Vive la Psychanalyse conférence débat du 26 mars 2011

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"Vive la psychanalyse !", conférence-débat du 26 mars 2011

Envoyé par: Louka jean-michel (AMontsouris-551-1-99-250.w86-212.abo.wanadoo.fr)

Date: Wed 20 April 2011 09:06:16

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Jean-Michel LOUKA

Mon intervention du 26 mars 2011

VIVE LA PSYCHANALYSE

« Vive la psychanalyse ! », c’est-à-dire « Que vive la psychanalyse ! ». C’est un

souhait, un wunsch freudien. Il s’agit de contribuer à un souhait, que je suppose partagé. Et

partagé, ici, avec les personnes qui se sont déplacées un samedi après-midi, alors qu’elles

avaient, sans doute, tellement d’autres choses à faire. Je les suppose, je vous suppose donc,

être, au sens fort, intéressés à ce que la psychanalyse, non seulement ne meure, mais mieux

encore, à ce qu’elle vive ! Vive la psychanalyse, donc ! Et vive la reconquête ! Freud ne se

considérait-il pas en Conquistador… ?

Tout d’abord, je voudrais ici, d’emblée, rendre hommage aux six auteurs du

« Manifeste pour la psychanalyse », paru aux éditions La Fabrique, à l’automne 2010 : j’ai

nommé, Sophie Aouillé, Pierre Bruno, Franck Chaumon, Guy Lérès, Michel Plon et Erik

Porge. Auteurs, qui ne seront pas avec nous cet après-midi, mais auteurs sans lesquels nous

n’aurions pas motif à nous rencontrer ici aujourd’hui. Ce livre avait été précédé par une

pétition éponyme dès 2004, et suivie quelques temps par un séminaire sur la question, arrêté

depuis. La pétition rassemble aujourd’hui plus de mille trente-cinq signatures.

Notre conférence-débat va donc venir se placer dans le droit fil de leur remarquable

travail, six auteurs, psychanalystes n’appartenant pas à la même association ou école, qui

arrivent à écrire ensemble, collectivement, un ouvrage qui ramasse, d’une manière pertinente,

toute la question actuelle de la psychanalyse, en France notamment ; ce n’est pas tous les

jours que cela se produit.

Que disent, en substance, ces auteurs ?

Qu’il y a trois moments dans l’histoire du mouvement psychanalytique qui ont vu la

psychanalyse inquiétée de se retrouver en péril. Trois moments où la catastrophe, c’est-à-dire

la disparition, la mort de la psychanalyse aura été toute proche. 1926, 1956, et aujourd’hui

(2004-2011). Aujourd’hui, ce moment est donc, à nouveau, un moment critique.

L’expression de moment utilisé est explicitée. Les auteurs le reprennent à J.G.A.

Pocock, historien de la philosophie politique. Ce n’est, bien sûr, pas pour rien, et c’est ce qui

oriente tout de suite le propos et l’analyse qui est faite de l’histoire dans un sens, dans une

dimension éminemment politique. Car il va, quand même bien s’agir de cela : de politique de

la psychanalyse. On n’y coupera pas. On ne pourra pas faire comme d’habitude, se rencogner

individuellement dans sa tour d’ivoire, ne rien dire, ne rien faire, sous prétexte que personne

n’empêchera quiconque de parler à quiconque, que l’Etat, encore démocratique et républicain,

n’y trouvera rien à redire, c’est-à-dire à sanctionner et ne régentera pas ce dialogue... Sauf que

ça n’est pas un dialogue et qu’en principe, il y a entre ces deux-là qui se parlent, entre autres,

circulation d’argent… Et ça, l’argent, cela intéresse l’Etat par le biais du Fisc !

Comme le rappellent les six auteurs, ces moments sont des fictions, au sens positif de

Jérémy Bentham, ils sont construits comme autant d’outils symboliques pour se repérer dans

l’histoire du mouvement, mais aussi des outils pour construire et influer sur l’avenir. La

coïncidence avec la réalité ne s’établit que par le choix d’une lecture de celle-ci a posteriori.

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1926, c’est l’affaire Theodor Reik et la lutte générale contre l’absorption de la

psychanalyse par la médecine, et son idéologie que les auteurs nomment technoscientiste.

