Homosexualité, homoparentalité,adoption, procréation médicalement assistée : quelques repèress

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Le débat public s’organise aujourd’hui autour de différents pôles assez facilement énumérables. Ceux que nous assènent les journaux du matin comme du soir et qui ont pour seul effet de nous enfoncer dans une morosité impuissante. Déroute économique et financière de la France et du monde occidental en général, avec comme conséquence chômage, augmentation des impôts etc. Guerre en Syrie où un dictateur assassine cyniquement son peuple, montées des intégrismes divers et variés. Bref, un monde dans lequel l’homme démocratique se sent assez démuni et se dit seulement qu’il va falloir faire preuve de courage pour affronter un avenir qui s’annonce difficile voire périlleux. Et puis il y a ce que l’on appelle les “sujets de société” qui ne sont peut-être là que pour masquer les précédents et, apparemment du moins, distraire le bon peuple.

S’agissant des questions relatives à l’homosexualité qui reviennent sur le devant de la scène à l’occasion d’un projet de loi en préparation, des psychanalystes et des psychiatres ont voulu prendre la parole pour donner leur avis sur la question. Pourquoi pas en effet mais sans doute faut-il, pour éclairer ce débat, revenir quelques années en arrière, soit une cinquantaine d’années environ, pour mieux en saisir les enjeux.

Dans ces années — là, la question de l’homosexualité se posait pour les analystes en termes de perversion et d’indication de la cure. Comme l’expérience avait largement démontré qu’un homosexuel persistait dans ses choix quelles que soient les modalités de la cure, l’engager dans cette aventure paraissait pour le moins risqué pour l’un comme pour l’autre. Et comme à cette époque les analystes parlaient encore indication, ayant en tête les limites de leur art, les homosexuels étaient généralement absents des divans.

C’est sans doute à Jacques Lacan et à ses « élèves » que l’on doit les premières ouvertures dans ce domaine et l’apparition conséquente d’analystes eux-mêmes homosexuels. Ce changement radical de perspective était cohérent avec une modification de la finalité de la cure elle–même celle-ci visant non plus à obtenir un changement dans le choix d’objet sexuel mais plutôt s’efforçant d’entendre dans la parole du patient la problématique inconsciente dans laquelle l’homosexualité entrait seulement comme l’une des composantes mais pas la seule et pas nécessairement la plus importante.

Cette évolution était due aussi sans doute aux mouvements sociaux succédant à la révolte de mai 68 et à l’émergence de groupes radicaux comme le FHAR (Front Homosexuel d’Action Révolutionnaire) et aux changements des mentalités à ce sujet. Notons cependant que la revendication d’un mariage pour les homosexuels aurait probablement fait hurler de rire les membres des groupes en question devant cette revendication de conformité sociale .

Mais, on l’aura compris, c’est principalement au sujet de l’adoption par les couples homosexuels que le projet de loi oppose partisans et adversaires ;1

Ce que chaque praticien peut d'abord constater, c’est que l’adoption d’enfants par des homosexuels est aujourd’hui un fait. Sans détailler les différentes modalités qui aboutissent à cette situation, l’adoption par un célibataire ouvre largement cette possibilité.

Nombreux sont d’ailleurs les parents homosexuels ayant fait ce choix de l’adoption, qui viennent consulter un psychanalyste ou un pédopsychiatre, car ils sont bien entendu sensibles aux interrogations et aux critiques qui leur sont adressées. Chacun sait que les parents adoptifs, quelle que soit leur orientation sexuelle sont très souvent confrontés à des problèmes éducatifs. Ceci ne veut pas dire que les parents “traditionnels” ne le sont pas mais que la difficulté est quand même plus grande dans l’ensemble. Si le parent éducateur vit avec un individu du même sexe cela ne complique peut-être pas les choses mais on ne voit pas en quoi cela les rendrait plus simples.

