L’Amant Double

(un film sur les psys)

de François Ozon

avec Jérémie Renier, Jacquelinne Bisset

et Marine Vacht, Marine Vacht, Marine Vacht, Marine Vacht

l'amant double

 

C’est « l’histoire d’un mec » C’est l’histoire d’un mec qui. Qui ici est une fille, donc c’est l’histoire d’une mec. La fille, c’est Marine Vacht, présente dans la quasi-totalité des plans de ce film. Elle va mal, elle a mal au ventre. Son médecin lui dit que c’est psy. Donc elle va voir un. C’est marqué en bas de son immeuble. PSYCHIATRE. Elle n’a pas un rond, mais c’est un immeuble de luxe, un bureau de luxe, un psy de luxe. Ce n’est pas le dispensaire de santé mentale du coin de chez elle. C’est un psy de luxe.

C’est très bien filmé. La caméra montre une symétrie parfaite entre le psy et la fille. Ils sont en face-à-face, plutôt proches l’un de l’autre, l’une de l’autre, très proches même. Et ils se rapprochent davantage. La fille va mieux, elle est guérie. Le psy met fin à leurs entretiens. « J’éprouve des sentiments incompatibles avec la poursuite de ce traitement, » dit-il. La fille s’avance, l’embrasse, les voilà en couple, installés dans un bel appartement. Elle travaille enfin comme surveillante de musée.

Nous savons tous, ce sont des choses qui arrivent, il n’y a pas de quoi fouetter un chat. D’ailleurs, il y en a, dans ce film, des félins. Tous un peu louches. Le couple bat de l’aille. Le psy travaille trop à l’hôpital. La fille est méfiante. La voilà qui un jour le voit devant un musée, avec une autre fille. Elle s’enquiert, fait son enquête, et elle arrive devant un immeuble.

En bas de l’immeuble c’est marqué « PSYCHANALYSTE – thérapies cognitives et comportementales. » Tiens, tiens. La fille va voir ce « nouveau » « psy ». C’est un double du premier. Elle s’explique. Il l’injurie. Séances courtes. Il la met au défi de revenir, en sachant que ses séances sont très chères. Cent cinquante euros. Elle revient. La caméra a changé de perspective. Leurs fauteuils sont très rapprochés, mais ils ne sont plus symétriques. « Ah, en v’là un qui a compris la différence, au moins. » C’est encore pire.. Comme c’est de la psychanalyse cognitive et comportementale ( ???), le psy la reçoit dans son lit et la travaille : « La prochaine fois, tu jouiras. » Elle jure de ne plus revenir. Elle revient et à chaque fois elle casque trois billets de cinquante. Comme elle jouit, la caméra filme de l’intérieur un canal vaginal au moment de la jouissance selon Ozon : ça se dilate et ça se contracte, des spasmes rapides, puis lents. Ils prennent goût à l’affaire, ils recommencent, ça devient de plus en plus torride. Ah, ces psychanalystes, ce qu’ils sont pervers, ça alors. Pervers et retors.

Les explications viennent. Ce sont deux frères jumeaux. Un psychiatre, l’autre psychanalyste cog-comp. Nous avons droit à des longues explications sur la gémellité. Une rivalité cosmique a existé entre ces deux-là. À la fille de les démêler. Le psychanalyste, pervers retors, lui souffle à l’oreille qu’une autre fille a existé entre les deux frères. Remarquez : je n’écris pas « pervers narcissique », cette notion si usée qu’elle ne décrit plus grand-chose.

La fille enquête encore, elle fouille partout, elle découvre une morte vivante. Et si c’était elle-même qui se voyait dans l’autre. Se pourrait-il qu’il en soit ainsi ? Eh, oui. C’est l’histoire d’une mec. Ah, elle a aussi le fantasme de titiller son mec comme si c’était elle le mec et, lui, la fille, ça existe, il n’y a pas de quoi titiller un chat.

Tout se passe en silence ou en très douce musique, qui va bien d’ailleurs avec l’atmosphère feutrée des différents lieux, c’est feutré de partout dans ce film. Les toits de Paris, vous souvenez ? Fantômas, Clouzot, la Nouvelle Vague. Ici, non : ce sont les toits de Paris vus du Front de Seine. Rien que la Tour Eiffel, le Trocadéro, le Musée de l’Homme. Son très feutré. Sauf quand ça devient assourdissant. C’est que la fille devient folle. C’est un avertissement, nous aurions compris depuis la première fois. Des fois qu’elle délire ou risque de délirer. Comment cela va se terminer entre elle et ses deux mecs ? Et la morte vivante ?

Je ne dirai rien, pour ne pas gâcher encore plus un tel gâchis. Bref, rien n’existe. Sauf le dénigrement des professions. Psychiatre et psychanalystes, même saloperie. L’un est « famille », l’autre fait « raclure ». La plaque « Psychanalyste, thérapie cognitive et comportementale » mériterait un procès de l’Ordre des psychanalystes, un autre de l’Ordre des thérapeutes cognitivistes et encore un autre de l’Ordre des thérapeutes comportementalistes. Hélas, ça n’existe pas. Cela aurait pu exister, si les psychanalystes avaient fait confiance à Serge Leclaire, Jacques Sédat Danielle Lévy et quelques autres. Ce film, malheureusement existe. Un critique a écrit de lui : « Ce N’est pas Cronenberg qui veut. » En effet, ce grand directeur de cinéma nous a donné en 1988 un film superbe, Faux-Semblants (au Canada, Alter ego), dont L’Amant double semble être le calque. Le film de Cronenberg raconte aussi les aventures de deux frères jumeaux qui se partagent tout. Lisez donc Wikipédia. Ce n’est pas plus grave que tout le reste raconté dans le film. C’est juste bon à savoir. Des remakes, cela existe aussi. Est-ce que L’Amant double veut rajouter que les vraies-fausses jumelles ce sont les filles ?

Marine Vacht est très belle. Pas plus que beaucoup d’autres en ce printemps qui sent l’été. Toutes les filles sont belles ce temps-ci. Mais peut-être qu’avec Marine, le film Ozon veut juste nous le rappeler ? Il reste « Les Fauvettes (ex-Gaumont Gobelins) », très vraie belle salle dans Paris 13 : « Découvrez des films restaurés dans leur force d'origine au travers de cycles et de séances dans 5 salles… » Des fois  l’argent sert à des belles choses, à d’autres choses qu’à la production de films qui se moquent des psychiatres, des psychanalystes et des psychotiques, car vous aurez deviné, la fille semble assez frappée dans son genre. Elle fait froid au dos avec ses bêtises, qu’on prend parfois au sérieux. Car le film nous leurre pour des prunes. C’est son défaut majeur. Il nous leurre sur les psychiatres, sur les psychanalystes et sur les psychotiques. Serait-ce un film borderline qui ne s’avoue pas ? Il nous leurre sur l’histoire qu’il raconte. Il nous leurre en se prétendant du cinéma d’auteur. Ou alors c’est moi qui vieillis et qui trouve un certain cinéma fade à mon goût ? Tant pis. Pour un soir d’été, ça vaut la clim.

Luis Eduardo Prado de Oliveira