Happy end Michael Haneke

Michael Haneke, Happy end, 2017 (pour ceux qui ont déjà vu le film ou qui n’ont pas peur de connaître la fin)

La critique ne semble pas avoir tellement aimé le dernier film de Haneke. Il n’apporterait rien de plus à l’œuvre du cinéaste, n’aurait pas la grandeur du Ruban blanc, ainsi qu’une comparaison nous en avertit, dans Le Monde qui publie, le même jour (ce mercredi 4 octobre 2017) un article sur le premier, donné sur Arte et sur le second qui sort en salle.

Il se trouve que j’ai vu Happy End en avant-première, au cinéma Utopia de Bordeaux, il y a une quinzaine, et eu le privilège de passer la journée en compagnie du cinéaste : j’ai revu Caché (pour lequel j’avais fait un bout de texte pour Œdipe), assisté à un entretien animé par Philippe Rouyer, vu Happy End et de nouveau écouté Michael Haneke qui a bien voulu répondre aux questions et commentaires, esquivant toute allusion à la biographie (sauf une, extrêmement significative), souriant, modeste, balayant avec désinvolture toute inflexion théorique, faisant croire au hasard, à la chance, préférant mettre son cinéma sous le signe de l’anecdote plutôt que de la profondeur !

Pourtant, c’est bien de profondeur qu’il convient de parler quand on évoque le cinéma de Haneke. Et le nouvel opus est d’une complexité merveilleuse, déployant autant d’histoires que de personnages, autant de niveaux que l’image peut en contenir : à travers une pièce, la vue qu’offrent des fenêtres ouvertes, les reflets qui, dans les vitres, renvoient vers l’intérieur, mais également dans un jeu de formats et d’emboîtements, écrans dans l’écran. Les plans-séquences sont longs, ménageant des surprises théâtrales, ou captant silences et tensions.  L’un des plus beaux travellings laisse découvrir, quand les camions et les voitures n’obstruent pas le champ, plusieurs profondeurs, plusieurs histoires à suivre, en parallèle, et qui se croisent occasionnellement dans une scène muette qui pourrait être burlesque si elle n’était pas extraordinairement poétique, tragique et politique. Cette seule séquence justifie le film et fait de Haneke un cinéaste irremplaçable, de même que le plan précédent où les migrants de Calais apparaissent, comme si de rien n’était, en arrière-plan d’une scène de plage. Lire la suite

http://www.oedipe.org/spectacle/happy-end-de-michael-haneke

 

Dominique Chancé