Enseignements psychanalytiques de l'écriture d'un roman du réel

Parce qu’il nous parle de Robert Walser , cet écrivain que la critique française a négligé si longtemps, dont il met en lumière la personnalité très attachante et l’originalité de la langue, parce qu’il est une leçon d’écriture biographique, parce qu’il interroge la littérature, ce livre, « Le promeneur ironique » de Philippe Lacadée est au nombre de ceux qu’il est important de lire.

 

Il existe des biographies factuelles où sont présentés minutieusement les évènements d’une vie. Nécessairement, Philippe Lacadée relate les repères recensés de celle de l’écrivain : né en Suisse en 1878, Walser s’installe à Berlin où il publie ses deux premiers romans « Les enfants tanner » et « L’institut Benjamenta » à 26 et 29 ans. Musil, Kafka l’admirent. Mais le monde littéraire ne l’accepte guère ,ne lui convient guère. Il rentre en Suisse où il vit de petits métiers, secrétaire ( « 

commis aux écritures »), domestique tout en maintenant une activité créatrice intense ( la promenade », « La rose » « cendrillon », etc.). Il est interné en 1929 jusqu'à la fin de sa vie et continue son travail d'écrivain sous la forme des microgrammes. Philippe Lacadée présente tout cela rapidement puisque, pour lui, ce qui fera sens n'est pas là. « tu seras d’autant plus apte à te laisser raboter et lisser par cette vie qui a plaisir à raboter les hommes. » fait dire Walser à l'un de ces personnages. La vraie vie est donc ailleurs que dans les copeaux qu'on en pourrait ramasser dans la présentation successive des évènements d'une vie! 

  

Il existe des biographies fictionnelles où l’auteur brode, imagine, coud les pans qu’il suppose manquants à une vie. Philippe Lacadée ne travaille pas dans cette direction non plus : il n’imaginera rien, n’ajoutera rien des pensées supposées, des rêves, des désirs de l’écrivain. Et pourtant il nous mène dans une connaissance profonde, intime, de Robert Walser, et nous aide à entrer dans cette œuvre souvent déconcertante, où se montre tantôt un classicisme limpide, tantôt un goût pour le banal, l’insignifiant, tantôt des créations insolites et inattendues.

Ni faits bruts, ni fictions mais l’étude minutieuse des récits, des poèmes, des dramolets, mais des croisements tissés, des miroirs placés entre les textes de Walser et sa vie, afin de faire apparaître ce qui fait un homme et ici, un écrivain. On pourrait risquer l’application de la formule de Léonard de Vinci à ce livre, ; la biographie est « una cosa mentale », comme il le dit de la peinture, des choix perspectifs, des jeux d’ombre et de lumière, dont la richesse et les variations, donnent la présence. Ainsi, le rôle de l’écriture pour Walser est-il analysé, à un moment à partir de la fiction, « Lettre d’un père à son fils »

. « Ce formidable texte est aussi une façon de se servir de l’écriture pour se situer dans le discours, face à cette dégringolade de la fonction du père qui l’avait laissé là en plan, eu égard à la folie de la mère » ; puis ce sera en miroir de « L'étang » et ainsi des suite.

 

Philippe Lacadée, avec une souplesse remarquable, comme l'air de rien, déambule parmi les écrits de Walser, parmi ceux des grands contemporains, Kafka, Musil par exemple, ou encore parmi d'autres, ceux de Barthes ,de Freud et de Lacan. Il faut noter que ce livre nous offre, de surcroît, une lecture belle et limpide de certains textes fondamentaux de la psychanalyse tout en nous rappelant que pour Lacan « le poète précède le psychanalyste, et que le dramaturge réussit à exprimer par sa création ce qui ne peut-être dit autrement » . Ainsi peut-on lire tout une analyse du style sous ces éclairages : « Robert Walser nous enseigne ici ce que Lacan dira plus tard : le style de vie désigne des modes de jouissance organisés en collectivités sous un trait identificatoire (…)Quand Walser dit que le style est une attitude, il souligne ce nouage entre style et mode de jouissance, c’est-à-dire la façon dont ils se sont noués dans l’écriture, elle-même nouée à la marche, son corps vivant et la langue. En affirmant « le style est une attitude », Walser indique comment son style ironique, son rapport au langage, lui ont imposé de faire de la beauté du son, de l’esthétique verbale, une fonction. C’est par là que sa part de vivant, celle qui était nouée à l’objet voix, façonne son écriture

et lui permet de s’inscrire de façon extime dans l’Autre. »

 

 

« Le promeneur ironique » est une biographie textuelle parce qu'une vie se tisse de mots qui prennent l'écrivain, l'exigent, parce que sa vie se plie aux mots. Ainsi Walser mourra-t-il comme l'un des personnages d'un récit qu'il a écrit cinquante ans plus tôt, « Les enfants Tanner » au cours d'une promenade ; un poète meurt dans la neige : « Comme il a noblement choisi sa tombe. Là, sous ces magnifiques sapins verts et la neige qui les recouvre. »

