel est fondée une Société pour la recherche psychanalytique.

Mai : « Sachs donne des cours devant un bon public payant » (S. Freud à S. Ferenczi).

Juillet : Lettre de Freud à O. Pfister : « Le Dr Tausk a mis fin à sa vie. Un grand don, mais un être poursuivi par le destin, une victime de la guerre, après coup ; l'avez-vous connu ? ».

Allemagne : Max Eitingon et Ernest Simmel présentent à la Société Psychanalytique de Berlin, alors présidée par K. Abraham, le projet d’une polyclinique où des cures psychanalytiques pourraient être menées gratuitement, selon un vœu exprimé par Freud que les classes pauvres bénéficient du soin psychanalytique. L’Institut sera fondé l’année suivante ; son statut élaboré en 1923.

Brésil : Franco de la Rocha est le premier titulaire de la chaire de neuropsychiatrie de la Faculté de médecine de Sao Paulo. Le journal O Estado de Sao Paulo (20 mars) publie sa conférence inaugurale “Du délire en général” où est mentionné l’apport freudien. La même année, il publie dans la Revue du Brésil l’article « La doctrine de Freud ». En novembre, Medeiros de Albuquerque donne une conférence à la polyclinique de Rio de Janeiro “La psychologie d’un neurologiste – Freud et les théories sexuelles”.

France : Jean Piaget, installé à Paris donne une conférence sur la psychanalyse et la psychologie de l’enfant à la Société Binet. Ce texte fait de lui un des premiers présentateurs des thèses freudiennes en France.

Lettre de Breton à Tzara, le 4 avril « Kraepelin et Freud m’ont donné des émotions très fortes ».

Grande-Bretagne : En février, dix membres de la London Psycho-Analytical Society attachés à l’œuvre freudienne défont le groupe et le reforment sous le nom de British Psycho-Analytical Society, qui sera la septième composante de l’IPA. Ils portent Jones à la présidence.

Mars : E. Jones rencontre O. Rank en Suisse dans le but de créer une filiale de l’Internationale Psychoanalytische Verlag à Londres.

L’économiste Keynes qui fréquenta le groupe de Bloomsburry, généralise la méthode du portrait psychologique à l’analyse de la société entière. Il rédigera un portrait du président Wilson. Dans un texte nommé le Conseil des quatre il écrit à propos de Wilson « Pour le Président, admettre que la réponse des Allemands était fondée c'était perdre le respect de soi-même et déranger l'équilibre intérieur de son âme, et sa nature têtue se mobilisa instinctivement et entièrement pour protéger cet équilibre. Dans le langage de la psychologie médicale, suggérer au Président que le Traité représentait l'abandon de ses professions de foi équivalait à toucher à vif un complexe freudien. La discussion même du sujet était intolérable, et tous ses instincts subconscients s'activaient pour en empêcher une analyse plus profonde » . Freud lit le livre de Keynes qui lui a été envoyé par James Strachey. Le groupe de Bloomsburry, qui rassemblait des intellectuels anti-victoriens dont Lytton Strachey et son plus jeune frère James, permit à Keynes de se familiariser avec la pensée freudienne. Il se lança en 1925 dans la lecture de l’intégralité des textes de Freud. Ce groupe mettait à l’honneur la pratique de l’autoanalyse pour ses membres

Hongrie : en mars-avril, lorsque le régime libéral de Karolyi tombe et est remplacé par le gouvernement communiste de Béla Kun, Ferenczi est nommé par la « République des Conseils » au poste de professeur de psychanalyse (le premier au monde) à l’Université de Budapest. Sandor Rado a joué un grand rôle dans cette nomination. Roheim sera parmi les chargés de cours nommés. Fanny Hann enseigne à l’Université dont elle sera licenciée pour sa participation au programme culturel pendant cette période de la « commune hongroise ». Imre Herman sera assistant de Geza Revesc qui vient aussi d’être nommé professeur. Mélanie Klein présente devant la Société Hongroise de Psychanalyse son premier cas d’analyse d’enfant, “Der Familienroman in statu nascendi”, qui lui vaut son entrée comme membre et sans supervision. Elle y expose, sous le prénom de Fritz, l’analyse de son fils Erich qu’elle observe depuis l’âge de trois ans. M. Klein a probablement analysé également ses autres enfants . Parution de “Faut-il enseigner la psychanalyse à l’Université” dans l’hebdomadaire hongrois La thérapeutique, dans le cadre d’une enquête sur la réforme de l’enseignement médical, il était alors question d’intégrer l’enseignement psychanalytique dans les études de médecine (plus d’un millier d’étudiants adressèrent une pétition en ce sens au recteur de l’Université). En août, après la « terreur rouge », la « terreur blanche » ; un groupe de commandos anticommunistes et farouchement antisémites influencent le pouvoir qu’exerce le contre-amiral Miklos Horty de Nagybana après qu’il ait renversé B. Kun. Le professorat de Ferenczi lui est retiré. En 1920, il sera exclu de l’Association des médecins hongrois. Dans ces circonstances, le Comité secret (créé en 1912) estime plus prudent de confier la présidence de l’IPA à Jones, résidant en Angleterre. Ferenczi démissionne de son poste.

Italie : Edoardo Weiss est le premier italien qui pratique la cure standard. Il connaît Freud, a été analysé par Paul Federn, il rentre à Trieste et y pratique l’analyse.

Pologne : Eugénie Sokolnicka, retournée en Pologne, traite pendant six semaines un garçon de dix ans et demi, atteint de névrose obsessionnelle avec phobie du toucher et angoisses alimentaires exacerbées ; la technique de la cure est centrée sur l’interprétation des rêves et l’analyse du transfert, c’est une des toutes premières analyse d’enfant réalisée sur le principe de la cure d’un adulte. (Intern. Zeitsch. F. Artz. Psychoa., t. VI, 1920 : 228-241)

Suisse : Création du Groupe psychanalytique de Genève présidé par E. Claparède. Parmi les membres : Pierre Bovet, Henri Flournoy, Charles Odier, Raymond de Saussure.

A Zurich se réunit la première séance scientifique de la Société suisse de Psychanalyse. Parmi les membres fondateurs : O. Pfister, E et M. Oberholzer, H. Rorschach, H. Frey, E. First et E. Neuenhofer. J. Piaget rejoindra cette société un an plus tard.

1920

Janvier, le 20, mort d'Anton von Freund des suites du cancer de la prostate au Cottage-Sanatorium de Vienne, où Freud lui rendit une visite quotidienne au cours de ses derniers jours. Freud est nommé professeur titulaire de la Faculté de Médecine de l'Université de Vienne. 5 jours plus tard meurt une des filles de Freud, Sophie. À partir du vol. 6 de la Zeitschrift disparaît de son titre la mention « ärztliche » (médicale).

Freud est invité par Löffler, professeur de droit, à faire une expertise sur le traitement électrique des névroses de guerre. “Névroses sur les mouvements de secousse et de tremblements, ainsi que sur leur traitement diagnostique et thérapeutique par faradisation”. Le début des débats fut fixé en octobre, le 14.Freud avait l’année précédente différencié les névroses traumatiques de guerre des autres névroses traumatiques par lui qualifiées de « pures ». Il note : « On pourrait même dire, que dans les névroses de guerre, ce dont on a peur, à la différence des névroses traumatiques pures et rapprochement avec les névroses de transfert, ,c’est bien d’un ennemi interne » (in Introduction à « Sur la psychanalyse des névroses de guerre ». )

Du 8 au 11 septembre, 5° congrès de l'IPA à la Haye (président E. Jones). Premier congrès international après la Première Guerre Mondiale qui devait, selon Jones, se tenir dans un pays neutre. Binswanger y fait une conférence sur “Psychanalyse et Psychiatrie clinique”. Selon lui, la psychiatrie est, par la psychanalyse, mise au défi de se décider comme science autonome, qui a son propre logos en accord avec un objet scientifique propre, au lieu de n’être qu’un agrégat de techniques, de méthodes et de nosologies. C’est le début des grands débats toujours actuels sur la thérapie, sa technique et ses méthodes. Geza Roheim y est présent. Freud y intervient en lisant “Suppléments à la théorie des rêves”. À la suite de ce Congrès, Jones est nommé président du comité secret. Freud propose que les membres de ce Comité échangent des Rundbriefe, ou lettres circulaires. Ces lettres seraient hebdomadaires. Elles vont de deux à sept pages dactylographiées.

Dans son article, « Préhistoire de la technique psychanalytique » Freud indique qu’une des sources de sa technique d’association libre serait un court texte de Ludwig Börne, auteur satirique et écrivain allemand, réfugié politique en France. Cet écrit datant de 1823 indique la mise en application de l’écriture dite automatique  : « Prenez , écrit Börne, quelques feuille de papier et transcrivez trois jours durant, sans tricherie ni hypocrisie, tout ce qui vous passe par la tête ; » Freud reçoit à l’âge de quatorze ans, en cadeau, les œuvres complète de Börne, et cinquante ans plus tard, il possède toujours ce livre, le seul datant de sa jeunesse.

Allemagne : Max Eitingon et Ernst Simmel créent à Berlin une polyclinique psychanalytique. En 1921, Wlater Schmidelberg qui fut en « contrôle » avec Freud, apporte son concours à l’organisation de cette institution. La capitale allemande rejoint la ville de Vienne aux avant-postes de la psychologie médicale. Eitington crée également l’Institut psychanalytique de Berlin. Le programme de l’Institut comporte des cours sur la technique psychanalytique et la théorie, mais aussi s’ouvre au champ de la psychanalyse appliquée au droit, à la sociologie, à la philosophie à la religion et à l’art. Rudolph Lœwenstein, qui sera le psychanalyste de Lacan y fait un séjour.

Belgique : Fernand Lechat, son épouse Camille et Maurice Dugautiez, s’intitulant psychistes, mettent en place en 1920 un Cercle d’études psychiques où sont pratiqués, outre la psychanalyse, spiritisme et hypnose.

Brésil : Parution du premier livre brésilien consacré aux thèses de Freud, signé de Franco da Rocha, Le pansexualisme dans la doctrine de Freud qui sera réédité en 1930 avec un nouveau titre, La Doctrine de Freud, qui supprime la référence au pansexualisme, terme critiqué par Freud lui-même. Après la publication de son livre, Franco da Rocha a été considéré comme malade mental et une commission de la faculté de médecine a été formée pour mieux évaluer ses conditions mentales.

France : Eugénie Sokolnicka s’installe en France avec l’aval de Freud. Introduite par Georges Heuyer à l’hôpital Sainte-Anne, elle analyse des médecins psychiatres de ce qui sera le service du Pr. H. Claude. Elle sera renvoyée de Sainte-Anne par Claude qui ne veut pas de psychanalyste non médecin. Elle trouve parmi les écrivains dont Jacques Rivière et André Gide un public passionné par ses « séances Freud ». Gide aurait fait une très rapide cure avec elle et il en dresse un portrait dans les Faux-Monnayeurs sous les traits de la « doctoresse Sophroniska ».

Piaget donne à la Société A. Binet une conférence sur le mouvement psychanalytique.

Grande-Bretagne et États-Unis : E. Jones fait sortir The International Journal of Psychoanalysis pour l’Angleterre et les États-Unis (cf. lettre de Freud à K. Abraham, 1919). L’éditorial du premier numéro prend position clairement. Si la psychanalyse partage avec les autres sciences le danger de la multiplication des revues, de la dispersion des résultats et de la dissémination des efforts, il faut, par ailleurs, tenir compte d’un facteur propre à la psychanalyse, l’opposition à la psychanalyse qui, indique l’éditorial, se déguise sous toutes formes de slogans réducteurs qui renvoient à des attitudes intellectuelles légitimes telles que « résistance au dogme » ou « liberté de pensée », « élargissement de la vision »… plus redoutables que bien des oppositions franches. Du point de vue de la psychanalyse, conclut l’éditorial, les deux formes de défense, l’opposition ouverte et l’opposition déguisée, doivent être considérées comme fondamentalement identiques et seront traitées comme telles dans cette revue. L’International Journal of Psychoanalysis deviendra en 1941 l’organe officiel de l’IPA. En Grande-Bretagne, traduction de l’Au-delà du principe de plaisir publié par la Hogarth Press. Ouverture au 51 Tavistock Square, Bloomsbury, Londres, par Hugh Crichton-Miller, de la Tavistock Clinic, premier centre psychodynamique de consultation externe conventionné en Grande-Bretagne. Les psychanalystes Susan Isaacs et Karin Stephen prennent part au programme de la formation de cette clinique. Rank et Jones sont nommés membres honoraires de la Société britannique.

Ella Sharpe qui s’est rendue en 1917 à la Clinique médico-psychologique de Londres pour étudier la psychanalyse va suivre une psychanalyse à Berlin avec Hanns Sachs qui a en commun avec elle une passion pour l’art et la littérature.

Les réactions des anthropologues à Totem et Tabou et, par la suite, à une anthropologie psychanalytique, restent hostiles, mais des nuances se font jour. En effet si Boas déclare que « nous ne pouvons pas accepter, comme un progrès dans les méthodes de l’ethnologie, le transfert grossier d’une nouvelle méthode partiale d’investigation psychologique de l’individu aux phénomènes sociaux », Kroeber, lui, conclut qu’aucun ethnologue ne doit négliger le livre de Freud : « Tout ethnologue se verra obligé tôt ou tard de (le) prendre en considération » (il renouvellera son point de vue en 1939).

Pays-Bas : Du 8 au 11 septembre, 5e congrès de l’IPA à La Haye (président E. Jones). Ce premier congrès international après la Première Guerre mondiale devait, selon Jones, se tenir dans un pays neutre. Binswanger y fait une conférence sur “Psychanalyse et Psychiatrie clinique”. Début des grands débats sur la thérapie, sa technique et ses méthodes. Geza Roheim y est présent. Freud intervient en lisant “Suppléments à la théorie des rêves”.

Jelgersma fonde l’Association pour la psychanalyse et la psychopathologie de Leyde qui entretient des bonnes relations avec l’Association psychanalytique néerlandaise

Pérou : Dans le numéro 3 de la Revista de psiquiatria y disciplinas conexas Delgado rédige un article militant, “Freud et le mouvement psychanalytique”, illustré par un portrait pleine page de Freud. Ce dernier mentionnera la publication à deux reprises et déplorera sa disparition, en 1924.

République Tchèque : Arrivée à Prague de Roman Jakobson, fondateur du Cercle linguistique de Prague, dont les recherches sur la méthode structurale vont inspirer, bien plus tard, Cl. Lévi-Strauss et J. Lacan.

Russie : Moshe Woolf pratique à l’Institut de Neurologie et de Psychiatrie et y apporte une orientation psychanalytique.

Suisse : En décembre, la revue de Genève publie la traduction d’un texte de Freud sous le titre “Origine et développement de la psychanalyse”. Le psychologue suisse Yves le Lay rend accessible les cinq conférences que Freud avait prononcées lors de son voyage aux États-Unis, en 1909.

1921

G. Roheim obtient le prix Freud décerné à des travaux de psychanalyse appliquée.

Brésil : Henrique Roxo publie son Manuel de psychiatrie, où il réserve une trentaine de pages à la psychanalyse.

Chine : Zhang Dongsu, philosophe et réformateur social, inquiet de l’éventuelle propagation du communisme en Chine après la révolution bolchevique, voit dans quelques thèses freudiennes un corpus théorique apte à donner appui à sa propre critique du marxisme. Il publie, en février, dans la revue Minduo (La cloche du peuple) un article, “De la psychanalyse”, mentionnant la collaboration de Freud avec Breuer, la cure de parole, la théorie du refoulement et de la censure.

Bertrand Russel en tournée de conférences à Pékin, à propos de son livre L'Analyse de l'esprit paru cette année, évoque l’inconscient dans une conférence. Il est invité par Zhang Dongsu. Russel, fin lecteur de Rivers, voit dans la psychanalyse une technique de la révélation de la vérité et de la vie instinctuelle de l’humain. Sa théorie du refoulement, confondu avec la répression, est celle d’un mécanisme qui classe les instincts avec des valeurs positives ou négatives suivant les circonstances. Les circonstances exceptionnelles des guerres donnant le plus d’extension à ce mécanisme de la répression de la peur, etc. Russel dénie toute valeur à la théorie de la sexualité infantile.

États-Unis : La psychanalyse est en passe de devenir un phénomène de mode. La grande presse y consacre de nombreuses pages. Brill aide le très connu journaliste Bruce Barton à rédiger “You can't fool your other Self” article qui paraît dans l’American Magazine du 11 septembre. (Nathan Hale note que les versions populaires de la psychanalyse s’étaient coulées dans l’esprit du magazine à scandale ou de l’homélie religieuse.) Parution du livre Les concepts fondamentaux de la psychanalyse de Brill, marqué par un grand souci de décence et de respectabilité.

France : André Breton entreprend un voyage à Vienne pour rencontrer Freud. Il en revient fort déçu n’ayant rencontré qu'un « petit vieillard sans allure qui reçoit dans son pauvre cabinet de médecin de quartier. Ah, il n'aime pas beaucoup la France, restée seule indifférente à ses travaux […] J'essaie de le faire parler en jetant dans la conversation les noms de Charcot, Babinski, mais, soit que je fasse appel à des souvenirs trop lointains, soit qu'il se trouve avec un inconnu sur un pied de réticence, je ne tire de lui que des généralités ».

Première traduction d’un texte de Freud en France, Introduction à la psychanalyse (Payot, S. Jankélévitch). Albert Thibaudet, dans la Nouvelle Revue Française (avril), explique l’intérêt de l’application de la psychanalyse à la littérature et note le nationalisme de la psychologie française de son époque.

Première lettre de Gaston Gallimard à Freud  (11 juillet) : « Monsieur, je ne sais si vous connaissez la Nouvelle Revue Française et ses éditeurs, mais vous savez certainement pas quels fervents de vos travaux vous y comptez. M. André Gide, qui est notre plus éminent collaborateur, ne s’est-il pas mis directement en rapport avec vous ? Et c’est parce que les écrivains qui se groupent autour de notre revue et que je publie qu’il me paraît qu’il y aurait un sens à ce quelques unes de vos œuvres parussent aux Editions de la Nouvelle Revue Française, que je me permets de vous écrire… »

Recension de Introduction à la psychanalyse, S. Freud, par René Sudre, Revue Métapsychique, n° 8, 1921.

