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Justice et perversion
Justice et perversion
19/5/2011
Affaire DSKInjustice et perversion
Dans cette affaire, on n'a pas trop pensé parce qu'on est fasciné par l'instant crucial où se joue le destin d'un homme. On aime l'idée de voir toute une vie se trancher en quelques minutes - quitte à déplorer, s'indigner, s'apitoyer, s'offrir toutes les friandises mentales qui vont avec. Cette fascination et ce rituel macabres ont été voulus, organisés par la juge américaine, qui a d'emblée entériné la parole de la femme et qui, avec un sourire ironique (très visible sur la vidéo de l'audience) a décidé de traiter l'homme en criminel dangereux. Veut-elle venger sur un homme toutes les femmes qui n'ont pu faire juger leur violeur? (J'ai eu quelques juges en analyse et j'ai frémis devant ceux qui partaient bille en tête pour défendre le Bien.) Même la loi du Talion, qu'on évoque avec mépris, était un progrès sur la loi de la vengeance, puisqu'elle pose que lorsque, par exemple on crève un œil, on donne non pas un œil, encore moins sa vie, mais l'équivalent d'un œil ("œil pour œil"). Ici, le "crime" envisagé est très - très - improbable. Un homme ne tente pas de violer une femme dans un espace nullement désert, dans un lieu où elle peut appeler, menacer, porter plainte (cela suppose que cet homme est presque fou, violemment compulsif) sans avoir de sérieux antécédents. Or jusqu'ici, cet homme n'a violé personne. Une ou deux femmes se plaignent de lui, (elles cherchent avant tout la vérité, c'est clair), mais elles décrivent des dragues insistantes, voire un peu lourdes, pas des agressions. Et des journalistes rappelant qu'ils ont toujours pointé ce trait de son caractère, décrivent aussi un dragueur insistant, mais pas un agresseur, encore moins un criminel. Bref, si cet homme devait agresser dans un espace quasi public, une femme dont il peut deviner qu'elle se plaindrait, il faut qu'il ait déjà un passé d'agresseur. Or c'est un séducteur insistant, et cela n'a rien à voir: un séducteur jouit de rendre la femme consentante. Loin d'imposer un "je veux", son but est d'obtenir qu'elle veuille. On est forcé de penser qu'elle voulait, au départ, et qu'elle a pu changer d'avis, sans que l'homme intègre ce changement à la minute. La limite, plus qu'incertaine, a pu être franchie, mais y a-t-il eu coups et blessures? fellation? quelques griffures? (Si elle a dit "oui" au départ et que ce "oui" cache un "non", il faudrait voir ce que ça cache. Même le "oui" marital peut cacher des "non"…) Pour qu'il y ait forçage, il faut que la pulsion sexuelle du sujet, qui n'est pas dans une grande privation, l'emporte sur sa pulsion narcissique, celle de son image, de son avenir, de son prestige, etc. Il faut qu'il soit non pas dans la séduction, mais dans un état d'inconscience mu par le besoin de détruire l'autre, dans sa personne, son identité, son nom (c'est plutôt ce qu'a fait la juge envers lui, et sans risque). Il faut que notre homme soit dans une épreuve de force avec le "père" ou le symbole qui le représente, qui peut être la femme, la mère ou l'enfant... Dès lors, les détails scabreux du "crime" ne tiennent pas (il lui a par deux fois "touché la bouche avec son sexe") sauf si c'est un fétichiste de la fellation forcée, ce qui là encore exige des antécédents, et qui semble très risqué (morsure).
Une fois posé ce "crime", on interprète ses actes en fonction de sa culpabilité supposée: il est parti, donc il a fui, donc il est coupable. Or un fuyard ne rappelle pas pour qu'on le localise. De même, on a peur qu'il échappe à la justice, or il peut promettre d'être présent lors du procès, il peut donner sa parole; mais non, la parole d'un homme ne vaut plus rien, et de façon définitive, s'il est accusé d'avoir commis cette tentative. En somme, s'il a commis cette chose ou s'il en est accusé (ce qui semble revenir au même) on peut n'avoir aucun égard pour l'ensemble de sa vie.
