Les Suppliques au Théâtre de La Tempête

les suppliques

 

Théâtre de la Tempête

Cartoucherie de Vincennes

Réservation : 0143283636

2025LES SUPPLIQUES

Du 31 janvier 16 février

conception, écriture et mise en scène
Julie Bertin, Jade Herbulot – Le Birgit Ensemble

REPRÉSENTATIONS

mardi > samedi 20h // dimanche 16h
Salle Serreau • Durée : 1h40

mercredi 12/2 (à l'issue de la représentation) : rencontre avec l'équipe artistique, l'historien Laurent Joly et Lucile Chartrain des Archives nationales

Sous l’occupation, entre 1941 et 1943, des centaines de lettres ont été envoyées par des familles juives aux autorités de Vichy pour obtenir des nouvelles de proches disparus ou échapper aux persécutions. Le maréchal Pétain semble alors être l’ultime recours pour les auteurs de ces “suppliques”. Une planche de salut qui se révélera bien cruelle.

Dans le hall du théâtre, découvrez l'exposition des Archives nationales : "L'antisémitisme en action – 1940-1944".
du 18 janvier au 18 février

 

L’histoire est un grand livre rempli de moments qui paraissent semblables ; Une émission de France Culture en tire d’ailleurs son principe. Écrire au roi à la veille de la Révolution, écrire à Pétain durant l’occupation ou prier Dieu pour qu’il prenne soin de nous est la marque d’une forme d’espoir en un ultime recours. Le roi est mal conseillé, Pétain est mal entouré et sous la pression de l’occupant mais comment serait-il insensible à un homme, une femme qui s’adresse à lui, lui qui se veut si proche des Français, lui l’ancien chef des armées qui quelques mois avant la Libération sera acclamé à Paris ovationné même[1]. Et ceux qui sont des multidécorés de la Grande Guerre n’ont-ils pas droit à quelque reconnaissance de la part de leur chef, même s’ils sont juifs, ? Après tout n’ont-ils pas combattu pour la France ? Ne sont-ils pas nés français ? Et ceux qui ont épousé un juif doivent-ils en être pour autant punis ?

 

1942, c’est l’année terrible, un tournant dans la politique anti-juive, un moment de bascule pour tous ceux qui voient leur quotidien devenir de plus en plus précaire et parmi les « israélites » la question est là lancinante : comment survivre ? Comment échapper aux rafles qui se font de plus en plus nombreuses même en zone « libre ». Sans même parler des restrictions multiples qui touchent la vie quotidienne et rendent celle-ci de plus en plus invivable. Elle est à la terrasse d’un café. C’est l’été. Il fait chaud. Elle retire sa veste où se trouve cousue son étoile juive. Ce geste pourtant anodin sera celui qui va la conduire inexorablement au camp d’Auschwitz et aux chambres à gaz. Ses parents remuent ciel et terre pour la retrouver. Ce sera en vain.

 

Elle est jeune et vit en banlieue parisienne. Elle se pense algérienne, pas très concernée par les histoires anciennes. La deuxième guerre mondiale, c’est loin, c’est du passé, de l’Histoire justement celle qu’on enseigne au lycée. Oui enfin cela reste vrai jusqu’au moment où se découvrant Cohen, elle se découvre aujourd’hui juive avec dans sa famille un oncle et une tante dont les noms figurent sur le mur du mémorial juif.

 

Magie du théâtre. Magie de l’identification. Ceux qui, durant la guerre, ont écrit les lettres qui servent de support à cette pièce et qui n’ont jamais obtenu la moindre réponse positive à leur supplique ne sauront jamais que grâce au théâtre nous partageons un moment leur vie et le désespoir qu’ils éprouvent à l‘heure où ils les écrivent. Nous ressentons profondément qu’à leur place sans doute aurions-nous, nous aussi, crié, supplié, appelé Dieu, le Diable, Pétain, le dernier des hommes au secours. Ces lettres oh combien précieuses, ils les ont tenus dans leurs mains, leurs bourreaux aussi. Ils revivent avec nous, ils sont parmi nous. Ils sont des millions par le monde qui crient leur désespoir. Cette pièce leur redonnent une voix faible sans doute mais oh combien nécessaire par les temps de fureur qui sont ceux dans lequel nous vivons aujourd’hui. Bien  que le jeu des acteurs soit véritablement incarné on n'a pas vraiment le coeur d'applaudir.

Laurent Le Vaguerèse.

 

[1] Robert O. Paxton. La France de Vichy 1940-1944 Points Histoire