De sa volonté d'être un « zéro tout rond », Walser a choisi de raboter sa vie, sa langue ses écrits, pour ne pas rencontrer les assignations de l'Autre. On comprend alors l'ironie qu'il utilise détournant ainsi l'image de l'écrivain et trouvant dans cet écart ,dans ces inversions ,la plus grande liberté, donnant au zéro, esthétique et éthique. « sa position ironique lui permet d’affirmer la suprématie de la jouissance positive du zéro sur l’acte d’être « Un quelqu’un ». ».  On comprend aussi, de cette analyse, la création de la langue de Walser , simple, sans effet mais trouée cependant de rencontres langagières inattendues, de mouvements syntaxiques insolites de la même manière que dans ses promenades il se livrait à des sensations et des sonorités inouïes qui lui donnaient plaisir. « Car Walser ne s’oriente pas vers la finalité d’un sens, mais plutôt de la « j’ouis-sens » de la sonorité du mot dans laquelle il est pris ,ce qui laisse son lecteur perdu ». On découvre aussi ce qui, après cette lecture, n'est plus une étrangeté et qui occupa Walser , avant un silence définitif, les écritures microgrammatiques, dernier lieu où disparaître tout en existant. « il s’agit d’une écriture dénouée de la voix et de la parole porteuse de sens (…)elle n’est plus de l’ordre de la précipitation du signifiant et s’autonomise du symbolique ». Et encore : « Walser n’écrit rien d’autre que sa puissance justement de ne pas écrire comme acte pur. Son écriture miniaturisée atteint une forme de non-écriture, qu’il semble ensuite incarner lui-même, avec ses promenades dans la neige qui forment une trace écrite jusqu’au jour où la chute de son corps dessine un point final. »

 

Mais il faut ajouter, et ce n'est pas la moindre qualité de ce livre, qu'il est une mise en légèreté comme invite à le penser la photo doucement joyeuse et émouvante placée en couverture ; mise en légèreté de Walser dont la médecine, ses classements des maladies mentales et la chape sociale du début du XXème siècle ont tellement alourdi la vie « je ris, cependant/dans le rire gît pour moi/menaçant, un sérieux qui à son tour/me donne finalement merveilleusement à rire » dit Cendrillon dans le dramolet du même nom. Mise en légèreté aussi du lecteur qui doit suivre l'allure vagabonde de son guide érudit. Chose rare, l'intelligence invite à batifoler et à gaminer. « La promenade occupe une place essentielle dans les romans et les textes brefs de Walser (…) Le texte à écrire a lui-même son parcours, son allure, ses haltes, ses détours, ses aléas ».

 

Comme les grands travaux de grands lecteurs que sont les vrais essayistes, je pense ici à ceux de Starobinski et à son étude des « Rêveries du promeneur solitaire » *, étude qui est un philtre magique pour entrer dans la lecture de Rousseau, de même, le travail de Philippe Lacadée , dans sa promenade, ouvre l'espace walsérien, montre un corps en allé dans une langue et rend insistant pour chacun, de la lecture et de l'écriture, le désir. « Walser cherche à cerner son corps parasité par le langage, son existence de vivant par l’écriture. Il se promène dans le labyrinthe de la vie, ce qui implique pour lui de marcher, s’arrêter, écouter pour mieux entendre, écrire le sens-jouis de ce que lui seul entend au cours de ses rencontres et le lire à voix haute. Tel est le sens de sa promenade. »

 

Patricia Cottron-Daubigné

*Rousseau, la transparence et l’obstacle

 

 

Philippe Lacadée, Robert Walser, le promeneur ironique. Enseignements psychanalytiques de l'écriture d'un roman du réel, éditions Cécile Defaut, Nantes, 2010.

L'ouvrage de Philippe Lacadée, Robert Walser,le promeneur ironique présente le double intérêt de nous donner envie de lire Robert Walser, et d'en faire valoir la chaîne et la trame psychanalytiques. Il relève dans l'oeuvre de Walser des expressions comme "personne n'a le droit de se comporter avec moi comme s'il me connaissait…", ou encore "être un ravissant zéro tout rond…", véritables bijoux littéraires et traits lumineux d'une personnalité ironiquement attachante. Le souci de Philippe Lacadée de se pencher sur la langue de Robert Walser est un guide précieux pour le lecteur sensibilisé à la psychanalyse — ou pas. L'étude minutieuse qu'il fait de l'ironie et de la promenade dans l'oeuvre de Walser ouvre des voies à une clinique originale de positions qui sont trop souvent pathologisées. Enfin, la question sexuelle y est abordée comme rapport entre la création poétique singulière de Robert Walser et l'impossibilité de rencontrer "l'Autre sexe". On peut dire de ce travail de Philippe Lacadée qu'il éclaire par sa lecture ce qui serait le défi de Walser : concevoir un Réel qui pourrait s'écrire.

L'intérêt de cet ouvrage est aussi de nous amener à nous poser la question "qu'est-ce qu'un écrit psychanalytique ?" En effet, s'il semble aisé de produire un écrit sur l'application de la théorie psychanalytique, ici celle de Jacques Lacan, à une oeuvre littéraire, ici celle de Robert Walser, cela nous assure t-il de la qualité psychanalytique d'un texte ? Comment écrire psychanalytiquement ? C'est le grand mérite de ce livre que d'obliger son lecteur à se poser la question et de découvrir si l'auteur, psychanalyste, y a mis du sien : s'est fait lui aussi créateur et poète.

