Bruno Clavier, après un parcours assez ouvert et diversifié qui l'a conduit de la musique aux arts martiaux, s'est formé à la psychanalyse. Il l'exerce depuis plusieurs années en s'intéressant plus particulièrement à la dimension du transgénérationnel dans la vie psychique et à son impact dans les cures . Il est imprégné des travaux de Nicolas Abraham et de Maria Török, de ceux de Françoise Dolto et surtout de Didier Dumas. Mais ce livre n'est pas un travail de théoricien, le souci de l'auteur est visiblement d'écrire un ouvrage clair , dans une langue très accessible pour faire connaître, populariser et apprécier la psychanalyse transgénérationnelle

.Cette notion, assez à la mode de nos jours, suscite en retour une légitime méfiance surtout quand elle s'abâtardit en psychogénéalogie. De quoi avons nous véritablement hérité avec ce concept de transgénérationnel? S'agit-il d'un concept dont la saisie peut-être proposée de manière réaliste à notre pratique et à notre théorisation. L'auteur répond tres affirmativement.

Si la psychogénéalogie a eu le mérite d'apporter un éclairage fondamental sur l'importance des traumatismes et des conflits affectifs de nos ancêtres dans notre constitution psychique, la psychanalyse transgénérationnelle nous rappelle aussi la dimension inconsciente que nous partageons avec eux, en nous montrant à quel point nous sommes tributaires de la façon dont ils ont vécu ces traumatismes. Elle permet de repérer l'importance des non-dits ancestraux dans le domaine de la sexualité et de la mort.

Distinguer inconscient familial et inconscient individuel permet alors de ne pas les confondre et ne pas tomber dans des impasses thérapeutiques. Il ne s'agit pas de rechercher une hypothétique « faute originelle » mais de comprendre quelles sont les circonstances qui ont fait que les traces d'un traumatisme on été occultées par le silence .

Les première et deuxième parties de l'ouvrage présentent des cas de femmes et d'hommes nous faisant comprendre comment le dispositif psychanalytique, ce que l'on appelle « la cure », peut se dérouler en tenant compte de ces deux inconscients individuel et familial.

La troisième partie est constituée de cas d'enfants qui, en la présence de leurs parents racontant leur histoire et celles de leurs ancêtres, ont guéri, souvent en quelques séances, d'« aberrations » psychiques qui enkystés chez un adulte, en auraient fait des cas psychiatriques lourds .

Si la sexualité et la mort – questions au centre de la filiation – sont deux composantes de l'existence qui nécessitent d'être parlées aux enfants, il leur est aussi nécessaire de connaître, de la part de ceux qui les ont mis au monde, les bonheurs et les drames de leurs ancêtres : sans cela, les mots occultés deviennent autant de vides de représentations que leurs symptômes précoces tentent de colmater sans succès.

En quatrième partie, Bruno Clavier nous présente une étude transgénérationnelle d'Arthur Rimbaud, de Vincent Van Gogh  ainsi qu'une relecture de la théorie freudienne à travers «les fantômes de Freud ».

C'est donc à partir de cas singuliers d'adultes, d'enfants et d'hommes célèbres, qu'il nous invite aussi à un voyage au pays des « fantômes familiaux », là où tout ce qui n'est pas dit est répété.

Il conviendrait cependant que le lecteur, insuffisamment mis en garde par l'auteur qui à tendance à s'auto-émerveiller de ses succès, ne tombe dans la fascination pour une sorte de « clef des problèmes » sur le modèle des «clefs des songes» expliquant la complexité des conflits et ambivalence humains à partir de quelques éléments structuraux. Danger de simplification , danger d'un procédé mécaniquement appliqué.

En résumé un ouvrage de sensibilisation , d'une lecture aisée qui devrait plutôt inciter son lecteur à aller creuser les œuvres de S. Ferenczi, N. Abraham , M.Török, de R. Kaes ( qui n'est d'ailleurs curieusement pas cité par l'auteur) et de s'intéresser aux travaux qui dans la lignée de ceux d'André Green abordent les tentatives que peut mener l'enfant pour soigner son parent.