Mais surtout, le heurt entre le mode de pensée de la psychanalyse et celui de la médecine, ce

dernier étant parfaitement inadéquate à l’exercice de la psychanalyse. C’est la question de

l’analyse qui ne peut être que profane, l’irréductible spécificité de la théorie psychanalytique

et de son objet, l’inconscient, l’autonomie épistémologique de celle-ci, la particularité de la

formation des psychanalystes. La psychanalyse est cette discipline qui ne souffre d’aucun lien

de subordination à la médecine, qu’il soit juridique, théorique ou pratique. Seuls Sigmund

Freud et Sandor Ferenczi soutiendront cette pure position face au dévoiement américain, à

Jones, etc.

1956, c’est précisément l’envahissement de l’ordre médical, dans la psychanalyse, sa

volonté de se situer en surplomb, son contrôle, sa domination jusque dans la formation des

psychanalystes, précisément ce que Freud avait dénoncé trente ans plus tôt. C’est le règne de

l’Ego-psychology américaine, ce qui amène Jacques Lacan, aussi seul que Freud face à ce

problème, à intervenir pour secouer un peu le landerneau dans un, dans son « Retour à

Freud ». Relire l’oeuvre de Freud, à la lettre, et non point se laisser dériver avec ses épigones,

élèves ou autres successeurs qui ont cette fâcheuse tendance à édulcorer son oeuvre, émousser

son tranchant. Lacan, on le sait, sera exclu, banni de l’IPA en 1963. Il fondera alors son école,

une école qui se veut ne dépendre que des liens du discours analytique, le 21 juin 1964,

l’Ecole Française de Psychanalyse, rebaptisée trois semaines plus tard, « Ecole Freudienne

de Paris » EFP (et non pas l’Ecole freudienne de psychanalyse comme il est écrit p.34 ; cela a

son importance). Il s’agissait, dans l’esprit de Lacan, d’une école, au sens antique des écoles

de philosophie, refuge et base d’opérations. Elle se voulait lacaniennement freudienne, et

localisée à Paris. Elle sera dissoute le 5 janvier 1980 par l’acte, car c’est un acte, analytique,

de dissolution, solitaire, comme celui de la fondation seize ans plus tôt, de Lacan, dissolution

entérinée quelques mois après par un vote collectif, après un référé légaliste mémorable.

Aujourd’hui, en 2011, et depuis le début de l’affaire du bon docteur Accoyer sur

l’usage du titre de psychothérapeute et son intégration dans la loi de santé publique du 9 août

2004 (et non pas de santé mentale comme il est dit à un certain moment, quelque part dans le

texte), mais surtout les décrets de mai 2010, c’est à l’envahissement de la psychologie, plus

que de la médecine, que la psychanalyse doit faire face. On ne cherche plus ici à la maîtriser

et la faire servir à des idéaux qui ne sont pas les siens, on veut la neutraliser, puis la

déglinguer, la réduire et la fondre dans l’ensemble des cinq-cents méthodes de psychothérapie,

puis l’ensevelir, l’étouffer et la recouvrir insidieusement, l’assimiler à une psychothérapie

comme une autre, en un mot, la tuer parce qu’on la veut et on la sait dorénavant mortelle.

L’envahissement des psychothérapies n’est pas un mot trop fort. Nous sommes

aujourd’hui dans le marché d’une société de masse, dépressive et angoissée. C’est le

néolibéralisme effréné, par l’imposition des lois généralisées du marché, qui envahit le champ

« psy ». L’application de ses lois envahit tous les champs des pratiques professionnelles, y

compris des champs qui lui étaient jusque-là étrangers, comme l’hôpital, par exemple, qui se

doit, c’est un comble, de devenir une entreprise, géré comme une entreprise qui devrait faire

des bénéfices. Le sujet aussi, remarquons-le est prié de se gérer comme une entreprise,

laquelle entreprise-sujet est en somme une sorte, sophistiquée, de machine (exemple, on dira

de cet homme-machine : « il pète un plomb », « il pète un câble », « il fait un coup de

Calgon », « il doit remettre la machine en route », « il lui faut changer les piles », « recharger

ses accus », « refaire du carburant »… toutes ces expressions utilisées et intégrées par le sujet

lui-même et qui le « machine » chaque jour un peu plus).

