« Amour » : La Shoah en Histoire de fond ou Haneke et la structure analytique de son film.

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« Amour » : La Shoah en Histoire de fond ou Haneke et la structure analytique de son film.

Brigitte Voyard.

La palme d’Or décernée à ce film ne serait peut-être pas là où on l’attendrait. Au-delà de toute attente, c’est, cette fois-ci encore, la surprise que réserve ce film qui, par l’étonnement généreux qu’il produit, mérite son pesant d’or.

Une fois de plus, Mickaël Haneke donne à lire les références à la grande Histoire à l’occasion de son travail, mais cette fois-ci, la manière est encore plus fine que dans ses œuvres précédentes, et je pense à son travail sur le film « Caché » en 2005.

Dans le film « Caché », thriller dont l’histoire se situe à notre époque, Haneke montre explicitement une scène qui fait référence à cette révolte parisienne des Algériens, en octobre 1961, moment historique où plus de 200 personnes ont été tuées, ou jetées dans le Canal Saint Martin… « Caché » a aussi suscité la polémique à cet endroit, car tout le film est tressé, autour du fil traversant de la guerre d’Algérie, et bien des spectateurs n’ont pas remarqué combien c’est l’entièreté de l’œuvre qui est construite avec cette référence, tant le mode d’approche d’Haneke est fin et sans visée démonstrative.

Question posée au réalisateur : « Est-ce que « Caché » peut être vu comme un film sur le refoulé de la France ? » Réponse de Haneke : « Oui, dans une certaine mesure. Je dis souvent en interview à propos de ce film que je voulais que l’histoire soit universelle, c’est-à-dire qu’on puisse la comprendre partout. En cela, elle ne concerne pas uniquement la France, mais tous les pays. Pour moi, « Caché » est avant tout un film sur la culpabilité, sur les tâches noires qui sont mises sous le tapis. »1

Le passage entre les deux films se fait d’autant plus aisément que les principaux personnages du couple ont les mêmes prénoms : Georges pour le mari, et Anne pour la femme. Cette première remarque souligne que quelque chose de subjectif insiste pour Haneke.

Il faut attendre la toute fin du film « Amour » pour entendre que, ici, la préoccupation à la grande Histoire concerne la Shoah, les camps, les horreurs de cette période nazie.

Dans « Amour », il nous subjugue car il affine son art, et, du tressage passe au tissage, car la référence à la Shoah échappe presque complètement, sauf à finir par connaître un peu son style. La référence à l’Histoire, qui constitue l’une de ses principales préoccupations, fait partie intégrante de la structure de son film, et devient un fil de trame de fond.

Le travail de construction du film devient ici digne de celui des orfèvres, et la structure d’ « Amour » peut alors constituer la métaphore de celle de la situation analytique.

En ce sens, la narration des péripéties de cette fin de vie présente quelques proximités avec les moments de la terminaison d’une analyse, et, notamment, de la chute du sujet supposé savoir.

Ce film raconte l’histoire d’un couple octogénaire, à un moment où elle, Anne,- Emmanuelle Riva- sombre progressivement vers la mort, dans un état de dépendance qui évolue sans relâche. On assiste aux effets de trois « attaques » successives d’accident cérébral : la première la rend hémiplégique, la seconde lui fait perdre l’usage de la parole, et elle devient incontinente, puis la dernière la plonge dans un état régressif où elle perd conscience par moments, balbutie quelques phrases de son enfance. Ce film montre leur relation dans cette fin de vie où lui, Georges,- Jean-Louis Trintignant- s’occupe d’elle, pour tous les actes de la vie quotidienne. En chaise roulante, paralysée d’un côté, elle a besoin de son aide pour tout.

Sa présence permanente permet à leur complicité de s’exercer jusqu’aux derniers moments.

Il me semble que le sens profond de ce film concerne un amour qui n’existe que parce qu’il est issu d’une expérience unique. On voit bien, par l’histoire de la fille de ce couple,- Isabelle Huppert- que la génération suivante semble totalement envahie par des affaires de stress, d’argent, et l’amour paraît relégué au rang d’une certaine indifférence aux effets des passions sexuelles tant fugaces que successives. On sent la superficialité engendrée par un certain consumérisme. On est passé à une autre génération, et à une autre époque.