Jean Rousseau, Nantes

On lira également avec intérêt l'article de Ioana Bota paru sur le site Acta Fabula, site consacré à la recherche en littérature et animé par des élèves de l'École Normale Supérieure

Comments (53)

Quelques notes sur le dernier ouvrage de Philippe Lacadée Robert Walser, Le Promeneur Ironique Enseignements psychanalytiques de l’écriture d’un roman du réel. Pari difficile, face au foisonnement des thèmes abordés, aux nombreux et précieux éclairages cliniques. A l’heure où la folie, le dit-fou sont souvent médiatisés comme objets de crainte, voire de répulsion, nous nous devons de saluer ce bel hommage à Robert Walser. Philippe Lacadée prend le parti de la poésie, sans jamais la convoquer dans un style emprunté. Il exhume la beauté de là où l’on n’a pas coutume d’aller la chercher, d’aller l’entendre. « Walser, dans ses habits d’emprunt, doit être saisi comme « une chose extérieure » quelqu’un qui se revêt lui-même du pronom je. » « Son écriture miniaturisée atteint une forme de non écriture, qu’il semble ensuite incarner lui-même, avec ses promenades dans la neige qui forment une trace écrite jusqu’au jour où la chute de son corps dessine un point final. »
Ce livre éclaire l’inscription de Walser dans le paradoxe de l’enfant que l’Autre ne lui a pas permis d’être, reléguant à jamais son être à errer tel un fantôme, s’abritant et prenant corps dans tous ces autres, immatures, ironiques, désarrimés qui composent ses romans. Walser, dans ses écrits, s’appuie sur la dénégation qui lui permet de se défaire de la responsabilité d’un jugement. Il ne se reconnait pas comme origine, comme support du contenu de pensée qu’il exprime. Il est un « ravissant zéro tout rond ». Philippe Lacadée nous indique à partir de faits, de faires, apparemment disjoints, comment l’écrit, la promenade et cet intérêt singulier pour la sonorité de la langue soutiennent Walser dans son existence. L’écriture est symptôme « L’écriture est une forme de suppléance pour pallier l’image du moi en défaut qui le laissait dénudé face au monde » mais persécuté par ce qui surgit de la parole dans l’écrit, Walser miniaturise son écriture « l’écriture miniature au crayon est l’écriture du sinthome contre le sens »Walser en réduisant son écriture ne fait plus sens et se soustrait au regard de l’Autre, ne s’entendant plus qu’avec lui-même. Philippe Lacadée reprend la clinique du synthome de Lacan qu’a développée Jacques Alain Miller comme « clinique ironique »1. Cette clinique du schizophrène n’est pas une clinique déficitaire, mais exige toute notre attention aux trouvailles du sujet (une clinique ironique). Cette écriture folle est une solution. Travail manuel, elle tient à distance le sonore, elle permet à Walser de reprendre la main, main qui trouve corps dans l’écriture qui lui permet d’instrumentaliser lalangue. Philippe Lacadée montre comment l’ironie dont Walser fait usage, trace son discours, ouvrant une voie hors « des limitations du discours établi qu’il refuse ».
Il met en exergue l’orientation féminine de la jouissance, omniprésente dans l’œuvre de Robert Walser que Lacan nomme « le pousse à la femme », démontrée de façon magistrale dans Le Brigand : Walser était le commis, la servante de L’Autre, il gaminait.
Ce livre est dense, danse avec les mots, la poésie, il inclut le désir de Philippe Lacadée , là, à entendre les traces qui écrivent Robert Walser en ab-sens.

Anne-Marie SUDRY

1 Jacques-Alain Miller, « Une clinique ironique », in « L’énigme et la psychose », La cause freudienne, n°23, Paris, Le Seuil, 1993, p. 7-14

Enfin un livre de psychanalyse qui s'intéresse à la littérature d'une manière douce et originale. Chaque chapitre nous fait découvrir une lecture sensible d'un auteur qui témoigne à travers chacun de ses personnages ce que veut dire encore aujourd'hui la douleur de vivre et la justesse des mots. Philippe Lacadée, avec le style poétique dont nous avons pu profiter dans ces livres et ses textes précédents nous entraine l'air de rien, dans les moindre recoins de la langue et de l'écriture. Ce livre est un plaisir de lire et de continuer à se laisser enseigner.

Jean Rousseau a bien vu que la qualité littéraire de la forme correspond au projet d'ensemble de Ph Lacadèe.Ne pas écraser l'œuvre fragile et doucement ironique de Robert Walzer sous des tonnes de concepts analytiques ou de jargon lacanien du bas Empire.Lacadée écrit un français fluide,précis,exempt des calembours "initiatiques" et des coquetteries sémantiques à triple fond qui nous épuisent depuis si longtemps.
Merci à lui pour cela et pour la sympathie qu'il nous invite à partager avec lui envers Robert Walzer.

les commentaires précédents parlent eux-mêmes...

Magnifique ouvrage, qui m'a donner l'envie d'aller lire Walser, grand poète, dont l'œuvre émouvante est trop mal connue. Merci Philippe Lacadée et bravo, ce livre n' a pour prix que celui fixé par l'éditeur pour l'instant, je vous souhaite de tout cœur ce prix Oedipe!!!

Merci Philippe Lacadée de nous faire ainsi découvrir Robert Walser. Votre livre est précieux, votre écriture est sensible et poétique, oui merci, merci. Un livre qui fait évènement...!!!

