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Interview d'Élisabeth Roudinesco pour la revue Critique communiste, 178, décembre 2005
Interview d'Élisabeth Roudinesco pour la revue Critique communiste, 178, décembre 2005
Cet article nous a été confié par Élisabeth Roudinesco qui nous en a accordé la publication.
Nous remercions la revue "Critique Communiste" pour laquelle cette interview a été réalisée.
Critique communiste, 178, décembre 2005.
«Révisionnistes» et «comportementalistes» contre la
psychanalyse : le bio-pouvoir à l'œuvre.
à propos de "Pourquoi tant de haine? "(Navarin, 2005)
Entretien avec Élisabeth Roudinesco, par Antoine Artous
Historienne très connue de la psychanalyse et chargée
de conférences à l'École pratique des hautes études, Elisabeth
Roudinesco a publié une importante Histoire de la pyschanalyse
en France (2 volumes,1982, 1986, rééd. Fayard, 1994). Elle a
aussi publié de nombreux autres ouvrages, notamment Jacques
Lacan. Esquisse d'une vie, histoire d'un système de pensée
(Fayard 1993) et, avec Michel Plon, Dictionnaire de la
psychanalyse (Fayard, 2000). Elle vient de publier Pourquoi
tant de Haine ? Anatomie du Livre noir de la psychanalyse
(Navarin 2005). Ce « petit » livre décortique Le Livre noir de
la psychanalyse. Vivre, penser et aller mieux sans Freud
(Arènes, 2005). Rouge (n° 219) a déjà souligné ce qu'il faut
penser de ce Livre noir. Il est d'un noir inquiétant - tant
pour la pensée que politiquement – par la façon dont il traite
Freud et l'histoire de la psychanalyse, comme par la façon dont
il veut la faire disparaître aux profits des thérapies
cognitivo-comportementalistes (TCC) que l'Institut national de
la santé et le la recherche médicale (Inserm) érige en seule
théorie scientifique. « Menteur, charlatan, faussaire,
plagiaire, misogyne, drogué à la cocaïne, dissimulateur,
propagandiste, obsédé sexuel, avide d'argent et de pouvoir,
(Freud) est présenté comme une sorte de dictateur ayant trompé
le monde entier avec une doctrine fausse », écrit Elisabeth
Roudinesco. Naturellement, il est possible de critiquer la
psychanalyse. Les livres d'Elisabeth Roudinesco sont là pour en
témoigner. Ainsi, par exemple, dans La Famille en désordre
(Fayard, 2002), elle met vivement en cause l'homophobie, non
pas de la psychanalyse en général, mais d'un nombre important
de psychanalystes, qui s'est exprimée au moment du pacs et
continue à s'exprimer à propos de l'homoparentalité. Mais, ici,
il est question d'autre chose. D'abord d'une entreprise anti-
Freud et anti-psychanalyse qui, du point de vue du contenu et
de la forme, rappelle celles qui ont été menées contre Marx, le
marxisme et le communisme. Ensuite, une volonté de promouvoir
les TCC, particulièrement bien adaptées aux besoins de la
mondialisation néolibérale et aux politiques de normalisation
des conduites humaines qu'elle porte.
A.A.
Critique communiste. Le Livre noir de la psychanalyse comporte
un grand nombre de textes rassemblés par Catherine Meyer pour
les Éditions des Arènes. Ils sont très hétérogènes. Toutefois,
le livre est structuré autour de deux grands courants : un
courant d'historiens « révisionnistes » issus des Etats-Unis,
et des «comportementalistes », partisans des T.T.C.
Elisabeth Roudinesco. C'est un montage de textes de gens qui
n'ont rien à voir les uns avec les autres, sinon la haine
commune qu'ils vouent à la psychanalyse. Le regroupement de ces
deux courants est d'ailleurs une caractéristique française. Aux
État-Unis, les comportementalistes et les historiens dits
“révisionnistes» travaillent chacun de leur côté. Au demeurant,
les textes de ces derniers édités dans ce livre n'apportent
rien de nouveau, ils étaient déjà connus.
Critique communiste. Commençons avec les historiens dits «
révisionnistes ». Cela vaut la peine d'entrer un peu dans le
détail car ces discussions sur l'histoire de la psychanalyse
sont mal connues en France.