L'acte pervers de la juge américaine (qui vise d'abord à briser l'autre tout en feignant de rendre justice) aura des effets pervers. Déjà, il suggère de traiter les femmes comme des enfants dont la parole, forcément vraie, prime d'avance sur celle de l'autre, de l'adulte tout-puissant, de l'homme qu'on pourra toujours suspecter. Assez d'hommes ont peur de la femme (vu le lien à leur mère) mais si la loi "justifie" cette peur, les rapports entre les sexes n'iront pas mieux. Les femmes seront ainsi suspectées. Déjà que la libido se raréfie, beaucoup d'hommes verront leur désir entamé par l'idée de risque, celui de la fausse accusation. On pourrait dire "bonjour la parano".
Autre effet pervers: on a ici très peu parlé de la femme supposée victime. Mais c'est que beaucoup de gens, très respectueux des femmes, beaucoup de femmes même, n'y ont pas pensé, tant elle est quasiment identifiée à deux blocs super-puissants, la police new-yorkaise et la justice américaine; cela a masqué son aspect victime au profit de l'aspect bourreau. Et elle redevient victime mais autrement, du fait d'être derrière des bourreaux, identifiée à ce drame pour longtemps.
Et si en fait, l'Institution judicaire nous lançait un message? du genre: il faut pas moins que ça, que cette justice terrifiante, pour assurer le vivre ensemble! Et comme, pour celui-ci, on ferme déjà sa gueule (consensure), on a des peurs variées mais qu'il ne faut pas montrer, sous peine d'être pointé "phobique" de ceux-ci ou de ceux-là, si on ajoute cette phobie-là (femmophobie? mais le nom est déjà là: misogynie), que restera-t-il pour vivre ensemble? Bref, il n'est pas bon qu'un homme soit "tué" sans jugement sur la parole d'une femme qui s'appuie sur l'hypothèse pathologique la plus extrême.
Daniel Sibony
Psychanalyste, écrivain. A publié récemment: marrakech, le départ, roman, et Les sens du rire et de l'humour, (Odile Jacob)
www.danielsibony.com et www.youtube.com/user/danielsibony
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Comments (14)
"Un homme ne tente pas de violer une femme dans un espace nullement désert, dans un lieu où elle peut appeler, menacer, porter plainte (cela suppose que cet homme est presque fou, violemment compulsif) sans avoir de sérieux antécédents. Or jusqu'ici, cet homme n'a violé personne."
C'est pas un peu circulaire votre argument là : tant qu'on a pas violé on viole pas...
De plus, sur un plan factuel, c'est pas la juge qui a poursuivi ni inculpé DSK, elle a juste décidé de ne pas le libérer. Ceux qui accusent, ce sont la police et le procureur, et ceux qui ont inculpé, 23 hommes et femmes de NY... Je veux bien croire que tous l'ont fait parce qu'ils voulaient "venger" toutes les femmes victimes de viol, bien que ça me paraissent fort peu probable, mais en attendant ne vous acharnez pas sur une femme qui a fait son travail, sinon on va finir pas croire que vous êtes le principal femmophobe dans l'histoire. Ah, en fait, on le croit déjà...
Pendant que DS nous assure qu’ « Ici, le "crime" envisagé est très - très – improbable… » , je relis l’« Honneur perdu de Katharina Blum » de Heinrich Böll et j’y trouve ce passage :
« Qui donc en effet serait prêt à la croire capable d'avoir résisté à un homme comme Sträubleder, non seulement fortuné mais encore célèbre dans les milieux politiques, économiques et scientifiques pour son charme vainqueur, à un séducteur en somme comparable à un acteur de cinéma ; qui en vérité serait prêt à croire qu'une simple employée de maison comme elle aurait résisté à un acteur de cinéma et de surcroît non pour des raisons de moralité mais simplement de goût ? »
Je reprendrais volontiers la proposition d’Irène Théry qui proposait l’autre jour sur France-Inter d’ajouter à la présomption d’innocence, la présomption de véracité.
