Mélanie Klein :"Le cas Richard"

Actualites

"La planète-camp." Psychanalyse de l'extermination de Joseph Rouzel par Monique Lauret

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Note de Lecture Joseph ROUZEL, La planète-Camp. Psychanalyse de l’extermination, L’Harmattan, 2023.   Le dernier de Joseph Rouzel, La planète-Camp. Psychanalyse de l’extermination, est un livre de résistance, dans un monde sociétal devenu orwellien en quelques années sous la pression de l’idéologie néolibérale appuyée par l’outil numérique et ses algorithmes de la désolation. Ce dernier outil, au lieu d’aider l’homme à simplement se libérer de tâches ingrates et limitantes, s’avère d’une certaine manière, véritable outil de contrôle de la population, masse à asservir d’abord et plier à la novlangue imposée au service des intérêts financiers de ceux qui détiennent les entreprises privées, élargies au public, jusqu’aux institutions concernant les métiers qualifiés d’impossibles par Freud : gouverner, éduquer et soigner.

la planète-camp

Dany-Robert Dufour:" La phénomène Trans. Le regard d'un philosophe"

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Dany-Robert Dufour Le phénomène trans. Le regard d’un philosophe Le Cherche midi   Emporter un livre écrit par un philosophe en vacances pourrait sembler à certains relever du pur masochisme (ce qui, je l’espère, n’est pas vraiment ma tendance profonde!) et c’est certain, sortir ce livre sur une plage relève de la provocation voir du snobisme le plus pur. Le titre faisant évidemment penser à quelqu’un ne supportant pas ses concitoyens et décidé à souligner que la tendance transformer France Culture en joyeuse colonie de vacances trouve en lui un opposant farouche et déterminé à le faire savoir. Eh bien détrompez-vous car c’est un livre pour lequel les adjectifs truculent, jouissif, marrant, cocasse bref relevant d’une intelligence qui ne cherche pas à vous en mettre plein la vue et pour lequel le lecteur sera toujours reconnaissant à l’auteur de lui avoir fait passer un sacré bon moment.  

J-P Le Brun et J-L Renchon: "Où va la famille" Par L Le Vaguerèse

Laurent Le Vaguerèse
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Jean-Pierre Lebrun et  Jean-Louis Renchon « Où va la famille? » Droit et Psychanalyse     Ce n’est pas la première fois ni sans doute la dernière que la psychanalyse confronte ses réflexions avec celles issues d’une autre discipline ici le Droit. La rencontre de Pierre Legendre avec la pensée de Lacan en fait foi. Celle nouvelle rencontre s’établit ici entre un collègue bien connu et fort apprécié par nous et un spécialiste du Droit de la famille.   Mais de quelle famille parlons nous ?. Celle qui a structuré nos sociétés durant des siècles ou celle qui de nos jours dans sa forme classique semble destinée à disparaître ? Celle qui se compose de deux personnes de sexe différent ou de même sexe mais dont l’engagement vis-à-vis de la société est de fait réduite à sa plus simple expression? Et en quoi le Droit peut-il constituer un frein ou la  consécration de cette situation laissant alors chacun des deux partenaires libres d’agir comme bon leur semble? Et d’autre part en quoi l’évolution du Droit de la famille  reflète-t-il les choix sociaux fondamentaux auxquels nous sommes confrontés?    

famille

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Nous publions, à titre de document la présentation faite par Jacques Sedat du "cas Richard", une analyse d'enfant faite pendant la deuxième guerre mondiale par Mélanie Klein. Nous pensions l'ouvrage épuisé, il s'avère qu'il ne l'est pas . Reste la quetion centrale : ne pourrait-on pas republier ce qui est actuellement pilonné par les éditteurs et rendre ces textes accessibles gratuitement sur internet?

En complément nous publions un texte de Monique Lauret qui répond aux propos de Gilles Deleuze concernant le cas Richard.