Elisabeth Roudinesco. Je précise pour qu'il n'y ait pas
d'ambiguïté qu'ils se sont eux-mêmes appelés ainsi. Il s'agit
en effet de réviser l'histoire officielle sur Freud et la
psychanalyse, celle racontée par Ernest Jones, mais surtout par
l'ensemble des sociétés psychanalytiques qui, toutes, et encore
aujourd'hui, ont tendance à produire des histoires officielles,
sans passer par un réel travail d'historien. C'est un problème
permanent de toutes les Ecoles que ce danger dogmatique. Au
départ il y a un «maître », un fondateur, dont la parole est
parfois subversive par rapport à la tradition, puis on
s'enferme dans la répétition talmudique. Jusque dans les années
1970, l'histoire de la psychanalyse était la chasse gardée des
psychanalystes qui refusaient que Freud et la psychanalyse
soient l'objet d'un regard historique extérieur. Soit de la
part d'historiens issus de l'intérieur du mouvement
psychanalytique, comme ce fut le cas de la première génération,
soit issus de l'extérieur comme la seconde génération. Moi, par
exemple, je suis issue de l'intérieur, mais je me suis faite
historienne. L'important est de considérer Freud et la
psychanalyse comme un objet historique comme les autres. À
l'époque, j'ai collaboré avec bon nombre de ces historiens
anglophones, étant d'ailleurs la seule en France à produire des
études historiques sur ces sujets.
Critique communiste. Vous expliquez que ces historiens
révisionnistes détournent l'oeuvre d'Henri Ellenberger.
Elisabeth Roudinesco. Ils font de lui un anti-freudien radical
qui aurait été le premier à dénoncer de prétendues impostures
freudiennes, alors qu'il n'utilise jamais un tel vocabulaire et
que, dans les années 1970, il a été plus simplement le
fondateur de l'historiographie critique dont je viens de
parler. J'ai d'ailleurs la responsabilité de son oeuvre en
France et j'ai assuré la publication de deux ses ouvrages
majeurs : Histoire de la découverte de l'inconscient (Fayard,
1994) et Médecines de l'âme. Histoire de la folie. Essais
d'histoire de la folie et des guérisons psychiques (Fayard,
1995). Ellenberger se situe un peu dans la même tradition que
l'école historique des Annales en France, il immerge Freud dans
la longue durée. Son histoire de la découverte de l'inconscient
montre qu'il y a un avant Freud, un moment Freud et un après
Freud. Ellenberger s'intéresse tout autant aux médecines
modernes de l'âme qu'aux chamans ou aux sorciers, ou encore à
la médecine de la Grèce ancienne. Mais attention, cela ne veut
pas dire que pour Ellenberger tout se vaut, c'est un homme des
Lumières. Simplement, c'est un historien des sciences, il
inscrit le développement des sciences dans l'histoire.
Critique communiste. C'est important : inscrire les sciences
dans l'histoire, donc dans les vérités d'une époque, sans pour
autant tomber dans le relativisme absolu, dire que tout se
vaut.
Elisabeth Roudinesco. Prenons l'exemple de l'histoire de Mesmer
au XVII° siècle. C'est un médecin viennois qui soutient que les
maladies nerveuses proviennent d'un déséquilibre dans la
distribution d'un « fluide magnétique » qui se diffuse dans le
monde vivant. Sa théorie a un contenu rationnel . Comme savant,
il est «physiologiste », et il pense que ce phénomène
s'apparente à l'aimant. Expulsé de Vienne, Mesmer demande asile
à Louis XV. Il connaît le succès, puis passe devant une
commission royale, qui condamne la théorie des fluides mais non
– et c'est intéressant à noter - la réalité des phénomènes
psychiques dont il est question. Ellenberger montre très bien
comment Mesmer est un esprit des Lumières, il arrache au
religieux des phénomènes que l'on appellerait aujourd'hui
l'hystérie en menant un combat contre les exorcistes qui à
l'époque les traitent. Et il les combat en disant : « j'ai une
théorie scientifique », qu'il argumente sur la base du savoir
de son époque. C'est cela faire de l'histoire des sciences, en
montrant comment, par la suite, les savoirs évolueront.
Critique communiste. Vous-vous réclamez donc de cette tradition
d'analyse historique critique de la psychanalyse.
Elisabeth Roudinesco. Oui, je me suis inscrite dans cette
tradition. D'ailleurs, quand j'ai commencé à faire le même
genre de travail historique critique sur la psychanalyse en
France, j'ai essuyé le feu de la plupart des psychanalystes.