Eugénie Sokolnicka, amie de Paul Bourget et de Jacques Rivière se rapproche du groupe littéraire de La Nouvelle Revue.

Inde : Girindrasekhar Bose envoie sa thèse de doctorat à Freud qui lui répond de manière encourageante, la correspondance se poursuivra, de façon ténue jusqu’à la mort de Freud.

Iran : Les règles et les fondement de la psychologie (Ossoul va mabani ravanchenassi) traduit par Enayat présente parmi d’autres travaux ceux de Freud. (Téhéran, Shahriar, 391 pages).

Italie : La revue fondée par M. Levi-Bianchini, Archivio Generale di Neurologia e Psychiatria, ajoute la mention e Psicoanalisi.

Portugal : Egas Moniz, dans Le conflit sexuel, expose son expérience de psychanalyste à partir de deux récits de longues cures de patients névrosés reposant sur le dispositif divan/fauteuil, la règle fondamentale et l’analyse des rêves. Cependant, toujours préoccupé par l’hypnose, il fait aussi paraître une excellente biographie de l’Abbé Faria. Ces recherches lui feront délaisser la psychanalyse et toute forme de psychothérapie au profit de la neurologie.

Russie : en mai, est fondée à Moscou l’Association russe psychanalytique qui compte 15 membres I. D. Ermakov en est son premier président, M. Wulff son secrétaire. Ermakov dirige deux dispensaires psychanalytiques et fonde une maison expérimentale d’enfants, plaçant V. Schmidt à sa tête. Cette expérience qui vise à pratiquer une éducation « libre » intéresse beaucoup quelques psychanalystes. Cette maison expérimentale fermera ses portes trois années plus tard, suite à des pressions politiques.

Suisse : parution du livre de Hans Zulliger, La psychanalyse à l'école ; l’auteur est une figure de proue du Mouvement de pédagogie psychanalytique. Mis par son éditeur en relation avec Pfister, ce dernier le présente à la Société Suisse de psychanalyse, où, par deux fois, il lit des extraits de son ouvrage.

Tchécoslovaquie : N. J. Ossipov, psychiatre et fondateur de l’Association Psychanalytique de Moscou se réfugie à Prague. Il est rapidement nommé à la Faculté de Médecine de l’Université Charles comme responsable des séminaires de psychanalyse clinique. Ainsi Prague devient une des premières villes européennes où est dispensé un enseignement universitaire de psychanalyse, après Budapest où enseigne Ferenczi. Ossipov rassemble autour de lui un cercle d’émigrés russes dont Th. Dosuzkov. Il échange aussi avec le psychiatre tchèque Stuchlik. Le premier psychanalyste tchèque formé selon les règles de la psychanalyse didactique est E. Windholz, formé à l’Institut de Berlin.

1922

Allemagne : le 20 février, nomination du centre ouvert à Berlin dès 1920 par Simmel et Eitingon ; ce sera le Berliner Psychoanalytisches Institut. Du 23 au 27 septembre, 7e congrès de l’IPA à Berlin (président E. Jones). Début des controverses sur la sexualité féminine. Freud y fera une communication, non publiée, “Quelque chose de l’inconscient”, et Abraham une communication sur la mélancolie. À partir de ce congrès, Binswanger marque ses distances avec la psychanalyse (cf. Journal de Binswanger le 23 septembre 1922). Mélanie Klein qui travaille à la polyclinique de Berlin et y donne des conférences lit, lors de ce congrès, un texte intitulé “Le développement et l'inhibition des aptitudes chez l'enfant”, qui sera repris dans “L'analyse des jeunes enfants”. Jean Piaget participe à ce congrès et donne une conférence sur la pensée de l’enfant.

Autriche : Ferenczi et Abraham viennent tous deux donner des conférences à Vienne (janvier). Ouverture à Vienne d’une clinique psychanalytique « L’ambulatorium » sous l’égide d’élèves de Freud, H. Deutsch, Federn et Hitschmann. Freud ne participera pas aux travaux de la clinique qui concernent plus particulièrement les psychoses et devint aussi le lieu principal pour les contrôles des étudiants. L’Ambulatorium fonctionne avec des fonds privés, chaque analyste peut participer en recevant un patient sur cinq, gratuitement. Ils peuvent les recevoir, soit chez eux, soit à l’Ambulatorium, ou donner au centre l’argent correspondant à une cure. Freud donna à l’Ambulatorium une grande partie des fonds offerts pour son soixante-dixième anniversaire. Chaque analyste en formation est obligé de former gratuitement deux étudiants. C’est le cas du premier psychanalyste salarié de l’Ambulatorium, Richard Sterba. Riech est le premier assistant d‘Hitschmann à l’Ambulatorium. Hostilité prononcée du milieu psychiatrique à cette initiative.

Dans la Rundbrief de Vienne, du 1° novembre, il fut proposé de déplacer les activités du Verlag à Berlin, en raison de la situation économique en Autriche.

Dans la revue Imago (VIII.2), le juriste Hans Kelsen publie “Le concept d'Etat et la psychologie sociale. Avec une prise en compte particulière de la théorie freudienne des masses” (d’abord prononcé dans le cadre de la Société psychanalytique de Vienne le 30 novembre 1921). L'auteur est professeur de droit à Vienne, il est le principal rédacteur de la nouvelle Constitution, nommé très jeune professeur à l’Université de Vienne, où il exercera de 1911 à 1929, et membre de la Cour constitutionnelle créée par la République. Ultérieurement il enseignera à Cologne, Genève et Berkeley. Extrait : « Si l'on admet les thèses freudiennes de l'essence du lien social en tant que liaison du sentiment, que la thèse de la structure libidinale de la masse selon la double liaison des individus entre eux (identification,) et au leader (mise en place de l'objet en tant qu'idéal du moi) sont correctes, se pose la question fondamentale et décisive pour le problème du concept sociologique de l'Etat, de savoir si l'Etat est aussi une masse psychologique ». Une des réponses de Kelsen est que l’essence de l’Etat consiste en l’exercice d’une norme juridique dont le mode d’efficace ne peut s’analyser en termes de modalités de la « croyance » ou de « l’amour » envers une personne ou une idée personnifiée, c’est-à-dire selon les mécanismes de fusion affective et de régression mentale, tels que décrits par Freud, dans le but d’analyser certains des appareils institutionnels de l’Etat, dans sa Psychologie des masses…

Argentine : Eugène Mouchet, professeur de psychologie expérimentale et de physiologie introduit dans ses cours une référence critique à la psychanalyse.

Espagne : Un éditeur madrilène, José Ruiz Castillo se propose sur les conseils de José Ortega y Gasset de traduire les œuvres de Freud. Le traducteur est D. Luis Lopez-Ballesteros y de Torres. La parution de cette traduction, la première des œuvres complètes au monde, s’étalera sur dix années.

France : En janvier, début à Paris de la « saison Freud ». Les milieux littéraires mettent la psychanalyse à la mode. Le 1er février a lieu la première représentation à Paris, par la compagnie de Georges Pitoëff, d'une pièce d’un auteur en vogue, H.-R. Lenormand : Le Mangeur de rêve. Le personnage principal est un psychanalyste qui aide sa patiente à retrouver un souvenir d'enfance traumatique à l'origine de ses troubles mais il ne peut empêcher son suicide à la suite de cette découverte. C'est un grand succès et les critiques se muent en commentateurs de la doctrine freudienne.

Grande-Bretagne : La traduction du Léonard de Freud est réservée aux médecins. Le couple James et Alix Strachey, tous deux analysés par Freud, et qui ont rejoint E. Jones et J. Rivière dans le Comité du glossaire, commencent la traduction des Cinq Psychanalyses de Freud.

Inde : Création, à Calcutta, de la Société indienne de psychanalyse par Girindrasekhar Bose, jeune médecin qui avait pris connaissance des textes de Freud, en anglais. Il présidera cette association jusqu’à sa mort, en 1953. C’est un praticien de l’hypnose. Sous l’influence de Bose et avec l’appui institutionnel de Asutosh Mukerjee, le vice doyen de l’Université de Calcutta entre 1906 et 1914, puis entre 1921 et 1924, la psychanalyse devient une discipline importante dans la culture indienne et il lui sera demandé, par Bosé, de donner des outils pour définir en profondeur la personnalité indienne, sans doute en réaction aux essais de psychanalyse coloniale de Berkeley Hillet Daly.

Russie : En mars, création à Kazan d’une Société psychanalytique placée sous la direction d’Alexandre Louria et réunissant une majorité de médecins. En mai création d’une association psychanalytique russe qui réunit le groupe de Moscou et celui de Kazan. S. Freud soutient l’adhésion de la Société Psychanalytique de Moscou à l’IPA, Jones la refuse. Elle sera acceptée en 1924.

Suisse : Henri Flournoy (fils de Th. Flournoy) s’installe à Genève en tant que psychiatre et psychanalyste.

1923

Freud présente les premiers signes d’une tumeur à la mâchoire droite. Projet de présenter l’œuvre de Freud sous forme d’une édition complète : Gesammelte Schriften (Écrits réunis). Rank remet à Abraham la charge et la complète responsabilité de la Korrespondenzblatt (bulletins locaux). Freud confie à Ferenczi, le 25 janvier, que lui et Rank avaient « poussé à la roue » pour obtenir la séparation de la Press (britannique) et du Verlag. Ferenczi et Rank critiquent les efforts d’Eitingon pour établir la psychanalyse à Paris et à Moscou. Ferenczi trouve à redire aux éloges dont Eitingon couvre R. Laforgue qui semblait ainsi minimiser les apports de sa propre analysante, E. Sokolnicka.

Allemagne : L’Institut de Berlin élabore son programme de formation qui repose sur trois fondements : psychanalyse personnelle, contrôle et séminaires théorico-pratiques basés sur l’étude de l’œuvre de Freud. Berlin fut le point de départ des psychanalystes anglais, français et hongrois et autres, qui furent des pionniers de la psychanalyse dans leur pays : à Londres, Glover et Balint ; à Paris, Odier ; Hartamnn aux Etats-Unis ; Garma à Buenos-Aires.

Argentine : Le médecin espagnol Gonzales Lafora donne des conférences sur la psychanalyse à la Faculté de Médecine.

Australie : G. Roheim se rend en Australie centrale et à l’île Normanby.

Brésil : Waclaw Radecki dirige le Laboratoire de psychologie de la Colonia de Psicopatas do Engenho de Dentro, à Rio de Janeiro, il fait une série de conférences sur les méthodes psychanalytiques en psychologie, à Sao Paulo.

Chine : Karl Abraham apprit au Comité secret qu'un professeur de Pékin envisage de traduire les œuvres de Freud , qu'il connaît dans leurs versions allemandes et anglaises, mais devrait pour cela créer de nouveaux idéogrammes. Ainsi, les idéogrammes chinois qui symbolisent le « cœur » et la « puissance » devraient se combiner pour traduire « l'inconscient ». Ernest Jones écrit, le 15 février : « De ce que nous savons ici de la renaissance de la pensée dans la Chine moderne, j'inclinerais à penser que la psychanalyse pourrait se propager rapidement dans l'ensemble du pays ; le Verlag doit être ouvert à ce genre d'éventualités, bien que nous ne puissions guère nous attendre à ce que Rank ajoute une section de chinois à toutes les autres tâches dont il s'occupe en ce moment. A ce propos, le sens du mot Herz-Kraft (“puissance du cœur") ne serait-il pas plus proche de celui de la Libido plutôt que de celui de l'Inconscient ? ».

États-Unis : Dans son autobiographie, qu'il publie peu avant sa mort, Granville Stanley Hall rend un hommage vibrant à Freud.

Edward Bernays, neveu de Freud, émigré aux U.S.A., ose une interprétation très originale de l’œuvre de son oncle, afin de créer une technique de persuasion et de manipulation de l’opinion et des masses. Il publie Cristalliser l'opinion, à quoi fera suite, en 1928 un second ouvrage intitulé Propagande. Edward Bernays fut l'un des pères fondateurs des "relations publiques". Conseiller pour de grandes compagnies américaines, Bernays a mis au point les techniques publicitaires modernes. Au début des années 1950, il orchestra des campagnes de déstabilisation politique en Amérique latine, qui accompagnèrent notamment le renversement du gouvernement du Guatemala, en étroite collaboration avec la CIA.

France : Le 28 octobre, première rencontre entre M. Eitingon et R. Laforgue en vue de créer une société psychanalytique à Paris. S. Jankélévitch traduit Totem et Tabou (Payot).

Grande-Bretagne : Donald Winnicott, pédiatre de formation est nommé médecin responsable de l’hôpital d’enfants de Paddington Green, à Londres. Il commence peu après une cure analytique avec Strachey.

Portugal : Egas Moniz fait mention des idées de Freud dans la préface de l’une de ses nombreuses rééditions.

Roumanie: Un élève de Charcot, George Marinescu, publie deux articles qui renseigneront les intellectuels roumains sur la psychanalyse, “Introduction à l’étude de la psychanalyse” et “Critique de la théorie freudienne”.

Constantin Vlad, psychiatre à Bucarest fait paraître, en roumain, sa thèse Contribution à l'étude du traitement psychanalytique. Il publie régulièrement par la suite (1926 : Dans le domaine de l'Inconscient psychanalytique) et ses principaux travaux portent sur le narcissisme, le symbolisme et la psychanalyse appliquée (étude sur le poète Eminescu, ou sur Lady Macbeth).

Russie : Création d’un Institut de psychanalyse d’État. Traduction de Totem et Tabou qui sera publiée par les Éditions d’État, dirigées par le mathématicien Otto Schmidt. Vice-président du comité de coordination de la Société Psychanalytique de Moscou et de l’institut psychanalytique (dirigé par I. Ermakov) il finance, de 1921 à 1926, la publication de la Bibliothèque de psychologie et de psychanalyse, tout en assurant les moyens nécessaires aux institutions psychanalytiques grâce à son rang au sein du gouvernement. Quelques années plus tard, Trotski témoignera de son intérêt pour le freudisme qu’il voit relayer et confirmer le courant pavlovien. Cet intérêt se renforcera encore dès la publication du Malaise dans la civilisation.

Suède : Groddeck effectue un séjour à Stockholm où de séminaires en conférences, il éveille l’intérêt de quelques médecins pour la psychanalyse

Suisse : Dans la Revue de Genève, son directeur Robert de Traz relate son entrevue avec Freud. Extraits : « cet homme qu’on imaginerait, d’après certains de ses commentateurs, bizarre et prophétique, témoigne au contraire d’une charmante bonhomie. Teint mat, oeil vif, barbiche grise et dure, il rit tout à coup ou soudain s’impatiente… Je lui raconte que des écrivains français, en nombre grandissant, s’intéressent à ses découvertes. Il s’en amuse tout d’abord :

– Vraiment ? Mais je suis si peu traduit en français ! Alors vous dites, les milieux littéraires…

L’idée lui plaît. Puis comme je lui signale que cet engouement provoque certains malentendus, très vite il ajoute :

– À propos de la « libido », bien sûr. Naturellement. Eh bien ! je ne veux pas qu’on voie dans ma doctrine une obsession sexuelle. C’est faux ! À mes yeux, la « libido n’explique pas tout l’homme qui comporte bien d’autres ressources psychologiques.D’ailleurs, dans mon système, la « libido » ne signifie pas le seul désir génital, mais le désir en général. Elle a été définie à l’avance par Platon, monsieur, lorsqu’il a défini Eros, et aussi par l’apôtre Paul. C’est un principe d’attraction. Voilà tout.

Irrité, il répète :

– Ma méthode ne se limite pas à la sexualité… »

1924

Autriche : Congrès de Salzbourg, en l’absence de Freud. Après le retour d’Eitingon, Freud, en faisant appel à Rado, provoque un entretien avec Abraham et Sachs pour régler la situation de Rank. Son départ est obtenu. « Nous avons perdu l’un de nos meilleurs éléments, mais ce n’était tout de même que l’un d’entre nous » (Freud le 12 novembre 1924 à K. Abraham). A. J. Storfer, psychanalyste viennois d’origine roumaine, remplace Rank au poste de directeur général de l’Internationale Psychoanalytische Verlag et assumera cette fonction jusqu’en 1932. Sandor Rado se voit confier la rédaction de l’Internationale Zeitschrift fûr psychoanalyse, trois ans plus tard Freud lui confiera aussi la rédaction d’Imago.

Fritz Wittels, fait paraître la première biographie de Freud, Freud, l'homme, la doctrine qui sera détesté de Freud qui répond à l’auteur »j’ai à peine besoin de vous dire que je n’attendais ni ne désirais la publication d’un tel livre. Il me semble que ma personne n’est pas l’affaire du public et qu’il ne peut rien apprendre d’un compte-rendu sur celle-ci, aussi longtemps que mon cas (pour de multiples raisons ne peut être expliqué clairement sans toutes les réserves possibles ».. Ce livre sera traduit en anglais même année. Wittels sera tout de même réadmis au sein de la Société Psychanalytique de Vienne en 1925. Il émigre aux USA en 1928 et y poursuivit sa carrière.

Arnold During, membre du Conseil supérieur de la santé de Vienne, consulte Freud sur l’exercice par des non-médecins de la psychanalyse. En dépit de la réponse de Freud, Reik se verra l’année suivante interdit d’exercer la psychanalyse par la municipalité viennoise.