Une amie a été complètement bouleversée par la lecture de ce papier de Daniel Sibony d'abord parce que ça l'a renvoyé avec effroi à certaine histoire de son enfance, et puis parce que cette prise de position passionnelle et très personnelle est signée DS "psychanalyste".
Joseph Gazengel
Entre Éros et Thanatos, avec lesquels on nous emmerde depuis des siècles :
Même si comme tout le monde, j'ai un point de vue (de citoyen exclusivement) sur cette "affaire", je suis resté en réserve, faute d'informations fiables sur la "scène originaire" de ce drame. En revanche, je me demande pourquoi, des psychanalystes (toujours les mêmes : JAM, Le Point et ADW, Libération) se précipitent, pour "éclairer" ou "faire l'éducation freudienne du peuple ignorantin", de leurs fariboles psychanalytiques. Il est vrai, que ceux que je vise ici, montés sur l'escabeau des médias dès les premières heures, ont pour certains une vocation de lampadaire. On a les lumières que l'on peut. Vouloir donner un sens univoque, ou "inventer" un nouveau concept, type empreinte digitale à résonance policière curieusement, à propos d'un évènement, pris comme la manifestation affirmée par eux d'être "sinthomatique" d'un sujet qui, à ma connaissance, n'est pas en analyse avec eux, est une escroquerie intellectuelle. Elle n'est pas sans effet, puisque ce symptôme social, ils le renforcent : ..."On le savait...répète à l'envi Le Journal, informé par les initiés. Quant à "La Femme qui n'ek-siste pas", mais que l'occasion fait exister, elle est cause de ce qu'une femme comme toujours, a fait une mauvaise rencontre avec tout le monde, qu'elle dise vrai, ou qu'elle mente, elle sera broyée.
Patrick Valas le 23/05/2011, Sur Facebook.
Le 27 mai 11 à 15:44, adeline monjardet a écrit :
Jeudi 26 Mai, suite lecture du mail enflammé de M. Sibony :
Que ce courrier est choquant !
Je ne veux pas rentrer dans tous les détails de l'argumentaire de M. Sibony, mais quelle passion et quel acharnement à défendre DSK et semble t-il nous dire, de tous les hommes derrière lui, pris d'un bloc ... Quelle diatribe !... Il nous parle de vengeance de la justice américaine, de fascination et de rituel macabres ... je n'ai pas vu cela dans l'arrestation de DSK, quoique l'on puisse déplorer une fois encore l'extrême jouissance de la presse à s'emparer de l'affaire. De cette jouissance d'ailleurs, nous sommes bien complices en nous focalisant sur "l'affaire" DSK depuis huit jours, dans toutes les conversations de cantine, de bureau, familiales ...
Mais quoi ! Est-ce une "affaire" si anodine ? Une femme, un puissant ... est-ce deux poids, deux mesures ? Surtout si ce puissant là a tous les moyens (argent, réseaux politiques et amicaux, avocats) pour nous persuader que c'est si peu de choses, c'est si banal de "baiser" une femme contre son gré et si elle ne veut pas, se débarrasser de la "chose" par une fellation obligée ... C'est cette banalité là même qui devrait nous scandaliser. Coupable oui, d'indifférence à cette femme, voire de mépris par la bouche de son avocat qui va rechercher tout indice, même le plus maigre, pour la placer, sans coup férir (et sans aucun état d'âme) dans le camp des coupables.
A t-elle une fois dans sa vie fait un mensonge, un faux papier pour quitter son pays, n'importe les circonstances, la tâche fera tâche d'huile : qui a menti une fois ne peut plus être pris au sérieux ...