Cela dit, dans l'histoire des sciences, je me réclame également
de Canguilhem et de Foucault pour lesquels il existe des
ruptures dans l'histoire des savoirs. Pour Ellenberger, il n'y
a pas de différences importantes entre Janet, Freud ou Jung.
Pour moi, il existe une coupure freudienne. Freud s'est appuyé
sur tout un savoir clinique de l'époque. Toutefois, l'invention
freudienne consiste à ne pas s'en tenir à ce savoir ou à mettre
en place de nouvelles pratiques thérapeutiques, mais à
rattacher tout cela à la tragédie antique, afin de l'inscrire
dans une problématique universaliste de la condition humaine.
Critique Communiste. Pour ceux qui veulent en connaître plus
sur ce dernier point et sur la critique de ce que vous appelez
une certaine « psychologisation » de l'héritage freudien, je ne
peux que renvoyer à La famille en désordre ou à Pourquoi la
psychanalyse ?(Fayard, 1999). Revenons à l'évolution de ces
historiens «révisionnistes ».
Elisabeth Roudinesco. J'ai rompu avec eux lorsque la génération
qui a suivi Ellenberger a basculé de l'autre côte : Freud n'est
plus l'Empereur à la barbe fleurie d'une certaine hagiographie
freudienne, mais devient Satan, un mystificateur, un menteur.
On retrouve ici Le Livre noir de la psychanalyse, qui procède
d'ailleurs comme le Livre noir du communisme (Laffont 1997),
mais en pire. Il ne s'agit plus de faire une histoire critique
du communisme, mais on rend l'idée même du communisme
responsable du goulag, on oublie le stalinisme, on met sur le
même plan le communisme et le nazisme, etc. Et encore, certains
des contributeurs du Livre noir du communisme, qui étaient des
historiens sérieux, ont, par la suite, critiqué la ligne
éditoriale du livre.
Par ailleurs, le goulag est bien synonyme de crimes de
masse. Mais lorsque Le Livre noir de la psychanalyse accuse la
psychanalyse, en tant que discipline, d'avoir commis des
crimes, il invente un goulag imaginaire, sans apporter aucune
preuve, sinon d'affirmer qu'elle est responsable de la mort en
France de 10.000 toxicomanes parce que certains psychanalystes
auraient contribué à interdire des traitements de substitution
! Par ailleurs, ces historiens se sont lancés dans la théorie
du complot international. L'histoire de la psychanalyse, ce
serait à leurs yeux celle d'un complot international visant à
imposer une hégémonie freudienne dans le monde occidental.
C'est ridicule ! Et puis il y a eu cette histoire de la
tentative d'interdiction de l'Exposition Freud aux Etats-Unis
(Washington) en 1996, qui était une exposition officielle et
orthodoxe laissant peu de place à un regard pluriel et critique
sur Freud. Ces historiens ne se sont pas contentés de protester
– j'ai par exemple impulsé une pétition internationale à ce
propos -, ils ont demandé l'interdiction en se posant comme les
victimes d'une discrimination ! Il est légitime de militer pour
que ses travaux soient reconnus et de mener le débat d'idées,
mais demander l'interdiction pour cause de discrimination,
c'est vouloir remplacer une histoire officielle par une autre :
la leur.
Critique communiste. Venons-en à présent aux thérapies
cognitivo-comportementalistes (TCC). Dès 1999, dans Pourquoi la
psychanalyse ?, vous souligniez comment durant les années 1990
a commencé à se construire un discours anti-Freud et anti-
psychanalyse. Ainsi, Le Nouvel Observateur, qui a fait une
vraie campagne de promotion du Livre noir de la psychanalyse,
titrait en 1991 « Spécial Freud, le marxisme s'effondre, la
psychanalyse résiste ». La limpidité du titre montre bien les
enjeux. Puis cela se précise : « Faut-il brûler Lacan ? », « La
science contre Freud » ...
