Le handicap d'etre reconnu handicapé

LE HANDICAP D’ETRE RECONNU COMME HANDICAPE

BENEFICES ET RISQUES INTRAPSYCHIQUES, FAMILIAUX ET SOCIAUXDE L’INSCRIPTION D’UN ENFANT COMME HANDICAPE POUR TROUBLES PSYCHIQUES

Dr AC Pernot-Masson

(Psy colloque, Lyon, nov 2011)

"L'homme n'est pas une nature, mais une histoire…

L'homme n'est pas une chose, mais un drame…

Il doit choisir sa vie, l’inventer alors qu'il progresse :

Un homme est dans ce choix et cette invention.

Chaque homme est son propre auteur …

Il est condamné à être libre."

C’est par ces quelques citations du philosophe espagnol José Ortega y Gasset que je commencerai cette intervention auprès de vous.

R. Laforgue, lui, l’a dit de façon plus concise » : "Il ne suffit pas de mettre des hommes au monde pour qu'ils puissent exister"

Des parents m’amènent leur enfant de 8 ans, car depuis un mois il est apathique et pleure en demandant « à quoi ça sert de vivre ? ». Pourtant, il a tout pour être heureux, disent ses parents…. Qu’est ce qui lui manque ? Il finit par me dire  «  je ne sers à rien, je suis facultatif »… Et que s’est-il passé il y a un mois ? Le décès d’un grand-oncle auquel ni lui ni ses parents n’étaient très attachés. Il vient de découvrir la finitude de notre vie d’humains - de notre vie terrestre, diraient les croyants de toutes religions.

A la suite du psychiatre, psychanalyste et thérapeute familial Robert Neuburger, je vais essayer d’ouvrir quelques pistes concernant le sentiment d’exister chez chacun de nous, y compris chez les individus pouvant présenter des particularités lors de leur développement.

Comment construisons-nous ce sentiment d’exister, dépassant les inévitables traumatismes de l’enfance ?

Comment les enfants ayant des difficultés la construisent-ils ?

Comment pouvons-nous les y aider ?

Que leur apportent sur ce plan du sens de l’existence, les compensations matérielles, financières, que la loi de 2005 sur le handicap impose à notre société ?

C’est ce que je voudrais envisager ici.

I – COMMENT PARLER DE DIAGNOSTIC EN PSYCHIATRIE ?

Le certificat médical destiné à être joint à une demande auprès de la MDPH, après avoir rappelé et cité la loi, commence par un premier cadre « Pathologie principale à l’origine du handicap ». La pathologie étant la science des maladies, je me demande pourquoi le rédacteur a utilisé ce terme plutôt que celui de diagnostic, lui aussi une métonymie, mais plus habituelle, ou celui de maladie…

Dans un petit encadré en coin, il est écrit « code CIM ». Or la CIM 10, (la classification de toutes les maladies par l’OMS) auquel ce document se réfère, pour le chapitre psychiatrique , évite soigneusement le terme de « disease » (maladie), utilisé pour les maladies somatiques, et utilise celui de « disorder » (trouble), beaucoup plus vague, mais exprimant bien la conscience qu’en ont les rédacteurs des difficultés à faire un diagnostic en psychiatrie, les difficultés de la « pathologie mentale », l’étude des troubles psychiques.

Justement, quand on reprend l’introduction de la CIM-10, on apprend que Mr JABLENSDKY en a été un des principaux responsable. Et voici ce qu’il écrit dans un article : « il n’y a pas d’évidences qui témoigneraient en faveur de la validité de la plupart des diagnostics psychiatriques actuels, car ils sont définis par des syndromes entre lesquels l’existence de frontières naturelles reste encore à démontrer, et sans frontière nette avec l’absence de troubles »

Donc, nous devons nous souvenir que l’avenir des enfants pour qui nous rédigeons ce certificat repose sur les mots que nous indiquerons, qui seront codés CIM-10. Cette classification est un code, elle est digitale, c’est-à-dire qu’elle donne l’illusion d’être scientifique, avec des catégories bien délimitées, ce qui est faux en pratique. Ses rédacteurs exposent clairement ses limites, discutent du code à retenir en cas de comorbidité (ce qui est le cas de 70 % des cas d’hyperactivité, pardon , de TDAH, par ex  ).

Mais toutes ces réserves se sont perdues, et beaucoup d’entre nous, souvent, raisonnons comme si les diagnostics étaient une réalité, alors qu’ils ne sont que le fruit de notre croyance. Ces classifications sont basées sur un certain découpage des troubles, et non de la population, découpage arbitraire qui varie selon les modes, les cultures et les époques : nous pouvons le constater dans les versions successives de la DSM par exemple.

Je peux prendre l’exemple d’une JF prise pour une schizophrène dans un hôpital, et une bipolaire dans l’autre : F31, F20, ou F25 ?