Se moque t-on ? On serait dans du Molière, du Misanthrope à Don Juan ou au Mariage de Figaro, on trouverait l'affaire sérieuse, digne d'être racontée, digne de prendre la défense de la femme, probablement séduite, probablement innocente, peut-être imprudente. Une femme banale (d'ailleurs peut-être pas tant que cela, si on regarde de près son parcours de vie, plutôt courageuse, n'est-ce pas ?)
Monsieur Sibony, je ne vous comprend pas.
Je croyais vous apprécier à travers quelques uns de vos livres. Je ne vous acheterai plus, je ne parlerai plus de vous qu'à travers cet écrit. Je ne suis pas féministe comme vous êtes machiste, excusez-moi ce terme s'il vous déplait. Mais je ne vois que cela dans votre courrier.
Que les hommes sont faibles ..., psychanalystes compris dès qu'il s'agit de leur orgueil.
Encore une fois, la réalité s'impose ... vous n'êtes pas meilleurs que n'importe lequel d'entre nous (aussi faibles, aussi influençables, aussi menés par l'ego surdimensionné)
Dommage, j'avais encore quelques illusions, elles sont tombées.
Une femme, parmi d'autres, sans autre revendication que d'être un être humain à part entière
Sur un aspect inconscient de l’« effet DSK » et en commentaire de l'article de Daniel Sibony, par Gérard Huber, www.gerardhuber.fr
Le texte que l’on va lire n’est en rien une prise de position sur ce qu’a fait ou n’a pas fait Dominique Strauss-Kahn. Il ne saurait pas non plus être considéré comme l’expression d’une volonté de faire interférer la psychanalyse avec la situation et la décision judiciaires.
Je tente seulement d’expliquer la passion des gens pour un événement qu’ils vivent, en France, comme une tragédie personnelle, puisqu’ils ne cessent d’en parler. Sans doute les médias contribuent-ils à l’appropriation hypnotique de cette tragédie, du fait qu’ils ne cessent de donner aux spectateurs le sentiment qu’ils vont parvenir à remonter le temps et à vivre la « scène du crime » comme s’ils y étaient. Mais les médias – c’est-à-dire ici les journalistes – sont eux-mêmes pris dans le contexte inconscient dont je vais donner l’interprétation.
Cette interprétation est la suivante : sur le plan fantasmatique, la « scène » est le rapport sexuel perçu par l’enfant comme violence (ce que Freud appelle « scène primitive »), et si c’est un « crime », c’est parce qu’elle est vécue comme la preuve (le « smoking gun ») du passage au réel d’un fantasme fondamental : celui de la ruine Œdipienne. Sur le plan inconscient, en effet, le criminel n’est pas le père, mais l’enfant qui veut sa mort pour le punir de sa méchanceté. La chute du puissant qui a commis un crime sexuel, voilà le contenu du scénario inconscient Œdipien. Indépendamment du rapport à la réalité, ce scénario renvoie à la criminalité du désir. Sur le plan inconscient, en effet, la question de savoir si ce crime a été commis ou non ne se pose pas plus que celle de savoir si l’auteur du crime sait qu’il est un criminel. Il y a « scène de crime », un point c’est tout.
En chacun de nous, c’est-à-dire en chaque infantile en nous, réside, en effet, la crainte suprême que le père ne s’effondre sous le reproche dont on l’accuse : d’avoir joui de la mère. Puis, cette crainte disparaît, au fur et à mesure que s’accroît la compréhension de la vie sexuelle. Mais, elle n’en continue pas moins d’agir dans l’inconscient. La plupart du temps, cette action est sans effet. Mais, lorsque le sujet se confronte à un conflit familial, le refoulé fait retour et elle produit des effets.