Au fond, ce que nous dit Haneke, c’est qu’il n’est pas possible de dissocier cette expérience douloureuse de fin de vie, de l’expérience en tant qu’elle se rattache à l’Histoire.

On pense déjà à « Malaise dans la civilisation » de Freud.

À la fin, la scène se passe ainsi : il l’entend qui gémit très fort « mal, mal », et il se précipite pour aller la voir. Elle ne parle plus et ne sait pas répondre à sa question « tu as mal où ? » Elle répète sans cesse ses plaintes gémissantes, « mal…mal ».

Alors il se met à lui parler, et lui raconte un souvenir d’enfance, à lui. Et on s’aperçoit qu’au fur et à mesure de son récit, elle cesse de gémir et semble s’apaiser.

Il raconte un souvenir où, enfant, il a séjourné dans une colonie de vacances. Il laisse entendre des procédés sadiques de fond, ayant pour objet d’occuper les enfants en permanence de sorte qu’ils ne soient pas intéressés par les affaires pulsionnelles sexuelles de l’adolescence On les obligeait à plonger deux à deux dans une eau glaciale. Il a été forcé à manger du riz au lait, ce qu’il détestait hautement. Puisqu’il ne voulait pas céder, et ne voulait pas manger, il a été contraint de rester seul à table pendant trois heures. Il était en larmes.

Puis on l’a fait sortir et il a envoyé une carte postale à sa mère, comme chaque semaine. Il y avait un code entre sa mère et lui : il dessinait des fleurs si ça allait, et il dessinait des étoiles, si ce n’était pas bien. Il dit alors qu’il avait rempli sa carte d’étoiles, et que sa mère avait gardé la carte. Il ajoute qu’il ne l’a jamais retrouvée, cette carte. À la sortie de ce lieu, il a été malade et hospitalisé car il avait attrapé la diphtérie et, puisqu’il était contagieux, sa mère n’a pu le voir que derrière une vitre.

Juste après ce récit, il met fin aux jours d’Anne, devenue enfin apaisée par son discours. Il fait céder la souffrance et taire les gémissements de douleur et surtout il se laisse, et il la laisse, sur cet apaisement après avoir dit son souvenir.

On pourrait dire qu’elle s’apaise et se libère de sa souffrance à mesure qu’il révèle ce qui le fait souffrir, lui.

Au fond, on comprend qu’en la tuant - euthanasie- il fait taire les plaintes gémissantes de la torture infligée par la maladie, et c’est autant lui qu’il sauve, qu’elle, après qu’il ait pu dire, sorte d’aveu qui soulage de la culpabilité et qui, en même temps, l’assigne définitivement à sa qualité de sujet.

Les signifiants de son récit en filigrane disent les étoiles, les camps, la souffrance, les sévices, l’interdiction de communiquer, les innombrables lettres aux mères dont la séparation était imposée, la diphtérie.

Haneke, par son style, est réputé être maître de l’ellipse, de la métaphore, de la métonymie, et tout son art lui donne l’occasion de ne pas lâcher le fil du rapport aux horreurs de l’Histoire refoulée.

C’est suite à l’effet de surprise à l’entendement de ces signifiants qui évoquent la Shoah que le spectateur se souvient que précédemment Georges fait la lecture du journal à Anne. Il fait le lapsus suivant en lisant à voix haute : il dit qu’il s’agit des « retrouvailles isréalo-américaines » puis se reprend et corrige « les retrouvailles israélo-américaines ».

L’inconscient ne trompe pas : c’est bien de cette question-là qu’il s’agit.

Tel un artiste impressionniste, Mickaël Haneke tisse la trame signifiante de son film par touches, et son œuvre prend forme définitive après plusieurs approches successives.

Le signifiant « attaque » s’entend à propos de la pathologie cérébrale d’Anne, mais aussi dans ce cauchemar où Georges se fait attaquer par un homme situé derrière lui, qui lui muselle la bouche - impossible de dire-, et enfin au début du film lorsque, de retour chez eux, ils trouvent la serrure de la porte fracturée. Les voisinages sémantiques des signifiants de la guerre sont présents.

