Akerman, première approche

J’avais vu Jeanne Dielman, 23 Quai du commerce, 1080 Bruxelles, à sa sortie, et bizarrement en compagnie de ma mère qui, étant bonne ménagère s’écriait, exaspérée en voyant Delphine Seyrig nettoyer sa baignoire : « il y a longtemps que j’aurais fini ! ». Je ne sais plus si nous sommes restées jusqu’à la fin… Maman (qui est décédée depuis, ce qui me relie davantage à Chantal Akerman qui témoigne, dans son dernier film de sa relation avec sa mère, du vieillissement et de la disparition quasi progressive de celle-ci, avait beaucoup de Jeanne Dielman et cela devait l’agacer. Mais elle croyait qu’en étant extrêmement performante, elle pouvait échapper à cette occupation de tous les instants qui cependant laisse totalement vide. Peut-être son caractère colérique et ses crises fréquentes lui permettaient-elles, cependant, de libérer un peu de ses impulsions et révoltes, quand Jeanne Dielman retient tout jusqu’à l’impossible. Chantal Akerman elle-même, en se mettant en scène dans Saute ma ville (film inaugural) et en faisant un cinéma libre, qui cherche de toutes parts les points de fuite, a-t-elle longtemps pu éviter destruction et autodestruction dont elle n’ignorait pas la tentation cependant.

 

 La création, de toute évidence, et la réalisation imaginaire des fantasmes, tiennent en laisse les démons intérieurs. Jeanne Dielman, quant à elle, est faite comme un rat dans le piège de son labyrinthe et des cadres qui la guettent. 

D. Chancé

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