Vous me direz que les protagonistes réels de la réputée « scène du crime » n’ont rien à voir avec les protagonistes fantasmatiques, et cela est vrai dans la réalité. Mais, si c’était complètement le cas, et c’est là que l’Inconscient intervient, cette « scène de crime » ne passionnerait pas comme c’est le cas aujourd’hui. Il faut donc tenter une explication. La voici : ce qui frappe, c’est que, si chacun s’approprie, en France, ce qui arrive à Dominique Strauss-Kahn, qui pour le sanctifier, qui pour le condamner, c’est parce que la collectivité vit cette tragédie comme un conflit familial/national. Et c’est là qu’intervient le signifiant « juif ».
En effet, sur le plan de l’affect, nous avons ici une « Affaire Dreyfus » à l’envers. A l’époque, la question était d’accepter ou de refuser que Dreyfus fût de la famille, au sens de la nation. Aujourd’hui, il ne s’agit pas de cela : DSK fait partie de la famille/nation. C’est ce qui est clairement exprimé, lorsque l’on associe à son nom le thème de la volonté qu’avait le pays de faire la preuve qu’il acceptait qu’un Juif accède à la Présidence de la République. Le pays aurait voulu faire la démonstration qu’il était passé au-delà de la repentance. Or, on vient de l’en priver.
Ce qui veut dire que, d’une certaine manière, c’est ici le mot « juif » qui fait communauté en France, et donc, parce qu’il fait de la France une communauté, ce qui arrive à DSK qui est juif, est vécu dans notre pays comme une histoire familiale.
« Scène primitive » et « signifiant juif » n’ont, en eux-mêmes, rien à voir l’un avec l’autre. Mais il se trouve que, devant la « scène du crime » dont nous ne cessons de parler et d’entendre parler, ils participent d’un même univers sémantique et figural inconscient.
Et que tout cela soit l’effet d’un événement qui s’est passé aux Etats-Unis n’est pas pour nous surprendre, ces Etats-Unis dont Freud avait pu dire qu’ils étaient une immense erreur, alors qu’il aurait du dire qu’ils étaient un immense miroir tendu au fantasme.
J’ajoute, ici, un commentaire, en date du 25 mai 2011, de l’article « Affaire DSK Injustice et perversion » que Daniel Sibony vient de publier sur son blog www.danielsibony.com, qui me donne l’occasion de développer l’avant-propos de l’analyse que j’ai proposée de l’« Effet DSK ».
En effet, il prétend à une légitime interférence du psychanalyste avec la justice américaine, lorsqu’il affirme que « fascination » et « rituel macabres » ont été « voulus, organisés par la juge américaine ». A la fin de son article, il parle même de « l’acte pervers de la juge américaine ».
Or qu’est-ce que ce psychanalyste affirme pouvoir dire en tant que psychanalyste ? Que la juge « a d’emblée entériné la parole de la femme et… décidé de traiter l’homme en criminel dangereux. » Il voit donc dans la posture de ce juge une prise de position sexiste et féministe et la soupçonne de vouloir faire un exemple au nom de « toutes les femmes qui n’ont pu faire juger leur violeur ».
Jusques là, rien que de l’idéologie.
Mais Sibony tente de faire passer cette idéologie pour de la « science » psychanalytique, lorsque, sans crier gare, et entre parenthèses, c’est-à-dire sans que l’on sache exactement si l’argument développé fait partie du raisonnement ou n’en est qu’une illustration, il se réfère à sa propre pratique psychanalytique.
Cette fois, ce qui sert à faire passer l’idéologie, c’est le contre-transfert non résolu de Sibony sur des « juges » (je mets « juges » entre guillemets, car ce ne sont là que des figures sémantiques dans son discours), agrémenté d’un commentaire biblique du « œil pour œil », par ailleurs juste, mais dont on se demande ce qu’il vient faire ici, sinon annoncer que « le « crime » envisagé est très – très – improbable ».