Pour autant, peut-on faire le constat que ces enfants présentent davantage de difficultés dans leur maturation psychique que les autres enfants adoptés, ce n’est pas ce que j’observe dans ma pratique. La question que je peux me poser plutôt c’est la question même de l’adoption. S’agit-il de donner à un enfant dont les parents sont morts ou en situation de très grande détresse des parents pour les élever, ou seulement de fournir des enfants à des adultes en mal d’enfants ? Si la rencontre est double, le bénéfice l’est aussi, mais le risque d’une dérive faisant de l’enfant une marchandise pour riches occidentaux ne me semble pas à écarter loin de là, quelle que soit la méthode utilisée pour se procurer les dits enfants.

Les législations de plus en plus restrictives sur l’adoption internationale réduisent drastiquement le nombre d’enfants adoptables (1995 adoptions internationales en 2011 contre 3504 en 2010 et 4136 en 2005). Cette nouvelle donne conduira très probablement à des dérives par des pays peu regardants sur cette marchandisation des êtres humains. À ces restrictions légales s’ajoutent pour les homosexuels l’homophobie régnant dans la plupart des pays dits du tiers-monde. Dans certains d’entre eux l’homosexualité reste punie par la peine de mort et dans 88 autres par des peines de prison. Pas question pour ces derniers d’autoriser l’adoption par des parents homosexuels. Pour ne citer que le cas d’Haïti, ce pays spécifie que les couples adoptants doivent être hétérosexuels or en 2010, ce pays a proposé à l’adoption 992 enfants sur les 3504 adoptions prononcées cette année-là)

On peut facilement imaginer ce qui va se produire mais qui ne fera qu’amplifier ce qui existe déjà : grâce à la procréation avec l’aide d’un tiers porteur, rémunéré ou non, on fabriquera des enfants « à la demande ». Il semble bien d'ailleurs que ce soit déjà le cas comme nous l'indique le Dr Laurent Alexandre dans un article du "monde" ("Biologie et homoparentalité") du 27 octobre 2012. Achat d'ovules et de spermatozoïdes sont désormais fréquents sur internet et très prochainement, il sera possible de fabriquer ovules et spermatozoïdes à partir des cellules souches des deux postulants à la parentée.2

Pour ma part je pense que c’est dans cette voie que nous sommes engagés depuis longtemps. Dans cette affaire, les homosexuels ne sont que les boucs émissaires d’un choix déjà entré dans les faits et qui nous concerne tous. De façon tout à fait paradoxale, c’est la demande oh combien justifiée faite en 1968 par la société française d’échapper au carcan qui l’étouffait notamment en ce qui concerne la sexualité qui a permis peu de temps après, soit dès le début des années soixante-dix, à la pornographie d’envahir massivement notre quotidien et d’y faire son beurre. À un idéal de libération a répondu massivement une offre mercantile s’offrant à satisfaire, moyennant finance, la frustration et l’hypocrisie longtemps entretenue dans ce domaine. Finalement, nous avons fini par trouver normale voire moderne cette marchandisation des corps.

Nos demandes doivent être satisfaites et la médecine doit nous aider dans notre démarche. Que cela nous évite de nous interroger et sur ce qui peut éventuellement faire symptôme dans cet obstacle à notre toute-puissance tant sur le plan individuel que sur le plan du fonctionnement de notre société ne semble plus étonner grand monde. Que la marchandisation des corps soit sur la toile le remède de la grande misère sexuelle du XXIe siècle non-plus. Que l’on se cherche un partenaire d’une nuit ou de toujours comme on choisit un article sur les rayons d’un supermarché fait maintenant que ceux qui s’y refusent apparaissent rétrogrades, moralisateurs et franchement ringards. Allez, si les psychanalystes laissaient entendre que finalement ne va pas de soi, ne seraient-ils pas fondés à le faire et à poser par là même quelques interrogations sur le fonctionnement de notre société ?