Laurent Le Vaguerèse

Melanie KLEIN

Psychanalyse d’un enfant

Les Introuvables de la psychanalyse

Tchou 2002

Avant-Propos

Jacques Sédat

En 1961 paraît à titre posthume chez Hogarth Press, par les soins du Melanie Klein Trust fondé en 1955, Narrative of a Child Analysis, « Le récit d’une analyse d’enfant » qui porte en sous-titre « la conduite de l’analyse des enfants envisagée à partir du traitement d’un garçon de dix ans ».

Mélanie Klein, née à Vienne le 30 mars 1882, est décédée à Londres le 22 septembre 1960. C’est en pleine guerre qu’elle analyse Richard. En juillet 1940, Melanie Klein fuit les bombardements de Londres et se réfugie à Pitlochry, une ville au cœur des montagnes d’Écosse. Là, elle continue d’analyser, en particulier elle reprend l’analyse de Dick, analysé à partir de trois ans et demi, de janvier 1929 à 1930.

Richard et sa mère s’installent en 1941 à Pitlochry pour que Richard, cousin de Dick âgé de 6 ans de plus que lui, puisse faire une analyse avec Melanie. Richard est un garçon âgé de 10 ans, « précoce et très doué » mais maladivement craintif, ayant peur des autres enfants, déprimé, hypocondriaque, et ayant un vécu persécutif de type paranoïde. Son frère, âgé de 11 ans de plus que lui, est engagé dans l’armée. Son père, faible et malade, laisse le soin de l’éducation de Richard à son épouse, elle-même fort angoissée. L’analyse débute le 28 avril 1941 et se termine le 23 août 1941. Elle se serait prolongée si Melanie Klein n’avait décidé de revenir à Londres pour prendre part aux controverses Anna Freud/Melanie Klein qui se poursuivent de 1941 à 1945, à la suite des attaques d’Anna Freud contre les théories et la pratique de Melanie Klein avec les enfants.

Avant la première guerre mondiale, l’approche de l’analyse d’enfant est abordée indirectement par S. Freud dans Le petit Hans (1909)1, Herbert Graf analysé par son père Max Graf, et par les réflexions de S. Ferenczi sur un petit enfant de cinq ans, Arpad, Le petit homme coq,2 à partir du rapport d’une ancienne patiente (1913).

Après la première guerre mondiale, le premier travail consacré à l’enfant est celui de Hermine von Hug-Hellmuth, De la technique de l'analyse d'enfant

H. von Hug-Hellmuth : De la technique de l'analyse d'enfant in Essais psychanalytiques, Payot 1991, pp.193-218.

, à partir de l’observation du jeu des enfants, présenté au VI° Congrès international (le premier après la guerre) en septembre 1920 à La Haye, où Melanie Klein est présente. `

Mais la véritable pionnière de la psychanalyse d’enfant est Melanie Klein. A la suite de la mort de sa mère Libussa Reizes le 6 novembre 1914, avec laquelle elle a une relation fort ambivalente, Melanie Klein qui réside alors à Budapest avec ses enfants, commence une analyse avec S. Ferenczi. C’est lui qui l’incite à développer son intérêt pour l’enfance et les enfants. De cet intérêt découle son premier texte en 1919, Le roman familial in statu nascendi,3 publié en 1920 dans l’Internationale Zeitschrift für Psychoanalyse.

En 1921, Melanie part à Berlin où elle exerce l’analyse et devient membre associé de la Société psychanalytique de Berlin en 1922, l’année même où Anna Freud (1895-1982) devient membre de la Société psychanalytique de Vienne.

En 1924, Melanie commence son analyse avec Karl Abraham qui est élu président de l’A.P.I. la même année au VIIIème Congrès international de Salzbourg. Le 17 décembre de la même année, Melanie présente à la Société psychanalytique de Vienne sa conférence sur Les principes psychologiques de l'analyse des jeunes enfants

M. Klein in Essais de psychanalyse, Payot 1968, pp.166-177.

.