Autre exemple: je rencontre une femme ayant une anorexie chronique. Après plusieurs années de psychothérapie et de chimiothérapie qu’elle a toujours respectées à la lettre, elle commence à se bruler des zones corporelles féminines. Le psychanalyste lui dit que c’est car son traitement chimiothérapique est mal équilibré, et le chimiatre lui dit que c’est car, maintenant que sa « maladie bipolaire » est bien équilibrée, l’anorexie ressort…Et personne ne lui avait demandé si elle avait subi des abus sexuels dans sa vie. Les différents psychiatres ne se souciaient que de diagnostics et médicaments. J’étais la première à tenter de réfléchir avec elle sur le sens de son symptôme, ce qui fait qu’elle est unique ; et non un F50.0 ou un F31.31

Il s’agit pour nous, qui travaillons avec ce qu’il y a de plus important, l’affect humain, de nous rassurer en nous donnant une illusion de scientificité à notre travail. Quand nous prenons pour des vérités les classifications des troubles psychiques, ou les hypothèses de leurs étiologies génétiques ne sommes-nous pas, comme au moyen-âge, pris dans des croyances irrationnelles ? Sachons au moins que ces classifications sont des constructions faites pour nous faciliter la communication entre professionnels, et non la réalité de nos patients. En outre, comme l’être humain change en fonction du contexte, le fait même de l’observer modifie son comportement : ce que nous constatons quotidiennement dans nos discussions d’équipe, où chacun des professionnels a un avis différent sur le patient en cause…

Je suis convaincue que nous ne pourrons jamais mettre en équation, et rendre prévisible, le psychisme humain.

L’étymologie du mot « diagnostic »amène à quelque chose comme : « connaitre en séparant, en triant », sans aucune notion de maladie. Pour nous aider, le Dr Neuburger propose d’appeler ce type de classification un  «  diagnostic nosologique ». Et d’envisager d’autres classifications et d’autres diagnostics possibles, par ex un diagnostic intrapsychique effectué par les psychanalystes (tenté par l’IPA qui a fait éditer une telle classification dirigée par le Pr Widlocher), un diagnostic contextuel, par les systémiciens, ou un diagnostic des ressources du patient, comme le suggérait Georges Devereux : « la première tâche du diagnosticien est d’évaluer les ressources du patient plutôt que ses manques, son actif plutôt que son passif. »

Pour assurer la transition, je vais vous passer une copie du meilleur diagnostic de ces dernières années, qui concerne un garçon de 11 ans qui pensait plus à chahuter qu’à travailler……

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Cela pose d’abord la question du diagnostic, puisque moi, si j’avais été amenée à indiquer un diagnostic, la catégorie que j’aurais choisie est celle de « troubles des conduites » (encore une traduction littérale de l’anglais, qui me semble idiote, pourquoi n’avoir pas utilisé le trouble du comportement français ?). Ensuite, quand j’ai refusé de signer la demande de renouvellement, sa maman a murmuré, blême de colère : « alors, je n’ai plus qu’à retourner au travail », comme si je l’avais condamnée à mort…

Mais la question essentielle est celle des conséquences pour ce garçon de se savoir désigné comme handicapé : quel sens cela lui permettra de donner à sa vie ?

II- LE SENTIMENT D’EXISTER

Comme l’indique bien Robert Neubuger dans son dernier livre (« Exister, le plus intime et fragile des sentiments », Ed. Payot-Rivages, 2012) Il faut distinguer la vie et l’existence. La vie nous est donnée à notre naissance, nous devons entretenir notre corps, manger, boire, …etc

« Le sentiment d’exister est tout autre. C’est le sentiment d’être  en accord avec la façon dont se déroule notre vie . ..Nous n’en prenons conscience que lorsqu’il vient à manquer ». C’est ce qui manque durablement aux personnes qui trainent un « vide intérieur ». C’est ce qui affecte un temps les « déprimés » : ce que les médecins appellent la « dépression », c’est ce sentiment de ne plus se sentir exister, ou de se sentir moins exister, de se trouver sans avenir, sans projet, hors du temps.

« Le fait de se sentir exister n’est pas une donnée biologique, mais une construction. » Une construction que chacun d’entre nous doit faire, individuellement, face à cette donnée biologique à laquelle nous sommes tous soumis : la finitude de notre vie. 

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Memento mori

Le sentiment d’exister se construit sur le socle d’humanisation que notre mère, ou la personne qui a cette fonction d’attachement, nous a offert avec ses bras, son lait…Par la suite,  «  l’enfant noue des relations avec les autres personnages de son entourage. La relation, c’est un rapport privilégié entre deux êtres, un attachement réciproque et affectivement investi... Mais toutes les relations que nous nouons ne peuvent être structurantes que si elles sont contenues dans des appartenances

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L’enfant se voit introduit dans une appartenance à des groupes humains. «  La relation d’appartenance peut être définie comme un partage avec d’autres, de valeurs, de croyances, de buts, d’intérêts, qui créent une communauté réelle et/ou psychologique. L'appartenance impose un engagement vis à vis du groupe. L’effet de ce type de relation est, entre autres, de créer une solidarité, une loyauté entre les membres d'un groupe. C'est le monde de l'identité. »