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L’Etat ne s’y est pas trompé, qui a voulu réglementer l’usage d’un titre, sans rien

vouloir savoir, soi-disant et pour l’instant, des psychothérapies elles-mêmes, de leurs

idéologies, de leurs théories, de leurs pratiques. C’est là son rôle à l’Etat encore républicain et

démocratique : réglementer. Mais réglementer ne peut se faire sans préjugés idéologiques

d’Etat. Et l’Etat est aujourd’hui lui-même préoccupé de la soi-disant protection des fameux

« usagers », comme on veut les appeler. L’Etat lutte contre les charlatans. En fait l’idéologie

de l’évaluation, de la garantie à accorder, de la certification du risque zéro l’obsède. Ce n’est

plus la lutte des classes qui explique le monde, c’est l’inadaptation, le handicap, la dépression.

Il faut aider l’Homme à réaliser son développement personnel, le dé-stresser, lui redonner

confiance en lui, l’amener à son bien-être, lui permettre de s’ajuster au Monde tel qu’il est,

plutôt que de le changer. En un mot comme en cent, et dans une optique de dressage à peine

masquée, il faut lui dire comment faire, car il ne sait plus, comment faire pour se saisir de ce

Monde, immonde, l’exploiter plutôt que le dé-construire pour le re-construire autrement, en

somme le persuader de devenir un mouton qui hurle avec les loups ! Sauf qu’un mouton qui

hurle avec les loups, cela reste, quand même, eh oui… ! Un mouton ! Et ça se voit.

Mais, ce qu’apportent à cet endroit aussi les auteurs du « Manifeste… », c’est

d’interroger les psychanalystes : ont-ils pris toute la mesure, toute la portée de l’acte de

dissolution de l’EFP par Lacan ? La réponse est non ! Toute la portée, cela renvoie au fait que

cet acte est à prendre, à la fois comme un acte analytique, mais aussi, mais encore comme un

acte politique, car on n’est pas devant une simple décision arbitraire, voire une lubie de Lacan,

d’un Lacan déclinant, comme certains ont voulu le faire accroire.

Depuis 1980 jusqu’à aujourd’hui, c’est l’éclatement et la dispersion qui encore et

encore restent le sort des regroupements d’analystes dits lacaniens. Les associations ou les

écoles déjà formées depuis les années 1980 et 1990, ou celles formées ou en constante

formation ou re-formation depuis les années 2000, ont beaucoup de mal à dépasser le stade de

simple regroupement associatif. Et pour ceux qui croient à l’école, celle-ci reste l’Arlésienne

dont on parle toujours et que l’on ne voit…pas encore, sauf à la décréter telle, ce qui

n’arrange rien à l’affaire en donnant d’emblée une réponse là où la question ne semble pas

encore avoir pu correctement, c’est-à-dire analytiquement et politiquement, se poser.

Les psychanalystes lacaniens semblent ainsi, à suivre les auteurs, oublieux de l’acte de

dissolution de Lacan, en 1980. Ils sont, au contraire, habités par un « rêve de retour à un état

d’avant la dissolution » (p.44). Les faux regroupements effectués à l’occasion et face à cette

préparation de loi de santé publique de 2004 comprenant un article 52 réglementant l’usage

du titre de psychothérapeute l’ont parfaitement démontré, pensent-ils, tout au long de cette

période allant de 2003 à 2011. Ils ont d’ailleurs fait révélateurs de positions différentes. Trois

positions concernant la dissolution sont repérables selon eux : le déni, le refoulement et la

forclusion de l’acte de dissolution.

Comment lever un tel oubli de ce qui fût un acte analytique et politique de Lacan ?

C’est l’enjeu, aujourd’hui, de ce troisième moment. Mais, pour ce faire, il faut reprendre

l’impensé de la dissolution - alors que tout cela, la réflexion, l’analyse, avaient bien

commencé par un travail de et sur la dissolution, avec l’épisode de La Cause freudienne (du

21 février 1980 à fin mars 1981) et la revue Delenda -, nous disent les auteurs, cet impensé

qui est pour eux à la source de la dispersion des analystes lacaniens depuis la dissolution.