En 1925, sur l’invitation de Ernest Jones, Melanie donne des conférences à Londres en juillet. Décès d’Abraham la même année ; il est remplacé à la présidence de l’A.P.I. par Jones.

En septembre 1926, à l’invitation de Jones toujours, Melanie s’installe à Londres.

En 1930, elle publie un article, L'importance de la formation du symbole dans le développement du moi,4 élaboré à partir de l’analyse de Dick.

En 1932, publication de La psychanalyse des enfants

M. Klein, PUF 1959.

, premier ouvrage d’ensemble sur l’analyse des enfants.

En 1937, publication de L'amour, la haine et le besoin de réparation

M. Klein, Payot 1968.

avec la collaboration de Joan Riviere.

En 1939, publication d’un article sur Le deuil et ses rapports avec les états maniaco-dépressifs

M. Klein, in Essais de psychanalyse, Payot 1968, pp.341-369.

.

Pendant la guerre, elle rédige d’abord Le récit d'une analyse d'un enfant puis participe aux controverses.

En 1945, elle publie Le complexe d'Oedipe éclairé par les angoisses précoces,5 élaboré à partir de l’analyse de Richard.

En 1952, publication de Développements de la psychanalyse

M. Klein, PUF 1966.

avec la participation de Paula Heimann, Susan Isaacs et Joan Riviere, en hommage pour le 70ème anniversaire de Melanie Klein.

En 1955, fondation du Melanie Klein Trust.

En 1957, publication de Envie et gratitude et autres essais

M. Klein, Gallimard 1968.

où elle développe sa propre théorie de l’envie.

Récit de la psychanalyse d’un enfant

Un texte inédit de Melanie Klein adressé à Jones en 1941, au moment où elle analyse Richard, peut éclairer l’audace de Melanie Klein et sa capacité dans l’analyse d’enfant à aller vers les couches les plus profondes de l’inconscient, au point qu’on l’a souvent accusée de ne pas différencier les états psychotiques et les positions psychiques infantiles :

« Freud lui-même, après avoir atteint son sommet avec Inhibition, symptôme et angoisse, non seulement n’alla pas plus loin, mais se mit plutôt à régresser.Dans ses contributions théoriques ultérieures, certaines de ses découvertes apparaissent affaiblies ou bien elles sont laissées de côté, et il n’a certes pas tiré toutes les conclusions de son propre travail. (...) L’audacieuse progression d’Abraham vers les couches les plus profondes du psychisme, ses contributions à la question du sadisme oral et de ce qu’il appela le premier stade sadique-anal, bien qu’elles ne fussent pas liées aux découvertes de Freud, allaient dans la même direction - mais le travail d’Abraham resta également inachevé en raison de sa mort. Le Groupe viennois, sous la férule d’Anna, a en fait considérablement reculé par rapport aux découvertes les plus importantes de Freud et d’Abraham. Ailleurs également on peut observer de fortes tendances régressives, ou alors, des conceptions plutôt divergentes se sont développées. Pour l’essentiel, voici ce que j’avance : ces découvertes qui contiennent les germes de tout développement ultérieur de la psychanalyse lui feront courir un grand danger si elles ne sont pas développées plus avant et elles sont également en danger d’être tout simplement mises au rebut. Le développement de l’œuvre de Freud dans la direction que j’ai prise pourrait bien non seulement les maintenir en vie, mais leur conserver tout leur sens et leurs potentialités. C’est ma conviction, fondée sur une somme d’observations, de travail clinique et de réflexion. Vous-même, vous faisiez observer dans votre lettre le grand danger que courent les analystes, et l’analyse en général, et qui provient de la tendance à fuir la profondeur et à régresser. Ce danger n’est jamais plus grand que lorsque le surmoi et les couches les plus profondes de l’inconscient sont en cause. C’est la raison pour laquelle je vous disais dans ma lettre que, si les tendances régressives prévalent dans notre Société, la psychanalyse risque de disparaître »6.