« L'existence de chaque être repose sur ce double réseau : réseau relationnel sur lequel se superpose un système d’appartenance, attachement d'une part, engagement de l'autre. Ces deux systèmes relationnels sont distincts et complémentaires… Mais il semble que les relations interindividuelles, pour qu'elles soient structurantes, doivent se situer dans des groupes d'appartenance, le premier d’entre eux étant le groupe familial. De même, une relation d'appartenance, pour qu'elle soit un support identitaire consistant, doit contenir une relation entre au moins deux êtres. Dans tous les cas, les deux types de relations, relations inter personnelles et relations d’appartenances, sont nécessaires afin que nous nous sentions exister. »

Certains thérapeutes pensent que leurs patients doivent « s’autonomiser » pour s’en sortir, et les influencent dans ce sens avec plus ou moins de fermeté, mais nous, humains, ne pouvons pas plus vivre sans appartenance qu’une tortue sans carapace…En effet, toute relation laissée à elle-même, sans qu’une appartenance ne la contienne, ne peut qu’évoluer défavorablement. L’exemple le plus magistralement décrit est celui de Belle du seigneur, d’une relation amoureuse passionnelle aboutissant au suicide. Robert Neuburger décrit les différents types de relations, et les différents types d’appartenance, qui viennent construire la richesse d’un sujet, et renforcer son sentiment d’exister.

En effet, « La liberté humaine n’est pas dans l’autonomie, mais dans le choix de nos dépendances, de nos relations et de nos appartenances. Paradoxalement, plus on a de dépendances, plus on est libre ! « L’autonomie suppose la complexité », affirmait Edgar Morin. L’existence humaine, le sentiment d’exister chez l’homme, est une tension entre le besoin d’autonomie, de penser par lui-même, de  décider de son destin, et son besoin de dépendance, d’établir des relations de différents types, et d’être reconnus par des groupes auxquels on appartient ». Chacun de nous a un équilibre différent entre ces deux facteurs, certains privilégieront leurs convictions intimes, d’autres le respect des normes de leur groupe principal d’appartenance.

III-- INSCRIPTION MDPH ET DIGNITE

Un anthropologue américain, Robert Murphy, qui est devenu paraplégique à 50 ans, et a beaucoup contribué, de l’intérieur, à l’étude de la vie avec un handicap, écrit : « De tous les symptômes psychologiques associés à l’invalidité, le plus envahissant et le plus destructeur, c’est la perte radicale de l’estime qu’on a pour soi-même. »

Selon R.Neuburger, c’est la dignité que nous ressentons qui confère ce sentiment intime du sens d’exister, du sens de notre vie, la dignité peut être définie comme le rapport entre soi et le monde extérieur, entre la dignité individuelle, accord avec soi-même, et dignité d’appartenance, qui nous est accordée par le monde extérieur.

L’inscription d’un enfant à la MDPH est un acte qui engage son avenir : il exige donc du médecin, avant d’en faire la demande, une évaluation soigneuse des bénéfices attendus, et des risques auxquels il expose, comme lors de la prescription de tout élément étranger, d’un médicament par exemple.

Envisageons donc les conséquences possibles de la déclaration à la MDPH, avec l’éventualité de l’assistance d’une AVS (Auxiliaire de Vie Scolaire) pour un enfant ayant des troubles psychiques aux retentissements moyens, dans la zone grise des diagnostics, c’est-à-dire pas un autisme profond, par exemple, pour lesquels les bénéfices d’une telle démarche l’emportent sans doute sur ses inconvénients.

Je commencerai par les conséquences sur ses appartenances.

Elles dépendent toujours de l’articulation, de la résonnance entre les troubles de l’enfant et les valeurs fondamentales ( mythe) des groupes auxquels il appartient.

Les troubles psychiques dont souffrent ces enfants ne sont pas révélés à la naissance, contrairement à des troubles somatiques, donc ils n’influent pas a priori l’inscription néonatale de l’enfant dans sa famille à sa naissance. Par la suite, des troubles des apprentissages, par exemple, ne seront pas acceptés dans certaines familles, car ils attaquent le mythe familial, (« dans NOTRE famille, on a le bac »)  ils risquent d’entrainer un rejet, l’inclusion dans le groupe des Handicapés pourra être une solution. Dans d’autres cas, la souplesse du groupe l’amènera à modifier ses Valeurs, pour faire place à cet enfant différent. Dans d’autres familles, la solidarité l’emportera, et l’enfant sera considéré comme leur, avec ses particularités.

L’appartenance au groupe des pairs variera en fonction de l’école, et de son « ambiance ». Par exemple, dans les collèges, il y a deux types d’esprit, dans certains, pour être accepté par le groupe, il faut bien travailler, l’enfant qui a des difficultés scolaire sera alors marginalisé. D’autres groupes de collégiens, au contraire, les « intellos » sont moqués et rejetés. Un enfant agité avec des difficultés scolaires y sera considéré par ses pairs, bien que rejeté ou ostracisé par les enseignants. C’est dire l’importance du choix des activités extra scolaires, en favorisant surtout celles où l’enfant sera considéré comme les autres dans un groupe, et par les autres comme appartenant au groupe : par exemple, des cours individuels de piano, n’apportent rien à un enfant sur le plan de ses appartenances, contrairement au scoutisme ou au foot en club.