Elisabeth Roudinesco. Ces campagnes se sont appuyées sur
certains discours des neurosciences, du cognitivisme ou de la
génétique. Naturellement, il ne s'agit pas de mettre en cause
le travail scientifique, mais bien un discours scientiste –
dénoncé par certains savants eux-mêmes – qui réduit les
phénomènes psychiques au fonctionnement des neurones ou à celui
de l'intelligence artificielle. Et ce discours est relayé par
des philosophes. Ainsi, toujours au début des années 1990,
Marcel Gauchet, qui se dit un représentant de la « gauche
antitotalitaire », a prétendu substituer l'inconscient cérébral
à l'inconscient freudien qui ne ferait plus « recette » dans un
monde où « l'affect » serait en voie de disparition . Le mot
cognitivisme est apparu en 1981, mais la méthode existait
avant. Le grand historien des sciences Georges Canguilhem ne le
connaissait donc pas lorsque qu'il prononce sa célèbre
conférence « Le cerveau et la pensé », en 1980 . Mais il
critique férocement la croyance qui anime l'idéal cognitiviste
: la prétention à vouloir créer une « science de l'esprit »
fondée sur la corrélation entre les états mentaux et les états
cérébraux.
Critique communiste. Plus précisément, en ce qui concerne les
TCC ?
Elisabeth Roudinesco. C'est un nouvel avatar du vieux
behaviorisme . Elles réduisent les êtres humains à leurs
comportements et, pour guérir les individus, elles inventent
des méthodes qui sont des pratiques de suggestion, de
fascination, d'aliénation. Il faut naturellement éviter de
faire découler mécaniquement telle ou telle position prise par
un thérapeute de la théorie à laquelle il se réfère ; pour la
psychanalyse comme pour la TCC. Mais toute théorie
psychologique est porteuse d'une politique, au sens général du
terme.
Or, un thérapeute comportementaliste, qu'il soit
cognitiviste behavioriste ou autre, conteste l'idée même de
psychisme. Il ne veut rien savoir de la signification des actes
inconscients, ou même de la signification historique de
l'action humaine. Il n'y a pas de sujet, pas d'inconscient, pas
de déterminisme historique, pas d'engagement qui vaille la
peine. Il existe simplement une machine humaine. Du coup, ces
thérapies s'appuient sur une notion de norme et de pathologie
qui tend à classer tout comportement humain – une fois que ce
comportement a été catégorisé d'une certain façon – du côté
d'une pathologie ou d'une norme. Le problème devient alors
celui de la définition des bonnes normes permettant que les
individus soient en bonne santé. C'est la nouvelle barbarie du
bio-pouvoir dont parlait Michel Foucault ; c'est-à-dire d'une
politique qui entend gouverner le corps et l'esprit des
individus, les conduites humaines en fonction de la « bonne
santé » des populations.
Critique communiste. Toujours dans Pourquoi La psychanalyse ?,
vous montriez bien comment l'idéologie de « l'homme
comportemental » est portée par la mondialisation libérale. Je
conseille la lecture de ce livre à propos duquel nous avions eu
d'ailleurs un entretien dans Critique communiste (n°157, hiver
2000-2001). Ici, je voudrais simplement souligner que sont
également en jeu les politiques libérales de santé qui
soumettent les thérapies à un critère de rentabilité immédiate.
Elisabeth Roudinesco. On reproche à la thérapie psychanalytique
– ou à des thérapies qui s'en inspirent – d'être trop longue et
trop coûteuse. D'autant que ses résultats ne sont pas
mesurables. La médecine scientifique qui soigne les maladies
somatiques constate des symptômes, nomme une maladie et
administre un médicament. On dit alors que le malade est guéri
du mécanisme biologique de la maladie. S'agissant du psychisme,
on peut tenter de faire disparaître le symptôme, par des
médicaments ou d'autres thérapies. Mais pour autant le malade
n'est pas «guéri ». En fait, la « guérison psychique » a un
statut différent de la guérison somatique. Elle n'est rien
d'autre qu'une transformation existentielle du sujet. Et cela
on ne le mesure pas.
Critique communiste. L'autre face de la mondialisation
néolibérale, c'est le développement de politiques de
normalisation des conduites humaines. Des «comportemantalistes
», qui ont été partie prenante de manière active du Livre noir,
se sont engagés dans des batailles concrètes de mise en oeuvre
de projets de normalisation. En lien de plus avec l'Inserm.
Elisabeth Roudinesco. Le rôle que joue l'Inserm pose d'ailleurs
un vrai problème. Cet institut public ne cesse de légitimer les
partisans des TCC comme les représentants de la vraie science.
