Que veut dire lire de nos jours ? Là où les diagnostics des « dys » peuplent les discours éducatifs et cliniques autour de l’enfant en souffrance, cette question a motivé mon envie de découvrir ce qu’Anne-Marie Picard pouvait en écrire, la quatrième de couverture mettant en avant une réflexion autour de la notion de « devenir lecteur », de « plaisir de lecture » et du va-et-vient entre littérature et écriture. En somme, un cheminement sur les routes du langage, de la lettre, de la langue.Parcourir ce livre s’est avéré, pour ma part, une tâche ardue et complexe. Parasité, par un grand nombre d’informations, de citations, de références (cliniques, philosophiques, littéraires, psychologiques), il est parfois difficile de trouver le fil conducteur qui mène le développement.

La réflexion d’Anne Marie Picard trouve ses points d’appui davantage auprès d’écrivains et de textes de références que dans une clinique de l’enfant. Elle démontre comment l’accession à la lecture nécessite pour l’enfant d’en passer par certains processus psychiques pour que la symbolisation de l’écriture s’opère.Les hypothèses de l’auteure dans la deuxième et troisième partie se dégagent plus nettement. Le lecteur peut alors accompagner sa réflexion par l’articulation entre passages littéraires et ce que peut signifier pour un sujet l’entrée dans l’écriture et dans la lecture.

Anne Marie Picard « emboîtant » l’un et l’autre montre en quoi le langage et plus précisément la littérature sont un processus sublimatoire. Elle nous montre également comment la lecture peut être assimilée à une position féminisante. Comment la lettre peut être d’un corps et l’écriture une tentative singulière permettant ou non une position de sujet. Son développement autour des textes d’Hélène Cixous et d’Anne Hébert fournit un éclairage intéressant sur ce qui de la langue maternelle, de son refoulement ou non, de la notion de nom du Père, peuvent à travers le texte, parler du sujet (ici l’héroïne/écrivaine pour H. Cixous et le conteur pour Anne Hébert). " La folie ou l'écriture ? L'enfant, objet impuissant de la jouissance maternelle, ou assujet de son roman familial, c'est-à-dire figure de l'inachèvement, du projet d'être, d'un sujet humain en puissance, incarne donc souvent la littérature même. » (p142).

Même si Anne-Marie Picard s’attache à définir les concepts qu’elle utilise, une connaissance de la théorie psychanalytique est nécessaire pour parfois déchiffrer certaines articulations et enchaînements. Ce livre suscite la réflexion, mais s'adresse il me semble à des lecteurs avisés. Les arguments développés sont souvent intéressants et pertinents, mais le lecteur reste sur sa faim, souhaitant d’autres articulations et étayages.

Marion Bouygues

Groupe de lecture de Marseille