L’appartenance à l'établissement scolaire, au-delà de la loi, dépendra, là aussi, étroitement, de l’ambiance générale dans l’établissement. Par exemple, je suis depuis trois ans (Diego) un enfant qui vient de rentrer en CP. Il était scolarisé à Paris, où ses troubles du comportement, son opposition avaient fait poser par l’équipe enseignante l’indication d’un accompagnement par une AVS (….. !) Sa famille vient de déménager dans un département rural, avec une maison, un jardin, une école avec trois enseignants pour toute l’école maternelle et élémentaire, où ses troubles sont beaucoup mieux tolérés, ….et diminuent d’intensité !

Inclusion et appartenance

Je viens d’évoquer l’ostracisation, un concept grec, lorsqu’ils bannissaient l’un des leurs… Il n’y a en effet que deux façons de regrouper les êtres, deux logiques constitutives des groupes : une logique d'élection, et une logique de sélection. Quelle est la différence ? Tournons-nous de nouveau vers les élaborations de R.Neuburger : » La logique d'élection est celle qui fait que l'on décide à partir d'un groupe d'humains, qu'un autre humain est digne d'appartenir à notre propre groupe.

La logique de sélection est bien différente, puisqu'il s'agit à partir d'un point de vue extérieur, d'isoler, de regrouper des êtres en fonction d'un caractère commun, dans des ensembles distincts de celui dont font partie ceux qui décident de ce regroupement  bien ..Si l'élection confère une dignité d'appartenance, la sélection aucune. La sélection est dans ce sens une déshumanisation où des sujets ou des groupes se voient être réduits à un trait particulier, et non à leur personne ou à un ensemble de personnes. »

C'est une source de souffrance que de ne pas se sentir reconnu dans sa différence, dans son identité propre. Ce droit le plus élémentaire est reconnu par la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme dont le premier article commence ainsi : "Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits".

Gide écrit dans Paludes : «Nous ne valons que par ce qui nous distingue des autres ; l’idiosyncrasie est notre maladie de valeur ;… cessez à présent de regarder la maladie comme un manque ; c’est quelque chose de plus, au contraire ; un bossu, c’est un homme plus la bosse, je préfère que vous regardiez la santé comme un manque de maladies. »

Un jeune patient m’explique : « moi, pendant toutes mes études, quand on me demandait de réciter, je disais « je suis dyslexique », et le prof me mettait 12, même si je n’avais rien dit de bien. J’en profitais, et je ne faisais aucun effort pour apprendre. Maintenant que je vois les conséquences de ma paresse, je regrette ! » . Ou un autre : «  C’est pas de ma faute, c’est mon cerveau, je suis hyperactif ». On pourra prendre toutes les précautions oratoires et formulaires possibles, il sera bien difficile d’éviter que la reconnaissance d’un trouble ne colle à l’être même de la personne…

Cette inclusion vient écraser toutes les autres appartenances, devient l’unique porteur de l’identité du sujet. Et arrange bien ceux qui sont extérieurs, nous soulage de notre angoisse, en respectant la pureté de notre groupe, familial ou autre : si un enfant n’a pas le bac dans notre famille, ou s’il n’aime pas la musique, c’est car il n’en fait pas réellement partie. Cela nous évite de remettre en cause le mythe de notre famille, et d’accepter que la trajectoire, le cours de la vie, le choix de vie de notre enfant soit autre, de respecter ses caractéristiques propres sans l’exclure, en élargissant nos critères d’appartenance au groupe.

Lorsque des évènements viennent mettre en doute, voire détruire cette conviction que nous avons le droit de disposer d’une dignité personnelle, le sentiment d'exister est fortement remis en cause. On comprend que cela puisse entraîner des idées suicidaires : "Lorsque l'on n'a plus le droit d'être un homme, il ne reste plus que la mort». (Primo Levi)

Groupes et solidarités

Je voudrais évoquer les sens du mot Handicap: à l’origine il s’agit d’une expression anglaise, « hand in cap » qui signifiait plus ou moins « mettre la main à la poche » c’était ce que celui qui avait plus donnait à celui qui avait moins lors d’un échange. C’est encore le poids qu’on ajouté à un cheval qui a beaucoup gagné, ou les points ajoutés à un golfeur pour rendre la course ou la compétition plus égalitaire, donc amusante. Bien loin, donc, du sens de la loi actuelle en France, qui définit ce mot par une « limitation ou une restriction »

Ce qui est amusant, c’est que le mot « compensation » utilisé par la loi dans son texte est parfaitement relié au concept de handicap à son origine, les mots étaient même en quelque sorte synonymes, puis que compensation vient de peser, et signifie étymologiquement « égaliser les poids sur les plateaux d’une balance » !