Belgique : parution d’un numéro spécial de la revue Le Disque vert (dir. F. Hellens, J. Paulhan et A. Salmon étant membres de la rédaction pour la France), intégralement consacré à des controverses et des hommages à propos de la psychanalyse. Psychanalystes, sommités médicales et littéraires, dont certaines proches du surréalisme, y sont publiés : G. Dwelshauwers (ultérieurement directeur du Laboratoire de Psychologie expérimentale de Catalogne, se montre très réservé vis-à-vis de la psychanalyse), V. Larbaud, A. Ombredane, H. Michaux, R. Crevel, F. Hellens (directeur de la publication, il se rapprochera ultérieurement des thèses de Jung). On peut citer de Crevel : « La psychanalyse nous permet de nous retrouver ; c’est beaucoup lorsqu’on songe au fatras de la civilisation ; à la vérité, elle a donné la notion d’une discipline plutôt que d’une science nouvelle. Aux plus audacieux, elle permet de trouver une morale, et encore une fois cette morale est individuelle, et c’est moins une morale qu’une hygiène d’âme » ; et de Larbaud : « Le désir, ou la manie, d’attribuer à la sexualité un rôle prépondérant sinon exclusif dans les phénomènes de l’émotivité donne à tous les développements de la doctrine de Freud un caractère de parti pris qui nous met en défiance. Et, du reste, s’il y a beaucoup de choses ingénieuses dans les exposés de Freud, il y en a aussi beaucoup qui nous paraissent arbitraires ou grossièrement déduites » ; de H. Michaux, enfin : « Si j’examine la folie, je trouve l’orgueil. Beaucoup plus de fous marquent l’orgueil que la libido. Dans le rêve même, l’instinct de conservation, l’instinct de domination, l’instinct de cupidité se retrouvent. Freud voit dans les rêves des verges symboliques. Moi, j’y vois des poings, des assiettes de la faim, des maisons d’avarice. L’amour-propre est l’instinct intrinsèque de l’homme. »

Julien Varendonck (1879-1924), qui fut élève de Freud et auteur de The Psychology of Day-dreams (Psychologie des rêves éveillés, Londres, Allen & Unwin, 1921, préfacé par S. Freud et traduit par Anna Freud) et a séjourné à Vienne en 1923 pour y approfondir sa formation, ouvre un cabinet à Gand. Il mourra trop rapidement pour trouver analysants et élèves aptes à suivre sa voie.

Brésil : À Porto Alegre, Joao Cesar de Castro publie Conception freudienne des psychonévroses.

Espagne : José Sànachis Banus, psychiatre favorable à Freud, fait paraître La cuestion del psicoanalisis.

États-Unis : l’American Psychoanalytic Association vote une résolution excluant tous les psychanalystes non-médecins. Rank donne des conférences à New-York auxquelles assiste un public nombreux.

Le producteur Samuel Goldwin propose cent mille dollars à Freud, par lui considéré comme « le plus grand spécialiste de l’amour au monde ». Refus très sec de Freud.

France : Publication du livre de R. Laforgue et R. Allendy, préfacé par H. Claude et le Dr Lorge, La psychanalyse des névroses. Eugénie Sokolnicka rédige le premier article sur la psychanalyse dans le Traité de pathologie médicale d’Émile Sergent. Publication de l’article de G. Politzer, “Le mythe de l’anti-psychanalyse”, qui défend l’œuvre de Freud tout en lui reprochant de continuer les travers de la psychologie classique : formalisme, abstraction et idéalisme. Publication d’un pamphlet anti-psychanalytique, La psychanalyse, de C. Blondel, au nombre des arguments : les succès thérapeutiques ne sont pas un gage de la solidité doctrinale, critique de la théorie freudienne relative à la sexualité.

Grande-Bretagne : Les membres de la Société britannique de psychanalyse, fondée en 1919, créent l’Institute of Psychoanalysis. Les premiers objectifs étaient de traiter les questions de trésorerie et les publications. Par la suite, l’institut assumera des tâches plus vastes : administration de la clinique et formation.

Jones, en février, fait une conférence, à l’Institut Royal d’Anthropologie, intitulée “Psychanalyse et anthropologie”. il y expose les notions d’inconscient, de refoulement et de complexe œdipien. Fortes protestations dans l’assistance et cette contribution ne figurera pas même dans le procès-verbal officiel.

Susan Isaacs, qui enseigne la logique et la psychologie, analysée pr Joan Rivière est directrice, jusqu’en 1927, de la Malting House School de Cambridge où elle réalise des recherches pionnières sur le développement de l’enfant.

1925

Juin, le 20 : Mort de Joseph Breuer à l'âge de 84 ans.

Juillet : la municipalité de Vienne interdit, par décret, Theodor Reik de pratiquer lapsychanalyse

Du 2 au 5 septembre : 9e congrès de l’IPA à Bad-Homburg, en Allemagne (président K. Abraham). Anna Freud y lit le texte que son père avait spécialement écrit pour l’occasion : “Quelques conséquences psychiques de la différence des sexes au niveau anatomique”. L’état de la santé de Freud l’empêche d’y assister, et à partir de là, il n’assistera plus aux congrès de psychanalyse. M. Eitingon instaure les règles de la psychanalyse didactique qui sont applicables à toutes les sociétés composantes de l’IPA par le biais d’une International Training Commission (ITC).

Le 25 décembre, mort de K. Abraham. Le 21 mai 1926, Freud à Binswanger : « Vous avez exactement deviné ce que la mort d’Abraham a représenté pour moi. Mais quand on vit si longtemps, on ne peut pas toujours éviter d’être un survivant. Après tout, la psychanalyse n’est pas une affaire personnelle et elle continuera d’exister, même si je n’en ai plus la maîtrise ».

Aichhorn publie un livre sur ses prises en charge d’adolescent, Jeunesse à l'abandon, Freud lui donne une préface où il écrit que « l’enfant est devenu l’objet principal de la recherche psychanalytique ; il a pris en quelque sorte le relais du névrosé, premier objet de cette recherche ».

Dans Int. Journ. Psychoanal., E. Jones répond aux critiques de B. Malinowski ouvrant la controverse où brillera G. Roheim.

Marie Bonaparte se rend à Vienne pour entreprendre une analyse avec Freud.

Stefan Zweig dédicace à Freud son livre Le combat avec le Démon (essai sur Kleist, Hölderin, et Nietzsche).

Belgique : un autre numéro du Disque Vert traite de la psychanalyse : “Des rêves”.

France : Georges Heuyer, professeur de psychiatrie infantile à la faculté de médecine de Paris, crée dans sa clinique annexe un laboratoire de psychanalyse que dirige Sophie Morgenstern. Lors de son retour de New York, à la mi-février, Rank fait escale à Paris où il donne des conférences à la Sorbonne et a rencontré à plus d’une reprise des membres du noyau français : Laforgue, Sokolonicka, Bonaparte.

Parution du premier numéro d’une revue, L'Evolution Psychiatrique, qui porte comme sous-tire Psychanalyse-Psychologie clinique. Juste à la suite de l’éditorial, prend place un article vraisemblablement dû à Hesnard et Pichon “Aperçu historique de la psychanalyse en France” on peut y lire « les médecins, neurologues et psychiatres, n’ont abordé l’examen des idées de Freud qu’avec une grande répugnance ».

Grande-Bretagne, janvier : Londres, en décembre, à l’exemple de Berlin et de Vienne, inaugure un Institut de Psychanalyse, fondé sur la base d’une donation d’une ancienne patiente de Jones, Pryns Hopkins. Les Strachey invitent Mélanie Klein à Londres pour une série de six conférences durant trois semaines.

Brésil : Arthur Ramos, médecin psychiatre qui s’est intéressé à la criminologie, la psychiatrie et l’ethnologie, publie sa thèse Primitif et folie, qui suscitera de nombreux commentaires. Ultérieurement, professeur renommé d’anthropologie, il écrivit quelques ouvrages psychanalytiques, bien qu’il n’ait eu aucune formation psychanalytique ni fait d’analyse personnelle. Il entretint une correspondance avec Freud, Jellife et Bleuler. Il fut le premier à publier, en 1934, une étude psychanalytique du nazisme. Le 11 février 1928, Freud écrira à Ramos : « Je viens de prendre connaissance de vos résultats à partir de vos rapports, je les trouve très intéressants et entièrement d’accord avec ce qui était attendu d’après les travaux psychanalytiques développés jusqu’alors. »

Durval Marcondes (1899-1981) a pris connaissance de l’œuvre de Freud par son professeur Franco da Rocha (lui-même psychiatre de grande renommée qui publia quelques ouvrages sur la psychanalyse freudienne). Il ouvre un cabinet de consultation où il traite des névrosés par la méthode psychanalytique.

Chili : Fernando Allende Navarro (1890-1981), le premier psychanalyste chilien, fit ses études médicales en Belgique, puis en Suisse où il travailla avec Rorschach. Membre de la Société Suisse de Psychanalyse, puis de la Société psychanalytique de Paris, il fait valider son titre à l’Université du Chili en soutenant sa thèse, El valor de la psichoanàlisis en la policlinica.

États-Unis : Fondation à Topeka (Texas) de la Menninger Clinic qui se veut un centre de soins psychique reposant sur une idée d’une approche de soin intégrative incluant l’abord médical, familial et les théories psycho-dynamiques. La psychanalyse de Freud sera un des éléments de ce socle doctrinal. En 1931, la Menninger Clinic deviendra la première institution de soin à être accréditée comme lieu de formation en soins psychiatriques pour les infirmiers. Karl Menninger qui se vit, à juste titre, comme un pionnier de la psychanalyse rendra visite à Freud en 1934.

France : Première publication de la future revue L'Evolution psychiatrique, Psychanalyse-psychologie clinique édité par Angélo Hesnard, René Laforgue (France)

Grande Bretagne : Dans The Nation and the Anatheum, Keynes, sous le pseudonyme de SIELA écrit au rédacteur en chef de ce journal une lettre à l’occasion de la parution en anglais du 3° volume des Collected Papers de Freud où il déclare que ce n’était pas tant les preuves empiriques offertes par l’édition des théories de Freud qui les feraient considérer avec sérieux, mais bien davantage "l’attraction qu’elles exerceront sur nos propres intuitions, dans la mesure où elles contiennent quelque chose de nouveau et de vrai sur la manière dont fonctionne la psychologie humaine". Keynes conclue en recommandant autant aux partisans de Freud qu’à ses détracteurs de lui accorder "une considération très sérieuse et sans parti pris", Freud étant "l’un des génies les plus dérangeants et les plus novateurs de notre temps, c’est-à-dire une sorte de diable"

Grèce : Andréas Empeirikos (1901-1975) poète et psychanalyste, a étudié la philosophie et la littérature à l’université d’Athènes. En 1927 il fait la rencontre d’André Breton en 1927 et adhère intellectuellement à la doctrine surréaliste et à ses méthodes de création. Son œuvre poétique se réclame de l’écriture automatique, mais encore de Rimbaud, des futuristes Lors de son séjour à Paris entre 1925 et 1931, il entreprend une analyse en 1926 auprès de René Laforgue qui

Haïti : Lettre de Freud le 9 juillet 1925 (Semmering, villa Schüller) à K. Abraham : « Pour votre amusement, je vous raconte qu’a débarqué aujourd’hui un numéro du Matin, avec un éditorial sur la psychanalyse. Il semble n’y avoir là rien de spécial, mais le Matin en question paraît à Port-au-Prince à Haïti, et ce n’est pas tous les jours qu’on a de la correspondance de là-bas ».

Hongrie : dans la seconde édition de son Livre des rêves, le romancier Gyula Krudy tient la théorie freudienne du rêve pour « surprenante et magnifique », ajoutant « je ne voudrais pas que mon livre soit jugé comme erroné sur le plan scientifique, car on peut y trouver la trace des idées du professeur Freud et de Ferenczi » Ferenczi avait fait connaître au romancier l’Interprétation des rêves durant la guerre.

Italie : Le 7 juin, à l’initiative de Marco Levi Bianchini, directeur de l’Hôpital psychiatrique de Nocera Inferiore (Salerne), est créée la Società psicoanalitica Italiana. Seul E. Weiss avait été analysé.

1926

Freud rédige La question de l'analyse profane, dont paraît immédiatement après une traduction en anglais destinée aux américains et préfacée par Ferenczi. Jones fait de la censure en supprimant des pages contenant de virulentes critiques contre le scientisme. Une discussion sur cette question est organisée conjointement par l’International Journal of Psychoanalysis (de Jones) et la Zeitschrift für Psychoanalyse (de Rado). Jones, publiant en 1927 ces contributions dans un volume qui regroupe des interventions au colloque sur la psychanalyse d’enfants (Londres, 1927), établit un lien entre ces deux questions dans la mesure où les médecins américains avaient le sentiment que leur position était menacée et redoutait de voir des psychanalystes non-médecins mener des cures d’enfants. Il juge « partiale » la position de Freud et recommande aux analystes de suivre des études de médecine. Cette position jugée inacceptable par Freud et Ferenczi a les faveurs d’Eitingon. Freud écrit à Paul Federn, président de la Société psychanalytique de Vienne et auteur d’un rapport sur l’analyse profane : « Le combat pour la psychanalyse laïque devra à quelque moment être mené jusqu’au bout. Le plus tôt sera le mieux. Tant que je vivrai, je m’opposerai à ce que la psychanalyse soit engloutie par la médecine. Il n’y a naturellement pas de fondement à faire mystère devant les membres de la Société de ces propos que je tiens ».

En juin, passant l’été à Semmering Freud accorde une :entrevue au journaliste Georges Sylvester Viereck, romancier (et auteur d’un Songs of Amageddon, 1916, en faveur de Rossevelt ) qui publie, le 19 août, dans le New York American, une interview de Freud, la première acceptée par le psychanalyste, impressionné par la compréhension de la psychanalyse dont témoigne le journaliste. Selon une suggestion de Freud, Viereck le surnomme « Le Christophe Colomb de l’inconscient ». Ce texte paraîtra par la suite à plusieurs reprises (1957). Le journaliste et romancier soutiendra par la suite le nazisme, tout en récusant l’antisémitisme. Extraits des paroles de Freud : « La vie change. La psychanalyse change, elle aussi. Nous sommes tout juste aux débuts d’une science nouvelle… Je ne suis qu’un initiateur. Là où j’ai découvert quelques temples, d’autres découvriront peut-être des continents…Je me méfie un peu de ma popularité aux États-Unis : l’intérêt américain pour la psychanalyse reste superficiel. La popularité mène à une acceptation superficielle, qui se passe de recherches sérieuses. Les gens ne font que répéter les phrases qu’ils apprennent au théâtre ou dans les revues. Ils croient comprendre quelque chose à la psychanalyse parce qu’ils peuvent répéter comme des perroquets son jargon. Je préfère l’étude plus approfondie de la psychanalyse, effectuée dans les centres européens, bien que les États-Unis aient été le premier pays à me reconnaître officiellement »… « Ma langue est l'allemand. Ma culture, mon œuvre sont allemandes. Intellectuellement je me suis considéré comme un Allemand, jusqu'au jour où j'ai constaté la montée des sentiments antisémites en Allemagne et en Autriche allemande. Depuis, je préfère me dire juif » (cf. George S. Viereck, Glimpses of the great, Londres, 1930)

Freud supportait mal les journalistes. Il a, ultérieurement, éconduit le futur grand cinéaste Billy Wilder qui travaillait au quotidien viennois Die Stunde avant d’être scénariste pour Robert Siodmak à la U.F.A. La journaliste française Odette Pannetier, membre fondatrice du jury du prix Renaudot et écrivant dans le journal maurrassien Candide prétexta souffrir de la phobie des chiens pour rencontrer Freud et présenta une lettre de recommandation d’un psychiatre français. Freud découvrit très vite la mascarade. La journaliste n’en ramena pas moins un médiocre papier publié sous le titre de « Visite au Professeur Freud » où elle brosse le portrait d’un « vieux monsieur malade, charmant et bon et qui ne se prend pas trop au sérieux »

A l’occasion du 70° anniversaire de Freud, la ville de Vienne lui remet le titre de citoyen d’honneur. Le monde officiel de l’enseignement et du soin ignore l’événement.

Juin, le psychiatre brésilien de Rio Belford Rowo rend visite à Freud. Le 25 octobre, Freud rend visite, à Vienne, à Rabindranath Tagore.

Allemagne : Les psychiatres Robert Sommer et Wladimir Eliasberg fondent la Société générale de médecine psychothérapeutique. Parmi les membres A. Adler, C. G. Jung, K. Horney, E. Kretschmer, G. Groddeck, K. Lewin, E. Simmel. La Société allemande de psychanalyse refusa de reconnaître la Société générale de médecine psychothérapeutique où se trouvaient des « psychanalystes sauvages » désavoués par Freud (la Société générale de médecine psychothérapeutique visait à réunir tous les pratiquants des diverses formes de psychothérapie). En 1928, création du Journal de cette société qui prendra en 1930 le nom de Zentralblatt für Psychotherapie (Journal Central de Psychothérapie). Création, à Francfort, de l’Institut Psychanalytique de la Communauté ouvrière psychanalytique de l’Allemagne du Sud-Est, créé, après son analyse avec Freud en 1919 par Karl Landaeur, avec Clara Happel et Erich Fromm, entre autres. G. W. Pabst dirige W. Krauss (acteur du Cabinet du Dr. Caligari) dans Geheimnisse einer Seele (Les mystères d'une âme), en collaboration avec K. Abraham et H. Sachs, film muet qui relate une cure psychanalytique. Ce projet suscite les plus vives réticences de la part de Freud

Anna Freud est secrétaire de l’Association psychanalytique internationale.

Brésil : Durval Marcondes, refusé au concours pour la chaire de littérature de l’École publique. Il y a présenté un texte “Le symbolisme esthétique dans la littérature. Essai basé sur les enseignements fournis par la psychanalyse”. Ce texte, publié avec une préface de Franco da Rocha fut envoyé à Freud qui répond à l’envoi. Le psychiatre de Sao Paulo, Osorio Cesar, envoie à Freud son livre L'art primitif des aliénés, mémoires de l'Hospice de Juquery (Freud répond à cet envoi). Mise en route, pour une brève durée, de la première Clinique de psychanalyse au siège de la Ligue brésilienne d’hygiène mentale, à Rio.

États-Unis : Entre 1926 et 1927, Ferenczi passe six mois aux États-Unis donnant des conférences avec un succès allant déclinant. Il forme des candidats, médecins ou non. Rank est également à New-York et donne des cours.

