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La clinique de Winnicott.Laura Dethiville. Éditions CampagnePremière ; Paris. 2013
Critiques du même auteur
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Laura Dethiville, psychanalyste, membre de la Société de Psychanalyse Freudienne (S.P.F.) travaille depuis de nombreuses années sur Winnicott ; elle nous a déjà donné un « Donald W. Winnicott une nouvelle approche » aux éditions Campagne Première. Celui-ci constituait une intéressante clarification dans une œuvre dispersée, aux concepts parfois confus dans leur extension.
Alors que ce premier livre s’intéressait plus aux articulations théoriques de l’œuvre de Winnicott et à sa vie, celui-ci est un bon vade-mecum pour qui souhaite comprendre concrètement sa clinique.
Celle-ci est saisie autour d'un certain nombre de thématiques qui constituent des points clefs de la réflexion winnicottienne. L'auteure aborde ainsi successivement la consultation thérapeutique, le « squiggle », le père, la famille, la tendance antisociale et la déprivation, l'agressivité et la destructivité, l'adolescence, la régression, l'espace de jeu dans la cure. Elle le fait systématiquement en prenant des exemples dans sa propre clinique.
Sur chacun de ces thèmes elle montre que ces notions centrales dans l’œuvre de Winnicott ont pu donner lieu à de mauvaises interprétations, voire à des contre-sens. Je pense ici notamment à ce qu'elle dit de la place que Winnicott accordait au père qui va bien plus loin que le rôle d'un « Saint Joseph utile », nécessaire pour obtenir un environnement maternel suffisamment bon. Elle souligne le rôle d'objet total du père face à celui d'objet partiel auquel se prête la mère. C'est ainsi que Winnicott souligne «que le père doit être un père paternel et non le père-qui-remplace-la-mère (the standing-in-for-mother-father) » car pour lui « l'enfant n'a pas besoin d'un père en deuxième mère ». Elle repère l'importance des « fantasmes inconscients de maternité chez les jeunes pères qui voudraient être, pour leurs enfants, des « mères » tout aussi complètes que leur épouse. »
On trouvera par exemple dans le chapitre régression une intéressante digression sur la notion de cadre où elle distingue le « frame » soit le cadre convenu entre analyste et analysant, c'est-à-dire la durée, l' horaire et la fréquence des séances, le montant des honoraires, conventions établies quant aux périodes de congé aux séances manquées, du « setting » qui rassemble la situation analytique dans son entièreté, incluant les aspects subjectifs de la relation, la communication silencieuse non verbale, ainsi que la façon de formuler les interventions, le maniement du transfert. Le « holding » définira la manière dont l'analyste « contient » la situation de façon fiable.
Le chapitre consacré à la famille souligne, à une époque où prédomine un chacun pour soi certain, le rôle intégratif de chaque membre dans une famille y compris et surtout celui de l'enfant. On peut alors comprendre l'importance que représente pour un sujet la possibilité de retourner chez les parents, vers son milieu d'origine, au début des choses pour pouvoir faire de la séparation « un facteur de croissance au lieu d'une rupture de la personnalité de l'individu ».
Et ceci aussi concernant la conduite de la cure: Winnicott pensait que chaque patient est doté d'un potentiel de créativité qui se trouve alimenté et nourri par les interventions de l'analyste. L'auteure souligne que le développement de cette créativité chez le patient n'est pas atteint par des interventions doctrinales ni même informatives de l'analyste mais bien au contraire qu'elle se met en place à travers la problématique du « créé trouvé » : le psychanalyste sème dans l'espace transitionnel, entre lui et le patient, des idées qui vont rester tranquillement « en dormance », comme on dit à propos des graines qui peuvent parfois germer longtemps après qu'on les ait semées, alors qu'on désespérait les voir sortir un jour. C'est seulement quand le patient sera prêt à les accueillir et à les intégrer dans un sens résolutif à sa problématique interne qu'elles pourront être «utilisées ». Elles étaient là, en attente d'être trouvées. Ce processus permet de comprendre ce que Winnicott entend par « utilisation de l'analyste », qui décrit en réalité l'utilisation par le patient de la situation analytique. Effectivement l'analyste doit savoir attendre mais ça ne signifie pas être inactif ou endormi « il s'agit de tolérer d'accepter les moments d'arrêt, tout en maintenant l'environnement adéquat qui a manqué au départ » . Laura Dethiville recommande particulièrement cette méthode de travail pour les patients qui utilisent une intellectualisation perpétuelle de leur vécu. « Pour ce type de personnalité, l'analyse avec un analyste aussi impersonnel que possible, majoritairement silencieux et formulant de temps à autre des interprétations parfaitement justes, ne fera que renforcer la collision avec le faux self de ces patients »
Nous aurions aimé que l'auteure reprenne et clarifie une entrée sur l'objet et l'aire transitionnels (même si un chapitre de son premier ouvrage abordait la question) tant l'on peut voir actuellement combien ces notions sont invoquées et accommodées inconsidérément !
Signalons enfin que livre est accompagné d'une recension complète des publications françaises de Donald Wood Winnicott dans laquelle chaque article est renvoyé au livre dans lequel il est paru. C'est un outil très précieux pour s'y retrouver dans une production abondante et que les éditions récentes ont parfois brouillée. Nous pensons notamment aux titres thématiques « inédits » sous lesquels les éditions Payot rééditent pour plusieurs auteurs psychanalytiques des œuvres déjà existantes en français. Le lecteur inattentif ou naïf pense avoir affaire à un titre inédit alors qu'il possède peut-être déjà ce texte.
Ce petit livre invite le lecteur clinicien non seulement à travailler des repères indispensables pour éclairer sa pratique, mais il est sûrement une incitation à la déployer plus librement.