Soumis par Le Vaguerèse Laurent le
Bonjour à tous,
Je relaie cet article du" monde" tout en espérant recevoir de vous directement les témoignages concernant en particulier les lieux d'hospitalisation je m'efforcerai d'en relayer le contenu soit en partie soit en totalité.
LLV
Les hôpitaux psychiatriques en plein désarroi
OLIVIER BALEZ
Catherine Vincent avec Rémi Barroux
Le secteur de la santé mentale se réorganise en urgence afin d’assurer les soins pour les cas les plus difficiles
Paris, qui regroupe les hôpitaux Sainte-Anne, Maison-Blanche et Perray-Vaucluse – soit 70 000 patients par an et un millier de lits. « Dans la distribution, nous avons été oubliés par les autorités sanitaires, constate le docteur Raphaël Gaillard, chef de pôle à l’hôpital Sainte-Anne. "Comme si la psychiatrie était une spécialité accessoire, un luxe que l’on peut se permettre en temps de paix" de masques, nulle part ou presque. Pas même au groupe hospitalier universitaire(GHU) Dans le secteur de la santé mentale, parent pauvre d’un système hospitalier lui-même dégradé, la crise sanitaire actuelle suscite les pires inquiétudes. Pour les soignants, et plus encore pour les malades.
Partout, que ce soit dans les services de psychiatrie des hôpitaux généraux ou dans les établissements
psychiatriques de secteur, le confinement en vigueur depuis le 17 mars entraîne les mêmes
réorganisations. Avec deux objectifs : éviter au maximum le rapprochement des personnes et libérer des
lits. La sortie des patients dont l’état est jugé satisfaisant est accélérée, la plupart des consultations
reportées ou effectuées par téléphone. « J’avais entre 70 et 100 patients à voir dans les trois prochaines
semaines, j’ai demandé à seulement deux d’entre eux de venir », précise Matthieu Gasnier, du service de
psychiatrie de l’Hôtel-Dieu (Paris). On s’adapte dans l’urgence. Et non, parfois, sans une certaine
amertume.
Plus de visites
Janine Carrasco travaille à l’hôpital psychiatrique Etienne-Gourmelen, à Quimper (Finistère). Si le centre
médico-psychologique y est resté ouvert, les structures ambulatoires, elles, ont fermé. Dans cet
important établissement (1 000 salariés, 250 lits), une partie des personnels a été réaffectée pour
renforcer les structures d’accueil des patients atteints du Covid-19. « En prévision de l’absentéisme des
collègues qui vont tomber malades, ils ont déjà fermé les structures de jour qui assurent les urgences. De
nombreuses personnes ne seront plus soignées. Une fois de plus, c’est la psychiatrie qui doit diminuer la
voilure », déplore cette éducatrice spécialisée.
Familière des missions de Médecins sans frontières, avec qui elle a longtemps travaillé, la pédopsychiatre Marie Rose Moro, qui dirige la maison des adolescents de l’hôpital Cochin, à Paris, évoque « une médecine humanitaire, en plus difficile, car [ils n’ont] jamais connu ça ici ». En quelques jours, tout a dû être réorganisé : plus de visites des parents et des enseignants, activités de groupe réduites à l’extrême, mesures d’hygiène draconiennes. « On recentre tout sur l’essentiel pour pouvoir soigner ceux qui vont le plus mal. »
Globalement, la vingtaine d’adolescents hospitalisés dans cet établissement réagissent plutôt bien au confinement. « Ils comprennent ce qui se passe, et le fait d’avoir des consignes claires – se tenir à 1 mètre les uns des autres, ne pas se toucher – les aide à contrôler leurs angoisses internes. Mais cela peut aussi précipiter leur décompensation. Il y a quelques jours, deux jeunes se sont mis à délirer. »
Comprendre ce qui se passe : un luxe que tous les malades psychiatriques ne peuvent pas s’offrir. Sarah
Iribarnegaray, psychiatre à la Pitié-Salpêtrière, à Paris, travaille dans l’unité des patients diffciles. « Pour
beaucoup d’entre eux, délirants ou très déprimés, l’épidémie est très loin de leurs préoccupations. Ce qui
les touche directement, c’est l’absence de visites et la suppression des permissions de sortie », relate-t-
elle. « Pour les plus fragiles ou les plus difficiles, le confinement risque, sur la durée, de faire monter les
tensions et l’angoisse, renchérit Marie-Victoire Ducasse. A l’hôpital Sainte-Anne où exerce cette jeune
psychiatre, les malades mangent désormais en chambre et non plus dans la salle commune. L’accès au
parc est fermé. La salle de télé, elle, reste accessible. « Certains patients comprennent qu’il faut faire
respecter les gestes barrières, mais pour ceux qui sont très désorganisés, c’est compliqué, reconnaît-elle.
On ne va pas non plus les enfermer 24 heures sur 24 dans leur chambre, ça n’a aucun sens. »
Deux types de risque
Pour la plupart des psychiatres, les bouleversements qu’entraîne la gestion de l’épidémie laissent
craindre deux types de risque. Le premier concerne le suivi et la qualité des soins, critère
particulièrement essentiel pour ces populations au psychisme fragilisé. « Les consultations par
téléphone, pour le moment, se passent plutôt bien, constate le docteur Gaillard. Mais pour combien de
temps ? L’expérience que nous avons tirée de l’explosion de l’usine AZF, à Toulouse, en 2001, qui avait
soufflé un hôpital psychiatrique situé juste à côté, c’est que, dans les situations aiguës, nos patients se
comportent plutôt de façon remarquable. Mais il y a forcément un effet rebond. »
« Un afflux de patients »
Déjà, la tension se fait sentir pour certains. « Toutes les structures extra-hospitalières ferment, et nous
assistons à un a ux de patients isolés, qui pètent les plombs. Les schizophrènes paranoïdes
notamment, qui ont tendance à se sentir persécutés », constate Delphine Rousseau, psychologue à
l’hôpital psychiatrique de Ville-Evrard (Bondy, Seine-Saint-Denis) et dans le service addictologie du
Centre hospitalier intercommunal André-Grégoire de Montreuil (Seine-Saint-Denis). Privés de leurs
recours habituels, les plus vulnérables, ceux qui sont à la rue ou zonent de place en place, risquent fort
d’atterrir aux urgences psychiatriques.