Laurent Le Vaguerèse

  • 1.

    une partie des données de cet article sont issues du Journal International de Médecine du 06/10/2012 Charles Haroche

  • 2.

    cet article est consultable sur le site à la page du forum "une politique pour la psychanalyse")

Comments (8)

Madame Fanny Cohen; Il es juste de dire que l'enfant profite de l'idée d'être né d'un désir, et que le désir est toujours désir sexuel; il est certain que l'enfant se construit dans une scène primitive dont il évalue la violence et l'amour à sa manière; le fait de vivre, éventuellement avec deux hommes ou avec deux femmes ne me parait aucunement empêcher ces évaluations. Je crois que le "homo" d'homosexuel, pourrait cacher tous les homos dans l'hétéro, soit ces identifications dans le couple que nous montre gracieusement le film "101 dalmatiens". La différence institue cet autre jalousé qu'il faut détruire. La maintenir dans sa radicalité est un enjeu éthique qui dépasse la différence des sexes qui est bien faite cependant pour y contribuer. La question demeure celle du supplément, ce supplément qui à être barré dans le LA, empêche que quiconque s'en empare et pousse chacun à y questionner son manque. {Cf. dans le séminaire XX le chapitre 6 «Dieu et la jouissance…} Du reste dans les couples dits "héteros" qu'en est-il de la sexualité? Qu'en est-il du plaisir qui pourrait s'y attacher? Cette sexualité constitue-t-elle un "rapport" à la différence radicale avec l'angoisse de castration inhérente, ou une pratique de simple masturbation réciproque? Des questions demeurent intéressantes dans la clinique avec des personnes dites homosexuelles (dont la sexualité singulière est aussi diverse que celle des personnes dites hétérosexuelles): questions qui touchent au passage récent d'une revendication de "nomadisme sexuel" à une revendication du "droit à la sédentarisation sexuelle"…

Psychologue, j'ai personnellement résisté à toutes les évolutions actuelles quitte à être épinglée comme homophobe. Parce qu'un jour, comme cela se passe en Belgique, dont je suis originaire, je n'aimerais pas qu'un enfant me dise (comme cela me fut répété: je suis qui, moi? d'où je viens?) Tous ces enfants devenus adultes pourront un jour se retourner contre les psychologues. Avec la possible élection de Monsieur Fillon, les lignes risquent de bouger. Et j'en profite saluer Madame Roudinesco et Madame Faure Pragier qui seront la cause directe de tout ce foutoir. En encourageant les lubies de certains, elle va plonger les enfants dans la pauvreté. CHAPEAU. Et en plus avec l'arrivée de l'extrême-droite, nous savons comment cela se termine pour les "déviants. Mais je reste sur mes positions, l'homosexualité est malheureusement aussi la porte d'entrée vers la régression. Madame Janine Chasseguet-Smirgel, en son temps avait mis en garde dans le livre: Oedipe et psychanalyse d'aujourd'hui. Revoir les damnés de Visconti et le film: Cabaret. La gauche n'a pas toujours défendu les homosexuels pour ces raisons, Loin de là. Maintenant, attention au retour de baton et tant pis pour ceux qui n'ont pas vu les risques d'une trop grande complaisance...

Le mariage. Qui s'y intéressait avant que quelques militants ne lancent sur ce plateau déserté celui des homosexuels? Pas grand monde, et j'ai entendu dire, seuls quelques curés et quelques homosexuels. Les rares, sensibles au fait de se trouver exclus de cette institution. Les rares à souhaiter partager le carcan béni des hétéros, leur haire d'amour et leur discipline de couple!
Mais dans le creux des passions soumises aux lois du marché, ne fallait-il faire un buzz, comme on dit. Et le "mariage pour tous" devait avoir son effet garanti. C'est réussi. Toute la presse en parle et même les psys en broutent à qui mieux mieux, pour, évidemment puisque contre n'est pas dans le vent. Donc marions les, marions les gaiement!
J'ai lu une lettre dont les signataires "invitent le législateur à la plus extrême prudence concernant toute référence à la psychanalyse afin de justifier l'idéalisation d'un seul modèle familial". N'ont-ils raison. Qui d'ailleurs, en ce temps plein d'espoir de changement, contesterait la nécessité de mettre au rebut un "modèle" vieux de quelque cinq mille ans ? Plusieurs modèles valent évidemment mieux qu'un, comme au salon de l'auto, et Gide, s’il était encore de ce monde, n'aurait plus qu'à mettre au pluriel sa fameuse exclamation "famille, je vous hais"!