Surtout, c’est la question du refoulement, de l’oubli et de la mémoire qui progresse telle une énigme tout au long du film. C’est à la cuisine que les séquences se succèdent de sorte que tout d’abord Anne oublie sur le champ les effets de l’attaque cérébrale dont elle est l’objet : le trauma provoque l’amnésie. Elle questionne « Mais qu’est-ce-qui s’est passé ? » puis lui continue sur son refus du déni : « On ne va pas faire comme s’il ne s’était rien passé ». Puis Georges fait le récit du souvenir qui dit que ce sont les émotions qui reviennent lorsque l’on parle d’un film, plus que l’histoire du film lui-même : les affects affleurent sans le souvenir précis. Enfin et sur ce même lieu, Anne feuillette l’album photo, dans un moment où s’affirme pour elle l’expression de son désir d’en finir avec ces souffrances, désir qu’elle adresse à son mari, et, au milieu de cet album, est disposée de travers une carte postale, signe annonciateur de la suite des correspondances.

Cette carte postale au dos de laquelle rien n’est écrit est un souvenir de Gimel Les Cascades, situé en Corrèze.

Juste après l’acte d’euthanasie, Georges est installé à cette même table de la cuisine ; il écrit une lettre destinée aux personnes qui les retrouveront après sa mort : on voit clairement affichée une carte postale sur le mur, carte provenant de Chanteloup. Fait-il référence à Chanteloup en Brie, en Seine et Marne qui a constitué zone d’accueil et de sauvetage d’enfants notamment après la rafle du Vel d’Hiv ? Est-il question de cet internat approprié pour garçon de Chanteloup-Spoir, en Maine et Loire ? Cette carte est mise là pour dire…

Georges écrit son ultime lettre, message laissé en transmission à sa fille, et les phrases sous la plume laissent voir qu’il écrit au moins deux idées :

Il évoque le premier récit qu’il a raconté à Anne, au début du film, après la première attaque cérébrale « Tu ne vas tout de même pas me torturer ! » lui dit-elle alors qu’il essaie de « comprendre ce qu’il s’est passé ». Il raconte ensuite un souvenir de son enfance qui dit qu’à l’occasion d’un film vu tout seul au cinéma pendant son enfance, un homme lui a demandé de lui raconter le film ; il ne pouvait plus se souvenir de l’histoire du film, qu’il venait pourtant de voir. Il ne pouvait que pleurer et retrouver les émotions qui étaient encore plus fortes au moment de parler de ce film.

Ce récit replace le refoulement dont la levée du tabou lorsqu’il s’agit des horreurs faites par les humains aux humains est si chère à Haneke, et on s’attend dès ce début à une suite qui dira de quelle histoire horrible il se fait porteur coupable. Il annonce « je ne t’ai pas encore tout raconté de mon enfance ». On s’attend à une suite.

Il lui demande quelle image elle a de lui et Anne répond : « Tu es un monstre parfois, mais tu es gentil ».

Dans cette lettre enfin, on le voit raconter cette histoire finale avec ce pigeon, qui s’était introduit dans leur appartement, qu’il avait pu attraper facilement, mais qu’il avait finalement remis en liberté et relâché.

Acte symbolique qui en dit d’une libération possible grâce à l’ouvert à l’Amour.

La levée du refoulement, la capacité de dire enfin retrouvée et il est possible de « partir en paix », partir en fin d’analyse, du côté de l’analysant, et mourir du côté de Georges.

Quelle part autobiographique d’Haneke existe-t-il dans le film Amour ?

Haneke est-il identifié à son personnage Georges ? Anne incarnerait-elle l’Autre du transfert, psychanalyste, sujet supposé savoir dont les moments de la chute comportent des péripéties faisant durer la terminaison de l’analyse ?

Haneke a commencé sa carrière en suivant des études de psychologie et de philosophie ; l’une de ses premières préoccupations concernait la glaciation des émotions.

A-t-il suivi une psychanalyse ?

Dans ce film, Georges écrit sa lettre, comme l’écriture vient à la fin d’une psychanalyse, et qu’il y a à transmettre.

Le rapport à la lettre m’engage aussi à filer la métaphore de la fin de l’analyse, à partir de ce film.

L’expérience d’une analyse finie est possible.