A l’automne, une loi votée dans l’Etat de New-York frappe d’illégalité la psychanalyse pratiquée par les non-médecins.

France : Création de la Société Psychanalytique de Paris (SPP), le 4 novembre. Allendy en élabore les statuts avec Pichon. Elle comprend d’abord neuf membres : René Allendy, Marie Bonaparte, Adrien Borel, Angelo Hesnard, René Laforgue (qui assurera la présidence jusqu’en 1930), Rudolf Loewenstein, Georges Parcheminey, Edouard Pichon, Eugénie Sokolnicka (vice-présidente), auxquels viendront se joindre Henri Codet, Charles Odier, Raymond de Saussure. Moricheau-Beauchant y est membre d’honneur, bien qu’il se soit nettement rapproché des courants jungiens.

Traduction par I. Meyerson de la Traumdeutung de Freud, cela ne fit pas de lui un partisan de la psychanalyse, il a composé, en 1925, une recension élogieuse du brûlot antifreudien de Blondel où il taxe la psychanalyse d’être une « matière lourde et malgracieuse ».

Jacques Lacan fait sa première présentation de malade à la Société neurologique à l’âge de 25 ans, le 4 novembre 1926, le jour même où fût fondée la SPP. Il passe ensuite de la neurologie à la psychiatrie.

Parution du roman de Blaise Cendras Moravagine, librement inspiré de la vie d’Otto Gross

Grande-Bretagne : En février, Freud est nommé Membre honoraire de la Société britannique de Psychologie. Création de la London Clinic of Psychoanalysis. Chacun des membres était tenu d’assurer une séance gratuite par jour durant trente années. Mélanie Klein qui arrive à Londres crée un groupe de psychanalystes d’enfants. La technique du jeu est assise sur un corps de doctrine solide.

Grèce : Dimitris Sotiriou, pédagogue et militant politique marxiste, publie une série d’articles sous le titre « Psychanalyse » dans la revue Renaissance. Il défend le savoir psychanalytique, qu’il trouve plus pertinent et scientifiquement plus solide que celui de la psychologie.

Italie : Enrico Morselli, psychiatre et universitaire de l’école positiviste italienne de neuropsychiatrie, voit paraître chez Broca à Milan les deux tomes de son livre « La psychanalyse ». C’est là un exemple éprouvant du refus des thèses freudiennes qui insupportent l’auteur dès qu’il est question de sexualité infantile. Une autre rhétorique de la résistance à l’invention freudienne est de récuser son caractère novateur. Vantant les travaux sur la paranoïa d’Eugenio Tanzi qui fut son assistant dans les années 1890, Morselli indiquant qu’on trouve déjà sous la plume de ce dernier l’équivalence entre symptômes de la psychose paranoïaque (délire, fixations) et les idées, croyances et tendances étudiées par les folkloristes, les mythologues et les anthropologues, réfute tout ce qu’apporte le mythe de la horde. « Qu’ont-ils ajouté de substantiel ou d’imprévu à la thèse de Tanzi le chef d’école Freud et ses épigones Rank et Sachs … ». Freud écrira une lettre à l’auteur où il pointe que ce qui dans son livre « est appelé psychanalyse –très estimé collègue- n’est pas la psychanalyse ! »

Pérou : Delgado publie avec la collaboration d’intellectuels péruviens un numéro spécial de la revue Mercurio Peruano, consacré à Freud. La revue, fondée en 1791, était, à sa fondation, l’organe des intellectuels criollos éclairés. Cette même année, Delgado publie une biographie de Freud qui sera retouchée d’importance par le maître lui-même.

Suisse : Sur proposition de Binswanger, Freud est élu membre honoraire de la Société Suisse de Psychiatrie. Première réunion autour de Laforgue, de Robin et de Pichon de ce qui deviendra par la suite le Congrès des psychanalystes de langue française des pays de langue romane.

1927

Janvier : Freud séjourne à Berlin, chez son fils Ernst. Le 2, Albert Einstein, accompagné de son épouse, vient lui rendre visite. Freud écrit à Ferenczi : « Il est gai, sûr de lui et agréable. Il s’y connaît autant en psychologie que moi en physique, aussi eûmes-nous une conversation très plaisante. » On trouve, à la fin de l'“Épilogue” (1927) quelques lignes dans lesquelles Freud revient sur la « démarcation » faite dans les publications entre « analyse médicale et application de l'analyse. Cela n'est pas correct. En réalité, la ligne de démarcation se situe entre la psychanalyse scientifique et ses applications dans les domaines médical et non-médical ».

Septembre : Congrès d'lnnsbruck. Il y est longuement débattu de la position de la psychanalyse par rapport aux autres savoirs.

Dissolution du Comité, qui devient une structure administrative composée par les têtes de l'Association Internationale. Sandor Rado se voit confier la rédaction d’Imago.

Allemagne : Inauguration par le président de la Société psychanalytique allemande, Ernst Simmel (de 1926 à 1930), du Schloss-Tegel à Berlin-Tegel. Ernst Simmel deviendra le directeur de ce qui est le premier établissement mondial à pratiquer des cures psychanalytiques en institution. Simmel fut le premier à supposer possible le traitement psychanalytique de maladies organiques. Hellmuth Kaiser travaille à Schloss-Tegel. L’institution est un échec financier et doit fermer ses portes en 1931. Persécuté par les nazis, Simmel émigre à Los Angeles en 1933.

Brésil : Novembre, Durval Marcondes fonde à Sao Paulo la première Sociedade Brasileira de Psicanálise (L’acte de fondation inclut les psychiatres Franco da Rocha et Osório César, et deux modernistes très actifs : Menotti Del Picchia et Cândido Motta Filho, ainsi que d’autres intellectuels et médecins importants, parmi lesquels Raul Briquet, considéré comme un des hommes les plus cultivés de son époque). Deodato de Oraes publie La psychanalyse appliquée à l'éducation. Le roman de l’intellectuel d’avant-garde Mario de Andrade Aimer, verbe intransitif est critiqué pour excès de freudisme. Marie de Andrade propose l’utilisation du terme brésilien seqüestro (séquestre) pour traduire le mot allemand Verdrängung (refoulement) employé par Freud, ce terme qui sera adopté par d’autres écrivains, dont le poète Carlos Drummond de Andrade. Julios Pires Porto-Carrero traduit L'Avenir d'une Illusion, de Freud.

États-Unis : L’APA, enfreignant le règlement de l’IPA, limite l’exercice de la psychanalyse aux seuls médecins.

France / Chine : En 1927, Marie Bonaparte demande à un sinologue, Georges Soulié de Morant, d'écrire deux articles concernant la Chine : un sur les Chinois et les rêves, l'autre sur la psychiatrie en Chine. Le premier de ces articles est paru dans le numéro 4 de la Revue Française de Psychanalyse que dirige alors Marie Bonaparte sous le titre : « Les Rêves étudiés par les Chinois ». L'auteur répertorie les rêves mentionnés dans Mémoires du Coffret de Jade rédigé par Siu Tchenn (né en 239 après J.-C.) Maurice Bouvet fait suivre ces rêves de notes personnelles concises. Exemple : le rêve « Un aigle vole » (page 743) : La dame Tchou, épouse de Yo Ro, étant sur le point d'accoucher, rêva qu'un aigle volait dans sa chambre et se posait sur sa tête. Elle mit au monde Ioda Fei qui fut Grand Maréchal et reçu le titre de roi. Bouvet rajoute la mention : « Rêve de puissance ». Autre rêve : « Arracher les cornes d'un bélier » (page 739) : Au moment où le duc de Prei était encore gardien des rues, il rêva qu'il poursuivait un bélier et lui arrachait cornes et queue.

Tann-lo expliqua en se servant des idéogrammes : « Un bélier yang dont on enlève les cornes et la queue, cela fait wang, roi. » Et en effet, plus tard, il devient roi de Rann, pour accomplir ce présage. Bouvet signale : « Rêve de castration du père »

France : Le 25 juin, parution du numéro 1 de la Revue française de psychanalyse, organe officiel de la Société Psychanalytique de Paris, « revue publiée sous le haut patronage de M. le Pr. Freud ». Il contient Le Moïse de Michel-Ange. Cette revue reste fidèle à la démarcation analyse médicale d’une part, application de l’analyse de l’autre. On y trouve un article d’Allendy “Les éléments affectifs en rapport avec la dentition”. Sacha Nacht, invité pour une conférence sur la schizophrénie, est élu membre de la Société Psychanalytique de Paris. Sophie Morgenstern (qui mettra fin à ses jours en juin1940 lors de l’entrée de l’armée allemande dans Paris) publie un article décisif pour les cures d’enfants : “Un cas de mutisme psychogène traité dans le service du Dr. Heuyer”. Première publication en français d’un travail concernant l’application de la psychanalyse à l’enfant (à travers les dessins). L’éditorial affiche : « Tous ceux qui sont curieux de choses intellectuelles peuvent ouvrir notre Revue, sans crainte d’y rencontrer un dogmatisme étroit : travailler en prenant pour base l’œuvre admirable de notre maître Freud n’implique pas du tout que l’on abdique ses idées personnelles ». Ce dont témoigne l’article de Pichon « Position de l’adaptation réciproque entre la société et les psychismes exceptionnels » qui fait fi de toute la subtilité freudienne en matière de psychopathologie en reprenant, certes contre l’organicisme, les grands canons de la théorie de la dégénérescence pour parler de la folie. A côté de Freud, invoqué et mal compris sa grande référence est ici Maurras, évoqué et bien saisi, lorsqu’il assigne à la psychanalyse le soin de devenir le nom d’une police du comportement, faisant un parallèle entre la clinique médicale à laquelle la psychanalyse doit se ranger et la notion d’empirisme organisateur chère à l’idéologue de la droite extrême. Trois années auparavant Paul Shiff et A. Antheaume avaient publié un article « La psychanalyse envisagée du point de vue de quelques applications médico-légales » qui déplorait les thèses expéditives de la théorie de la dégénérescence et l’usage outrancier qui en était fait.

Inde : Affiliation de la Société indienne de psychanalyse créée par Girindrasekhar Bose à Calcutta.

Norvège : Stromme a en analyse pendant une année l’écrivain Knut Hamsun, alors âgé de 67 ans.

Russie : Marginalisation et déclin de l’Association Psychanalytique de Russie. Wulff ou Spielren s’exilent, les analyses didactiques cessent.

Léon Trotsky dont les thèses sur la psychologie étaient asez conformes aux vues d’Adler, s’intéresse de plus en plus à la psychanalyse freudienne, en témoigne un extrait de Culture et Socialisme, discours, paru dans «Noviy Mir» volume 1, 1er janvier 1927, où il compare le matérialisme de pavlov à celui de Freud : « C'est d'une manière différente que l'école du psychanalyste viennois Freud aborde la question. Elle part, tout d'abord, de la considération que les forces motrices des processus psychiques les plus complexes et les plus délicats s'avèrent être des nécessités physiologiques. Dans ce sens général, cette école est matérialiste, si l'on écarte la question de savoir si elle ne donne pas une place trop importante au facteur sexuel au détriment des autres facteurs (mais c'est déjà là un débat qui s'inscrit dans le cadre du matérialisme). Pourtant, le psychanalyste n'aborde pas expérimentalement le problème de la conscience, depuis les phénomènes primaires jusqu'aux phénomènes les plus élevés, depuis le simple réflexe jusqu'au réflexe le plus complexe; il s'évertue à franchir d'un seul bond tous les échelons intermédiaires, de haut en bas, du mythe religieux, de la poésie lyrique ou du rêve, directement aux bases physiologiques de l'âme. »

Yougoslavie : N. Sugar, formé à Berlin avec F. Boehm, a travaillé et publié avec Paul Schilder (1886-1940), en 1927, est consultant à l’hôpital juif de Subotica et s’installe dans le privé. Il restera membre de la Société psychanalytique de Vienne jusqu’en 1937, date à laquelle il rejoindra la Société de Budapest.

1928

G. Roheim entreprend, avec l’aide financière de M. Bonaparte une expédition scientifique qui l'emmène à Aden (1928) en Australie centrale (1929) et en Mélanésie (1930) afin de recueillir des données pour démentir les objections de B. Malinowski à la théorie de l’universalité de l’Œdipe (avant tout dans les sociétés matrilinéaires). Roheim s’installe à Budapest après son retour.

Autriche, Vienne : Le père Whilhem Schmidt, Viennois, figure dominante de l’Ecole viennoise d’ethnologie historique et professeur à l’université, occupe de 1927 à 1939 le poste de directeur du Musée ethnologique pontifical du Latran à Rome. Il prononce à Vienne une conférence qui se verra publiée un an après dans une parution berlinoise, Nationalwirtschaft (Economie Nationale), autour du thème du “Complexe d’Œdipe de la psychanalyse freudienne et la condition du mariage sous le régime bolchevique”. Il s’en prend violemment au mythe de la horde et en déduit que psychanalyse et régime bolchévique suivent un même but, la destruction de la famille. Il rapproche encore la notion freudienne de la religion comme illusion du slogan marxiste qui fait de la religion l’opium du peuple.

Ruth Mack Brunswick, devenue membre de la Société Psychanalytique de Vienne en 1928, dirige un séminaire sur les psychoses qui n'est pas au programme de l'Institut et a valeur de séminaire « spécialisé » ; Marie Bonaparte et Paul Federn, entre autres, assistaient à ces séances dans sa maison de Vienne. Freud était très impressionné par l'intérêt de Mack Brunswick pour le soin psychique avec des patients en psychose

Brésil : parution de l’unique numéro de la Revista Brasileira de Psicanálise, sous la direction de D. Marcondes, elle ne reparaîtra qu’en 1967. Ce numéro de 1928 a été envoyé à Freud, qui a répondu tout de suite en disant qu’il avait acheté une grammaire brésilienne et un dictionnaire allemand-portugais afin de pouvoir lire lui-même cette revue pendant les vacances. Marcondes a été également le fondateur du premier cours de psychologie au Brésil, à l’université de São Paulo.

Les principaux fondateurs du courant esthétique et anthropologique moderniste et « l’anthropophagie » Mário et Oswald de Andrade parlent de Freud d’une façon différente, chacun dans son style : le premier écrit dans une lettre de 1928 que Freud avait fait faire un immense pas à la psychologie et qu’il était, comme Darwin, une victime de ceux qui ne l’avaient pas lu ; le deuxième se répand avec effusion sur Freud plusieurs fois dans son œuvre.

Oswald de Andrade cite Freud trois fois dans son fameux Manifesto antropófago, qui est lancé en mai 1928 et propose une relecture complète de la culture brésilienne, tout en prenant appui à sa façon sur les notions développées de horde primitive et de tabou développées par le Freud de Totem et tabou.

Espagne : Ferenczi fait une communication en Espagne, “Apprentissage de la psychanalyse et transformation psychanalytique du caractère”.

Etats-Unis : Lettre de Freud à Wittels, le 11 novembre, à propos de la psychanalyse en Amérique : «Là-bas il n’y a pas d’analystes au sens qui est le nôtre, mais des psychiatres qui se servent de l’analyse. Toutes les perspectives culturelles leur échappent, nous ne pouvons rien y changer. Brill n’atteindra pas son but, vous le prévoyez avec justesse ».

 France : André Breton et Louis Aragon célèbrent le cinquantenaire de l’hystérie, qui, selon eux, est « la plus grande découverte poétique de la fin du siècle ».

Grèce : D. Moraïtis, après des études en mathématiques à l’université d’Athènes, continue son cursus

post-universitaires en Allemagne et en Suisse. À Zurich, il publie quatre livres, dont La

psychanalyse et ses applications à l'éducation en 1928. Il prône l’application de la méthode de

Pfister et Zulliger, qui fait usage de la psychanalyse dans la pratique éducative appelée « pédagogie

Psychanalytique ». Moraïtis considère tente un parallèle entre la tâche des professeurs est

analogue à celle des psychanalystes et qu’ils doivent pour se former suivre des étapes équivalentes

à celles de la formation psychanalytique.

dictatorial du gouvernement de Metaxas et finira par fermer en 1938

Hongrie : Immense succès des conférences de Ferenczi sur la psychanalyse, données à Budapest (il faut louer la grande salle de l’Académie de Musique pour contenir le public).

Japon : création par K. Otsuki de l’Institut psychanalytique de Tokyo qui sera , en 1931, affilié à l’A.P.I.

Norvège : La psychanalyse commence à être pratiquée sous l’autorité de Harald Schjelderup, professeur à l’université d’Oslo. Cette année-là, sa chaire de philosophie est transformée en chaire de psychologie. Ses travaux concernant les résultats de la thérapeutique psychanalytique ont connu une importance internationale.

Roumanie : G. Retzeanu publie une thèse sur Les rêves et les démences précoces.

Suisse : à la suite de la publication de La question de l'analyse profane (Freud), des tensions s’exacerbent entre adversaires et partisans de la psychanalyse exercée par des non-médecins. Oberholzer quitte la Société suisse de Psychanalyse et fonde la Société médicale suisse de psychanalyse (non reconnue par l’A.P.I.).

Yougoslavie : S. Betheim formé auprès de P. Schilder, puis de S. Rado, en contrôe avec H. Deutsch, s’installe à Zagreb.

1929

Marie Bonaparte sauve la Verlag de la faillite.

Max Schur, âge de 32 ans, devient le médecin personnel de Freud

Congrès d’Oxford, moment de tension quant à la question de l’analyse profane (l’affaire Reik date de juillet 1925). Occasion aussi pour Ferenczi de promouvoir sa réhabilitation de la neurotica.

Allemagne : En février, création de l’Institut psychanalytique de Francfort (sous la direction de K. Landauer, H. Meing et Frieda From-Reichmann), qui travaille en étroite collaboration avec l’Institut en recherches sociales (M. Horkeimer, Theodor Adorno). Hokheimer (qui fit une analyse personnelle avec Landaueur) intégra l’Institut psychanalytique à l’universté. S’en suit la création de plusieurs établissements psychanalytico-cliniques qui durent peu de temps, en raison de leurs difficultés financières.