Bravo!!!ce livre mérite un prix parce qu'il est un hommage à Robert Walser, parce que votre style et votre écriture signent votre sensibilité, parce que vous contribuez à faire aimer une psychanalyse vivante et intelligente, merci pour toutes ces raisons Philippe Lacadée

Un livre passionnant, merci beaucoup de cette découverte d'un auteur étonnant et injustement méconnu.

c'est un livre précieux pour appréhender ce que peut être la schizophrénie. Pour ceux qui les côtoient, notre regard est différent car ils nous apprennent beaucoup de choses sur l'être humain

Etonnant...tant Robert Walser que Philippe
Lacadée. Promenade en délicatesse au fil des oeuvres de Walser. Regard dénudé des semblants, aiguisé, acéré, piquant comme peut l'être la neige blanche, pure, avant d'être souillée, douce pourtant... Témoignages indiquant ces instants où l'être est démuni face à ce qui le submerge, se laissant alors cingler par le réel pour ensuite en porter irrémédiablement la trace. Ce livre est absolument à lire. KM

un livre remarquable qu'il faut lire pour l'amour de la littérature, de la psychanalyse et aussi,vous comprendrez quand vous l'aurez lu, pour l'amour de la neige.

allez voir la présentattion que P. Lacadée fait de son livre et de son projet de travail qui lie écriture et psychanalyse , c'est lumineux et interessant : c'est sur le site de la librairie Mollat de Bordeaux

P.Lacadèe nous offre une promenade éclairante dans le mail des romans de Walser; il nous aide à écouter et entendre l'écriture de celui qui a vécu autrement une existence dans la langue.
Grâce, en particulier, aux notes précises, rigoureuses et explicites, ce livre se lit de façon plaisante et se lie "'au grain de poussière" qui habite ses lecteurs.

P.Lacadèe nous offre une promenade éclairante dans le mail des romans de Walser; il nous aide à écouter et entendre l'écriture de celui qui a vécu autrement une existence dans la langue.
Grâce, en particulier, aux notes précises, rigoureuses et explicites, ce livre se lit de façon plaisante et se lie "'au grain de poussière" qui habite ses lecteurs.

Le livre de Philippe Lacadée, ce sont de très belles pages qui interprétent avec sensibilité,passion, au long d'une lecture fidèle et rigoureuse, l'oeuvre et le destin énigmatiques de l'écrivain-poète Walser. Pari tenu avec force et conviction par Philippe Lacadée qui se montre digne de l'artiste.
Catherine Meut

Le livre de P Laccadée sur Walser est une contribution remarquable à ce quon peut faire d'une oeuvre autrement que dans l'utopie biographqiue; suivre les écrits pas à pas mène beaucoup plus loin; s'enseigner d'un style au plus près du texte est trouver la trace de ce que le sujet a rencontré d'insupportable et qu'il a quand même traité par son écriture; il nous montre comment Walser élève son style à la dignité dun symptôme qui touche le lecteur non par un pathos identificatoire mais par un écho du traitement singulier de l'impossible

J'ai lu "Le brigand" avec étonnement, je le relis avec enchantement, accompagnée par la finesse de la lecture de Philippe Lacadée qu'il nous offre dans "le promeneur ironique". J'y vois un hommage à Robert Walser et au-dela, à tous ceux qui tentent de trouver corps écrit. Bonne lecture à ceux qui s'y plongent.

J'ai connu l'écrivain Robert Walser par l'ouvrage de Carl Seeling : "Promenades avec Robert Walser". Je continue ma promenade avec l'essai formidable de Philippe Lacadée. Ma lecture est en cours, sur le chemin. En tant qu'éducateur, Philippe Lacadée m'avait appris ce que Walser nous indique dans ses écrits : "Les choses du quotidien sont assez belles et riches pour qu'on puisse en tirer des étincelles poétiques". Avant d'être psychanalyste, il faut peut-être être aussi et avant Tout poète. Lacadée est aussi poète et certaines ou certains sont né pour accompagner l'éclairant psychanalyste dans ses promenades : à chaque pas ça capitonne comme un air(e) dans la tête. Et l'errance devient existence signifiante.
Et se laisser enseigner par Walser lorsque Philippe Lacadée explique que celui-ci " cherche à cerné son corps parasité par le langage, son existence de vivant par l'écriture. Il se promène dans le labyrinthe de la vie, ce qui implique pour lui de marcher, s'arrêter, écouter pour mieux entendre, écrire le sens-jouis de ce que lui seul entend au cours de ses rencontres et le lire à voix haute. Tel est le sens de sa promenade".

J'ai connu l'écrivain Robert Walser par l'ouvrage de Carl Seeling : "Promenades avec Robert Walser". Je continue ma promenade avec l'essai formidable de Philippe Lacadée. Ma lecture est en cours, sur le chemin. En tant qu'éducateur, Philippe Lacadée m'avait appris ce que Walser nous indique dans ses écrits : "Les choses du quotidien sont assez belles et riches pour qu'on puisse en tirer des étincelles poétiques". Avant d'être psychanalyste, il faut peut-être être aussi et avant Tout poète. Lacadée est aussi poète et certaines ou certains sont né pour accompagner l'éclairant psychanalyste dans ses promenades : à chaque pas ça capitonne comme un air(e) dans la tête. Et l'errance devient existence signifiante.
Et se laisser enseigner par Walser lorsque Philippe Lacadée explique que celui-ci " cherche à cerné son corps parasité par le langage, son existence de vivant par l'écriture. Il se promène dans le labyrinthe de la vie, ce qui implique pour lui de marcher, s'arrêter, écouter pour mieux entendre, écrire le sens-jouis de ce que lui seul entend au cours de ses rencontres et le lire à voix haute. Tel est le sens de sa promenade".