La régression est ici à entendre évidemment comme refuge dans le rationnel et le théorique pour se mettre à l’abri des couches les plus profondes de l’inconscient. Cette fuite dans la théorie pour se protéger du patient avait déjà été repérée par Freud au moment de la publication par Otto Rank du Traumatisme de la naissance

O. Rank (1924), Payot 1928.

, où celui-ci substituait au psychique de l’angoisse de castration le biologique de la catastrophe de la naissance. Dans une lettre à Lou Salomé, Freud écrit : « Cet acte d’auto-sauvetage (l’écriture du livre de Rank) lui a été rendu possible par plusieurs circonstances. Premièrement par un très mauvais complexe paternel et la névrose qui s’est greffée dessus et n’est pas toujours latente ; deuxièmement par la pratique de l’analyse, laquelle ébranle toutes les structures artificielles (souligné par moi) et supprime éventuellement chez l’analyste même la sublimation. Troisièmement, par la sensation de faire des découvertes analytiques, tentation à laquelle tout commençant qui n’a pas été analysé - et c’est son cas - est exposé »7.

Hermine von Hug-Hellmuth, dans sa technique, faisait jouer l’enfant pour qu’il mette en jeu ses fantasmes, en évitant toute interprétation. Anna Freud pensait qu’on ne peut analyser le transfert de l’enfant avec ses parents puisqu’il n’y a pas d’effet d’après-coup où l’on puisse répéter ce qui a été vécu pendant l’enfance. Cette théorie de l’absence de transfert dans l’analyse d’enfant n’est peut-être pas étrangère au fait qu’Anna Freud ait été analysée par son père !

Melanie Klein procède autrement. Elle délaisse la notion de stade trop psychogénétiquement historique pour traiter de positions psychiques qui peuvent ressurgir à nouveau. Elle introduit la « position schizo-paranoïde » marquée par les premières angoisses de persécution témoigne d’une vie fantasmatique intense et d’un grand degré de souffrance psychique par les attaques du sein et du pénis, et la « position dépressive » marquée par le deuil, la perte, l’absence qui engendrent des états dépressifs et des défenses maniaques qui nient la réalité. Les positions dans lesquelles les premiers objets persécuteurs sont les parents renvoient aussi à un surmoi primaire antérieur au complexe d’Oedipe, ce qui est une innovation kleinienne.

Psychanalyse d'un enfant est le premier, le plus grand et le plus développé écrit sur une analyse d’enfant. On y trouve les interventions de l’enfant, celles de Melanie et ses réflexions ultérieures. Elle passait deux heures par jour à retranscrire les séances quotidiennes d’une heure où Richard retrouvait ses propres jouets et ses dessins et faisait un travail avec eux.

A partir de 1956, avec l’aide d’un collègue et ancien analysant, Elliott Jacques, elle met au point le manuscrit de l’analyse de Richard, qui ne put paraître finalement qu’un an après sa mort, en 1961. Chose étrange, Un cas de psychose infantile"

S. Lebovici et Joyce McDougall : Un cas de psychose, étude psychanalytique, PUF 1960 (l’édition anglaise parait en 1969 avec une préface de Winnicott).

, analyse de Sammy, un jeune américain de 9 ans, par Joyce McDougall, qui avait suivi une formation à la Hamstead Clinic de Londres avant de venir à Paris, analyse contrôlée par Serge Lebovici et très marquée par la lecture de La psychanalyse des enfants, paraît en 1960.

