La troisième proposition d'octobre de Jacques Lacan

Depuis plus de 40  ans, la question de la passe divise ceux qui se réclament de Jacques Lacan. Dès son origine, les nombreuses objections qui ont été soulevées à son encontre ont entraîné conflits et scissions. C'est en particulier l'opposition résolue à la passe qui a donné naissance au quatrième groupe et au départ de l École Freudienne de Paris de Jean-Paul Valabrega  et Piera  Aulagnier, premiers dans une suite initiée en 1967 et qui semble sans fin.

Comme le rappelle José Attal, la passe a servi un peu à tout et n'importe quoi. Son organisation est assez compliquée, suffisamment en tout cas pour devoir sans cesse être ré-expliquée. En deux mots, elle met en présence un passant, un analysant qui souhaite se soumettre au dispositif de la passe, un passeur qui reçoit le témoignage de ce dernier et qui doit quant à lui , en rendre compte devant un jury.

Jean Allouch souligne dans son introduction qu'en liant un dispositif institutionnel à une théorisation en constante évolution, pour ne pas dire plus, Lacan prenait le risque de provoquer des débats sans fin, chacun pouvant,à juste titre, se référer à tel ou tel moment de la théorie élaborée par lui.

 Les expériences, les textes relatifs à la question de la passe sont nombreux et rarement intéressants. Le court texte de J.Attal me semble à cet égard trancher sur la littérature actuelle.

Quel est le projet de Lacan avec la passe ? Rien de moins que de transformer de façon radicale la structure des institutions psychanalytiques. Cette ambition, dont le caractère quelque peu utopique n'échappera à personne, a sans doute rencontré l'écho d'une génération en mal de révolution, une génération déprimée par l'échec de ses espérances et qui a trouvé une sorte de deuxième chance dans le mouvement psychanalytique. 

J.Attal retrace l'historique des différentes versions produites successivement et fait un sort à certaines interprétations notamment concernant le procès fait à Lacan de vouloir faire nommer les Analystes de l'École (AE) par des non analystes,  la composition du jury faisant référence à ceux ainsi nommés. Que doit-on comprendre par "non-analyste" ? De nombreux débats vont porter sur ce point. J.Attal montre que ledit non-analyste, n'est pas quelqu'un qui n'a pas fait une psychanalyse et qui serait extérieur à la psychanalyse, un intellectuel d'une autre discipline par exemple, que ce n'est pas non plus quelqu'un qui a fait une psychanalyse, mais n'exerce pas le métier de psychanalyste. Il désignerait plutôt , selon J.Attal , celui qui ne se prend pas pour un psychanalyste!

Mais le point essentiel souligné par J.Attal c'est le renversement complet de la théorie lacanienne, renversement qui suit le près la fameuse proposition de 67. Plus question de chaîne signifiante, il n'y en a plus!, pas non plus de temps logique, la passe n'est pas un moment de conclure, quant à la formule "l'analyste ne s'autorise que de lui-même "  jugée accablante, elle se transforme. Elle réintègre en particulier la dimension sociale en s'adjoignant le complément de "quelques autres"

"La nouvelle proposition, troisième proposition d'octobre 67, écrit j.Attal () s'organise autour du fait que la passe n'a rien a voir avec l'analyse, et que celle-ci étant intransmissible (elle oblige ) chaque analyste à la réinventer." Conclusion, la psychanalyse étant intransmissible elle ne saurait par définition se transmettre par la passe. Qu'on en juge, un tel renversement théorique ne pouvait que rendre caduque la version initiale du dispositif, lequel très proche au départ des structures habituellement adoptées par les sociétés de psychanalyse s'en était progressivement considérablement éloignée.

D'autres points en litige s'éclairent à la lecture de ce travail, et notamment le statut du témoignage. on le lira donc avec intérêt, car il permet au moins de débattre en des termes clairs des enjeux de ce dispositif que l'on y adhère ou pas.

L .Le Vaguerèse