Charles Maylan publie à Munich Le complexe tragique de Freud : Une analyse de la psychanalyse. Un des tout premier brûlots hostile à Freud dont le but est déplorer la perte de spiritualité qu’entraînent les thèses psychanalytiques, et l’argument de présenter les découvertes freudiennes comme les conséquences directes d’un complexe paternel que Freud n’aurait jamais réussi à surmonter.

Brésil : La Société psychanalytique brésilienne, reconnue par l’Association Psychanalytique Internationale en 1929, avait déjà à l’époque des filiales à Sao Paulo, Rio de Janeiro et Bahia. Julio Porto Carrero, médecin de Pernambuco, publie Essais de psychanalyse (1929).

Chine : Traduction de Psychologie des masses et analyse du moi par Hsia Fu-Hsin, tenue pour la première traduction de Freud en chinois. De son côté, Zhang Dongsu rédige Psychanalyse ABC où il passe en revue les concepts de base des théories de Freud, de Jung et d’Adler. Les lapsus et les oublis de mots constituaient pour l’auteur des avancées qui « dépassaient le pouvoir explicatif de la psychologie générale ». Zhang Dongsu cite Freud en appui de son propre système moral qui vise à rétablir un équilibre et une harmonie traditionnelle dans le système social de la Chine de son temps, en éradiquant le meurtre et la prostitution par un entraînement à la discipline de la sublimation.

Lettre de Freud à Zhang Shizhao, en mai : « Très estimé Professeur

Quelle que soit la direction que prennent vos intentions, en frayant une voie pour le développement de la psychanalyse dans votre patrie – la Chine, ou en donnant des contributions à notre revue IMAGO dans lesquelles vous mesureriez nos hypothèses concernant les formes d'expression archaïques au matériel de votre propre langue, j’en serai fort heureux. Ce que j’ai cité dans mes travaux sur le Chine provient d’un article de la 11° édition de l’Encyclopedia Britannica. »

Zhang Shizhao est un lettré et un juriste. Il a occupé des positions importantes dans le gouvernement chinois avant et après la révolution de 1949. Il fut le seul chinois à correspondre avec Freud. Sa fille, Zhang Hanzhi, sera le professeur d’anglais de Mao-Zedong,

Grande Bretagne : Ludwig Wittgenstein qui a suivi les cours de B. Russel, débute son enseignement à Cambridge. Il commentera Freud dans les années suivantes. C’est dans le domaine de l’esthétique et dans des commentaires très précis des thèses de Freud, en particulier sur le sommeil et les rêves, que le philosophe développe le plus clairement ses thèses épistémologiques sur l’irréductibilité de l’ordre des raisons à l’ordre des causes. L’entourage de Wittgenstein est très ouvert à la psychanalyse et certains de ses proches, dont sa sœur Margarete, sont sur le divan de Freud. Or le frère et la sœur aiment à se raconter leurs rêves et à les intepréter mutuellement. Les premières lectures que Wittgensetin a fait de Freud remonte à avant 1919. Et c’est l’Interprétation des rêves qui intéresse le plus le philosophe en raison de la thèse qui veut que la signification d’un rêve, loin d’être immédiate, ne se manifeste qu’après-coup. Il fait là un parallèle avec sa propre théorie de la compréhension qui ne se manifeste que dans le temps. Dans le recueil Remarques mêlées, il note « S’il y a quelque chose dans la doctrine freudienne de l’interprétation des rêves, c’est qu’elle montre de quelle manière compliquée l’esprit humain se donne une image des faits. Si compliquée et si irrégulière est la façon dont il les reproduit qu’on peut à peine parler encore ici de reproduction ».

Inde : l’International Journal of Psycho-Analysis – l’organe de l’International Psychoanalytical Association dont Girindrasekhar Bose devint co-éditeur en 1922 – publia pour la première et la dernière fois un texte de Bose : “The Genesis and Adjustment of the Œdipus Wish” où l’auteur reprend la théorie du complexe d’Œdipe dans les termes de sa propre théorie du fonctionnement psychique. Ainsi les premiers soins maternels conduiraient l’enfant à vouloir prodiguer à sa mère exactement les mêmes soins avant qu’il s’identifie – peu importe qu’il soit fille ou garçon – à sa mère, et prendrait plaisir à faire « comme elle » avec des poupées, faisant siens ses centres d’intérêt. Son père deviendrait donc une importante source d’attention et de curiosité, mais envisagée du point de vue maternel. L’identification à sa mère entraînerait une nouvelle identification, l’identification au père. Alors, en introjectant les centres d’intérêt de ce dernier, sa mère viendrait de nouveau constituer une source d’attention, mais envisagée cette fois du point de vue du père.

Japon : premières traductions de Freud.

1930

Allemagne : Le 28 août, jour de la célébration de l’anniversaire de naissance de Goethe, Freud reçoit le prix Goethe de la Ville de Francfort à Francfort-sur-le-Main. Anna Freud lira le discours de son père. « Je ne le conteste pas, le prix Goethe m'a fait un très grand plaisir. Le fantasme d'avoir avec Goethe des rapports plus étroits est par trop séduisant et le prix lui-même est plus un hommage rendu à la personne du bénéficiaire qu'un jugement sur son œuvre ». Ce prix avait été créé en 1927. Lettre de Freud à S. Zweig : « Le prix Goethe était une surprise pour moi, cela faisait bien longtemps que je n’attendais plus de reconnaissance publique » (le 14 août).

Freud rencontre à Berlin le diplomate William Bullit qui avait été un proche conseiller du président Wilson auquel Freud attribue, non sans de sérieux motifs, une large part dans la rédaction du Traité de Versailles, important facteur de déclenchement de la seconde guerre mondiale. Ils décideront de faire usage du matériel rassemblé par Bullit pour tenter de développer une application de la psychanalyse à l’Histoire, voulant démontrer le lien entre conflits psychiques et visions et décisions politiques. Le livre, achevé en 1935, ne sera disponible au public que trente deux ans plus tard.

Septembre, le 12 : mort de la mère de S. Freud.

Argentine : Freud reçoit la visite de deux psychiatres argentins reconnus, G. Bermann et N. Rojas.

Chine : Zhang Shizhao, traduit la Présentation de Freud par lui-même (1925).qui paraît à Shangaï (The commercial Press) La lettre reçue de Freud datée du 27 mai 1929  servira de préface à cette traduction

Cuba : Lettre du Dr. J. Martin le 27 juillet à l’Institut psychanalytique de Berlin qui précise qu’il a une certaine pratique de la psychanalyse et souhaite poursuivre par correspondance un cursus psychanalytique.

États-Unis : Freud écrit la préface d’un numéro spécial d’une revue médicale américaine consacré à la psychanalyse (Medical Review of Reviews) pensant, à tort, qu’il s’agissait du premier numéro d’une nouvelle publication psychanalytique.

Plusieurs psychanalystes européens de renom (Rado, Deutsch, Alexander, von Ophuygen, etc.) sont invités au Congrès International d’hygiène mentale) à Washington. Après ce Congrès, Alexander accepte une chaire de psychiatrie à l’Université de Chicago. Il fondera par la suite l’Institut psychanalytique de Chicago.

France : Traduction du livre de Freud sur le mot d’esprit ; peu après Max Ernst emploie le mot d’humour noir pour la première fois. Autour de la revue L'Evolution psychiatrique, un groupe se réunit, renforçant la société scientifique de la revue. Bien que cette société ne soit pas une société de psychanalyse, sept des membres fondateurs de la Société psychanalytique de Paris s’y retrouvent. L’objectif de cette société était de promouvoir un renouveau de la psychiatrie, encore figée dans l’aliénisme du XIXe siècle. La psychanalyse et la philosophie comptaient au rang de ces disciplines dont le comité scientifique de la revue attendait qu’elles concourent à l’évolution de la psychiatrie. L'Evolution psychiatrique va faire connaître le courant de psychopathologie phénoménologique représenté par E. Minkowski, qui, en 1934, publie son ouvrage, Le temps vécu. La revue aide grandement à la diffusion des travaux de Jaspers et Binswanger. Dès 1936, un numéro jubilaire présente les travaux de Freud et la même année J. Lacan publie un de ses articles les plus importants, “Au-delà du principe de réalité”. De son côté, H. Ey présentera ultérieurement les conceptions de Bleuler.

Grande Bretagne : l’économiste Keynes prend appui sur une définition psychanalytique de l’argent dans son ouvrage A treatise on Money

Japon : le pionnier de la psychanalyse au Japon, Yaekichi Yabe, entreprend une cure en Angleterre avec E. Glover (environ 20 séances). Il suit de plus les enseignements privés de Jones . Un soir de mai, accompagné de M. Eitington, Yabe rend visite à un Freud qui avait reçu, par l’intermédiaire d’Eitington, un exemplaire de l'Au-delà…, traduit en japonais par un disciple de Yabe. A Freud qui s’étonne du choix de ce texte qui avait reçu un bien pauvre accueil en Europe et chez ses propres disciples pour une traduction, Yabe répond que la conception de la pulsion de mort pouvait rejoindre certaines conceptions du bouddhisme sur la vie et la mort.

Pays-Bas : À la suite de graves tensions et clivages entre partisans et adversaires de l’analyse profane, J. Van Ophuijsen fonde, sur le modèle de l’Institut de Berlin, un Institut de Psychanalyse.

Palestine : après les émeutes arabes en Palestine, l’Agence juive appelle les plus importantes personnalités juives d’Europe à protester contre la politique britannique dans cette région qui restreint l’accès des Juifs au Mur des lamentations et impose des quotas d’immigration. Freud répond au Dr Chaim Koffler qu’il ne peut répondre favorablement à sa demande. « Je ne crois pas que la Palestine deviendra un jour un Etat juif, ni que le monde chrétien ou le monde musulman accepteront de laisser leurs lieux saints sous sa protection. Il me semble qu’il aurait été plus raisonnable de créer un foyer juif dans une terre moins chargée de signification historique ».

Pérou : Delgado devient titulaire de l’unique chaire de psychiatrie. Il se détache du freudisme au point de devenir un adversaire résolu des idées psychanalytiques.

Suisse : Walter Muschig, historien de la littérature et enseignant à l’Université de Bâle publie dans Die psychanalytische Bewegung (Le mouvement Psychanalytique ) un des premiers textes consacré au style de Freud. A propos de la Traumdeutung, il écrit : « Il y a quelque chose d’unique dans la façon dont Freud aborde ici une matière qui n’est guère plus réelle, dont il déploie et examine savamment ces traces nocturnes plus que délicates, qui ne se laissent toucher qu’en subissant des dommages. Il fait montre d’un pouvoir peu commun de capter en mots, apparemment sans peine, l’aspect magique, incertainement flottant des impressions de rêve ».

1931

Difficultés avec Storfer, directeur du Verlag, qui menace de démissionner. H. G. Wells fait la connaissance de Freud. Plus tard, il sera un de ses rares visiteurs londoniens.

Allemagne : Max Eitingon est président de la Deutsche Psychoanalytische Gesellschaft (Association Allemande de Psychanalyse). Sous le titre la Guérison par l'esprit, Stefan Zweig réunit trois essais consacrés à Mary Baker-Eddy, Mesmer et Freud. Ce dernier lui écrit : « Je pourrais m'élever contre le fait que vous mettiez l'accent exclusivement sur l'élément de correction petit-bourgeois de ma personne ; le bonhomme est tout de même un peu plus compliqué. Votre description ne s'accorde pas avec le fait que j'ai eu, moi aussi, mes céphalées et mes états de fatigue, comme tout le monde, que j'ai été un fumeur passionné (je voudrais l'être encore) qui attribuait au cigare le rôle le plus important dans la maîtrise de soi-même et dans la ténacité au travail, qu'en dépit de la modestie si vantée de mon train de vie, j'ai fait beaucoup de sacrifices pour ma collection d'antiquités grecques, romaines et égyptiennes, que j'ai lu en réalité plus d'ouvrages sur l'archéologie que sur la psychologie, que jusqu'à la guerre il me fallut passer, au moins une fois par an, quelques jours ou quelques semaines à Rome (et une fois encore après la guerre) » (à Stefan Zweig, 7 février 1931, C. 440).

Freud est est nommé membre honoraire de la Société des Médecins de Vienne. « Un geste lâche, dégoûtant et répugnant devant la venue du succès. Impossible de refuser; cela ne servirait qu'à faire sensation. »(Lettre à Eitingon, 20 mars).

Brésil : Parution de la première traduction de Freud en langue portugaise, Cinq leçons de psychanalyse, due à José Barbosa Corrêa et Durval Marcondes (Sao Paulo).

Espagne : Angel Garma s’installe à Madrid. Il est membre adhérent de l’Association psychanalytique de Berlin après la présentation de son travail, “La réalité du ça dans la schizophrénie”, où il discute les thèses de Freud à ce propos. Avant lui, la psychanalyse n’avait pas de véritable représentant en Espagne.

États-Unis : Début de l’exode des psychanalystes vers le Nouveau Monde. Alexander (Chicago), Rado acceptent l’invitation de Brill à New York et devient le premier président de l’Institut psychanalytique (Institut de formation psychanalytique) de New York. Son influence sera marquante (en particulier par ses travaux sur la mélancolie et la dépression) durent de longues années.

France : À l’Hôpital Sainte-Anne, Allendy préside la Conférence des psychanalystes de langue française, il y présente un discours d’ouverture qui porte sur les liens entre psychisme et organique et sur l’influence de la thérapie psychanalytique sur les maladies organiques.

Henri Claude crée le poste de chef du laboratoire de psychothérapie et de psychanalyse à la Clinique des maladies mentales à la Faculté de Médecine de Paris. Sacha Nacht occupe le poste

Grèce : Andréas Embiricos, psychanalyste et poète, qui fera en 1935 un voyage en Mer Noire avec son amie Marguerite Yourcenar, est la première grande figure de la psychanalyse en Grèce. Vivant à Paris de 1926 à 1931, il se lia avec le mouvement surréaliste et noua des liens amicaux avec André Breton. Il fait connaître le mouvement surréaliste en Grèce. Il s’installe comme psychanalyste à Athènes en 1931.

D. Moriatis qui se situe théoriquement entre Freud et Adler, fonde en 1931-1932 la Société pour la culture de la psychologie individuelle et participe à la fondation en 1932 d’une institution psychopédagogique spécialisée avec une mission de consultation et de soin, destinée à l’accueil d’enfants à problèmes ou présentant une arriération mentale. Elle sera soumise à un contrôle très strict sous la dicdature de Metaxas et finira par fermer en 1938.

Andréas Empeirikos (1901-1975) de retour à Athènes en 1931, il contacte certains poètes, dont Elitis, voulant créer

une revue qui publierait des textes sur la psychanalyse et sur le surréalisme, ignoré jusqu’alors en Grèce. Ce projet ne sera jamais réalisé. Il s’installe en1935 et commence à pratiquer la psychanalyse

Hongrie : Ferenczi fonde une polyclinique psychanalytique (rue Mészàros, à Budapest) dont il sera le directeur, Michaël Balint sera sous-directeur. C’est seulement avec cet établissement que l’Institut de formation se consacre à l’enseignement. Le nom de cette polyclinique serait, selon Ferenczi « Consultation de l’Association hongroise de psychanalyse pour malades neurologiques et malades souffrant de troubles de l’humeur. » Quelques noms : Imre Herman, Michael Balint, Sigmund Pfeiffer, Geza Roheim, etc.

Italie : L’ouvrage de Edoardo Weiss, Elementi di psicoanlisi, préfacé par Freud, est le premier traité correct à propos de la psychanalyse paru en Italie. L’auteur, disciple de Federn, qui fut son psychanalyste, entretint une longue correspondance avec Freud. Le livre comprend cinq parties : 1) Qu’est-ce que la psychanalyse ? Le concept de ça et d’inhibition inconsciente. 2) Symbolisme. 3) Origine du Surmoi et des sentiments sociaux et religieux. 4) La théorie des pulsions. 5) Les systèmes psychiques.

Japon : l’IPA reconnaît la Japan Psychoanalytic Association, fondée par Yabe.

Palestine : S. Golan, éducateur qui a suivi une formation psychanalytique à Berlin, et est élève de Moshe Woolf, met en place au kibboutz Michmar Haemek un institut d’éducation influencé par la psychanalyse.

Russie : Léon Trotsky, dans une lettre à E. Bauer : « Vous avez tout à fait raison de supposer que j'ai un peu mélangé l'école de base de la psychanalyse avec une branche divergente. Quant à l'élève ingrat, Alfred Adler, je le connais depuis des années, je l'ai fréquenté d'assez près en particulier par l'entremise de mon ami Ioffé. C'est alors que j'ai pris connaissance de divers ouvrages de Freud. Mais je dois avouer que j'ai toujours cru que c'était Freud qui avait jeté les bases de la théorie des handicaps surmontés, et qu'Adler n'avait fait que la développer par la suite. Mais je suis bien de votre avis : Freud est incomparablement plus profond et plus spirituel que cet Alfred Adler, limité et autosatisfait. »

Suède : le 21 août, Tamm, Schjelderup, Kulovesi, Raknes, Bratt, etc. constituent un groupe de travail admis par l’API.

Tchécoslovaquie : alors que ni Stuchlik, ni Ossipov n’avaient suivi une véritable formation psychanalytique, il n’en est pas de même pour E. Windholz qui s’installe comme psychanalyste à Prague, en 1931. Ces trois praticiens font, cette année-là, poser une plaque sur la maison natale de Freud, à Freiberg (Moravie) , pour les 75 ans de ce dernier.

1932

Eitingon succède à Storfer à la tête du Verlag. Freud était très désireux de garder Rado comme rédacteur en chef de la Zeitschrift, mais le retour de New-York de celui-ci devenait de plus en plus improbable. Aussi, après de longues consultations, Freud choisit-il Federn et Hitschmann comme rédacteurs de la Zeitschrift, et Kris et Wälder pour Imago. Ils s'avèrent, selon E. Jones, tous quatre des choix excellents. En raison des difficultés financières de sa maison d’édition, Freud décide de la rédaction d’une nouvelle série de leçons sur la psychanalyse : Nouvelles conférences sur la psychanalyse.

