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La cure psychanalytique, moment essentiel dans le parcours d’une vie, est une aventure dont Freud et Lacan ont démontré la logique. Mais quel rapport entre les méandres imprévisibles de l’aventure et l’implacable rationalité de la logique ?
Du côté de l’étymologie, le mot a sa propre aventure : si adventura signifie d’abord au XIe siècle « ce qui doit arriver », avec l’idée de destin, de fatalité, le mot « aventure » signifiera ensuite « ce qui peut arriver » connotant a contrario le hasard, l’imprévu, les rencontres inopinées, heureuses ou malheureuses, qui déjouent ou bien forcent le destin.
L’expérience de l’analyse combinerait-elle ces deux versants de l’aventure, la nécessité propre à l’ordre symbolique, aux lois de l’inconscient et la contingence où les surprises peuvent advenir au fil de l’aventure des mots ?
L’analysant cherche dans son histoire les évènements, la cause fatidique, les mauvais coups du sort qui auraient déterminé sa vie et ses symptômes. Comment opère l’analyse pour
transformer le récit de ces mésaventures en une aventure de discours ? Et quelle logique permet à l’analyste de s’autoriser
à embarquer quelqu’un dans cette aventure ? Car s’il participe à ses effets de surprise dès lors qu’il ne sait pas quel désir anime l’analysant, c’est bien lui qui de cette expérience est le
garant, et même « l’instrument »[1], permettant qu’elle puisse s’engager, se poursuivre sur une durée souvent longue, et aussi se terminer suivant une temporalité dont Lacan a dégagé la logique.
Freud a inauguré l’aventure en se risquant à interpréter ses propres rêves. Il en a déduit le travail du rêve à partir de la combinaison logique de la matière signifiante qui en fait l’étoffe. Lacan a développé cette articulation en s’appuyant sur Aristote, Pierce, Gödel et d’autres. Il en a construit une
logique propre qui jalonne l’expérience d’une analyse au point même d’en réduire le parcours à un processus purement logique centré sur un opérateur, l’objet a. D’où la logique de
la cure, celle de l’acte, et celle du fantasme à dégager en fin d’analyse. Le mathème du transfert, l’écriture du discours de l’analyste et les figures topologiques sont autant de formalisations de cette aventure.
Ne négligeons pas le versant plus prosaïque de ce que signifie « avoir une aventure ». L’amour est une aventure et le transfert n’y contredit pas. Freud a fini par lui donner une
dimension où l’analyste n’est pas un simple objet d’amour mais participe activement au maniement du transfert. Lacan en a ponctué les étapes logiques jusqu’au terme où s’entrevoit la
méprise du sujet supposé savoir.
Et l’expérience de la passe : une aventure ? Sans doute pour les passants qui témoignent, pour les passeurs désignés par leur analyste, pour l’École enfin qui, par ce dispositif, s’ouvre à la possibilité d’accueillir du nouveau pour la communauté analytique au-delà de tel témoignage particulier. Mais à l’aune de ce passage aventureux qui, s’il n’a rien de
nécessaire, reste considéré comme l’issue la plus aboutie voire la plus réussie de l’expérience, comment se déclinent dans leur logique les autres types de fin possibles ?
Au-delà de l’intime du cabinet, l’aventure psychanalytique peut s’aborder aussi dans sa dimension historique comme
événement daté, avènement de discours qui s’inscrit à un moment précis de l’Histoire conjointement à l’aventure scientifique à laquelle Freud et Lacan étaient très attentifs. Cette aventure est celle de la découverte de Freud, des résistances qu’elle a suscitées, des tâtonnements de l’expérience, de l’élaboration des concepts et de leur remaniement à travers le temps et leur mise à l’épreuve
clinique ; c’est aussi celle des institutions psychanalytiques, de leur expansion dans le monde, de leurs conflits internes, des crises et des ruptures qui ont leur logique propre
et sont autant de jalons, d’étapes décisives dans cette aventure engagée il y a plus de cent ans. Elle ne peut se
concevoir sans référence à d’autres discours dont elle se rapproche, se démarque ou auxquels elle s’oppose.
La dimension historique de l’aventure psychanalytique ouvre ainsi la question de son actualité : comment la soutenons-nous aujourd’hui et quelle place reste-t-il à la logique subversive
du discours qui l’anime, qui nous anime, où le risque et l’imprévu doivent garder la part belle ?
[1] L’acte analytique, séance du 13 mars 1968.
Vanessa Brassier et Bernard Nominé, Responsables des Journées nationales 2025