Expérience vient de « ex-periri » qui signifie « la traversée d’un danger ».

L’analysant qui termine son analyse et devient à son tour analyste aura fabriqué un tressage entre les signifiants de son histoire, la grande Histoire qui le concerne, et son fantasme originaire.

Le retour par l’originaire se lit dans la structure même du film, et c’est ce qui ne manque pas d’intérêt.

Ce tressage dans ce film semble fabriqué d’orfèvrerie, puisqu’il soutient la structure même du film, et devient de ce fait un tissage entre l’intime et le social - et donc le politique.

Et de ce constat, j’envisage ce film comme une métaphore des moments de la chute du sujet supposé savoir. Le rapport d’Haneke à l’analytique est perceptible : Anne pourrait avoir même le rôle de l’analyste et Georges tenir celui de l’analysant en fin d’analyse, en passage vers l’analyste.

Peu importe que le transfert soit amour de transfert ou amour de savoir, il est possible de voir en ce film, en quelques fragments, le devenir d’une analyse en terminaison et jusqu’à sa fin, et de tisser l’analogie entre cette fin de vie tourmentée filmée dans « Amour » et les turbulences des traversées d’une fin d’analyse.

Après le décès de son épouse, par son acte d’euthanasie, après avoir attrapé et libéré le pigeon, après avoir rédigé sa lettre, à la toute fin du film il se voit partir et quitter l’appartement avec Anne comme elle était avant sa maladie. Mais on comprend que Georges se laisse mourir, se suicide, sans doute rongé par la culpabilité de son acte et par le désespoir de la perte de sa femme.

On pourrait avancer que c’est ici que ça se sépare : l’auteur part vers son recommencement, et l’acteur s’éclipse dans un suicide que l’on devine à la fin après avoir vu le début. Pour les deux, n’est-il pas question d’une posture engageant de la destitution subjective ?

En fin d’analyse, l’analysant quitte peut-être l’analyste, et quelque chose est tué déjà, la perspective a changé. De l’intime à de l’extime se noue aux effets du social et de l’Histoire - en tant que politique - mais le sujet supposé savoir n’a pas encore chuté véritablement. Il manque encore l’après coup qui advient après de nouvelles traversées turbulentes.

Il faut revenir au début du film pour comprendre que là, pour de bon, la chute aura eu lieu, et il aura fallu toutes ces affres tumultueuses que l’analysant devenant analyste traverse, moments de doute, de perplexité, moments de lâcheté, abymes, éclats. Il faut revenir au début du film et c’est la structure qui y invite, un peu à la mesure de ce qu’une analyse se commence comme elle se terminera, et se terminera du point où elle aura commencé.

Le film ici se structure comme une analyse qui se termine : le dernier tour propose une révolution qui ramène au point de départ, sauf un pas de côté, sorte de quart/écart qui modifie toute la donne du point de vue du fantasme et du désir.

Georges s’imagine partir avec Anne, el puis on voit leur fille qui arrive et se retrouve seule dans l’appartement de ses parents, car ils ne sont plus là.

Il manque donc ici précisément la toute première scène du film qui montre dès l’entrée la découverte par les pompiers de la situation, et du corps très décharné d’Anne allongé sur son lit, la tête entourée de fleurs.

C’est seulement à la suite que le titre du film s’affiche : « Amour ».

Il faut donc revenir au début, -métaphore du rapport à l’originaire- pour que la découverte - mise à découvert- permette au récit, à ce qui a été dit, de clore ce qui a été commencé.

Les péripéties disent l’angoisse, et aussi le conflit psychique entre lâcher ce que l’on doit laisser et conserver ce que l’on ne souhaite pas lâcher.

Au milieu de ces traversées, Georges gifle Jeanne, et ce geste lui échappe totalement, à un moment où elle refuse en serrant les lèvres, l’eau qu’il veut lui donner à boire. Au fond, il craque au moment de la boisson, mais c’est parce qu’il s’insurge à devoir se résoudre à la laisser mourir si elle ne s’hydrate plus et ne se nourrit plus.

Son regard ne trompe pas : elle lui demande de la laisser mourir.