A propos du livre de Ph Lacadée Robert Walser ou le promeneur ironique

Pour qui comme moi ne connaissait pas vraiment Walser, l'ouvrage de Philippe Lacadée en a ouvert la porte, découvrant avec tact les reliefs intimes du texte et de l'auteur, le lien ténu et à la fois vif de la langue au vivant lorsque l'Autre sans cesse menace les fondements par le simple fait d'être là.

La vie ne tient qu'à un fil et chez Walser c'est celui de l'écriture qui s'élabore au long des promenades qu'il fait.

Faufilant son commentaire dans la trame des textes de Walser, Ph Lacadée enseigne le lecteur. Écrire, prend toute sa valeur d'un acte et se décline toujours au particulier, et ici de plusieurs façons et npus apprend ce qu'est le style.

Depuis les textes dans les journaux, les romans, les dramolets, jusqu'aux microgrammes, territoire le plus caché de Walser.

Dans Robert Walser le promeneur ironique, pas de biographie savante, mais un aller retour entre les textes de Walser, les propos qu'il a pu tenir à leur sujet et sa vie. C'est une promenade et une leçon sur ce que c'est que l'ironie et sa vertu créatrice.

Philippe Lacadée a réussi à nous mettre dans les traces de Robert Walser, celles qu'il laisse sur la blancheur de la neige et qui un jour s'interrompront définitivement.

Là où d'aucuns auraient prit le partie de faire une biographie psychopathologique, c'est une leçon de vie qui se déploie sous les yeux du lecteur, celle d'une vie humble de labeur.

Là où l'on pourrait penser que Walser est insignifiant, là est justement le trésor: une vie où il s'est attaché à devenir "un ravissant zéro tout rond". Telle fut la tâche de Walser, sa condition humaine, le prix à payer pour vivre. Seule l'écriture donna à cet auteur l'air nécessaire à respirer.

Philippe Lacadée s'appuyant sur Lacan nous indique comment tout cela se noue chez Walser, il le fait avec précision, subtilité, et sympathie. Le dernier Lacan, celui des nœuds borroméens, s'en trouve par la même illustré, sobrement mais de façon vivante

Et apparait la richesse de l' écriture de Walser.

Le livre refermé, l'on reste longtemps en compagnie de Walser.

Ph Cousty

Formidable 3ème livre de Philippe Lacadée notamment autour du bruit, « tout bruit fait signe » pour Walser, jusqu’au silence du manteau neigeux dont « la consistance sonore le ravit », mais aussi autour du rire comme protection face au réel, le rire étant alors « la seule arme contre l’enlisement ».

Portrait de Le Vaguerèse Laurent

un texte prolongeant le travail de Philippe Lacadée est actuellement consultable à la rubrique "actualité"
"Se faire le zéro en place de la femme" à propos du livre de Philippe Lacadée, Robert Walser, Le promeneur ironique" par Gilles Mouillac

Ce livre est un véritable cadeau pour les non initiés qui souhaitent faire leurs premiers pas dans le milieu parfois complexe de psychanalyse.
Mr Lacadée, par l'attention portée sur la transmission, a su créer chez la lectrice débutante que je suis l'envie de lire davantage.
Pour cela, merci!

véritable leçon de ce que peut être une biographie orientée par le réel ( ce qu'a initié Francesca Biagi avec le cas de Landru) ce livre permet de mettre ses pas dans ceux de Walser, à partir de ces détails infimes qui dessinent peu à peu l'effort toujours inédit et solitaire de RW pour répliquer au réel.

Merci Philippe Lacadée pour cette marche éclairée en compagnie de Walser.