Comme Sibony est persuadé que la juge américaine veut faire payer DSK pour les violeurs, il s’efforce de démontrer, analyse d’une vidéo à l’appui, et en reconstituant le passé de DSK comme s’il avait accès au dossier de sa vie antérieure, que « jusqu’ici, cet homme n’a violé personne ».
Puis, afin de faire passer l’image qu’il a, lui, Sibony, de DSK, il liquide rapidement les plaintes d’« une ou deux femmes », au prétexte qu’elles « décrivent des dragues insistantes, voire un peu lourdes, pas des agressions. »
C’est dire, que, cette fois, il prétend se placer du point de vue de la distinction judiciaire, ce qu’il ne peut, pourtant faire, pour donner ni plus ni moins que son avis sur la séduction. Ce qui ne manque pas de nous dire, au passage, où il se situe dans le cadre du débat sur le statut de la séduction dans la théorie psychanalytique.
Or, là où il se situe, c’est, ici, dans la posture d’une connaissance par ouï-dire de DSK, celle qu’il aurait obtenu des journalistes….
D’où sa conclusion : « On est forcé de penser qu’elle voulait (la femme/GH), au départ, et qu’elle a pu changer d’avis, sans que l’homme intègre ce changement à la minute. »
Cette fois, le « psychanalyste » ne se contente pas de « blanchir » l’ »homme », il se donne le droit de dénigrer la « femme ».
Au nom de quoi ? D’une reconstruction de la « scène primitive » comme s’il y était. Cette fois, il ne s’agit même pas d’« ouï-dire », mais d’« ouï-voir », le tout assorti de considérations soi-disant théoriques, je dis soi-disant, puisqu’elles ne portent pas sur des analyses de patients réels, à propos de la différence entre pulsion sexuelle, assujettie à la pulsion de destruction, et pulsion narcissique.
Je pense que Sibony a ainsi un boulevard devant lui, puisque le feuilleton médiatique ne fait que commencer et je lui souhaite beaucoup de patience pour faire le point sur tous les « ouï-dire » et les « ouï-voir » qui vont s’accumuler d’ici les diverses décisions de la Cour de justice américaine.
Mais la psychanalyse ne consiste pas à tourner un discours en boucle. Elle ne travaille pas à partir d’une idée préétablie pour démontrer qu’elle est juste. Elle n’interprète pas par avance les discours et récits des patients, a fortiori des gens qui ne se sont nullement présentés sur son divan. Enfin, elle n’est pas prospectiviste. Elle n’annonce pas des effets comme le fait le discours du prophète. Car ce qu’elle serait tenté d’annoncer pourrait être relativisé par une ou plusieurs autres annonces, en raison de la vie même des discours et récits des patients.
Au demeurant, sa conclusion est très éloignée de sa démonstration, puisqu’il se contente de dire : « il n’est pas bon qu’un homme soit « tué » sans jugement sur la parole d’une femme qui s’appuie sur l’hypothèse pathologique la plus extrême ».
S’est-il soudain rendu compte que la psychanalyse n’est pas une science exacte ?
P.Valas est sage. N' étant pas, comme il dit, informés de la scène originaire et la femme en question n'existant pas, je ne vois pas comment on peut faire des commentaires, mis à part sur soi-même. C'est d'ailleurs ce que tout le monde fait. Ce qui aboutit à des situations cocasses tant au sein de nos entourages que dans les médias. Quand j'entends Pierre parler de Paul, j'en apprends plus sur Pierre que sur Paul. Que dire à part dire qu'il faut se la boucler ? Ce que savent faire les psychanalystes.
Ma réaction au texte de Sibony est mitigée: à la fois il a raison sur un plan: pas d'affolements, ne jetons pas un homme en pâture à la jouissance médiatique; mais d'un autre côté ses arguments sont un peu flous, pour ne pas dire plus, manichéens: les méchants juges contre les bons prévenus; les femmes médisantes contre les pauvres hommes etc. Mais je l'ai passé sur le site de Psychasoc aussi, je connais un peu Daniel et apprécie par ailleurs son travail. Là je suis un peu surpris. C'est à mettre en débat.
