décès de Jean-Luc Donnet

Jean-Luc Donnet (1932-2022)

 

Né en 1932, Jean Luc Donnet, membre de la Société psychanalytique de Paris (SPP), est mort le 19 octobre 2022. Formé à la psychiatrie classique dans le service de Jean Delay à l’hôpital Sainte-Anne, marqué par les thèses de Henri Ey autant que par le courant phénoménologique (Ludwig Binswanger), il poursuit une cure psychanalytique sur le divan de Serge Viderman (1916-1991), assiste aux consultations de Pierre Mâle (1900-1976) puis, pendant une dizaine d’années (1954-1964), au Séminaire de Jacques Lacan. Par la suite, il s’orientera vers l’œuvre de Donald Woods Winnicott.

    Auteur de plusieurs ouvrages (dont L’enfant de ça, avec André Green, Minuit, 1973 ou Le divan bien tempéré, PUF 2002), il s’intéresse au cadre de la cure, au transfert, à la durée des séances et à des questions cliniques. On lui doit, avec Green, l’invention du terme de « psychose blanche »  pour désigner une psychose particulière et non hallucinatoire. Il est également passionné d’anthropologie, de sociologie et de littérature,  lecteur notamment de la pensée de Marcel Mauss et d’Edgar Morin, soulignant volontiers que les maîtres de la SPP sont beaucoup trop centrés sur la médecine et pas assez ouverts aux sciences humaines. Il aimait travailler en équipe comme au Centre Etienne Marcel et au Centre de consultations et de traitements psychanalytiques de Paris qu’il dirigea pendant dix ans (1989-1999).

         En 1968, cet excellent clinicien s’engage avec de nombreux autres membres de la SPP – dont Robert Barande, Jacqueline Rousseau-Dujardin, René Major – dans une critique nécessaire et radicale des principes de la formation des psychanalystes. Il faut dire qu’à cette date toutes les sociétés psychanalytiques sont en ébullition. A Paris, les frondeurs, hostiles aux conservateurs, parmi lesquels Serge Lebovici, réclament une démocratisation de la gestion des affaires, l’abolition du clivage entre cure didactique et cure thérapeutique, la suppression de la présélection, répétant ainsi la contestation qui avait eu lieu en 1953, lors de la première scission du mouvement français. Donnet rédige alors le fameux rapport final auquel son nom restera attaché : Cursus et hiérarchie. Sélection et formation (publié dans Études freudiennes, nov 1969).  Certaines réformes seront adoptées mais de manière insuffisante, ce qui conduira plusieurs psychanalystes à la démission.

         A sa grande stupéfaction il reçoit une lettre de Jacques Lacan (17 mars 1969) : « On m’a apporté vos cinquante-quatre pages qu’il faut prendre dans l’intention de leur diffusion limitée. Mais telles, elles m’ont bien plu. Et même, à y revenir, amusé. Une question pourtant irrésolue : qu’est-ce qui a bien pu vous faire mettre votre nom là-dessus ? La suggestion de mai ? Incroyable mais pas invraisemblable (…) Bouleversant pour qui le lirait, ce qui n’a guère de chances de se produire dans notre cercle : j’ai voulu vous donner le témoignage que ça peut arriver. »

Élisabeth Roudinesco

_________________________________________