Mars : Visite de T. Mann à S. Freud, puis de L. Binswanger.

Avril : S. Freud envoie une lettre à M. Bonaparte sur la nécessité de l'interdit de l'inceste.

Eté : Henri Barbusse lance un appel aux corps médicaux de tous les pays, les invitant à participer à un Congrès mondial, qui devait se tenir à Genève, pour réagir à la possibilité d’une seconde guerre mondiale. Cet appel fut signé par Freud. Sous l'égide de la Société des Nations et pour la cause de la paix, Einstein demande à Freud ce qui pourrait libérer les hommes de la fatalité de la guerre. Freud travaille son texte “Warum Krieg ?”, il juge sa contribution « ennuyeuse et stérile ». Le premier titre qu'il désire donner à ce texte était “Droit et Violence” (Einstein propose “Droit et puissance”) Selon Freud droit et violence sont liés.

Allemagne : En septembre, 12e congrès de l’IPA à Wiesbaden (président : Max Eitingon). Organisé par Karl Landauer, c’est le dernier congrès à se tenir en Allemagne. Un Comité International est fondé dans le but de superviser la gestion future du Verlag. Il comprend M. Bonaparte, A. A. Brill, E. Jones, C. Obendorf, I. von Opjuijsen, R. A. Spitz et P. Sarasin (sous-comité de travail : Sarasin, Spitz et Jones). W. Reich publie L'irruption de la morale sexuelle, étude à caractère sociologique reposant, en bonne part, sur les travaux de l’anthropologue B. Malinowski.

Brésil : traduction de La Psychopathologie de la vie quotidienne et Totem et tabou aux éditions Guanabara.

Danemark : Reich fait une intervention à Copenhague. Des Danois demandent à l’API qu’il vienne s’installer au Danemark en tant que didacticien, mais l’API lui préfère Jenö Harnik de l’Institut psychanalytique de Berlin.

États-Unis : Réorganisation de l’American Psychoanalytic Association en une fédération de diverses sociétés membres. Un Council on Professional Training est alors mis en place et se donne pour tâche de définir des critères de formation. Frantz Alexander invite Karen Horney à devenir directrice associée du tout nouveau Chicago Psychoanalytic Institute. Création à New York, sans doute en réaction à la déception et à la méprise de Freud en 1930 (Medical Review of Reviews), de la revue The Psychoanalytical Quarterly, revue « strictement psychanalytique » en Amérique (rédacteurs Dorian Feigenbaum et Frankwood Williams) Tenir le plus sérieusement compte du danger, pour la psychanalyse, d’une « présentation erronée et de sa dilution dans des idées étrangères aussi bien à sa théorie qu’à sa méthode », est la justification et l’exigence de cette revue.

Sachs est invité par la Société psychanalytique de Boston ; il quitte Berlin pour les Etats-Unis où il fonde American Imago, version en langue anglaise de la revue éponyme.

France : Thèse de médecine de Jacques Lacan sur le cas Aimée (Marguerite Anzieu) : De la psychose paranoïaque dans ses rapports avec la personnalité.

Hongrie : Les œuvres complètes de Freud commencent à être traduites, et ce sera en 1935 que paraîtra enfin l’ « Interprétation des rêves », dont la traduction avait débutée en 1916 avec Hollos dont quelques approximations furent corrigées par Ferenczi dès 1918

Italie : En janvier, refondation par E. Weiss à Rome de la Societa Psicoanalitica Italiana (SPI), avec Nicola Perroti et Emilio Servadio. Fondation de la revue Rivista di Psicoanalisi, qui sera interdite par le régime fasciste dès la fin de l’année suivante.

Antonio Gramsci, auteur de cette phrase: « L'ancien monde se meurt, le nouveau n'est pas encore là, dans ce clair-obscur surgissent les monstres. » écrit, dans ses Carnets de prison et ses lettres à sa belle sœur Tatiana Schucht, de nombreuses notations concernant la psychanalyse. Extrait d’une lettre à sa belle-sœur, datée du 15 février : « Le traitement psychanalytique ne peut être profitable qu’à cette fraction d’éléments sociaux que la littérature romantique appelait les « humiliés et offensés » et qui sont beaucoup plus nombreux et divers qu’on le croit d’ordinaire. C’est-à-dire à ces gens qui, pris dans des conflits impitoyables de la vie moderne (pour ne parler que de l’époque actuelle mais chaque époque au ses « temps modernes » en opposition avec son passé), ne parviennent par leur propre moyen à se faire une idée de ces conflits eux-mêmes et donc à les surmonter en retrouvant une sérénité et une tranquillité d’esprit nouvelles, c’est-à-dire un équilibre entre les impulsions e la volonté et les buts à atteindre ».

Japon : Affiliation de l’Institut Psychanalytique de Tokyo. C’est aussi en 1932 que Heisaku Kosawa, qui a découvert les théories freudiennes grâce à l’enseignement du psychiatre Kiyoyasu Marui, séjourne à Vienne et présente à Sigmund Freud sa théorie du complexe d’Asaje. Il s’agit d’interpréter les classiques de la mythologie grecque par le biais des vieilles légendes bouddhiques. Ce complexe dont la théorisation se poursuivra jusque dans les années 1950 avec les apports de Keigo Okonogi met en valeur les notions de réincarnation et de salut de la mère. A Vienne, il débute une psychanalyse didactique avec R. Sterba et suit un contrôle avec P. Federn. Dès son retour, l’année suivante, il fonde à un centre de soins psychanalytiques à Tokyo et exerce comme psychanalyste. Il s’affranchira très vite de la doctrine ipéiste, n’utilise plus le divan, propose des techniques de psychanalyse par correspondance et fixe le rythme des séances à une consultation hebdomadaire.

Roumanie : Ion Popescu-Sibiu, qui a entretenu une correspondance avec Freud, reçoit un prix de l’Académie roumaine pour un livre très complet sur la psychanalyse.

1933

Allemagne : Le 30 janvier, A. Hitler est élu chancelier du Reich.

Février : Incendie du Reichstag à Berlin. M. Eitingon et S. Freud maintiennent l’existence de l’Institut psychanalytique de Berlin. Edith Jackson, membre de la DPG, entre en résistance.

Le 7 avril 1933 : Promulgation de la loi sur les ordonnances d’aryanisation des comités d’organisation nationale. Le 22, les médecins non-aryens sont exclus des caisses d’assurance maladie, la psychanalyse est attaquée comme « science juive ».

Le 28 mai Freud écrit à Oskar Pfsiter, « Notre horizon est très assombri par les événements d’Allemagne. Trois des membres de ma famille… sont à la recherche d’un nouveau foyer et n’en ont pas encore trouvé. La Suisse ne fait pas partie des pays d’accueil. Je n’ai guère sujet de changer mon jugement en ce qui concerne la nature humaine, spécialement l’aryano-chrétienne ».

Mai : Mort de S. Ferenczi.

Le 6 mai, dans le fil des consignes d’aryanisation, F. Boehm et C. Müller-Braunschweig proposent une aryanisation de la présidence de la DPG – ce dernier se donnera pour tâche de rendre conforme l’idéologie de l’institution au régime national-socialiste. La majorité des membres refuse cette modification (huit contre, cinq abstentions, deux pour). Le 10 mai, les livres de S. Freud sont brûlés par les nazis, avec ceux de beaucoup d’autres auteurs, dont S. Zweig, B. Brecht et M. Hirschfeld. On entend proférer : « Contre la surestimation dégradante de la vie pulsionnelle ! Pour la noblesse de l’âme humaine, j’offre aux flammes les écrits d’un Sigmund Freud ! ». Le 18 novembre, Boehm et Müller-Braunschweig prennent la présidence de la DPG.

Juin : E. Kretschmer démissionne de l’Allgemeine Ärztliche Gesellschaft für Psychotherapie (Association générale médicale de psychothérapie cf. Allemagne, 1926), tombée sous le contrôle des nazis.

Septembre : Constitution de la Société allemande de médecine psychothérapeutique, branche nationale de l’AAGP. Les psychothérapeutes placent à leur tête Mathias Heinrich Göring (cousin du maréchal Göring), neuropsychiatre de Wuppertal qui explique qu’une étude approfondie de Mein Kampf est attendue de tous les membres, ce texte devant constituer la base de leur travail. Ce Göring, autrefois assistant de Kraepelin puis séduit par les thèses adlériennes s’inspire de la psychologie jungienne et a le projet d’en faire le creuset d’une nouvelle forme de psychothérapie centrée sur la supériorité de l’âme germanique.

Kretschmer est remplacé par C. G. Jung qui commence à publier des textes en phase avec l’idéologie nazie dans le Zentralblatt « aryanisé » dont il est le nouveau directeur de publication. Ainsi dans l’éditorial (Geleitwort) du Zentralblatt, 6, 1 écrit-il « Les différences qui existent, et d’ailleurs sont reconnues depuis fort longtemps par des gens clairvoyants entre la psychologie germanique et la psychologie juive ne doivent plus être effacées, la science ne peut y gagner ». Une critique cinglante des propos de Jung paraît en février de l’année suivante sous la plume du psychiatre et psychanalyste Gustav Bally, ami de Binswanger, dans la Neue Zûrcher Zeitung (Le Nouveau Journal de Zürich).

C. G. Jung démissionnera de l’AAGP en 1940. Plusieurs psychanalystes d’origine juive de l’Institut de Berlin vont s’installer à Prague. Parmi eux : F. Deri, S. Bornstein, A. Reich (la première épouse de W. Reich). Plus tard, O. Fenichel les rejoindra. Début de l’émigration massive des psychanalystes allemands vers l’Argentine, l’Angleterre et les États-Unis.

Argentine : le poète Xavier Boveda, propose à Freud de se réfugier en Argentine. Ce dernier décline l’invitation, prétextant sa mauvaise connaissance de la langue espagnole. Boveda est l’animateur du mouvement Ultraïsme. Ce courant est situé à la rencontre de divers mouvements d’avant-garde dont le futurisme, le cubisme, le dadaïsme. Il fut lancé par un groupe de poètes, vers 1918, dont outre Bovéda, César A. Comet et Pedro Garfias. Ce mouvement a été propagé par de nombreuses mais éphémères revues en Espagne et en Amérique Latine (par exemple Los Contemporàneos, au Mexique). Sa filiation française sera le créationnisme représenté par François Réverdy.

Belgique : Ernst Hoffman, disciple de Freud et élève de Ferenczi s’installe à Anvers. Les deux grands pionniers de la psychanalyse en Belgique, M. Dugautiez et F. Lechat, commencent avec lui une formation.

Chine : Le psychologue Gao Juefu (qui deviendra, bien que très âgé, le doyen du premier centre universitaire de recherche en psychologie de Nanjing, 1982) est le traducteur de L'introduction à la psychanalyse et des Nouvelles conférences d'introduction à la psychanalyse, ainsi que des conférences prononcées à la Clark University. Il a rédigé une revue critique sur Freud et écrit, en 1931, un article sur ce dernier. Gao adhère à l’idée d’une causalité psychique mais, tout comme Zhang Dongsun, critique vivement la théorie freudienne de la sexualité.

Finlande : Kulovesi, qui a étudié à Vienne en 1921, puis en 1925 et 1926, élu en 1931 membre de la Société Psychanalytique de Vienne et qui sera reconnu en 1936 comme didacticien, fait paraître le premier livre en finnois sur la psychanalyse : Psykoanalyysi.

Etats-Unis : La romancière Hilda Doolitlle est en analyse avec Freud à Vienne. Elle en tirera, en 1944, la matière du livre Tribute to Freud. Hilda Doolitlle est fondatrice avec Erza Pound du courant de l’« Imagisme » qui est une théorisation et une expérimentation de la pensée en image et associative. Elle est liée à W.C. Williams, qui, proche des idées de Breton, et de son souci d’observation « médicale » de la création, décrit dès le début des années 20, l’écriture comme « tout ce qui venait, non de ma tête, mais de ma main qui écrivait ».

France : Pierre-Jean Jouve et Blanche Reverchon publient dans la Nouvelle Revue Française l’article “Moments d’une psychanalyse”. Du même Pierre-Jean Jouve paraît le recueil Sueur de sang, dans lequel l’article “Inconscient, spiritualité et catastrophe” pose la question du rapport de l’écriture à la psychanalyse et à la foi.

Grande-Bretagne : Susan Isaacs est nommée directrice du nouveau Département de développement de l’enfant et de l’Institut d’éducation de l’Université de Londres.

Italie : Dans son Cahier 15 (« Mélanges de 1933 »), Antonio Gramcsi commente les thèses sociologiques de Freud : « Le noyau le plus sain et le plus immédiatement acceptable du freudisme est l’exigence de l’étude des contrecoups morbides qu’à toute construction d’un « homme collectif », de tout « conformisme social », de tout niveau de civilisation, surtout dans les classes qui font « fanatiquement » du nouveau type humain une « religion », une mystique. Il faut voir si le freudisme ne devrait pas nécessairement clore la période, qui se caractérise justement par une plus grande responsabilité (et le sens de cette responsabilité) de groupes sélectionnés dans la construction de « religions » non autoritaires, spontanées, libertaires , etc . »

Japon : parution du premier numéro de la revue de l’Institut psychanalytique de Tokyo : Seishin-bunseki (La psychanalyse) dirigé par K. Otsuki qui pratiquait la cure analytique et formait des psychanalystes. Cette revue importante, qui se centrait sur la clinique de la cure, était aussi ouverte à des textes d’orientation anthropologique et sociologique et à l’esthétique. De grands psychanalystes européens y virent leurs travaux traduits (Harteman, Sterba, M. Bonaparte). Otsuki sera, plus tard (1951) le fédérateur et principal contributeur du dictionnaire japonais de la psychanalyse. Kiyoyasy Marui, médecin psychiatre, professeur dans une éminente université impériale (Université de Tohoku, à Sendaï) qui a été formé à la John Hopkins University et a commencé à traduire Freud en japonais, est envoyé en mission en Europe par son gouvernement. Il rencontre Freud.

Norvège : Création du groupe Psykoanalytisk Samfund (Irgens Johannes Stromme, Poul Bjerre et Sigurd Nassergard).

Palestine : M. Eitingon va voir Freud le 5 août. Il démissionne de toutes ses fonctions (ayant été démis en raison de ses origines juives de celle de directeur de la polyclinique de Berlin) et le 8 septembre se rend en Palestine pour une visite préliminaire. Il y avait déjà séjourné en 1910. Pendant les deux mois qu’il y passe, il jette les bases d’une société psychanalytique palestinienne avec l’aide d’autres psychanalystes berlinois en exil. Il revient en Allemagne et quitte à tout jamais Berlin pour la Palestine le dernier jour de l’année. Il est rejoint par Moshe Wulf. Tous deux fonderont la première Société psychanalytique de Palestine, qui deviendra la Hacheva hapsychoanalytit Be-Israël.

Tchécoslovaquie : Frances Deri, psychanalyste allemande, crée et dirige le groupe d’études psychanalytique de Prague. Otto Fenichel lui succédera de 1935 à 1938.

1934

11 juin : Mort de Groddeck qui dirigea jusqu’à son décès le sanatorium de Baden-Baden.

Août : 13e congrès de l’IPA à Lucerne le 26 août, le premier à se tenir sans Ferenczi (président : E. Jones). À cette date, 24 des 36 membres des Instituts Psychanalytiques ont quitté l’Allemagne. Lors de congrès Jones remarque que « dans ces dernières années, la Société Allemande a perdu, du fait de l’émigration, presque la moitié de ses membres ». Jung va encore plus loin cette année-là et troque sa perception différencialiste contre une perception inégalitariste et clairement antisémite, affirmant la supériorité de l’inconscient aryen sur l’inconscient juif dans un article paru dans le Zentralbaltt “Sur la situation actuelle de la psychothérapie”. Cet article déclenche les réactions hostiles du collègue suisse de Jung, le psychiatre binswangérien Gustav Bailly et de son élève Gerhard Adler. Walter Benjamin, pour sa part, écrit à Gershom Sholem, à propos de Jung : « L’étude de ses volumes d’essai du commencement des années trente m’apprend que ces services d’assistance au national-socialisme avaient été préparés de longue date ». Jung proteste ainsi, dans son article “Zeitgenössisches” (“Ce qui est contemporain“) : « Faudrait-il vraiment penser qu’une tribu qui traverse l’histoire depuis des milliers d’années en tant que peuple élu de Dieu n’ait été amenée à une telle idée par une disposition psychologique particulière ? »

Brill, fondateur de la Société de New-York et président de l’IPA écrit à Marcondès, lui demandant comment pourraient être accueillis, au Brésil, les psychanalystes qui veulent s’exiler de l’Allemagne.

En été, Karl Menninger, psychiatre américain âgé de 41 ans, prend l’avion du Kansas pour visiter Freud. Cette visite fut décevante pour le psychiatre. Il la raconte ainsi à Georg Markus «  Il faut vous imaginer que j’étais venu à Vienne rempli d’une immense attente. Vous devez savoir que j’avais beaucoup œuvré pour la psychanalyse aux Etats-Unis, à une époque où bien des gens n’en voulaient rien savoir. J’avais été en quelque sorte un prosélyte, un missionnaire. Qu’est-ce qui s‘est passé ? … j’ai eu l’impression, durant notre entretien, qu’il n’éprouvait aucun plaisir particulier à travailler avec des Américains. Il trouvait naturel ce que nous avions fait pour lui et pour son travail et il n’était pas prêt à s’investir davantage pour soutenir nos efforts en faveur de la diffusion de la psychanalyse aux Etats-Unis. »

Dans l’Internationale Zeitschrift für Psychoanalyse, paraît un article de Hellmuth Kaiser « Problèmes de technique ». Kaiser qui avait fait son analyse didactique avec Gustav Baily, et des contrôles avec Sandor Rado, Karen Horney, Hans Sachs et Wilhem Reich s’était fait connaître en 1929 par une étude de psychanalyse appliquée du « Prince de Hombourg » de Kleist, publiée dans Imago, et qui fut très appréciée par Freud. Il a travaillé avec Simmel à Schloss Tegel. Cet article exprime un fort doute sur la technique des interprétations du matériel refoulé et privilégie l’observation de la tenue corporelle du patient, à son attitude et à ses postures. Ce texte se situe dans la lignée des premières observations de Wihlem Reich sur la « cuirasse caractérielle ». Annonciateur de bien des techniques psychothérapeutiques Kaiser suggéraient que les activités interprétatives du psychanalyse se limitent à la confrontation du patient avec ses défenses telles qu’elles se manifestent dans son attitude et ses comportements. L’article fut vigoureusement critiqué par Otto Fenichel qui n’y vit, à tort, qu’une apologie de tout ce qui favorise l’abréaction. En 1934, Kaiser ne pratiquait plus et gagnait sa vie comme tourneur sur bois et fabirquant de jouets. La guerre d’Espagne, puis le nazisme firent de lui un exilé remarquable. C’est en 1949, sous le parrainage de Karl Meininger il retravaille à nouveau et se consacre à l’Institut Psychanalytique de Topeka (Texas, U.S.A.) à soigner des patients, écrire et enseigner

Brésil : Arthur Ramos publie une étude psychanalytique du nazisme. Julio Porto Carrero publie Psychologie profonde ou psychanalyse (1934), volume qui réunit dix-sept conférences prononcées par l’auteur à Rio de Janeiro entre 1927 et 1929.