Une appartenance impose une solidarité entre les membres du groupe. Une compensation, pour tendre vers plus d’équité, est dans son esprit, mais elle ne peut conférer de dignité que si cette solidarité est à double sens, solidarité de type fraternelle. C’est ainsi que dans une association d’insertion, comportant majoritairement des immigrés, les femmes participant à l’alphabétisation organisent chaque mois un grand repas communautaire dans le quartier, où chacune confectionne un plat de son pays d’origine : c’est ainsi qu’est renforcée leur dignité, le don est réciproque, et non de haut en bas. De l’argent accordé dans le cadre d’une inclusion est une aumône, faite par pitié.

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Ces deux dessins de Rembrandt illustrent parfaitement les deux façons de secourir, l’une qui abaisse et l’autre qui relève.

Conséquences de l’inscription MDPH sur les relations de l’individu

Les relations avec ses pairs seront plus ou moins influencées par la nature des troubles, par la présence de l’AVS, par l’intervention de l’équipe enseignante, l‘enfant peut donc avoir de plus ou moins bonnes relations avec ses copains. Il est évident ici encore qu’il faut aider l’enfant à avoir des relations avec ses pairs dans des domaines où il soit à l’aise.

Vis-à-vis de l’enseignant, l’inscription à la MDPH a des effets divers :

Cela peut permettre à l’enseignant d’avoir des attentes réalistes et atteignables, et d’éviter de désespérer l’élève par des commentaires du genre « nul, n’appends pas ses leçons »

Le risque est celui de l’effet Pygmalion (…) et que l’enseignant, attendant moins de l’enfant, lui demande moins, obtienne moins, et le fixe dans cette catégorie d’handicapé. (prédiction auto réalisatrice)

La présence de l’AVS a des conséquences variables sur les relations de l’enfant avec l’enseignant. Certains enseignants délèguent totalement à l’AVS, et ne s’en occupent plus du tout, avec cette justification : « je ne peux pas, vous comprenez, j’en ai 30, je ne vais pas les sacrifier pour un seul ». ils met en acte, objective cette inclusion dans le groupe des handicapés, exclusion du groupe des élèves de sa classe. Cela pose aussi le problème de la sélection et de la formation des AVS. Certaines ont une relation affective avec l’enfant, le confortant dans sa position régressive, ou s’identifient sans nuance à lui, lui dictent le travail pour lui éviter des mauvaises notes, entrainant alors des incertitudes sur les capacités réelles de l’enfant, des soupçons, s’il a bien fait, n’est-ce pas car c’est l’AVS qui a fait ?

Les relations de l’enfant dans sa fratrie ne sont pas compliquées par les mêmes difficultés selon la massivité des troubles de l’enfant. En effet, lorsqu’il y a dans une famille un enfant avec un trouble massif, gros retard psychomoteur par ex, les frères et sœurs ont tendance, dans mon expérience, à être très « gentils », c’est à dire à contenir toute agressivité pour protéger le handicapé, voire se sacrifier pour rester plus ignorant ou incapable que lui. En cas d’handicap modéré, au contraire, je vois souvent certains frères et sœurs exprimer férocement leur jalousie. Parfois, cela est fait d’une façon subtilement sadique, que j’appelle « bravo, Mongolito », quand un ainé prend une position haute pour féliciter à l’excès un plus jeune en difficulté, donc absolument pas menaçant. Toute son agressivité sort au grand jour lorsque le cadet devient un rival dangereux…Dans la même idée, lorsqu’il y a un enfant « tout noir », il y a souvent un autre « tout blanc », « le jour et la nuit », disent les parents, l’enfant parfait ayant ainsi endossé ce costume de perfection pour jouer son rôle dans le théâtre familial, se démarquer, ne pas rajouter des difficultés aux parents, au prix de son individualité à lui : il est certes plus valorisant, mais tout aussi aliénant …

Les relations de l’enfant avec ses parents vont nous amener aux relations de l’enfant avec lui-même, c’est-à-dire aux conséquences intrapsychiques. Je ne vous garantis pas la stricte orthodoxie de ce que je vais vous dire, c’est une construction qui m’est utile pour penser et travailler avec les parents. Elle est basée sur deux auteurs anglo-saxons, qui ont des axes théoriques différents, l’un, John Byng-Hall, a été le successeur de Bowlby à la Tavistok Clinic, il est un thérapeute familial parti de la théorie de l’attachement. Les autres sont Kerry et Jack Novick, psychanalystes nord-américains qui ont très clairement théorisé sur le travail avec les parents en psychanalyse d’enfants.

De même que, d’après la théorie de l’attachement, la mère constitue une base de sécurité à son enfant, pour explorer le monde extérieur et son monde interne, une thérapie, pour ne pas être directive, prédictive, normative, pour être respectueuse du patient, doit être considérée comme une base de sécurité que nous offrons au patient à partir de laquelle il peut explorer d’autres manières d’être au monde, et avec lui-même. Dans le cas du travail avec des parents pour leur enfant, nous devons offrir aux parents un cadre sûr, qui leur permette d’explorer d’autres manières d’être parents. Cela évite l’écueil des « guidances parentales » où les parents deviennent avec leurs enfants aussi directifs que le thérapeute l’est avec eux. voire aussi violents et maltraitants.