Un psychanalyste impliqué dans la chose littéraire
Philippe Lacadée Robert Walser, Le promeneur ironique. Enseignements psychanalytiques de l’écriture d’un roman du réel, Nantes, éd. Cécile Defaut, 2010, 218 p., 20 €.
Éric Laurent nous a souvent dit de prendre la littérature par l’effet qu’elle nous fait. Lisons donc ou relisons Walser (Robert) avec Philippe Lacadée qui s’en est fait le passeur, pour mieux s’enseigner de lui.
L’exercice est périlleux car enfin, qui parle sinon Walser, qui parle parfois de Walser, sans doute, mais toujours en écrivant, de cette écriture qui a le pouvoir d’évider l’évidence, et de substituer à celle-ci une petite musique insistante, qu’on ne parvient plus à oublier.
La question que je me pose est celle de savoir si la courtoisie, la politesse pointilleuse de ceux à qui Walser confie la parole et qui, tout enveloppés en elle, la portent néanmoins, ont quelque chose à nous apprendre au sujet des passions (« Passions contemporaines », titre le dernier numéro du Diable probablement). Je me demande si ce n’est pas là un tout spécial compromis qui frémit à bas bruit, dans ce singulier régime que lui donne l’écriture.
Comment le nommer ?
Nommer l’ironie est déjà un excès, nécessaire pour voiler que le mot, c’est la chose même. Quant à l’impossible d’écrire ce qui serait le rapport sexuel, la cause tue est ici entendue. La grâce de l’écriture de
Walser est sans pourquoi, mais sa logique propre s’éclaire, de sa langue (que certaines traductions trahissent, y effaçant des néologismes capitaux, ainsi dans Le commis où se forge un bourreauder que malmener ne rend pas) et du rejet dont son être fit matière, de plume puis de crayon sur des supports de
plus en plus infimes.
Walser nous rend sensibles à la condition d’une « situation idéologique dont nous ne sommes pas sortis ». N’est-ce pas cet avatar contemporain de la haine que la cure de chaque analysant, le pousse ou l’invite à réduire ? N’est-ce pas cette réduction, non pas à zéro mais à petit a, qui lui permettra de l’assumer en tant qu’elle ne le résorbera dans aucun corps – social ou autre – mais le fera responsable de son équation personnelle dans la psychanalyse comme mouvement affine à l’époque ?
Je sens frémir ici sous la croûte des mots la haine de soi, silencieuse comme un fluide glacé, de soi pas tant comme individu singulier que comme représentant du commerce humain dont la vérité a pu se découvrir au siècle dernier, haine du genre humain pour l’espèce humaine, essentielle, intraitable, et pourtant, et donc noyau de l’éthique…, et donc surgeon de ce nouvel amour pour la folie et le mystère de la maternité.
Le drame du « vagabond immobile » nous porte à penser notre être mobile, détaché un temps et toujours pour une part résiduelle, et néanmoins ramifié dans les réseaux des paroles que nous tissons, et qui nous lient, ne nous laissant plus d’autre choix que celui de renouveler, chacun à son tour, la source empoisonnée et les ressources inédites de la parole et de l’écriture.
Entrons donc dans le vif du sujet :
« Mais pourquoi, dit Joseph, voudriez-vous que je ne sois pas un cerveau, Monsieur Tobler ? »
[Le Commis, p. 11]. Est-ce que ce que Walser nous enseigne de plus précieux ne concerne pas la manière dont il s’est fait partenaire, au delà de ses parents et de ses personnages, non point de son cerveau (le cerveau vous dis-je) mais de la langue elle-même, et, au-delà encore, du style qui fait sa noblesse ?
Nathalie Georges-Lambrichs
(paru dans le Cabinet de lecture de La Cause freudienne n°76)

Le livre de Philippe Lacadée, une triple promenade dans "l'oeuvre-vie" de Robert Walser.

Promenade de Robert Walser, d'abord qui pour écrire ses textes se promène dans la nature, dans la neige, dans la ville et nous apprend comment ce qu'il appelle sa mauvaise habitude, l'écriture est en fait une ligature par laquelle il s'inscrit dans un monde auquel autrement il peut échapper, détaché. De ce qui le coupe du sens commun, cette bizarrerie de certains mots qui l'accapare au point d'en être envahi et de lui rendre incompréhensible la réalité vivante autour de lui, il va faire style d'écriture qu'il doit mettre en permanence en oeuvre pour contenir cette jouissance issue de la sonorité de certains mots, trouvant ainsi un point d'attache aux autres. Cette invention qui est une agraphe nécessite la promenade de son corps qui prolonge "le lieu de sa langue intime où se source sa propre enfance" à travers cette langue qu'il produit en marchant. Il trouve ainsi à loger le vivant de son corps dans "l'habitat" que devient l'entre-deux entre "ce qui ne parle que pour lui" et ce qui sera entendable par certains de ces contemporains dans ces textes. Pour écrire il lui faut la scansion d'une suite d'arrêt et de mouvement que lui procure la marche, pause où il s'entend, où il entend le bruissement, et marche où s'écrit autre chose. Cette discontinuité infiniment répété, lui permet une inscription a minima, fragmentaire, minimaliste.
Cette invention de Walser, Lacadée l'éclaire à partir d'une promenade rigoureuse, dans les inventions conceptuelles successives qu'a fait Lacan lui-même pour amener la conceptualisation analytique au plus juste de ce que lui enseignaient ceux qu'on peut qualifier d'artistes ou d'artisan de la langue, si on ne veut pas les qualifier de fous. Ceux-là même qui ne peuvent pas faire autrement que de forger aux-mêmes leurs outils d'armature entre ce par quoi ils sont décrochés de la commune mesure aux autres hommes et ce qui leur permettra de s'y accrocher en partie. Ils sont en perpétuellement au travail de se maintenir sur ce fil. Si le fou est celui qui a perdu le sens commun, il nous apprend l'art du funambule, un travail sans filet dans la langue pour y loger ce qui du corps vivant résiste à y entrer.

J'avais découvert l'écrivain Robert Walser grâce à Philippe Lacadée, lors de sa première interviewview sur France - Culture, il y a déjà quelque temps
La parution de son livre sur le poète m'a intéressé et permis de mieux comprendre les enjeux de l'écriture d'un point de vue psychanalytique. Merci pour ce livre magnifiquement érudit et agréable à lire.

Cette biographie originale de Philippe Lacadée traque le rapport singulier solitaire que cet auteur entretient avec la langue et au delà met l'accent sur le fait que nous sommes tous des promeneurs solitaires de la langue, mais plus ou moins consentis. C'est donc celui que je choisis. Georges Haberberg

"le roman du réel" tel que le nomme le poète Robert Walser, est très sensiblement lu et révélé, ici, par Philippe Lacadée, dans ce respectueux essai ; la lecture, comme un roman, nous invite à marcher pas à pas dans la sonorité silencieuse, guidé par les personnages de l'oeuvre de Walser, afin de découvrir l'homme singulier, secret, qui refusait que l'on ne l'interprète. Philippe Lacadée démontre avec talent qu'il échappe à l'impasse qui consisterait à "psychanalyser" la création littéraire. La préface de Philippe Forrest, sur laquelle, il y a, avec bonheur, aussi à prendre son temps, en fait une parfaite résonnance.