Certes, la psychanalyse n'est pas une "conception du monde" et Freud, pas plus que Lacan, n'ont jamais souhaité que la psychanalyse se substitue au législateur, ni même le conseille. Pour cette même raison, la psychanalyse n'a jamais poussé ses praticiens à une quelconque militance , encore moins à s'inscrire dans aucun courant idéologique qu'il soit de droite ou de gauche. Et cela sans que la psychanalyse soit pour autant acéphale et manchote. Question de rapport à la loi, justement, celle du signifiant qui travaille l'inconscient de l'humain et l'inscrit, bon an mal an, dans la suite des générations. Sans nous faire l'avocat d'une "sexitude" démodée, et sans nous adresser particulièrement à la "normalitude" d'un législateur cédant complaisamment à la séduction, nous pouvons interroger ce qui pousse certains de nos collègues à se ranger par avance du côté d'une législation extensive concernant le mariage et l'adoption d'enfants par des couples homosexuels. Ne revient-il pas à la psychanalyse d'articuler les effets de sens du discours, ici public et politique, sur chacun et chacune vivant en société? Confondre l'égalité des droits des individus avec l'indifférenciation des sexes ne peut que rendre le sujet victime d'une privation : celle d'une complémentarité structurante, à savoir celle d'être né d'un père et d'une mère. Pas grave, me direz-vous, c'est la source de tant de problèmes! Alors, enfin soulagé avec les parents, P1, P2 !
Le désir inconscient n'est plus à chercher du côté de Freud mais du père (pardon de la mère) Ubu . La machine à décerveler (désexualiser)dont on entend les grincements ne serait-elle pas la voie régressive de la désuétude symbolique.
Marc Nacht

Portrait de Savary Liliane

l’adoption pour les célibataires ouvre largement la possibilité d'adopter aux homosexuels. Il faut donc cesser avec toutes ces hypocrisies et autoriser tout individu Homosexuel ou pas a pouvoir adopter. Par ailleurs, il faut effectivement renforcer la loi qui viendra de la façon la plus efficace possible mettre un barrage à la marchandisation des corps.Quant au pays qui continuent d'assassiner leurs homosexuels il faut que Amnesty les assignent comme des criminels.

Si l'homosexualité était une perversion elle le serait pour Freud au même titre que le baiser ou à peine plus (pulsion sexuelle détournée du but). La question qui se pose de la différence radicale (plus que de la différence des sexes) touche à chaque mode de vie en couple et pas à la forme de l'union sexuelle. Quant au droit, il va de soit que personne n'a droit à un enfant pour en jouir, il sera question du droit de l'enfant et de son accession à une forme de «liberté» une fois adulte. Cela concerne chaque couple sans distinction. L'hétérosexualité n'est pas seulement une pratique sexuelle, elle est aujourd'hui un identificateur social qui ne dit rien des pratiques d'un couple. Les psychanalystes feraient mieux de ne pas prendre position dans la morale sociale pour se consacrer à repérer du sujet dans le cas par cas des personnes qui s'adressent à eux.
Bien cordialement

Bravo Laurent Le Vaguerèse

Je partage totalement votre point de vue sur la banalisation de la marchandisation de l'humain et sur les questions posées par l'homoparentalité qui réouvrent la question de l'adoption et de la filiation. Il y a là un débat dans la cité que les analystes doivent relever.

Monique Lauret

Que les couples homosexuels puissent élever et éduquer, voire aimer un enfant, comme les couples héterosexuels, certainement, mais là n'est pas la question. La question est celle de la filiation. Demander à un enfant de se reconnaître comme étant né d'un couple homosexuel, est lui demander de reconnaître l'impossible. Cela revient à nier que pour faire un enfant, jusqu'à preuve du contraire il faut deux personnes de sexe différents.Car les enfants adoptés sont dits (et cela est écrit dans leur état civil) nés de leurs parents adoptifs.
C'est aussi priver volontairement et intentionnellement un enfant de son "droit" à avoir un père et une mère. Un enfant de parent "célibataire" peut toujours rêver/imaginer une relation sexuelle impliquant son parent et dont il serait né, pas un enfant vivant dans un couple homosexuel.
Tout ceci conduit à l'"évacuation" de la sexualité de la filiation.