Quel est le but d’une éducation ? Permettre à nos enfants de devenir leurs propres parents. Intérioriser dans leur psychisme une bonne mère, un bon père, un bon frère ou sœur, qui lui permette de cheminer dans la vie en sachant préserver son corps, se consoler dans la détresse lors des inévitable épreuves, se faire respecter, lui imposer de contenir ses pulsions et respecter les autres et les lois humaines, de rester seul sans s’ennuyer…

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Deux autres dessins de Rembrandt tellement expressifs et finement observés :une mère contient difficilement la rage de son petit de 2/3 ans, sous les directives de la grand-mère, et le regard narquois de ses frères. Une mère contient la peur de son enfant devant un gros chien, elle est souriante, elle n’a pas peur, elle va réussir à lui apprendre à faire la différence entre un chien réellement dangereux et un chien qui aboie simplement

Ce travail d’intériorisation est très complexe chez les humains, toujours fait par tâtonnements, jamais parfait. Mais il obéit à une succession immuable, quel que soit le sujet, il faut d'abord que les parents donnent, puis qu'ils sèvrent. On ne se sépare de façon enrichissante et constructive qu’après avoir eu satisfaction. D’abord ils tiennent la main du petit d’un an qui apprend à marcher, puis ils le laissent marcher seul, il supporte la douleur des inévitables chutes. Les parents contiennent leur crainte, car un sujet n’apprend que de l’expérience. Malheureusement, nous ne pouvons transmettre verbalement à nos enfants toute notre expérience de la vie, il faut qu’ils l’expérimentent dans la réalité. Je crois que c’est pour cela que l’humanité n’est pas beaucoup plus humaine qu’il y a 20000 ans… Je prends souvent avec les parents cette métaphore cycliste : quand nos enfants sont petits, nous les transportons dans la remorque de notre vélo : ça leur est vitalement indispensable. Notre tâche est de les amener à être capables, à l’âge adulte, de pédaler et de conduire leur propre vélo, pas de rester dans la remorque, ni même en tandem avec nous. Donc, régulièrement, dès que cela nous semble possible, sur un sujet précis, nous mettons notre enfant sur son propre vélo, pour qu’il expérimente, sous notre vigilance, donc sans risque grave, la charge et le plaisir de diriger seul sa vie. Qu’il constate concrètement que s’il pédale moins fort, il se fait distancer, et s’il ne tient pas son guidon, il est à la merci des nids de poule, s’il ne regarde pas où il va, il s’égare …

Revenons maintenant à nos enfants en difficultés. Le problème est le même dans son essence, mais plus angoissant pour les parents. Le psychanalyste Luc Vanden Driessche appelle « l’enfant parallèle » cet enfant que les parents d’un enfant handicapé se construisent dans leur psychisme pour supporter leur propre détresse, un enfant idéalisé, à côté de l’enfant handicapé, clivage indispensable à leur narcissisme, que nous devons à la fois respecter et tenter de les aider à faire évoluer vers une image plus réaliste et unifiée. Si nous livrons trop tot un diagnostic grave à des parents, soit ( au mieux !) ils ne l’entendent pas, soit ils s’effondrent, privant ainsi l’enfant de  son plus précieux soutien.

Cet enfant idéalisé, qui peut nous paraitre à nous, professionnels, tellement éloigné de l’état de l’enfant que nous percevons comme plus réel peut apporter un élan fantastique à l’enfant : je pense ici à un jeune autiste de 7 ans que je suis, qui a lui-même un frère ainé qui a un autisme profond. Mon jeune patient parle, il a quelques jeux symboliques, et est scolarisé avec une AVS en CE1 . Sa maman s’est battue pour que le diagnostic d’autisme ne lui soit pas attaché, mais a su faire à temps les démarches pour qu’il soit aidé dans sa scolarité par un adulte qui le sorte de ses rites figés. Cette femme, donc, a déployé une énergie considérable, et a réussi à ce que son fils apprenne à lire, contre l’attente de tous les professionnels !

Nous savons tous combien des situations où un enfant est en difficultés entrainent ce que nous appelons communément une « fusion » étroite entre un parent et l’enfant. Un ou les parents s’inquiètent, accompagnent l’enfant auprès des multiples intervenants, rééducations, participent aux synthèses à l’école… l’enfant qui les soucie peut accaparer la presque totalité de leur esprit aux dépens d’eux-mêmes, du couple, du travail, des autres enfants…

Comment une inscription MDPH viendra influer sur cette situation ? C’est le gros problème que soulève ce terme de handicap… : «une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions… »

Les anglo-saxons ont une conception de ce terme plus étendue que la nôtre. En français courant, en tous cas, handicap signifie définitif, inguérissable. Il va souvent intensifier chez les parents la blessure narcissique, la culpabilité et les conduites de compensation, et diminuer leur pression éducative : si je reprends la métaphore cycliste, les parents se disent alors souvent : «  puis qu’il restera toujours comme ça, c’est terrible, nous devons compenser », et ils maintiennent leur enfant dedans la remorque, et n’essayent plus de le faire pédaler sur son propre vélo, même sur des sujets où il ne présente aucune difficulté. Cela leur permet aussi de remonter l’estime d’eux-mêmes, en donnant comme de bons parents, alors qu’ils sont terriblement blessés de se sentir être de mauvais parents de cet enfant abimé : mieux vaut l’enfant comme un bébé dans la remorque, que sur son vélo à coté qui nous fait honte.