Cela montre bien l'enjeu de ces débats. Si la psychanalyse et
d'autres thérapies proches dites “relationnelles”, disent les
scientistes, ne sont pas des sciences véritables, alors
pourquoi les enseigner à l'université ? En ce qui concerne les
politiques de normalisation, il y a eu l'affaire de
l'amendement Accoyer et plus récemment l'expertise collective –
c'est-à-dire la validation scientifique - de l'Inserm du 22
septembre 2005 sur le « trouble des conduites chez l'enfant et
l'adolescent ». Il s'agit d'habituer les familles, les
professionnels de la petite enfance et les enseignants à
identifier le trouble de conduite chez l'enfant et l'adolescent
(dès 36 mois) afin d'éviter qu'il ne devienne un futur
délinquant. Voilà l'illustration des bio-pouvoirs : on définit
«scientifiquement » une nouvelle catégorie de symptôme et on le
repère chez les enfants – et dieu sait s'il y a de nombreux
enfants agités pour des raisons très diverses – afin d'éviter
que la maladie (la délinquance) ne se développe. C'est
directement utilisable par tout ministère de l'intérieur !
Critique communiste. Certains auteurs du Livre noir
n'appartiennent pas aux deux courants de pensée dont nous
venons de parler. Ainsi Philippe Pignarre à qui nous avons
demandé un article dans ce même numéro de la revue.
Elisabeth Roudinesco. Effectivement, Philippe Pignarre et
Isabelle Stengers, qui, elle aussi a écrit un texte,
n'appartiennent pas à ces courants. On peut s'étonner de les
trouver en si mauvaise compagnie. Une des raisons tient sans
doute à leur relativisme absolu. Pour eux, il n'y a pas de
différence entre la science et la non-science, entre les
chamans et les psychanalystes, entre la médecine et les
médecines parallèles. Tout se vaut. Ils mettent au même niveau
le savoir des sorciers, celui des TCC, l'apport freudien, etc.
Encore que pour Philippe Pignarre tout ne se vaut pas, car pour
lui tout est mieux que la psychanalyse. Il a pris la plume, non
seulement pour défendre le Livre noir, mais pour s'attaquer
très violemment – et ici on retrouve la haine commune aux
différents auteurs - non pas à des psychanalystes, qui avaient
pris certaines positions critiquables, mais à la psychanalyse
en tant que discipline. En revanche, je n'ai lu aucune critique
de sa part à propos de l'expertise de l'Inserm dont on vient de
parler.
Critique communiste. Je vous laisse conclure...
Elisabeth Roudinesco. Je viens de le dire : si la psychanalyse
n'est qu'une imposture, alors il ne faut pas l'enseigner. Mais
certains historiens « révisionnistes » vont encore plus loin.
Les auteurs, Mikkel Borch-Jacobsen et Sonu Shamdasani, d'un
livre récent (paru aux Empêcheurs de penser en rond) expliquent
que Freud et la psychanalyse n'ont pas existé. Que des
historiens puissent dire que ce qu'ils ont étudié toute leur
vie n'a pas existé est quelque peu étonnant ; pour ne pas dire
plus. Reste qu'on ne peut se contenter de sourire : il s'agit
tout simplement d'effacer Freud et la psychanalyse de
l'Histoire. Les lecteurs de Critique communiste savent ce que
cela veut dire : Staline a construit son règne en retouchant
des photos pour effacer des acteurs essentiels de l'histoire
Propos recueillis
par Antoine Artous
1- Père fondateur de la psychanalyse en Grande-Bretagne,
Ernest Jones (1879-1958) fut l'initiateur de l'historiographie
psychanalytique.
2 - Le Nouvel Observateur, 3-9 octobre 1991, 9-15 septembre
1993, 20-26 mars 1997.
3 - Marcel Gauchet, L'Inconscient cérébral, Seuil, 1992.
4 - On trouvera la conférence dans Georges Canguilhem,
historien de la science, Albin Michel, 1992.
5 - Le behaviorisme a été créé au débat du siècle passé par
John Watson qui voulait ériger la psychologie en science
naturelle, comme la médecine, la chimie, etc. en rejetant
toutes références aux états mentaux pour traiter des seuls
comportements compris une réponse à un stimulus extérieur.
6 - Du nom d'un sénateur qui, fin 2003, proposa de mettre en
place une évaluation des psychothérapeutes. Cela donna lieu,
également, à des divisions importantes entre les
psychanalystes. Sur cette question, et plus généralement, celle
de la réglementation de ces professions Elisabeth Roudinesco a
écrit Le patient, le thérapeute et l'État, Fayard, 2004.
7 - Le Monde du 23/09/05 a fait une analyse détaillée sur ce
rapport qu'on peut trouver sur le site de l'Inserm :
ist.inserm/fr/basisrapports/trouble_conduites_synthèse.pdf
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