Chine : Ye Qing, polémiste, ex-dirigeant des jeunesses communistes en rupture de parti – il rejoindra les rangs du Guomindang – défend les recherches de Freud contre un ensemble de procès issus des représentants de la psychologie behavioriste (dont Guo Renuyan et Huang Weirong). Il a publié de nombreux textes sur la philosophie occidentale et sur le matérialisme. Défendant la thèse de la réconciliation dialectique de la matière et de l’esprit, il prône la réunification du PCC et du Guomindang et de leurs armées.

Danemark : W. Reich publie ses deux grands ouvrages, L'analyse caractérielle et Psychologie de masse du fascisme. Reich reconnaît dans le fascisme une « expression de la structure caractérielle de l’homme moyen ».

États-Unis : Ernst Simmel émigre à Los Angeles en passant par Topeka (Texas, lieu de la Meininger Clinic) où il fonde les sociétés de psychanalyse de San Francisco et de Los Angeles (il en sera le premier président).

France : Institut de Psychanalyse est inauguré à Paris. Il est dirigé par Marie Bonaparte

Inde : Un livre composé d’articles choisis publié par Bekerley-Hill est interdit au Bengale. Cette décision des autorités britanniques est dictée par la peur que les interprétations sexuelles de la religion hindoue contenues dans le livre ne conduisent à des désordres populaires.

Iran : Création de l’université de Téhéran et un peu plus tard création de la section sciences humaines dans laquelle on trouve la psychologie (Elmé nafs : science de l’âme) dont Ali Akbar Siassi est l’un des principaux fondateurs. Il fait ses études supérieures en France et joue un grand rôle dans le développement de la psychologie en Iran.

Italie : Le Vatican fait pression sur l’État italien pour obtenir l’interdiction de la Revista Italiana di Psicoanalisi, à la demande du Père Whilhelm Schmidt

Japon : Kiyoyasy Marui, médecin psychiatre, professeur dans une éminente université impériale (Université de Tohpku, à Sendaï) qui a été formé à la John Hopkins University et a commencé à traduire Freud en japonais, refuse de rejoindre le groupe de Yabe, pour des raisons de susceptibilité personnelle. Freud lui conseille de fonder une branche locale de l’IPA à Sendaï. Deux associations ipéistes existent donc au Japon ainsi que sont mises en œuvre deux séries de traduction. Yabe regroupe autour de lui des non-universitaires, Marui des universitaires médecins.

Palestine : Installation de Max Eitingon à Jérusalem. Fondation de l’Association psychanalytique de Palestine. Arrivée pour un an de Frieda Fromm-Reichmann.

Roumanie : création de la première Société de Psychologie médicale de Roumanie, son laboratoire de psychosomatique est dirigé par I. Popescu-Sibiu jusqu’en 1938. Popescu-Sibiu entretient de 1928 à 1935 une correspondance avec Freud. Il a publié La psychanalyse, livre sur l’œuvre freudienne.

J. Neumann publie une étude psychanalytique sur le roman A deal de G. Ibraileanu. La psychanalyse est reconnue et discutée dans les cercles littéraires et philosophiques, tout particulièrement par le poète et philosophe post-hégélien Lucian Blaga.

Scandinavie : Affiliation de deux sociétés scandinaves, l’une finno-suédoise (fondée par Yrjö Kuloveski et Alfhid Tamm), l’autre dano-norvégienne. Installation en Suède de Ludwig Jekels.

1935

6 Février : Visite de Lévy-Bruhl à Freud qui dit de lui : « C’est un vrai savant [en français dans le texte] surtout par comparaison avec moi ».

Allemagne : Jones, président de l’IPA soutient la politique dite de « sauvetage de la psychanalyse » qui consiste à exiger la démission des membres juifs de la Deutsches Psychoanalytical Gesellschaft. Par solidarité avec les démissionnaires forcés, un seul non-juif, Bernhard Kamm démissionne de la DPPG, il s’exile alors à Topéka (Etats-Unis, Texas) où il travaillera à la clinique Meininger en compagnie de nombreux psychanalystes que le nazisme a chassés d’Europe.

Autriche : Vienne, première des deux réunions dites « des quatre nations ». Ces réunions (la suivante aura lieu deux années plus tard) sont mises en place par les Associations de Vienne, de Prague, d’Italie et de Hongrie. Elles sont consacrées à la formation des psychanalystes.

A la société de Vienne, Joan Rivière présente, lors d’une série d’échanges, ses conceptions du développement de l’enfant.

Chine : Richard S. Lyman (1891-1959), formé à l'Université Johns Hopkins, passe un an à travailler dans le laboratoire de Pavlov en Russie, puis une année à l'Hôpital de la Croix-Rouge de Shangai ; il devint ensuite directeur de l'Unité de neuropsychiatrie au Peking Union Medical College (Pékin), de 1931 à 1937. À Pékin comme à Duke University, il s'assura que ses étudiants lisent Pavlov et peut-être davantage encore V. M. Bechterev. Il importa de plus au Peking Union Medical College le savoir neurologique allemand, notamment les travaux de Leo Alexander. En fait, ce savoir médical allemand, autrefois si dominant en Occident, avait déjà été importé au Peking Union Medical College car, selon Bullock en 1920, la bibliothèque de ce collège « comportait 50 000 thèses allemandes » ; mais on peut se demander combien d'étudiants chinois en médecine pouvaient réellement les lire et les utiliser. Un collègue de Lyman, Bingham Dai, fut influencé par la formation psychanalytique qu'il reçut aux Etats-Unis avec Harry Stack Sullivan, avant d'aller au Peking Union Medical College de 1935 à 1939 (même s'il ne devint pas un analyste accrédité) ; toutefois, il avait fait sa maîtrise et son doctorat de sociologie à l'école de Chicago et son mémoire portait sur la dépendance à l'opium à Chicago ! Dai est devenu le premier psychothérapeute chinois formé à la psychanalyse, il pensait comprendre les problèmes de personnalité en les situant dans leur contexte socioculturel. Il du quitter la Chine suite à l’invasion japonaise.

États-Unis : Fondation de l’Institut psychanalytique de Boston avec Putnam et Coriat comme membres fondateurs, tous deux, neurologues de formation, étaient proches du Emmanuel Movement, fondé par E. Worcester, mouvement contre lequel Freud avait pris position lors de son séjour aux USA, qui voyait dans le « subconscient » un puissant allié, recelant des ressources insoupçonnées.

France : G. Parcehminey publie chez Denoël Le problème de l'hystérie où, faisant éloge de la découverte freudienne, il n’en souligne pas moins que, selon lui, le mécanisme de la conversion reste un problème théorique non résolu. Il cite les travaux de Piaget et de Jackson et pose le problème suivant : « En ce qui concerne Freud, pour expliquer le mécanisme de symbolisation hystérique, comme du reste le symbole du rêve, il va faire appel à une notion de déguisement à un certain finalisme intentionnel, et c’est à notre avis cette conception fausse qui entraînerait nécessairement l’idée d’une conversion ».

Juilette Boutonier (1903-1994) est nommée à Paris pour enseigner la philosophie, elle y fait la rencontre de Daniel Lagache et débute une cure analytique avec René Laforgue

Rudolf Lœwenstein soutient, sous la direction de H. Claude, la première thèse de psychiatrie traitant de la psychanalyse, La conception psychanalytique des troubles de la puissance génitale de l'homme.

Tchécoslovaquie : O. Fenichel renonce à son exil norvégien et s’installe à Prague où il prend la direction de la Société d’études de Prague, associée à la Société psychanalytique de Vienne

1936

Allemagne : Saisie de tous les biens de la Verlag par la Gestapo (le 28 mars). L’Institut de Psychanalyse de Berlin disparaît en tant qu’organisme indépendant. En mars 1936, les psychanalystes encore présents en Allemagne furent intégrés dans le « Groupe de travail A » de ce qui était devenu l'Institut Goering et contraints de démissionner en mai de l'API. Au début de l’été, M. H. Göring met sur pied à Berlin un Institut allemand de recherche psychologique et de psychothérapie (Institut Göring). L’Institut et certains de ses membres entretenaient des relations avec la jeunesse hitlérienne, la ligue des jeunes filles d’Allemagne, le bureau de police criminelle du Reich, le S.S.-Lebensborn (Source de Vie), ainsi qu’avec des membres de la hiérarchie nazie.

Les « freudiens » qui collaborent dans cet institut (une vingtaine) ne s’opposent pas à la destruction minutieuse de tout le vocabulaire de la psychanalyse freudienne. Ils refuseront de soigner les patients juifs, lesquels étaient envoyés dans les camps.

Thomas Mann publie Freud et la pensée moderne.

Argentine : Une des plus sérieuses revues littéraires argentines, Sur, rend hommage à Freud.

Autriche : Le 8 mai, lendemain de l’inauguration de l’Institut de psychanalyse de Vienne (Wiener. Psa. Inst.), et de l’Ambulatoire par Jones, au Bergasse, célébration des 80 ans de Freud. Joan Rivière, Ludwig Binswanger, lui rendent hommage à cette occasion. Thomas Mann prononce à l’Akademischer Verein fûr Medizinische psychologie (Union académique de psychologie médicale )sa conférence “Freud et l’avenir” (Extraits : « Le courage impavide de la vérité qui constitue la moralité de la philosophie psychanalytique s’est d’abord présenté à moi dans le pessimisme d’une métaphysique à laquelle les sciences de la nature fournissaient déjà les armes les plus puissantes ». « Et voici qu’en terminant les traits vénérables de cet homme que nous célébrons viennent se fonder en ceux du vieux Faust que son destin “pousse à exclure de ce rivage la mer orgueilleuse, à restreindre les limites de l’étendue humide” »). Freud est trop affaibli pour assister aux cérémonies. Le 14 juin, Mann lira sa conférence dans la maison de vacances du psychanalyste. Un manifeste collectif affirmant « qu’on ne pourrait plus exclure l’œuvre audacieuse de Freud de notre univers intellectuel » et signé de Herman Broch, Salvador Dali, André Gide, Paul Klee, Thomas Mann, W. Somerset Maugham, Robert Musil, Pablo Picasso, Romain Rolland, Bruno Walter, H.G. Wells, Virginia Woolf, Stefan Zweig et de plus de 180 autres écrivains et artistes est adressé à Freud à l’occasion de son anniversaire. Le poète hongrois Attila Jozsef écrit un poème, extrait : « Ce qu’au fond de ton cœur tu caches va s’étaler devant tes yeux ; et ce sur quoi tes yeux s’attachent en ton cœur va trouver son lieu ».

Belgique : M. Dugautiez et F. Lechat commencent à mener des cures analytiques sous la supervision de Leuba et Marie Bonaparte. F. Lechat pratiquera avec des enfants, trois années plus tard.

Brésil : Adelheid L. Koch (analysée par O. Fenichel) vient d’Allemagne assumer le rôle de formatrice auprès des premiers analystes brésiliens. Dès l’année suivante, la majorité des fondateurs de la Société qui n’avaient pu jusqu’alors se faire analyser sont sur son divan.

France : A Paris, à la Sorbonne (amphithéâtre Richelieu) une cérémonie a lieu sous la présidence du Pr. H. Claude pour les 80 ans de Freud. Sous l’égide du groupe d’études philosophiques et scientifiques (présidé alors par R. Allendy) et de la SPP (présidée par Dr. E. Pichon). Marie Bonaparte donne une conférence sur l’œuvre de Freud.

Le philosophe Roland Dalbiez soutient la première thèse sur Freud, La Méthode psychanalytique et la doctrine freudienne .

Edouard Pichon publie La développement psychique de l’enfant et de l’adolescent où il opte pour les vues d’Anna Freud contre celles de Mélanie Klein. Ce livre qui contient une condamnation du bilinguisme rebaptise les idées d’une psychologie qui oppose un type primitif (le sensu-actoriel) et un tyupe mental développé (le lingui-spéculatif). Dans cet épais plaidoyer pour un monde ordonné et normalisé Pichon tient fermement que le psychanalyse ne saurait se mêler du domaine de la foi religieuse. Succès assuré.

E. Toulouse fonde, avec le psychanalyste P. Schiff, la Société de prophylaxie criminelle.

Une polyclinique psychanalytique est fondée à Paris par Jean-Michel Leuba et Cénac

Grande-Bretagne : Freud est nommé correspondant de la Société Royale.

Iran : Iraj Pourbagher, licencié en psychologie et journaliste, traduit Totem et tabou.

Tchécoslovaquie : En août, 14e Congrès international à Marienbad. Cette localité avait été choisie afin qu’A. Freud ne soit point trop éloignée de son père en cas d’urgence. À ce congrès, le groupe tchèque sera officiellement reconnu par l’IPA. C’est aussi à ce congrès que Lacan présentera le 3, à 15 heures 40, son Stade du miroir (interrompu par Jones au bout d’une dizaine de minutes d’exposé).

1937

Février, le 5 : décès de Lou Andréas-Salomé.

Afrique du Sud : Parution à Johannesburg de Black Hamlet de Wulf Sachs. W. Sachs, qui vivait à Johannesburg depuis 1922, y étudie l’histoire d’un de ses patients, John Chavafambira, tradipraticien zimbabwéen, rencontré en 1933 dans un slum de Johannesburg. Ce livre constitue la première relation d’une psychanalyse conduite avec un africain. En affirmant l’unicité de la névrose et de la psychose quelle que soit la culture ou « l’appartenance raciale » du sujet, il brise les thèses de la psychiatrie coloniale et raciste vis-à-vis de l’homme noir. Sachs fonde à la suite de ce livre un groupe de psychanalyse qui ne survivra pas à sa mort, en 1949. L’instauration d’un système d’apartheid empêchera toute diffusion de la psychanalyse dans ce pays.

Autriche : Dorothy Burlingham, américaine, formée auprès de Reik et Freud, membre de la Société viennoise, crée un jardin d’enfants, la Jackson Nursery dont Anna Freud est la conseillère.

Danemark : Octobre, congrès psychothérapique auquel Jung invite Allendy. Le 2 octobre, Allendy écrit : « J’ai compris que c’était un congrès "jungien" et qu’il y avait toute une politique pour réintégrer la psychanalyse dans l’Allemagne nazie grâce à Jung, aryen anti-freudien et (je crois) antisémite. Bref sans le savoir, j’ai marché avec Hitler ».

Brésil : À Sao Paulo, le psychiatre Paulo Lentino dirige sa première cure analytique auprès d’une patiente internée depuis un trimestre au Juqueri. En novembre, début des premières analyses didactiques de Koch avec Virginai Bicudo, Darcy Uchôa et Durval Marcondes.

France : André Breton demande à Freud un texte pour un ouvrage collectif qu’il projetait de faire sur le rêve (Trajectoire du rêve). Net refus de Freud qui objecte qu’une simple compilation qui ne fait part ni aux circonstances du rêve ni aux associations d’idées qu’il provoque n’a aucun intérêt.

Pierre Janet se réfère élogieusement à la thèse de Lacan soutenue en 1932 dans son article « Les troubles de la personnalité sociale » (Annales médico-Psychologiques, 1937 (95), part.3 : 421-468)

Hongrie : Seconde des deux réunions dites « des quatre nations » qui sera en bonne partie consacrée aux problèmes de la formation analytique.

Russie : En dépit des tentatives de W. Reich de donner un contenu communiste à la pratique de la cure psychanalytique, l’Association Psychanalytique de Russie cesse ce qui restait de ses activités en juillet.

1938

Mars : Les nazis envahissent l’Autriche. Freud ne souhaite pas quitter Vienne. Franklin D. Roosevelt confie à John C. Wesley, le chargé d’affaires américains à Vienne, la mission d’assurer la protection de Freud. Des diplomates américains en poste dans d’autres capitales européennes font savoir à leur collègues allemands que s’il arrivait qu’on manque d’égards à Freud cela entraînerait un scandale mondial. Benito Mussolini s’adresse à Hitler, à Berlin, pour lui demander de protéger Freud qui quatre années auparavant avait soigné une patiente italienne dont le père connaissait bien Mussolini. Freud se résoud à quitter Vienne après que sa fille Anna et lui-même aient été personnellement inquiétés par les nazis. Bullit, ambassadeur des États-Unis, négocie son départ, Marie Bonaparte paie la rançon exigée. G. Roheim s'exile aux USA et exerce la psychanalyse à New York.