La légende des sexes
Daniel Sibony a cru bon nous asséner sa vérité. Pourtant, aucune info ne le mentionnait à NY lors de l’affaire dont il traite. D’ordinaire il est psychanalyste. Ici, il ignore tout de l’acte manqué, de l’inconscient… DS devient un K !
Alors, quelle mouche l’a piqué ? Je n’ai aucun désir d’analyser l’analyste… Restons-en à son texte. Merci, DS de ne point nous faire la leçon. Nous en avons aussi en stock à vous servir, si vous le demandiez avant de dire « je sais »…
Je vais suivre un petit peu votre texte… Il se trouve que j’ai eu beaucoup plus de femmes de ménage à suivre en thérapie que de juges. Mais, tout de même je me souviens d’une femme juge, néanmoins noire, enfin métis, très réfléchie comme cette fonction le réclame, point commun avec celle de psychanalyste, en principe.
Improbable, dites-vous ? Donc pas impossible, comme nous le rappelle Marc Weitzmann et Shakespeare, avant les féministes, dans le Monde du 25 mai, où il a eu la chance de publier un excellent papier…
Vous écrivez que la chambre à coucher est un espace public. Ah ????
« On est forcé de penser qu’elle voulait au départ», re-ah ???? C’est ahurissant, cher DS. A moins que vous en fassiez une démonstration à charge ? Vous, qui, par ailleurs, avez parfois écrit des choses intéressantes, vous vous laissez emporter, par on ne sait quel motif, conscient ou non, à distiller de curieux propos. Allons, vous n’êtes plus drôle du tout, DS …
Re- Ah, Ah, « beaucoup de femmes n’y ont pas pensé » (à la femme de ménage)… Pourtant c’est cette indignation qui a motivé le regroupement, à Paris, dimanche dernier (22/05), de plus de 3000 personnes selon Le Monde, relevant les propos sexistes de la seule semaine précédente. Excusez, mais vous semblez piteusement en dehors de la plaque !
Toujours dans le Monde, le 18 mai, Hervé Kempf a montré combien derrière l’ hubris, le démesure, la nemesis, la destruction se profile. La barbarie du siècle précédent en témoigne. Et ça continue…
Alors, DS, je vais arrêter ma réponse à votre petit texte, en reprenant votre « bref » et sans vous infliger ma perception de cette réalité sous les oripeaux d’une réalité qui nous concerne tous par un point de vue général. Il n’est pas bon qu’un homme oublie l’autre, avec un grand ou un petit A… Il n’est pas bon que les limites ne soient plus posées et rappelées.
Catherine GRANGEARD
Psychanalyste.
La premiére réaction que je lis est de J.Gazengel, que je remercie.
Pas seulement des femmes "blessées"! Son message témoigne de ce que quelques hommes aussi sont atteints!
La qualification "perverse" jouée au bonneteau et passant de D.S.K. à la Juge n'honore pas la psychanalyse. Surtout si le transfert de qualification a pour pivot un regard de vidéo interprété.
Si des psychanalystes disent quelque chose sur ce sujet fascinant qu'ils ne se fient pas à des visions!
F.Wilder
s
Je ne vois pas d'intérêt à la première partie de ce texte, qui ratiotine sur des supposés détails - que D. Sibony ignore autant que nous autres -, et fait des suppositions oiseuses à propos cette "scène primtive" offerte à l'imaginaire du monde entier.
Je trouve même ça obscène.
Pourquoi aller encore "tartiner" sur ce que la presse nous déjà abreuvé jusqu'à l'écoeurement ?
La suite sur la justice américaine et sur l'éffacement de la présumée victime est un peu plus intéressante, mais si vite et si mal écrite que ça gâche le propos.