"le roman du réel" tel que le nomme le poète Robert Walser, est très sensiblement lu et révélé, ici, par Philippe Lacadée, dans ce respectueux essai ; la lecture, comme un roman, nous invite à marcher pas à pas dans la sonorité silencieuse, guidé par les personnages de l'oeuvre de Walser, afin de découvrir l'homme singulier, secret, qui refusait que l'on ne l'interprète. Philippe Lacadée démontre avec talent qu'il échappe à l'impasse qui consisterait à "psychanalyser" la création littéraire. La préface de Philippe Forrest, sur laquelle, il y a, avec bonheur, aussi à prendre son temps, en fait une parfaite résonnance.

"le roman du réel" tel que le nomme le poète Robert Walser, est très sensiblement lu et révélé, ici, par Philippe Lacadée, dans ce respectueux essai ; la lecture, comme un roman, nous invite à marcher pas à pas dans la sonorité silencieuse, guidé par les personnages de l'oeuvre de Walser, afin de découvrir l'homme singulier, secret, qui refusait que l'on ne l'interprète. Philippe Lacadée démontre avec talent qu'il échappe à l'impasse qui consisterait à "psychanalyser" la création littéraire. La préface de Philippe Forrest, sur laquelle, il y a, avec bonheur, aussi à prendre son temps, en fait une parfaite résonnance.

Ce livre est un travail réussi. Il a su s’exporter au delà du continent, puisque nous avons eu l’occasion, de le présenter à la Réunion. Il venait très justement ponctuer un travail commencé sur l’ironie chez le sujet psychotique.Ph Lacadée a su susciter un intérêt auprès d’un auditoire qui ne regroupait pas que des psychanalystes. Cet ouvrage est à lire.

Ce livre est pour moi des plus surprenants, cette année. La lecture
attentive, précise, de Philippe Lacadée témoigne de la finesse avec laquelle
il s'avance vers le formidable poète qu'est Walser, qui, toujours, ouvre la
marche et la danse. Ce livre m'a précipitée vers la lecture des proses et
poèmes de Robert Walser, écrivain qui m'était jusqu'en l'heure inconnu. Je
remercie Philippe Lacadée, d'avoir su porter et faire reluire, pas à pas,
nuancés, toujours et élégants, la grandeur de ce génie qui se dit donc
lui-même un " ravissant zéro tout rond". Car n'est-ce-pas atteindre au plus
élevé de ce que recèle l'écriture, que de parvenir à porter la flamme d'un
autre en nous montrant la richesse de son parcours, en dégageant, mais
prudemment toujours, quelques points logiques qui président, pour beaucoup,
à son oeuvre?

Stella Harrison

voici un ouvrage que je conseille à mes étudiants, la clinique cela s'approche plus par ces petites touches et ces superbes commentaires que dans bien des manuels

Heureusement qu'il y a la psychanalyse et les ouvrages de Philippe Lacadée pour nous mener en promenade, pas n'importe laquelle bien sur, une promenade éclairée, poétique, qui donne le désir de lire encore et encore!

Nous faisant découvrir le promeneur ironique que fut Robert Walser, Philippe Lacadée nous introduit à un rapport singulier à l'écriture et au langage.
Après nous avoir intéressés, dans ses précédents livres, au malentendu ("Le malentendu de l'enfant") et à l'exil ("L'éveil et l'exil"), Philippe Lacadée nous offre au fil de ce dernier ouvrage, à partir d'une lecture attentive, fine et précise de l'oeuvre de Robert Walser, une leçon clinique sur l'ironie.
L'on y découvre le nouage entre la marche et l'écriture qui fut le sien, l'objet voix comme source de cette dernière, de multiples enseignements sous la plume d'un psychanalyste qui a su se laisser précéder et enseigner par le poète.
J'ai, pour ma part, achevé la lecture de "Robert Walser, le promeneur ironique" sur une envie : celle d'aller au-delà de ce qui fut pour moi une découverte et de ses enseignements, à la rencontre de Robert Walser lui-même, de me plonger dans la lectures de ses écrits.

Le livre de Philippe Lacadée est non seulement érudit, mais particulièrement sensible à l'étrange poétique de Walser, sa langue "dense" où les mots ne sont pas tout à fait séparés des choses et où l'ironie n'est pas une simple rhétorique ou une tonalité. Il nous rend plus intelligents à un style qui fut aussi un mode de vie. Philippe Lacadée s'est enseigné de la position ironique de Walser. Il en déploie les arcanes et fait valoir comment, conjuguée à l'écriture, cette ironie a permis à Walser de vivre un temps dans le monde en s'y faisant un nom avant de se couper de tous et d'abandonner son corps à la neige. C'est un nom que ce livre nous invite à faire briller davantage sur son versant poétique et sur son versant sinthomatique, là où les écrits de Walser se lisent comme une leçon de clinique ironique.