Comment, donc, disent-ils, de la dissolution, aujourd’hui « en formuler la juste

interprétation » ? (p.44). Faisant un rapprochement entre la fondation, par Lacan, de l’EFP, et

la dissolution de la même EFP par le même Lacan, ils développent l’idée que « la dissolution

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est l’envers de la fondation et que fondation-dissolution participent d’une même structure,

celle de l’acte fondateur du sujet. » (p.61).

Passionnants et riches de rappels, à quoi s’ajoute une façon originale et stricto sensu,

« renversante » de reprendre les problèmes pour les deux premiers chapitres de la série ciaprès,

les chapitres III, IV et V, respectivement intitulés « Guérir de la psychothérapie », « La

cité, dans la psychanalyse », et « Entre science et marché » permettent de saisir, c’est là le

tour de forces des auteurs, aidés en cela par leur éditeur, Eric Hazan, les tenants et les

aboutissants de l’ensemble de l’aventure psychanalytique, de l’origine freudienne, en passant

par la refonte lacanienne, jusqu’à aujourd’hui. La lutte contre l’empire de la médecine sur la

psychanalyse, puis celui concernant l’emprise de la psychologie, renforcée en cela par le

formidable développement/enveloppement des sciences humaines depuis l’Après-guerre, et

qui s’infiltrent partout aujourd’hui jusqu’au niveau de la « nouvelle gouvernance », laquelle

s’en sert pour gérer (quel vilain mot, « gérer » quand il s’agit de l’humain !), c’est-à-dire tenir

ses populations au moyen du consumérisme et introduire l’illusion d’un sujet réduit à ne se

préoccuper, comme on le lui enseigne, que de sa petite auto-entreprise, surcontrôlée par l’Etat,

tout cela montre que l’envahissement des psychothérapies, comme l’arbre qui cache la forêt,

fait partie d’un vaste ensemble insidieux et suspicieux à visée gestionnaire - et gestionnaire

jusque de l’intimité des sujets -, qui se dévoile, se démasque petit à petit. C’est un peu

nouveau dans l’histoire et la plupart des psychanalystes n’avaient pas pris, semble-t-il, la

mesure, ne s’y voyant inquiétés qu’au titre d’une poussée des psychothérapeutes, une lutte

catégorielle, voulant les déloger de là où ils campaient, c’est-à-dire les détrôner de leur place

dominante dans le traitement individuel du malaise dans la Kultur.

La formation du psychanalyste, mieux, comme s’exprime plus précisément et

rigoureusement les auteurs, le passage du psychanalysant au psychanalyste représente ici le

coeur de la réflexion, puisqu’il forme le point d’achoppement et de séparation d’avec le reste

des pratiques professionnelles qui traitent du malaise et, plus généralement de toutes les

professions accréditées, garanties, réglementées par l’Etat. La formation du psychanalyste ne

se fait pas par une formation diplômante, universitaire ou institutionnelle privée, ni même par

sélection cooptative (ce qui n’est malheureusement pas toujours le cas dans les faits !). La

formation du psychanalyste, c’est d’abord sa cure, sa psychanalyse poussée jusqu’à, non pas

son terme, mais sa fin, ce qui n’est pas toujours équivalent, puis le moment de passage du

psychanalysant au psychanalyste, l’amenant à ce changement de position du divan au fauteuil.

C’est un problème épineux, complexe depuis le début de l’invention freudienne, c’est

une spécificité de la formation du psychanalyste, elle s’avère inacceptable pour l’Etat qui ne

la reçoit que comme une atteinte à son autorité légale et qui n’a alors plus aucune prise sur un

psychanalyste qui « ne s’autorise que de lui-même », même s’il faut y ajouter ensuite

« quelques autres », qui ne sont en aucune manière des fonctionnaires de l’Etat. Réduire, de

gré plutôt que de force, mais la force n’est pas à terme à exclure, la psychanalyse à l’une des

psychothérapies ordinaires permettrait ainsi à l’Etat d’imposer ses évaluations et contrôles

divers et de délivrer alors sa sacro-sainte, allez savoir pourquoi, garantie d’Etat.