- pour le commentaire au sujet "Homosexualité, homoparentalité, adoption, procréation médicalement assistée : quelques repères"

Encore merci pour la patience des lectures des modifications successives -

Ces sujets de "société" sont, de nos jours, sensibles.
Ils font pelote.

Et l'enfant ?
Un enfant, avant d'être -parmi nous, dans ce monde- ne demande rien.
Nos manques ne seront pas forcément les siens.

La filiation reste une inquiétude.
Et quand commence la filiation ; avant ou après la naissance ?

Que peut représenter la famille, à quel titre donne lui t-on voix au chapitre ?

On débat sur les droits ; on sort l'arsenal des devoirs et, au final, tout le monde rentre chez soi "aimer ses enfants".
La famille nous protège, mais de quoi. Limites.
Ce qui nous protège ?
On aime ce qui nous protège, on aime "nos enfants" car ils nous protègent de ce que nous ne sommes pas, là réside déjà la peur de l'autre.
Savoir sur qui se reposer demeure.
Autour de moi des solitudes apaisées, en famille.
Un enfant. Une somme. Une épaule.

Une femme donne la vie, on ne saurait le lui reprocher.
Une femme est transformée après la naissance de son enfant, remarquent certains.
Il y a un début à tout.
Elle se donne priorité en "congé" maternité.

Mais la naissance n'est pas une évidence. Je trouve un appui à la lecture de Beckett.
"Vous êtes sur terre, c'est sans remède." ...dit Hamm, le protagoniste principal de "Fin de partie" de Samuel Beckett.
La littérature pense la famille.
Je ne résiste pas au plaisir de retracer cet autre passage de "l 'Expulsé" de Becket ("tout le monde est parent"...) : (...) Un agent m'arrêta et dit La chaussée aux véhicules, le trottoir aux piétons. On aurait dit de l'Ancien Testament. Je montai donc sur le trottoir, en m'excusant presque, et je m'y maintins, dans une bousculade indescriptible, pendant une bonne vingtaine de pas, jusqu'au moment où je dus me jeter par terre, afin de ne pas écraser un enfant. Il portait un petit harnais, je m'en souviens, avec des clochettes, il devait se croire un poney, ou un percheron, pourquoi pas. Je l'aurais écrasé avec joie, j'abhorre les enfants, c'aurait été d'ailleurs lui rendre service, mais je craignais les représailles. Tout le monde est parent, c'est cela qui vous interdit d'espérer. On devrait aménager dans les rues passantes des pistes réservées à ces sales petits êtres, leurs landaus, cerceaux, sucettes, patinettes, trottinettes, pépés, mémés, nounous, ballons, tout leur sale petit bonheur quoi.
(...)

Les parents ont une parole.
Sont-ils conscients de leur pouvoir.
Dans quelques histoires de famille, on dit parfois des enfants qui ont eut à faire travail de pardon par rapport à leurs parents. On dit moins l'inverse : travail de pardon des parents envers leur progéniture. On attribuera à la prise de "liberté" de l'enfant/jeune adulte un accomplissement, un résultat de la fonction éducation.
L'histoire d'une personne commence quand elle lui appartient.
Y a t-il certaines "appartenances" qui ne trouvent "résolution" ?

Une histoire.
La filiation vit avec l'histoire de parents -une rencontre-, j'ai entendu dire qu'il y avait désir d'enfant. Après, il y a une histoire d'enfant. Son histoire à lui, après, peut-être, si il en a les moyens.

"Je suis ta mère, je suis ton père" ; "tu es notre fils, tu es notre fille" ;
la filiation est de surcroît ?

Et l'adoption ? Mon dieu, des mères porteuses.
Quant à la "marchandisation", elle reste "à évaluer" dans l'adoption. L'argent fait commerce, on sait.
Doit-on parler d'enfant légitime ? Mais qu'est ce qu'un enfant légitime? Où va t-on ?

