Décès de Serge Lesourd

HOMMAGE A SERGE LESOURD

 

 

Serge est mort le 3 mai 2022, à bout de souffle, épuisé par la maladie. Il allait avoir 69 ans. Ancien collègue à l’Université de Strasbourg où nous l’avions connu, il était  devenu un complice et un ami que nous accompagnions avec bonheur dans nombre des aventures de l’esprit où il aimait à se mouvoir comme dans celles, parfois lointaines, où l’entrainait sa passion de l’enseignement que ce soit  au Brésil, en Russie, à Florence, au Québec, en Tunisie ou encore en Ukraine  où il avait créé et dirigé un Master de psychopathologie de l’Université de Strasbourg délocalisé à Kiev, devenu par la suite Master de psychopathologie clinique et médiations thérapeutiques par l’art de l’Université de Nice délocalisé à Kiev

 

Au petit cimetière de Bagnols en Forêt où nous l’avons accompagné une dernière fois, nous nous sommes souvenus de l’intérêt qu’il portait aux autres, son immense générosité, de cette pudeur qui dissimulait mal la grande affection qu’il portait à tant d’entre nous.  

 

Nous avons également évoqué sa brillante intelligence, son immense culture et ses capacités de synthèse qu’illustrent parfaitement ses travaux sur les enjeux de la modernité sur la construction de la subjectivité, le lien social et sur l’expression psychopathologique individuelle, ses réflexions sur l’adolescence comme moment structural du passage de l’organisation infantile à l’organisation adulte du rapport au monde, et les pathologies qui en découlent.

De ses élaborations et de sa lucidité à l’égard des aberrations et du délitement auquel le néolibéralisme conduit l’humanité, nous nous sommes redits qu’elles n’étaient pas sans lien avec ses moments de pessimisme, voire de dépression, sans doute aussi avec ses colères mémorables contre ceux acharnés à détruire la pensée, à contraindre la créativité, à instrumentaliser le sujet. Mais c’est également ces réflexions qui de façon plus pédagogiques le conduisirent à organiser avec nombre d’amis venus d’un peu partout, des colloques passionnants comme par  ex en 2006 à Strasbourg, le 1er colloque international de psychopathologie du lien social,  Discurso et medicina, à Belo-Horizonte au Brésil en 2007, Malades du libéralisme à Strasbourg en 2008, ou encore Périnatalité et modernité, à Strasbourg en 2009.

 

Et puis nous nous sommes souvenus tout près de sa tombe et aux cotés de certains de ses anciens étudiants marqués par son goût pour la clinique, dont quelques ukrainiennes réfugiées en France, quel passeur il avait été, passeur d’une pensée toujours vive et souvent inattendue, vectrice d’une provocation pertinente mais aussi impertinente, toujours marquée d’une éthique rigoureuse,

 

Un poète, capable de rendre lumineuse les nuits sans lune et sans sommeil comme il le faisait avec ses patients en tentant d’éclairer l’obscurité psychique de leur vie.

 

Claude ESCANDE et Claude SCHAUDER