… C’est ce qui, néannmoins, est pourtant en train de se mettre en place, nolens volens.

On sait, de sources bien informées, que c’est le projet du bon Dr. Accoyer… après l’élection

présidentielle de 2012 . Il nous reste donc, grosso modo un an pour commencer à nous

réveiller !

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Mais quel remède, face à cette situation si bien décrite/écrite, quel plan stratégique les

auteurs envisagent-ils de proposer à la soi-disant communauté analytique, si dispersée ? En

d’autres mots, comment, pour nous psychanalystes, nous orienter ?

A la toute fin de leurs propos, ils énoncent ceci :

« Comment s’orienter alors ? Il est vain, même si c’est honorable, de se contenter

d’une résistance. L’ambition des signataires de ce livre est de créer un espace politique où il

deviendrait possible de débattre non pas de la place du psychanalyste dans la cité, mais de la

place de la cité dans la psychanalyse, afin que non seulement l’impact insurrectionnel de la

découverte freudienne ne soit pas perdu, mais qu’il soit revivifié à l’aune des impasses et des

issues qui se profilent dans les civilisations déclinantes ou émergentes que nous habitons. »

(p.140).

La place de la cité dans la psychanalyse ? Ce serait quoi, pour vous ? Pour moi, cela

consisterait d’abord à considérer que les analystes ne doivent pas renoncer, dans tous les lieux

privés ou publics, les institutions de soins, à accueillir la cité, ses membres, ses représentants,

dans la psychanalyse. Comment ? En ne baissant pas les bras, en ne renonçant pas, surtout pas,

à se soutenir des signifiants « psychanalyse » et « psychanalyste », même s’il n’y a pas d’être

du psychanalyste, ce n’est pas pour autant, socialement et sociologiquement parlant, qu’il n’y

a pas de psychanalystes pour et dans la cité. Y renoncer, se déclarer, par exemple,

« psychiatre qui pratique, par ailleurs, (redoutable « par ailleurs ») la psychanalyse » ne

convient pas. Pas plus que d’énoncer d’un air entendu que l’on est « psychologue à l’hôpital

et psychanalyste chez soi ». Avez-vous remarqué que les quatrièmes de couverture des livres

d’analystes ont changé ces derniers temps ? Jadis, on lisait qu’untel était psychanalyste,

aujourd’hui la périphrase annonce, avec moulte circonlocutions parfois, qu’untel « pratique ou

exerce la psychanalyse à Paris ou ailleurs », mais aussi qu’il est « agrégé de l’université »,

« professeur des universités » ou simple « maître de conférences », « docteur en ceci ou en

cela » de préférence docteur en médecine et psychiatre), « membre de ceci ou de cela », une

institution prestigieuse de préférence, qu’il « dirige telle ou telle collection chez tel éditeur »

réputé pour sa collection psychanalytique, etc.. Tout cela pour ne plus dire qu’il EST (on

l’accuserait sans doute de n’avoir rien compris, qu’il n’y a pas d’être du psychanalyste), qu’il

EST « psychanalyste », que cela s’appelle couramment et ordinairement comme cela dans le

discours ordinaire depuis Freud. Que ce soit une prétention, certes, toujours à mettre et

remettre à l’épreuve, on est d’accord, mais que, quand même, cette prétention, il lui semble

avoir quelques éléments à faire valoir pour la soutenir.

Sinon, comment voulez-vous que le public, la cité dans la psychanalyse, en somme, y

comprenne quelque chose ? Pour elle, un médecin est un médecin, un psychiatre un psychiatre,

un psychologue un psychologue, un psychothérapeute un psychothérapeute. Un psychanalyste,

dans ce cas, si l’on ne peut « se dire » tel, c’est quoi… ? La passe, si telle reste bien sa

vocation, ne devait-elle pas servir à préciser la réponse à cette question : pourquoi quelqu’un,

à la fin de son analyse, un sujet donc, maintient-il toujours son désir de passer à la pratique,

d’occuper la place et la fonction de sujet-supposé-savoir, place et fonction qu’occupait

jusque-là pour lui son analyste et dont il vient à l’instant de le faire chuter dans un désêtre,

dans le décours même de sa propre déstitution subjective ?

***