Psychanalyse d'un enfant suscite de nombreux commentaires. Dès 1963, l’International Review of Psycho-Analysis publie un compte-rendu d’inspiration freudienne d’Elisabeth R. Geleerd et un compte-rendu d’inspiration kleinienne par Hanna Segal et Donald Meltzer en réponse à celui d’E. R. Geleerd. Ultérieurement, Donald Meltzer, dans la seconde partie du Développement kleinien de la psychanalyse

D. Meltzer : Le développement kleinien de la psychanalyse, Bayard 1994.

, présente une analyse très précise de Psychanalyse d'un enfant. Enfin en France, il faut signaler l’analyse critique mais très pertinente de Maurice Dayan, Mme K. interpréta, publié d’abord en revue, en 1977, puis dans l’Arbre des styles, Aubier-Montaigne 1980, pp.107-163.

L’ensemble de l’œuvre de Melanie Klein est actuellement disponible en France:

- Essais de psychanalyse (1921-1945), Payot, 1967.

- La psychanalyse des enfants, PUF, 1959.

- Développements de la psychanalyse, PUF, 1966.

- Envie et gratitude et autres essais, Gallimard, 1968, Tel, 1978.

- L'amour et la haine, Payot, 1978.

- Le transfert et autres écrits, inédits en français, PUF, 1995.

- Psychanalyse d'un enfant, Tchou, Bibliothèque des Introuvables, 2002.

Sur l’œuvre de Mélanie Klein, nous ne retiendrons ici que :

- la biographie intellectuelle monumentale de Phyllis Grosskurth, Melanie Klein, son monde et son œuvre (1986), PUF, 1989.- Robert D. Hinshelwood, Dictionnaire de la pensée kleinienne (1989), PUF, 2000.

- Robert D. Hinshelwood, Le génie clinique de Melanie Klein (1994), Désir-Payot, 2001.

J’ai également réédité, en 2003, dans la Bibliothèque des Introuvables de Tchou, l’oeuvre de Sophie Morgenstern, introductrice de la psychanalyse d’enfant en France et qui a formé Françoise Dolto à la clinique dans le service du professeur Georges Heuyer. C’est là que Sophie Morgenstern a inventé une méthode nouvelle d’analyse des enfants, à partir du dessin comme simple support, et sans jouets ou jeux, à la différence de Melanie Klein ou d’Anna Freud.

- Tome I La structure de la personnalité et ses déviations

- Tome 2 Psychanalyse infantile 

La psychanalyse et son rôle dans l'hygiène mentale

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« L’anti-oedipe » de Deleuze à l’encontre de Melanie Klein La vérité chez Deleuze est ce que la pensée crée, déniant celle qui surgit par le biais du symptôme ou de l’angoisse. La psychanalyse passée au crible de sa pensée philosophique, dans son plan d’immanence singulier, est pour lui système de réduction à une image dégradée de l’inconscient, cette machine désirante. Une image toujours ramenée pour lui à la famille et à la sexualité comme « sale petit secret familial ». Pour Deleuze, toute création en philosophie présuppose ce qu’il appelle un plan d’immanence, une surface sur laquelle les concepts peuvent se poser et se connecter. Un lieu situé dans la pensée, une image de la pensée. Deleuze établit une représentation imaginaire de sa pensée. Avant de se mettre à penser, nous nageons pour lui dans une bouillie mentale, les concepts représentent les points d’ancrage de la pensée. Sa pensée va à l’encontre de tout système, de ces systèmes qui se reproduisent : état, famille et capitalisme. Il prône l’émancipation, rêvant avec Guattari d’une pop-philosophie ; d’un manuel de leur sagesse adressé à tous. Il n’épargnera pas la psychanalyse qu’il va considérer comme système.. Melanie Klein est la seule trouver grâce à ses yeux car la moins compromise dans ce supposé rabattement sur le champ familial. C’est ce que nous dit Deleuze dans son cours du 27/05/1980 à l’université de Paris VIII, juste avant de l’attaquer, en traitant l’analyse du cas « Richard » comme étant « (l’)une des psychanalyses les plus honteuses qu’on puisse imaginer ». Une analyse qui pour lui se situe dans le forçage d’un petit garçon passionné de cartes géographiques de guerre, qui n’aurait eu qu’une envie, se tirer face à Melanie Klein, face à une analyse minutée, d’avril à juin 1941, en pleine période d’évènements dramatiques de la guerre, qui l’oblige à finalement tout accepter mais à quel prix ?