Ça me rappelle cette famille qui avait deux enfants autistes. Ces parents en détresse ont été très soulagés de toutes les aides que les inscriptions à la MDPH leur a apportées, mais le père a refusé catégoriquement toute exploration étiologique en disant :  «  si vous découvrez une pathologie organique ou génétique, je ne pourrai plus me battre pour les faire progresser, je vais baisser les bras »

Moi aussi, d’ailleurs, je me souviens des difficultés que j’ai eues à garder un investissement positif et dynamique avec une petite fille que j’avais en psychothérapie, à partir du moment où j’ai appris le diagnostic génétique récemment découvert dans ses chromosomes…

Conséquences intrapsychiques et narcissiques en particulier

Tous ces éléments , à tous les niveaux, concourent à inscrire dans l’esprit de l’enfant qu’il est défectueux, irrécupérable, et inguérissable, parfois pour de bonnes raisons, et il doit faire le deuil, comme on dit, de la personne idéale qu’il aurait aimé être… comme chacun d’entre nous, mais avec une intensité plus douloureuse…

Parfois, il aura gardé sa dignité d’individu, ses parents l’auront suffisamment entrainé à pédaler seul sur son vélo, et il avancera dans la vie, habile sur son VTT, même si ses parents avaient pu rêver de le voir sur un vélo de course.

D’autres fois, il restera coincé dans la remorque, se pensant éternellement dépendant, et garant du sens de l’existence de ses parents, aux dépens de la sienne…

Ceci est d’autant plus difficile à accepter pour nous, professionnels, que nous savons que beaucoup de ces troubles « dys…  quelque chose » ont une origine inconsciente, ou à laquelle l’inconscient participe considérablement, toutes les conséquences psychiques que nous venons de passer en revue pouvant être cause de troubles qui les ont causées, en une boucle circulaire, un cercle vicieux !

Par exemple, j’ai vu récemment un enfant qualifié d’hyperactif, car la Ritaline® était inefficace. Les psys hospitaliers qui avaient évalué tout son psychisme découpé en rondelles n’avaient pas pensé une seconde à interroger l’enfant et les parents sur leur vie, car ce qu’ils avaient à dire sortait des échelles : cette famille hébergeait ses deux grands parents, et sa grand-mère s’était défenestrée du domicile quand il avait 5 ans… chacun était muré dans une tristesse et une culpabilité épouvantables, depuis ce drame. Seul, le petit garçon de 7 ans tentait de mettre un peu de vie à la maison…pour moi, c’est un comportement normal dans une situation anormale…

Utilisations perverses de la loi

Nous avons vu un dévoiement de la loi dans cette reconnaissance MDPH de cet enfant bien banal à mes yeux, qui permettait à sa mère ( pas du tout dans le besoin financier) de ne pas travailler.

J’insisterai plus sur un type de relation parent- enfant pervers, dans laquelle un parent a un besoin vital pour son psychisme qu’un de ses enfants soit reconnu comme défectueux. Ces parents, pour éviter la souffrance narcissique intense d’avoir à accepter des aspects dévalués de leur moi, externalisent, projettent et imposent ces parties abimées de leur psychisme autour d’eux. Leurs enfants constituent une cible idéale, captive et disponible sur le long terme pour les soulager de cette intense souffrance. L’enfant ainsi vampirisé, ou transformé en poubelle, ressent à son tour cette souffrance intense, il lui est impossible et interdit d’intégrer dans son psychisme des aspects positifs de lui-même. Cela fait le lit d’une amorce trans générationnelle d’un mode de fonctionnement sado masochiste. L’inscription à la MDPH vient ici fixer dramatiquement la relation perverse. Pour les amateurs de diagnostic nosologique, on peut appeler ça Syndrome de Munchhausen par procuration Psychiatrique, mais la CIM 10 ne l’a pas encore immortalisé par un code alphanumérique… 

Je suis actuellement le père d’une jeune fille de 17 ans qui flirte avec la psychose, j’ai fini par lui interdire autoritairement de faire tous ses devoirs avec elle (elle est en terminale !), …ce qu’il a commencé à faire quand elle était en CP, sur les conseils de l’orthophoniste qui avait fait un diagnostic de dyslexie…Il garde une emprise redoutable sur sa fille, dont il attend qu’elle remplisse tous les mandats transgénérationnels qu’il n’a pas remplis, lui. Et pour « remplacer » sa fille, il visite quotidiennement de vieux amis mourants ou handicapés, mais surtout, il a pris en charge le soutien scolaire d’une jeune fille à peine plus jeune, qu’il exhibe à sa propre fille, à sa grande rage.