Deuxième crainte grandissante des psychiatres : la propagation du coronavirus au sein d’un
établissement. Aucun foyer de contamination n’a pour le moment été déclaré, mais la perspective est
plausible, et très inquiétante. « On sait que certains malades voient leurs familles et que les familles
véhiculent le virus. Nous allons avoir des malades Covid +, et il sera particulièrement difficile de les
prendre en charge, prévoit le docteur Norbert Skurnik, psychiatre hospitalier et président du comité
d’éthique du GHU de Paris, qui rappelle que, « lorsqu’un schizophrène délirant a un infarctus, c’est déjà
l’abomination pour trouver des soins ».
Que fera-t-on de ces malades contagieux, s’ils sont en détresse vitale ? Il n’y a pas de service de
réanimation dans les hôpitaux psychiatriques. « On est en train de chercher des solutions un peu
partout. Mais on n’a aucune directive, ni consigne claire, se désole le docteur Skurnik. C’est le Far West. »
La situation étant inédite, difficile de prévoir ce qui va se passer »
Propos recueillis par C. V.
Pour le professeur Pierre Thomas, la priorité est la prise en charge des patients hospitalisés en psychiatrie et qui vont être atteints par le virus
ENTRETIEN
Le professeur Pierre Thomas, chef du pôle de psychiatrie du CHU de Lille, est coprésident du Comité national de pilotage de la psychiatrie.
Le confinement oblige les services psychiatriques à se réorganiser. Concrètement, comment cela se passe-t-il ?
Au jour le jour, comme dans tous les autres services hospitaliers. Partout, les établissements psychiatriques adoptent à peu près les mêmes modalités d’organisation pour faire face à l’épidémie et éviter le rapprochement des personnes. Un : suppression des permissions d’entrée et de sortie pour les malades. Deux : accélération de sortie de ceux dont le bilan est satisfaisant. Trois : annulation ou report des rendez-vous programmés, et forte baisse des admissions en hospitalisation. Du coup, de nombreux CHS [centres hospitaliers spécialisés dans les troubles mentaux et psychiatriques] ont actuellement un taux d’occupation très diminué par rapport à l’ordinaire. Mais ce n’est vraisemblablement que provisoire.
- quoi ces lits libérés vont-ils servir ? Les CHS sont-ils en mesure d’accueillir des malades atteints du Covid-19 ?
La question à régler en priorité va concerner la prise en charge des patients hospitalisés en psychiatrie
qui vont être atteints par le virus. Ce sont ces malades-là qui pourraient profiter en priorité des lits
libérés, aÌn de bénéficier de soins à la fois psychiatriques et somatiques. Mais cela ne résout pas la
question de ceux qui auront besoin de réanimation, car il est très di cile d’imaginer que des services de
psychiatrie puissent se transformer dans ce sens. Les CHS n’étant pas toujours à proximité des centres
hospitaliers généraux, il faut anticiper d’éventuels transferts vers ces derniers. D’où la nécessité que des
psychiatres participent aux cellules d’éthique qui se mettent en place un peu partout.
Comment le travail des psychiatres va-t-il être modifié dans les semaines à venir ?
Tout le monde est concentré sur la vague qui va déferler dans certaines régions – dans les Hauts-de-France par exemple, où l’on est encore en attente. La situation étant inédite, il est difficile de prévoir ce qui va se passer sur le plan psychiatrique. Des dispositifs s’ébauchent un peu partout, en liaison avec les services d’urgence du médico-social, pour assurer au mieux le suivi des patients et surveiller leur éventuelle infection par le coronavirus.
Psychiatres et psychologues se mobilisent également pour soutenir les équipes de soignants qui sont en première ligne dans la lutte contre le Covid-19. Ou encore pour soulager l’activité du SAMU, qui reçoit, par le 15, beaucoup d’appels concernant des symptômes d’anxiété liés au confinement.
Qu’en sera-t-il des plus fragiles, ceux qui sont à la rue ou dans des foyers avec un handicap psychique ?
C’est pour eux que nous sommes le plus inquiets. Ces personnes vulnérables sont habituellement
soutenues ou prises en charge par des associations, dont l’activité est fortement réduite par le
confinement. J’exerce en partie dans les prisons : il y a des gens dont la préparation de sortie était faite,
mais pour lesquels l’association chargée de les loger n’est plus joignable. De même, ceux qui ont des
addictions à des drogues illicites vont brusquement avoir des problèmes d’approvisionnement, d’où le
risque de manifestations de sevrage.Tous ceux qui ont déjà des difficultés dans les liens sociaux – et ils sont surreprésentés parmi les
personnes qui souffrent de troubles psychiatriques – vont être mis en grande difficulté par cette crise sanitaire.
https://journal.lemonde.fr/data/786/reader/reader.html#!preferred/0/package/786/pub/1115/page/9/alb/70173 2/2
https://journal.lemonde.fr/data/786/reader/reader.html#!preferred/0/package/786/pub/1115/page/9/alb/70174 2/2