Je suis d'accord avec d'autres intervenants ici pour m'étonner du côté partisan de ce texte. Il faut garder raison : si DSK était plutôt "sympathique" à nombreux d'entre nous, il nous faut cependant accepter d'être confronté dans cette affaire à la "division". Eh oui, il est possible qu'un homme pour lequel nous avons de la sympathie a pu se conduire "comme un porc" (comme disent les ados). Cette incertitude et cette possibilité (de culpabilité de DSK) nous renvoie à notre propre potentiel d'infâmie, et je présume c'est l'une des choses qui nous est la plus douloureuse.
J'ajoute que la division est multiple : c'est le cas quand on doit à la fois envisager la possibilité de culpabilité de DSK, et en même temps garder intacte une conviction anti-puritaine.
C'est sur ce registre - sauvegarder l'éthique de liberté de moeurs et de préservation de l'intimité de chacun - que les ressorts pervers du traitement juridique et médiatique de l'affaire intérroge aussi la démocratie. Point qui fait jonction avec le texte deL.L.Vaguerèse.
je crois que cet article est surtout une réaction à quelquechose qui nous a tous choqués, la manière dont DSK a été offert en pâture à la jouissance juridico/médiatique, le déferlement de puritanisme haineux qu'on a eu l'occasion d'entendre d'un peu partout, haro sur le désir masculin imprévu et imprévisible, amalgame séducteur/violeur. Pour ce qui est de savoir ce qui s'est passé dans cette chambre au cours de cette "brève rencontre", nul ne peut dire de manière certaine s'il y eu ou non consentement de la femme au début, ou si DSK a juste cru que comme il le voulait, elle était "forcément" consentante. Mais pourquoi Daniel Sibony n'aurait-il pas le droit d'avoir, comme d'autres, une opinion, et la communiquer ? c'est trop respecter la psychanalyse que de demander que ceux qui la pratiquent ne s'exposent jamais et ne parlent que d'un lieu de certitude. Elle n'en demande pas tant !
un mois et demi plus tard, il semble - mais on n'en est pas encore sûr - que les faits donnent sans doute raison à Daniel Sibony - ce qui ne veut pas dire qu'il avait raison, il y avait 6 semaines, d'être si sûr, à ce moment-là, personne ne pouvait vraiment être assuré de rien ! les analystes sont ils critiquables d'avoir participé à cette incroyable catharsis collective qui à propos de cette affaire a déferlé dans tous les lieux où on parle et écrit ? je ne le pense pas. Peut-être le moment est-il venu pour un changement dans la représentation collective et caricaturale du psychanalyste comme maître à penser se situant au-dessus et au-delà des passions communes, les observant - et les dénonçant - de surplomb. Les analystes sont dans le monde, y compris pulsionnel et social, avec leurs patients, ils ne sont pas ailleurs, ils sont ici, avec, on peut l'espérer en tout cas, une part d'eux se portant vers l'au-delà de ce qui est, vers le possible, le non-réalisé, celui du patient, le leur,celui du monde dans lequel nous sommes immergés, ensemble. Si cette affaire DSK a eu, ne serait-ce qu'un peu cet impact, extraire certaines personnes de l'idéalisation - et donc la diabolisation - de la position de l'analyste, sa "neutralité", son "extra-territorialité", elle n'aura pas eu que des effets négatifs. Le travail analytique a peu de choses à voir avec le fait "d'avoir raison", il met au travail ce qui, pour le patient, et l'analyste, à leur insu, les saisit, "résonne/raisonne" entre eux. Il se trouve que sur cette affaire DSK, pour le regard qu'on a là-dessus aujourd'hui, où on a connaissance de faits inconnus il y a quelques semaines, Daniel Sibony a sans doute vu juste.
Cela ne rend pas son point de vue plus "analytique", ou moins, qu'il n'aurait été, si les faits lui donnaient tort. Etre analyste n'est pas être plus "lucide" que les autres, c'est, dans le cadre de chaque cure, savoir faire travailler ce dont on s'était d'abord aveuglé.