Je pense qu’un tel comportement, s’il est peu fréquent à cette intensité, n’est pas si rare, un nombre non négligeable de parents d’enfants en difficultés se sentent « vides », de leurs propres mots, lorsque cet enfant s’en sort, ou leur est arraché, et tombent alors dans une dépression ou dans une pathologie somatique grave : c’était cet enfant qui donnait du sens à leur vie, aux dépens de sa dignité à lui. Ils soutenaient l’impuissance de leur enfant, mais ne peuvent supporter sa puissance…

IV CONCLUSION

Je reprendrai encore avec R. Neuburger :

Peut être considéré comme normal celui qui a rencontré des obstacles, des traumatismes dans sa vie, et qui a su les dépasser et se reconstruire : c’est la fonction des rituels de passage.

Nous avançons par crises successives, qui amènent des changements.

Dans cette vision, tout trouble psychique est la marque d'une attaque à ce qui fait la dignité de l'homme, et tout trouble est aussi une tentative pour parer à ces attaques. Car elle est aussi une solution, certes dysfonctionnelle, mais respectable en tant que telle, du fait qu'il s'agit de tenter de résoudre un problème lié à l'existence.

La psychiatrie n’est pas une taxonomie, ni une science vétérinaire de restitution de la santé. Je pense que sa finalité est de restaurer la dignité humaine, c’est-à-dire la liberté inhérente à notre condition humaine, capacité de réfléchir, de choisir son destin, de se confronter à ses angoisses existentielles. Nous ne sommes, pour citer JP Sartre , ni " une mousse, une pourriture ou un chou-fleur"… "L'homme est d'abord un projet", dit-il .

Jorge Semprun , qui a passé deux ans à Buchenwald a écrit dans  «  L’écriture ou la vie » :

« Nous sommes vivants, maintenant il s’agira de nous faire exister »

Nos jeunes, qu’ils aient un peu, ou beaucoup de difficultés, n’ont pas besoin que nous les construisions, mais que notre curiosité bienveillante les accompagne dans cette tâche que nous devons tous affronter, se faire exister.

Références :

1. Kendell R. et Jablensky A. Distinguishing between the validity and utility of psychiatric diagnoses. Am J Psychiatry 2003; 160:4-12.

2. Neuburger R: Le thérapeute familial, un passeur de frontières ? Psychiatrie française, 2008, n°3, p14-27 .

3. Neuburger R. ( 1995): Le mythe familial, ESF éd.,( augm. 2002)

4. Neuburger R. (2012): Exister, le plus intime et fragile des sentiments, Payot éd.

5. Novick J & KK (1996): Fearful symmetry, the development and treatment of sadomasochism, Northvale, NJ: Jason Aronson.

6. Pernot-Masson AC : Psychothérapie d’une maman trop attentionnée : un syndrome de Munchhausen par procuration. La psychiatrie de l'enfant 1/2004 (Volume 47), p. 59-101

7. Pernot-Masson AC : Pièges, difficultés et erreurs…devant un enfant au comportement inhabituel. Médecine & enfance, 2006 ; Vol 26 ; N°6, p. 315-320.

Comments (2)

Bonjour et merci pour cet écrit . J'interviens dans un IME pour faire un travail avec tous les professionnels sur la construction de relations interculturelles , un des points au travail est la difficulté de partager un récit avec les parents d'autres cultures et ces difficultés dues aux différences font passer au second plan tout ce qui concerne l'estime des enfants ,des familles et donc des professionnels. La phrase de Devereux que vous citez est très importante . Dans cet IME il y a en permanence une forte interrogation sur l'éthique et la parole mais le travail est de pouvoir avancer à partir de l'essentiel qui est bien cette construction . Si vous n'y voyez pas d'inconvénient votre texte serait un bon appui pour ma prochaine intervention. Je partage aussi tout ce que vous dîtes sur le diagnostic , et ce qui est étonnant c'est que c'est encore un combat pour les inquiets . Bien à vous , Jean-Charles Berthier ( proche de la F.A.P.)

Travail remarquable. J'ai connu de jeunes schizophrènes qui n'avaient pas de pension de handicapé adulte parce qu'ils ne voulaient pas de la notion de handicap. Au moment de la première loi, plusieurs d'entre nous avaient demandé que l'on joigne (ou une maladie de longue durée), ce qui est le cas de beaucoup de troubles mentaux qui n'entraînent pas forcément un handicap définitif. Mais nous n'avons pas été entendus.
La mise en cause des parents pose un problème très délicat, car le rôle de l'inconscient étant sans cesse réoublié, des conduites défavorables liées à leur problématique inconsciente risquent toujours d'être reçues et comprises comme une critique morale d'une conduite qui serait consciente et délibéréeOn a eu le même prroblème quand des experts psychiatres ont voulu introduire un point de vue psychanalytique auprès de jurys de Cour d'Assises: cela n'a pas été favorable à l'accusé ni à la compréhension de la psychanalyse car le monde judiciaire a confondu l'allusion à un mécanisme inconscient avec une préméditation....