Deleuze omet délibérément les symptômes dont souffrait cet enfant effectivement terrorisé par la guerre mais aussi phobique, terrorisé aussi par les autres enfants de son âge et par l’extérieur, et présentant en outre des angoisses persécutives d’empoisonnement. Il omet de dire que ces symptômes se sont rapidement levés et que ce garçon a pu devenir un homme adulte, ouvert aux voyages et gardant un souvenir ému de cette vieille dame parlant trop souvent « d’organes génitaux ». L’étude du cas Richard a été courageusement publiée et exposée par Melanie Klein. C’est l’étude de cas la plus longue jamais réalisée en psychanalyse, la rencontre analytique entre une juive autrichienne et un petit écossais de 10 ans, précoce et terrifié, second d’une fratrie de deux, son frère ainé ayant été récemment incorporé dans l’armée et envoyé sur le front. Melanie Klein en a rédigé le manuscrit de 1956 à 1959 et effectué les dernières corrections sur son lit de mort. L’étude de ce cas a aussi servi à l’élaboration de son article « Le complexe d’Œdipe éclairé par les angoisses précoces » , présenté à la Société Britannique de Psychanalyse en 1945. Une cure effectivement rapide, du fait du contexte de guerre, en 96 séances et 74 dessins, du 28 avril au 23 août 1941. La cure s’est déroulée en dehors de Londres bombardée sans arrêt et où régnait la peur de l’invasion allemande, à Pitlochry en Ecosse, havre tranquille dans la verdure. Richard et sa mère logeaient à l’hôtel et dormaient là dans le même lit, ce que ne relève pas Melanie Klein. La maison de Richard a été bombardée à Londres peu après leur départ et pendant l’été Richard s’est retrouvé confronté à un autre traumatisme : la mort de son père par infarctus, qu’il a découvert gisant sur le carrelage. Un mois plus tard, la Russie était envahie.

Melanie Klein a analysé les dessins de Richard ainsi que les manœuvres que l’enfant exécutait en se servant de navires jouets posés sur une carte représentant les territoires en guerre Les collisions entre navire étaient interprétées comme relations sexuelles entre les parents. Mélanie Klein analyse le contenu de la paranoïa comme étant à la base de son caractère associable. Elle interprète rapidement l’angoisse, trop vite d’après ses détracteurs, faisant intervenir les organes génitaux du père dans l’un de ses premiers dessins, celui d’une pieuvre menaçante à visage humain. Elle interprète ou intervient vite poussant il est vrai Richard à accepter les prototypes du mauvais sein détesté et du bon sein offrant. Mais au fur et à mesure de l’acceptation par Richard que l’objet d’amour est aussi objet de haine, s’affirme plus solidement pour lui son sentiment pour sa mère et sa diminution des peurs de l’extérieur et dès la troisième séance, ce petit garçon gravement phobique, parle de son plaisir à se promener à l’extérieur. La sexualisation des liens sociaux qui lui rendait la fréquentation des rues difficiles, semble diminuer. Pour Melanie Klein, la dissolution du complexe d’Œdipe est possible quand s’affirment la prise de conscience et l’amour pour les parents. Pour Freud, elle s’effectue dans l’acceptation réaliste de la structure libidinale de la famille.

