Le bonheur d'avoir une âme. Bertrand Leclair par

Le bonheur d'avoir une âme Bertrand Leclair

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« La notion d'âme a été jetée avec l'eau du bain religieux, évacuée du discours rationnel. Bertrand Leclair nous invite à redécouvrir ce souffle qui inspire le regard et les gestes de l'enfance, qui fait battre le sang des amants, et sans lequel aucune œuvre ne saurait exister. Le lecteur déambule dans les œuvres de Proust, Artaud, Nietzsche et Foucault, à la recherche de cette notion presque impossible à définir, de cette colonne d'air qui anime les êtres, le plus souvent à leur insu. En nous invitant à l'arracher à la transcendance pour la rendre à l'immanence de la langue, Bertrand Leclair retrouve une capacité à désigner l'âme comme l'articulation du corps et de l'esprit, dans l'utopie de leur impossible réconciliation. ».

L'ÂME EN LIESSE.

Pour qui, s’est jusque là privé, dans l’excellente communauté d’âmes psychanalytiques, du bonheur d’avoir lu le livre de Bertrand Leclair, Le bonheur d'avoir une âme, il m’est venu, un soir sans âme, seul à ma table d’écriture, comme un damné devant la blancheur de la page, l’extravagante idée d’y surseoir.

Deux jours plus tôt, l’âme en liesse de  L'amant Liesse, lecture recommandée par l’excellentissime journaliste et ami, critique littéraire et cinématographique, Christophe Kantcheff, je lisais d’une traite ce petit essai encore trop méconnu, estampillé, en première de couverture, d’un escargot, cher à mes origines « cagouillardes », sursoyant, lenteur que je partage dans ma pratique, à son « dasein ».

Ainsi, la chronologie de mes lectures avait inversé la temporalité où l’auteur avait fait choix de son écriture. Je jubilais de ce privilège, comme une sorte de supplément d’âme, pris à l’entrecroisement des langues de Bertrand Leclair.

Supplément pour mon âme (longtemps réduite à l’inconcevable psychisme des mauvaises traductions de Freud) : incontestablement. Malgré l’énigme de la Chose contenue en toute phrase que la langue extirpe au langage. Mais, plus précisément pour ce qui nous concerne aujourd’hui, cher lecteur, en une seule phrase, venue à l’auteur, à son insu, « sur mes lèvres, au détour d’une réflexion rêveuse, accompagnant un verre de vin solitaire que je buvais à une table de formica en fumant, fenêtre ouverte, ... ».

Une phrase lame, à l’entame du chapitre IV, judicieusement intitulé « La clé », page 87.

De cette phrase je ne te dis rien. Je te laisse en faire tranquillement la marche d’approche. Seul où accompagné de ton âme en gésine. Sache seulement qu’elle y concentre les traces des conceptualités qui ne sont pas étrangères à celles de nos pratiques. Car si, cette bienveillante petite chronique, s’amusait à tenir en tes lieux et places la « jouis-sens » de la critique et contribuait ainsi au maintien de ton ignorance ; elle se laminerait en Théorie de la déroute à ouvrir, de La main du scribe, L'industrie de la consolation impossible et ferait Disparaître les Verticalités de la littérature, où je t’imagine, grimpant, en quête utile d’un Sésame pour ta propre langue et, triomphant, laisser résonner, là où chaque Movi Sévaze, ton bonheur d’avoir une âme.

Michel Gros

Cannes, le 21 mai 2009

Oeuvres de Bertrand Leclair :

L'industrie de la consolation, essai, éd. Verticales, 1998

Movi Sévaze, fiction, éd. Verticales, 1999

Théorie de la déroute, essai, éd. Verticales, 2001

La main du scribe, fiction, Mercure de France, 2002

Disparaître, fiction, éd. Farrago, 2004

Verticalités de la littérature, essai, éd. Champ Vallon, 2005

Le bonheur d'avoir une âme, essai, Maren Sell Éditeurs, 2005

L'amant Liesse, roman, éd. Champ Vallon, 2007