Le 2 mars Freud reçoit une lettre de S. Zweig à propos de son Moïse. « Les idées n’ont pas de véritable patrie sur terre. Elles flottent dans l’air entre les peuples, entre les hommes, et il n’y a pour ainsi dire pas de révélation, de foi, de religion, qui ne mélange ce qui lui appartient en propre avec ce qu’elle réutilise, tout comme il n’existe pas de création pure : tout ce qui est inventé est trouvé. »

4 juin : Freud, sa femme et sa fille Anna quittent Vienne, à l’aube du 5 juin (3 heures du matin), par l’Orient Express. Dorothy Burlingham qui vivait avec ses quatre enfants dans l’appartement de la Bergasse, accompagne Freud dans l’exil et vivra avec la famille jusqu’à sa mort. Il laisse la ville où il a vécu 79 ans. Avant de quitter Vienne pour l'exil, Freud a choisi avec soin les quelque 800 livres qui formeront sa bibliothèque londonienne. A côté d’ouvrages et de revues scientifiques, il rassemble des histoires de l'art ou du judaïsme, mais aussi ses auteurs littéraires de prédilection : Shakespeare, Goethe, Gogol, Balzac ou Anatole France. Marie Bonaparte le reçoit à Paris. Bullit l’attend à la gare. Freud, Anna et Martha passent la journée dans la maison de la princesse, rue Adolphe Yvon et poursuivent leur voyage la nuit suivante. À Londres, une grande foule attend Freud à Victoria Station. La revue The Lancet écrit : « Son enseignement a en son temps soulevé une controverse plus aiguë et un antagonisme plus amer que n’importe quel autre depuis celui de Darwin. À présent, en son vieil âge, rares sont les psychologues, de quelque école que ce soit, qui ne reconnaissent pas leur dette envers lui. Certains des concepts qu’il formula clairement pour la première fois se sont introduits subrepticement dans la philosophie actuelle en s’opposant au mur d’une opiniâtre incrédulité qui, comme il l’admet lui-même, n’est que la réaction naturelle de l’homme à une vérité insupportable ». Les Freud s’installent à Londres, à L’Esplanade Hotel avant de loger au 20 Maresfield Gardens (maison aujourd'hui, comme celle du 19 de la Berggasse, à Vienne, transformée en musée). Sigmund et Anna Freud rejoignent alors la British Society. La WPV décide de se dissoudre et de se transférer « là où Freud résidera ». Freud confie à la BBC un enregistrement de sa voix : c’est un court message dans lequel lit un texte qu’il a commencé à rédiger en allemand et qu’il poursuit en anglais : « Dans ma quatre vingt-deuxième année, j’ai quitté mon chez-moi à Vienne à la suite de l’invasion allemande et je suis venu en Angleterre où j’espère terminer ma vie dans la liberté [phrase en allemand]. J’ai commencé mon activité professionnelle comme neurologue essayant d’apporter un soulagement à mes patients névrosés, sous l’influence d’un ami plus âgé et dans mes propres efforts, j’ai découvert des faits nouveaux et importants concernant l’inconscient dans la vie psychique, le rôle essentiel des motions pulsionnelles, etc. De ces trouvailles, naquit une science nouvelle, la psychanalyse, branche de la psychologie se définissant comme une nouvelle méthode de traitement de la névrose. J’ai payé cette chance à un prix très lourd. On refusait de croire aux faits que j’avais mis en évidence, on jugeait mes théories inconvenantes ; la résistance fut des plus fortes. Enfin, je réussis à me faire des disciples et à mettre en place une association psychanalytique internationale, mais le combat est loin d’être terminé [en anglais] ».

Après la confiscation de la Verlag, en mars 1936, on s'accorde avec un éditeur d'Amsterdam pour éditer le Moïse. Hans Sachs, qui avait quitté Berlin pour Boston en 1932, une année avant l'accession d'Hitler au pouvoir, écrit à Freud, en mai, son souhait qu'au défunt journal Imago succède un journal de psychanalyse appliquée rédigé en anglais. Freud n'approuve pas ce projet, redoutant qu'il ne mette fin à tout effort pour continuer de publier en allemand des revues de psychanalyse. Il ne veut pas « que la lumière soit complètement éteinte en Allemagne ». Mais sa fille Anna et Ernest Jones le persuadent que ces préventions ne sont plus fondées. Freud propose alors un nom : American Imago que Sachs adopte d'emblée.

Argentine : Arrivée du psychologue hongrois Bela Székely qui renforce la diffusion des idées de Freud et aussi l’utilisation du test du Rorschach.

États-Unis : Le Council on Professional Training, mis en place en 1932, publie ses Standards and Principles of Psychoanalytic Association, document qui reprend pour une bonne part le modèle de l’Institut de Berlin : analyse personnelle puis exercice de la psychanalyse sous supervision et cours. G. Roheim s’exile aux États-Unis et exerce la psychanalyse à New York. L. Kubie, formé en Grande-Bretagne par E. Glover, est président de la Société psychanalytique de New York en 1938 ; il tentera de réconcilier les théories psychanalytiques sur l’angoisse avec la théorie de Pavlov des réflexes conditionnés.

En février, Freud remercie Karl Menninger dont il a reçu le second ouvrage Man Against Himself, « d’autant plus vivement que la pulsion de mort n’avait pas été très appréciée dans les milieux psychanalytiques ».

France : Dans un article du journal Le Soir, la chanteuse Yvette Guilbert fait part des réponses que fit son ami Freud à une question qu’elle lui avait posée sur son talent de chanteuse (14 janvier 1938) : « J’ai l’honneur de compter le Professeur Freud parmi mes amis. Je lui ai demandé ce qui l’intéressait en moi au point de le faire se déplacer. Etais-je un sujet d’étude pour lui ? C’est à Freud que je dois m’être vue sous la forme d’un “hôtel meublé” dont le propriétaire tire profit des habitants… tous les enfers et tous les paradis avec cette grouillante humanité logée en soi ! ». Freud qui avait apprécié d’écouter la chanteuse dès son séjour d’aôut1889 à Paris lors de sa participation au congrès national d’hypnotisme, avait fini par la rencontrer, par le truchement de son analysante Eva Rosenfled, qui était la nièce du mari d’Y. Guilbert. Il s’en suivit une solide amitié entre Freud et Guilbert.

Lors de sa conférence du 5 février, donnée au Collège de Sociologie, Georges Bataille souligne l’incompatibilité de deux topiques psychiques. A la phénoménologie, il oppose l’abord psychanalytique et sociologique : « il me semble que l’hétérogénéité accentuée établie entre le sacré et le profane par la sociologie française ou par la psychanalyse entre le conscient et l’inconscient est une notion tout à fait étrangère à Hegel ».

En mars, la Société française de Psychanalyse élève une protestation officielle contre "les persécutions dont est victime le Pr Freud" qu’elle nomme ainsi que sa fille Anna et Ernest Jones, "membre d'honneur" le 16 mai. A partir de juin, elle se mobilisera pour accueillir des émigrants venus à la suite de René Spitz ou Heinz Hartmann, et le projet germe avec Paul Schiff (qui sera très actif dans la Résistance) de réserver pour eux la catégorie spéciale de "membres associés étrangers" ce qui leur garantirait une caution professionnelle que le protectionnisme médical français ne peut leur garantir. Le 30 juin réunion mémorable de la SPP où il fut procédé au recensement des psychanalystes nés en France, en excluant de fait Laforgue né Allemand dans l’Alsace d’avant 1914.

Congrès international de psychanalyse, à Paris, avenue d’Iéna. Figurent, pour la délégation française Loewenstein, Pichon, Lagache, Bonaparte, Allendy, Morgenstern. Freud âgé et souffrant n’y assiste pas. Il délègue à sa fille, Anna, le soin de le représenter et de lire, un extrait de la troisième partie de L'homme Moïse et la religion monothéiste (“Le progrès dans la vie de l’esprit”), dont le manuscrit intégral se trouve chez un éditeur en Hollande.

Le 4 octobre eut lieu la première émission radiodiffusée sur la psychanalyse avec Ludmilla Pitoëff dans le rôle de la patiente.

H. Wallon dirige le tome VII de l'Encyclopédie française, La vie mentale (articles de Lacan, Wallon et Lagache) où la psychanalyse est présentée comme une science, et non seulement comme une méthode thérapeutique, science permettant de situer la genèse de la personne dans ses divers milieux de vie.

Un des apports d’Henri Wallon à la psychologie française, soit l’idée freudienne d’une ambivalence de l’affectivité, permet à Henri Berr de soutenir l’hypothèse d’une alternance dans l’histoire entre des phases où domine l’intellectualité et des périodes où domine la vie émotionnelle. (Lors d’une conférence sur la “Sensibilité” aux Séminaires du Centre de synthèse par lui créés, fréquentés par P. Valéry, P. Langevin, J. Rostand, Janet, Piaget, Wallon, Meyerson, Lévy-Bruhl et Mauss). Berr un des pères de la « Nouvelle Histoire » ayant exercé une influence importante sur les fondateurs de l’Ecole des Annales (Bloch et Febvre).

Grande-Bretagne :Michael Balint qui a travaillé avec Ferenczi à Budapest, s’installe en Angleterre et devient membre de la Société britannique en 1939.

Hongrie : le 5 mars, la première loi anti-juive est proclamée par le Parlement hongrois. Hollos, alors président de la Société psychanalytique hongroise prend des contacts avec ses collègues étrangers afin d’aider les psychanalystes hongrois à émigrer. Bak, Lendmann, Hann et Roheim émigrent aux États-Unis, le couple Balint part pour l’Angleterre, Gÿomroï émigre à Ceylan.

Italie : Obligé de se cacher, M. Levi-Bianchini vend la revue Archivio Generale de Neurologia, Psichiatra e Psicanalisi, au Père A. Gemelli, lequel la continuera à sa façon, remplaçant le signifiant psychanalyse par psychothérapie.

Inde : création de l’institut psychanalytique indien, dont la tâche principale est la formation analytique.

Pays-Bas : Tentative d’unification des deux sociétés de psychanalyse (La Haye, Amsterdam). La Société hollandaise prononcera sa propre dissolution, en 1941, en protestation contre le bannissement de ses membres juifs.

1939

Hitler entre en Tchécoslovaquie. Les psychanalystes qui s’y étaient établis émigrent massivement aux États-Unis (Franck, Kärpe, Löwenfeld, Windholz). Certains de ceux qui restent vont périr dans les camps de concentration : Ota-Brief à Buchenwald, Bondy avec toute sa famille à Auschwitz. T. Dozuskov, formé par O. Fenichel et A. Reich, va rentrer en clandestinité.

Allemagne : des « Instituts d’euthanasie » sont mis en place pour exécuter par des poisons violents, les malades souffrants de troubles psychiques, les aliénés criminels et les sujets visés par la législation raciste. Les artisans de la nouvelle médecine du Reich n’en finissent pas de programmer la destruction de la psychanalyse.

Autriche : La Société de Vienne propose sa dissolution ; les adresses de ses membres indiquent qu’ils ont quitté l’Autriche et s’étaient retrouvés pour vingt d’entre eux aux Etats-unis, les autres s’étant dispersés en Europe, l’un deux étant parti en Chine ; des soixante neuf membres que comptait la Société de Vienne en 1937 (dernière année ou fut publiée un répertoire des membres), seuls trois d’entre eux résidaient encore à Vienne, en 1945. Aichhorn, après le départ en exil de Freud, organise avec Alfred Freiherr von Winterstein des rencontres clandestines d'un petit groupe de professionnels intéressés par l'analyse malgré la surveillance étroite de la Gestapo.

Etats-Unis : Georges Devereux qui publie dans le numéro 26 de la Psychoanalytic Review “A sociological Theory of Schizophrenia” (“Une théorie sociologique de la schizophrénie”), travaille avec Sorokin et rencontre Roheim.

France : Congrès International à Paris. Françoise Dolto soutient sa thèse Psychanalyse et Pédiatrie, le 13 juillet soit deux mois et dix jours avant la mort de Freud – Publication cette même année 39.

Grande-Bretagne : Freud voit avec satisfaction la fondation, par l’éditeur anglais John Rodker, homme entreprenant, intelligent et amical (dixit Jones), d’Imago Publishing Company, maison d’édition qui commence son existence par la publication de périodiques et projette une nouvelle édition des œuvres de Freud, les Gesammelte Werke (Les Œuvres Complètes), remplaçant les Gesammelte Schriften (Ecrits Complets) détruites par les nazis. Imago Publishing Company prend la succession de la défunte Verlag. Le nom de Freud y apparaît au titre de rédacteur en chef, l’édition est en langue allemande. Au début de 1939, une revue combinant l’ancienne Internationale ärztliche Zeitschrift für Psychoanalyse (Revue médicale internationale de psychanalyse) et Imago est éditée en Angleterre, mais elle ne survivra pas au déclenchement de la Seconde Guerre mondiale. Un recueil d’articles extraits d’Imago est déjà paru sous le titre Psychoanalytische Literaturinterpretationen (Psychanalyse Appliquée à la Littérature) édité par Jens Malte Fischer (articles de Sachs et Reik entre autres).

Le 1° août, Freud ferme son cabinet. Le 19 septembre, il écrit sa dernière lettre, adressée à Albrecht Schaeffer, poète allemand et traducteur d’Homère, de Paul Verlaine et d’Oscar Wilde, lettre qui se termine par une citation d’un de ses poèmes : « Attendre ; attendre ». Le 23 septembre, mort de S. Freud, qui souffrait d’un carcinome verruqueux d’Ackerman, dans sa maison de Londres. À sa demande et avec l’accord d’Anna Freud, son médecin lui a injecté une dose mortelle de 3 centigrammes de morphine, à trois reprises. Il meurt à 3 heures du matin. Le dernier livre qu’il aura lu sera La Peau de Chagrin de Balzac. S. Zweig prononcera un hommage le 26 septembre. Les cendres de Freud reposent au crématorium de Golden Green.

A Paris, Le Figaro commente ainsi : "Nous ne savons ce que l'avenir réserve au pansexualisme de Freud. Il fut l'objet, en France comme dans le monde entier, d'un engouement qui n'a pas laissé un brillant souvenir. Le refoulement, les complexes, le jeu analytique des rêves, ont mené souvent à une littérature et à des pratiques avilissantes. Si le freudisme a guéri des névroses, il apparaît aussi à beaucoup de psychiatres qu'il en a créé et qu'il a fait des victimes." La Princesse Marie Bonaparte écrit, elle, dans Marianne :« Hélas ! parmi les persécutés par le barbare credo pangermaniste actuel, Freud fut l'un des plus visés parce que l'un des plus grands. La culture allemande est aujourd'hui exilée d'Allemagne, d'une Allemagne où ne retentit plus, depuis mois après mois déjà, que le bruit des bottes, le roulement des tanks ou des canons, le vrombissement des avions. Avec un Einstein, un Thomas Mann et d'autres, Freud, pourchassé dans sa pensée, ayant vu détruire ses livres par milliers, avait dû, l'an passé, prendre le chemin de l'exil. A quatre-vingt-deux ans il quittait sa patrie, Vienne, où s'était écoulée toute sa longue vie de famille et de labeur et, avec les siens, il s'établissait en cette libérale Angleterre qui gardera l'honneur d'héberger, après son dernier exil, ses cendres.

Les cendres de ce corps menu qu'anima une si haute flamme reposeront non loin des restes d'un Newton ou d'un Darwin. Et à juste titre : la hardiesse de ces trois grands génies fut égale, que l'esprit du premier se soit élancé vers les astres, du second vers l'évolution millénaire de la vie, du dernier enfin vers les abîmes insondés de l'âme humaine ».

Grande-Bretagne : Installé à Manchester, Michael Balint commence la formation des élèves de la société britannique. James Strachey est nommé éditeur de l’International Journal of Psycho-Analysis à la suite de la retraite de Jones.

Italie : La psychanalyse est dénoncée comme « science juive » ;

Lituanie : Le YIVO, groupe scientifique d’étude juive établi à Vilna s’apprête à commenter la part du livre de Freud alors publiée : L'homme Moïse et la religion monothéiste.

Tchécoslovaquie : Dès 1938, la moitié des psychanalystes, sous la menace nazie, avait quitté le pays. En 1939, meurt Steff Bronstien, la seule psychanalyste confirmée à être restée à Prague.

1 Chronologie proposée par l'auteur et valant pour document de travail, donc provisoire. Les sources en sont très diverses. À commencer, bien entendu, par les correspondances de Freud (avec ce très précieux travail éditorial fait par Eva Brabant pour Calmann –Lévy concernant le correspondance Freud-Ferenczi), et par sa « Présentation par lui-même ». Vinrent ensuite l'indispensable lecture des dictionnaires historiques de psychanalyse (de Mijolla et al., Plon & Roudinesco), d'anthropologie (Bonte & Izard), les livres d'historiens (de Mijolla, Freud, fragments d’une Histoire ; Roudinesco, La bataille de cent ans ; Rodrigué, Le siècle de la psychanalyse ; et aussi les textes de D. Anzieu, P. Gay, la classique biographie de Freud par Jones, Les controverses Anna Freud-Mélanie Klein (Collection Histoire de la psychanalyse, PUF), et encore le volume 4, paru en 1991, de la Revue internationale d'histoire de la Psychanalyse et certains documents réédités par le revue Le temps du Non relatifs aux premières réceptions de l'œuvre freudienne aux Etats-unis. Les travaux de Jacky Chemouny, Henry Ellenberger, Jean-Luc Evrard, Nathan Hale, André Haynal, Olivier Husson, Réné Major et Chantal Talagrand, Ashis Nandy, Paul Roazen, et de Carmen Lucia Montechi Valladres de Oliveira, Claude Wacjman et de Y. H. Yerushalmi furent aussi lus avec un vif intérêt. J'ai consulté avec plaisir le catalogue de l'expostion ARAÚJO, Olívio Tavares de (org.). 2000. Brasil – Psicanálise e modernismo ( São Paulo, Museu de Arte de São Paulo Assis Chateaubriand.)

Voilà pour les sources principales, Mais aussi et encore, des correspondants internationaux de la revue Psychologie Clinique m’ont apporté aussi beaucoup d’informations peu connues et peu disponibles en France, pour la Chine, l’Inde et l’Iran, surtout. D’autres, enfin, ont compté dans ce travail dont Nader Aghakhani, Cécile Cabantous, Elise Sainte May, Han Helaï, Emile Jalley, Ashok Nagpal, Jean Perroy, Eduardo Prado de Olivera, Frédéric de Rivoyre, Virginie Vaysse et, à nouveau, Claude Wacjman.