Pour certains encore, les droits sont "à distance".
Créditer la confiance de la filiation fait écran opaque à la question "éducation" ; à son droit ; à son non-droit.
On sait donner des devoirs (comme les autres) aux couples homosexuels.
Pour les droits, faudra revenir, la boutique ferme à heure fixe ! Non mais. Allô, la loi ? "vos horaires d'ouverture, s'il vous plaît" ?
On accepte d'accorder des droits mais sans dire que l'on n'accepte pas tout à fait "la différence" ; dans l'hypocrisie ; chacun s'arrange avec ses conventions.

Où loge t-on la différence "des autres" ; un rapport de division sociale nécessaire ?
Un nécessaire des uns que l'on peut "éviter" puisque l'on est "justement" un autre. Un rapport qui regarde l'autre mais non soi.

L'homophobie persiste. La vie "ensemble", les enfants, le mariage,...une fable ?
Ferons-nous assemblée pour un article de loi ? Besoin d'un alinéa à côté des valeurs théoriques ? Cela se mérite ?
La belle affaire.

Garde t-on encore une place de signification à la normalité ? La normalité ne fait pas panthéon. Je ne sais pas de quelle perversion il s'agissait chez Freud au sujet "homosexualité". Quelle époque.

Tous les homos ne veulent pas nécessairement des enfants ; et dans ceux qui en veulent, il y aura encore inégalités des facilités des droits. L'argent amènera encore son cortège de niveaux.
La "neutralité" des textes juridiques ne fera pas évoluer les mentalités ; à la lecture de certains d'entre eux, on se rend bien compte du poids de l'administration. On trouve par exemple l'expression de "possession d'état" avec acte de notoriété, délivré par "un juge".(...)

Il y a aussi paysage du désir filiation.
L'idée "filiation" peut se construire à partir de l'observation ; par exemple, de l'observation du comportement des générations plus âgées face à la mort.
Quel regard ont mes parents face à la mort ; puis-je trouver dans ce regard l'adhésion à une filiation ?

Une réflexion sur la mort peut prendre valeur sur ce sujet - filiation. La mort est l'imprévu qui est créateur de rapports. Et, dans ces rapports que je réfléchis, je discerne mes liens ; je peux les choisir, ils ne me sont pas seulement donnés en héritage.

Prendre acte d'une filiation "évidente" ou en chercher "une autre", comme un élargissement du "sien".
Dans cette recherche, on fait naître une identité où hier et demain existent.
Il y a reconnaissance de filiation quand il y a reconnaissance du "supérieur".
Ai-je, par ailleurs, besoin de religieux ? Allons voir les mânes.
La tentation à m'inscrire quelque part -elle est.

Il peut y avoir aussi demande de filiation. Comme un secours d'un "dites-moi à moi aussi".
Je me rappelle la valeur de témoignage dans le film du réalisateur Rafaël Lewandowski (1999), "Une ombre dans les yeux".
Willy Holt (livre "Femmes en deuil sur un camion") et Jorge Semprun (livre "l'Ecriture ou la Vie") racontent leur histoire.

Jorge Semprun dit à Willy Holt:

"je reçu des dizaines de lettres, et des centaines, des milliers de lettres ;
et la plupart d'entre elles, la plupart, c'était pas des lettres comme ça de lecteurs qui disent, "ah ça m'intéresse" ;
mais des lettres qui étaient, qui avaient été toutes sur le même modèle :
"je suis fils ou fille de déportés, ou même petit-fils ou petite fille"(...)
"mon père est rentré de tel ou tel camp, parfois même du même camp que moi -de Buchenwald- ;
"il ne m'a jamais parlé" ... ; parfois c'était "il est mort sans m'avoir parlé", parfois c'était "je lui ai montré votre livre et tout à coup, il me parle...";
c'est-à-dire que là, il y a un rapport avec cette génération, c'est terrible en même temps ; quand on reçoit une lettre qui dit
"parlez-moi à la place de mon père qui est mort sans me parler" ; -
- qu'est-ce qu'on peut dire ? ;
on ne peut pas parler à la place d'un père ! "...

claire michaud

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