Pour ce dérapage, - comme l’analysant peut en faire lors des derniers moments en analyse, y compris en toute terminaison, il lui demande pardon, mais son désarroi n’a pas de mot et il traverse à ce moment précis une zone toute faite de perplexité, voire d’un certain ahurissement, sidéré par l’acte qu’il vient de commettre, au nom de son amour à lui, pour elle, pour qu’elle accepte de vivre encore, et donc de se nourrir et de s’hydrater, alors qu’il sait bien que c’en est déjà terminé.

On retrouve tout à fait ce qui peut faire conflit psychique chez l’analysant en fin d’analyse, entre lâcher et s’agripper à l’analyste déjà déchu, par l’analysant lui-même. L’analyste n’est déjà plus le même, il a changé, et l’analysant refuse en même temps qu’il revendique cet effet de perte transitionnelle.

À la suite immédiate de cet état et de cette scène de la gifle, le cinéaste filme des toiles de peinture, sans bruit, et il indique par là que seul l’art, seule la création permet de soutenir du sujet lorsque le Réel prend place.

La fin d’une analyse n’ouvre-t-elle pas sur un accès possible à la création, pour mieux savoir y faire avec l’indicible et avec l’inaudible ?

La création cinématographique d’Haneke faite d’épaisseurs successives ne dit-elle pas cela aussi ?

Au moment de la gifle bruyante et des peintures silencieuses, le sujet n’a pas encore dit, et c’est précisément ce Réel traversé par la création qui ouvre sur la capacité de dire, en fin de film, la constitution de son fantasme d’origine, fantasme qui, dans une trame signifiante reliée à la grande Histoire, semble constitué pour une part qui dit le refus de manger en tant que résistance à l’impensé d’une souffrance.

Elle mange à peine, une fois précédente, et refuse de boire là, et il la gifle contre toute attente, et plus tard il aura raconté son récit de son camp d’adolescents où il avait refusé de manger : le refus de la nourriture rime avec le désir de résister à la souffrance, y compris si la résistance est constituée par le droit de mourir.

Il a dit, et un apaisement est venu.

Ils peuvent enfin en avoir terminé et l’apaisement peut être consistant, pour les acteurs et pour l’auteur.

Au fond, cette histoire est poignante, mais elle ne m’a pas semblée triste, tout au contraire.

Une certaine joie profonde ne préside-t-elle, in fine, à cette œuvre, justement parce qu’il y est question d’amour ? C’est ce que je propose.

Né en 1942, pendant le conflit mondial, Mickaël Haneke est Autrichien tout comme Freud qui lui est décédé en 1939.

Le film « Amour » est une création franco-germano-autrichienne, et dans le film, la lecture du livre de Nikolaus Harnoncourt, par Anne, annonce que la référence à la création- ici musicale- et liée à l’Histoire.2

Haneke aborde par métaphores les rapports de l’homme avec l’Histoire de la Shoah, et se retrouve ici sa passion, qui le fait questionner le refoulement de l’Histoire à la manière dont ce processus psychique fonctionne : en passant progressivement et de manière presque inaperçue de l’oubli au récit, et en traversant les péripéties qui fournissent les indices du retour de refoulé.

De la mort à l’ « Amour » il n’y a que le passage de la caméra de la première scène au retour vers l’histoire que constitue la narration du film.

Ce film « Amour » ne parle-t-il pas aussi de l’amour de transfert et de son devenir à la fin de l’analyse ?

La chute du sujet supposé savoir en fin d’analyse comporte des étapes, des moments avec un dernier tour en plus, et la chute de cette histoire qui se retrouve annoncée à la fin du film, mais énoncée en son tout début, fait nid pour mes élaborations présentes.

La destitution subjective de l’analysant trouve des points d’analogie dans ce film.

Ce serait la capacité d’aimer qui sauve,

après l’expérience des camps lorsqu’il a été possible d’y survivre pendant l’expérience de la maladie dégénérative lorsqu’il n’est pas possible d’en modifier l’issue,

pendant et après l’expérience analytique, surtout lorsque celle-ci est menée jusqu’à un terme suffisant pour être final.


  • 1.

    Interview au Festival de Cannes en 2005

  • 2.

    2 Voir Nicholaus Harnoncourt et ses ouvrages «Dialogue musical» et «Discours musical»