Melanie Klein a été critiquée pour la brutalité de ses interprétations portant sur la sexualité. Donald Meltzer dans « Richard, semaine après semaine » , semble gêné devant la rapidité et la nature tranchée des interprétations. Elisabeth R. Geleerd écrit en 1963 dans l’International Review of Psychoanalysis : « La manière aléatoire dont Melanie Klein interprète ne reflète pas le matériel mais bien plutôt ses présupposés théoriques concernant le développement infantile. » Lou Andréas-Salomé l’accusait de « violenter les minuscules petits humains » . Toutes ces critiques peuventt expliquer le choix de nombreux psychanalystes de langue anglaise, de se désintéresser des pulsions en se centrant sur le Moi et les mécanismes de défense suivant la vues de pensée d’Anna Freud. Cette violence de l’interprétation ne traumatise pas le patient pour Gilbert Diatkine mais a plutôt un effet mutatif intéressant, libérant l’angoisse inconsciente et lançant le processus analytique. L’agir de parole de l’analyste met en mouvement le processus analytique. Richard éprouve même du plaisir à penser avec elle, transformant son sadisme en curiosité intellectuelle. Pour Phyllis Grosskurth , cette libération épistémophilique persistera à l’âge adulte, Richard entreprenant une carrière de vulcanologue.

Ce qui a peut être fait violence à Deleuze émancipé, lisant ce récit et s’identifiant sans doute à Richard, lui donnant envie de s’extraire comme lui même de tout système, c’est sa perception que toute situation analytique est une situation de séduction traumatique. Interpréter, c’est écouter le double sens des mots, le glissement des signifiés sous le signifiant, qui dans le transfert donnent un sens après-coup à la sexualité infantile, au réel traumatique. L’après coup joue un rôle important dans le travail de Melanie Klein, bien qu’il ne soit pas mentionné explicitement. La sexualité infantile méconnue se manifeste dans les accidents du cadre .

Pour Gilbert Diatkine, Melanie Klein ne s’aperçoit pas qu’elle met en acte le fantasme de l’enfant. Son interprétation effractive, juste après que Richard ait parlé de sa peur de l’irruption d’un vagabond par la vitre fracturée dans sa chambre équivaut à l’ irruption brutale de la sexualité adulte dans l’univers de l’enfant. Pour lui cette ombre sur le cadre , vient peut-être du fait qu’elle n’a pas mis en question le caractère incestueux de sa propre filiation analytique. Melanie Klein est devenue psychanalyste en 1919 à la Société psychanalytique de Budapest, après avoir présenté l’observation de son fils Erich , son troisième enfant. Cela explique à ses yeux le « blanc » dans la transmission de Melanie Klein sur le caractère érotique des pulsions, le double sens des mots et l’après-coup. Un « secret de famille » effectivement. Ce travail de Mélanie Klein a suscité de nombreux commentaires. Une femme âgée dans une expérience humaine pas forcément sans faille, fait face à un petit enfant de 10 ans terrorisé par ses pulsions. Deleuze a réagi violemment, se laissant emporter par un violent sentiment anti psychanalyse. Lui qui pourtant a dit : « c’est de l’opinion que vient le malheur des hommes », s’est privé de la connaissance de cette expérience qui libère au lieu de brider le désir, ouvrant des lignes de fuite au sujet aliéné au champ de l’Autre. Aurait-il manqué là de « déterritorialisation » ? Monique Lauret 11/09/2008. -

  • 1.

    S. Freud : Analyse d'une phobie d'un enfant de 5 ans (le petit Hans) in Cinq psychanalyses, PUF 1954, pp.93-198.

    Analyse de la phobie d'un enfant de cinq ans in Oeuvres complètes IX, PUF 1998, pp.1-130

  • 2.

    S. Ferenczi : Un petit homme-coq in Psychanalyse II, Payot 1970, pp.72-78.

  • 3.

    non traduit en français.

  • 4.

    M. Klein in Essais de psychanalyse, Payot 1968, pp.263-278.

  • 5.

    M. Klein in Essais de psychanalyse, Payot 1968, pp.370-424.

  • 6.

    in P. Grosskurth : Melanie Klein, son monde et son œuvre (1986) PUF 1989 pp.608-609.

  • 7.

    Lettre du 17 XI 1924 in Lou Andréas-Salomé, correspondance avec Sigmund Freud, Gallimard 1970,p.180.