Philippe Lacadée ROBERT WALSER, Le promeneur ironique

Qu’est-ce qu’un psychanalyste peut apprendre d’un poète ? Philippe Lacadée, suivant ce que Jacques Lacan a fait résonner de James Joyce, fait résonner, pour nous autres, francophones, par une lecture précise et précieuse, l’invention de Robert Walser pour traiter son rapport singulier et traumatique à la langue.
Il ne s’agit donc pas d’une simple lecture, en traduction, ni d’un déchiffrement, mais d’une invitation à suivre, non seulement les traces écrites, mais encore celles qu’on ne peut pas voir, mais que l’on peut ouïr.
Pourquoi préférer le silence du crayon à la plume, ou la cachette dans la miniature ? À Philippe Lacadée qui pose ces questions, c’est la main même du poète qui répond en expliquant sa méth-ode, puisqu’on fait route en sa compagnie.
Cette invitation à nous promener avec lui dans ces bois que trace ce « roman du réel » éparpillé en mille morceaux peut rebuter ceux que le grand loup de la folie effraie. On comprend bien à travers ces lignes de Walser à quoi sert pour lui l’ironie féroce, à se défendre d’une jouissance plus féroce encore dont il est l’objet : « C’est la plume qui prononce ce mot, non la bouche, mais la plume d’acier est la bouche silencieuse et sonore de l’écrivain. »(p.169)

Comme pour le Malentendu et l’Eveil, on lit dans un premier temps ce livre comme un conte de fées, avec Cendrillon, Blanche-Neige, et mille autres personnages féériques…. On a envie, en outre, de lire (ou de relire) tant d’autres poètes (Hölderlin, Joyce, Kaka, Musil…) Mais là surtout comme rarement, le psychanalyste, débutant ou pas, s’enrichira de cette analyse très fine du sinthome Walser, précieuse aussi bien à tous ceux pour qui Lacan est parfaitement inconnu, voire illisible. La singularité exemplaire du cas Walser sous le regard joyeux et affectueux de Lacadée ne vise pas à expliquer une théorie, mais nous engage à être attentifs au détail, aux énigmes, aux équivoques, à la lettre et à ses nouages.

Celui qui se nomme lui-même un ravissant zéro tout rond, un bouton qu’on va perdre, un solitaire mondain ne serait pas peu surpris, lui qui voulait être une servante, s’il savait combien il sert aujourd’hui à travers ses écrits à ceux qui se demandent chaque fois qu’ils rencontrent un être humain aux prises avec la langue comment il fait pour s’articuler à la langue lorsqu’il refuse tout discours établi. Avec Walser, comme Philippe Lacadée nous le montre en nous prenant par la main, nous apercevons une méthode, un style dont nous pourrions nous servir, même s’il est inimitable.

Un livre qui allie goût de la poésie et psychanalyse. Psychanalyste sommes nous poètes assez ?

une langue poétique qui renouvelle la psychanalyse et nous amène
à l'interrogation

Prenant au sérieux l'invitation de Lacan à "apprendre de l'artiste", comme lui même le fait avec Duras, ou Joyce (à qui un séminaire entier est consacré), Philippe Lacadée prend à par la main Robert Walser pour examiner sa voie singulière, sa manière propre de faire roman du réel, mais également pour nous introduire à la pertinence du dernier enseignement de Lacan aussi bien pour lire cette oeuvre particulière que pour aborder les complexités de notre époque avec les outils de la psychanalyse. Il démontre ainsi que Lacan a transformé la psychanalyse pour la mettre à la hauteur de l'époque qui s'annonçait et pour que chacun puisse s'y appuyer au XXIe siècle.

"Ne demande jamais ton chemin, sinon tu ne pourrais pas t'égarer" disait le Rabbin Naham de Braslaw L'ouvrage de Philipe Lacadée est une promenade magistrale dans l'univers de la schizophrénie qui fait l'éloge de la caresse au sens de Levinas. un ouvrage majeur à découvrir et à conseiller !

L'Expérience d'écriture de Ph Lacadée est comme un véritable théorème poétique j'y vois une vision proche de celle de Nietzsche quand il écrit : je ne suis ni esprit ni corps mais une troisième chose. Cet ouvrage admirable m'évoque l'écrivain Roberto Juarroz quand il écrit :
la part du oui qu'il y a dans le non
et la part du non qu’il y a dans le oui sortent parfois de leur lit
et s'unissent dans un autre lit
qui n’est ni oui ni non.
Dans ce lit court le fleuve des plus vives eaux
Le mot est le lieu de rencontre entre le continu et le discontinu, le vivant et le pensant, l'actualisation et la potentialisation, l'homogénéité et l'hétérogénéité. Le langage est un véritable phénomène quantique. Le langage est ainsi la frontière qui permet le contact entre l'homme et la réalité. Il est la matrice de la réalité, la vie de la pensée dans son cheminement vers la signification Merci à Philippe Lacadée

Avec le très beau livre de Philippe Lacadée, on sort vraiment des querelles stériles sur la légitimité de la psychanalyse à parler des écrivains ou de la littérature. Ce qu'il nous dit : que les écrivains participent aussi à l'invention de la psychanalyse. Le livre interroge le rapport à la langue et aux autres avec une grande intelligence et délicatesse, ce qui ne va pas toujours ensemble .Il a aussi une grande force poétique, au sens étymologique : la neige comme métaphore...

Le livre de Philippe Lacadee offre une extraordinaire ballade, dans les méandres de ce qui uni et désuni un corps et une langue. Ce n'est pas un livre qui apprend ou qui veut enseigner, c'est un livre qui emmène et, ce faisant suivant les traces signifiantes de Walser de surcroit, nous enseigne.

Il faut se laisser promener dans ce magnifique ouvrage qu'à écrit Philippe Lacadée sur Robert Walser pour être touché jusqu'au plus profond de notre être ; à lire absolument !