Édito : Tu devrais prendre un anti dépresseur …

Autres articles de l'auteur

Merci !

Merci ! À tous ceux et à toutes celles qui ont signé l’appel que j’ai lancé sur le site Œdipe le 10 mars. En trois semaines il a recueilli plus de 2700 signatures individuelles et...

Lire la suite

Zéro de conduite pour le directeur de l'Inserm : les organisateurs de la pétition s’expliquent devant les journalistes

À la table pour répondre aux questions de la presse se trouvaient réunis mardi 21 mars un certain nombre de spécialistes compétents en matière de prise en charge psychologique et psychiatrique des enfants. Les auteurs de la pétition s'avérant nettement plus...

Lire la suite

Réponse de Bernard Basset aux questions des associations

Je vous prie de bien vouloir trouver ci-joint les premières réponses aux questions qui nous ont été posées suite à la réunion de concertation du 10 janvier dernier : 1/ Questions relatives aux dispositions du projet de décret en Conseil...

Lire la suite

Pages

Édito : Tu devrais prendre un anti dépresseur …

 

Sans vouloir être péjoratif vis-à-vis de mes confrères je dirai que dans leur choix d’un médicament le risque encouru a un impact déterminant et que de ce fait certains médicaments sont prescrits d’abord parce que leurs effets secondaires sont jugés peu importants et les risques associés jugés faibles. On peut le comprendre. Lorsqu’un patient consulte un médecin il attend le plus souvent une réponse et celle-ci a de grandes chances d’être médicamenteuse. Pour faire autrement, encore faut-il que le médecin  dispose d’une autre réponse possible et ce n’est pas toujours le cas. Dans ces conditions la prescription d’un anti dépresseur peut avoir certains avantages comme celui de revoir et de suivre le patient au fil de ces prescriptions sans négliger également l’effet placebo toujours possible.  Parfois aussi, le dit anti dépresseur s’il est pris correctement et répond à un diagnostic précis peut avoir une certaine efficacité au moins de façon provisoire notamment sur l’anxiété ou le sommeil.

Pour le médecin généraliste il y a toujours l’option des médecines dites douces qui ne le sont pas toujours. Cela va de l’acupuncture, à l’usage des plantes et divers autres « spécialités » dont la liste serait trop longue mais qui elles aussi permettent parfois que s’instaure un échange un peu plus prolongé avec le patient.

 

S’agissant des psychiatres le problème est plus ou moins devenu le même car n’ayant plus de formation analytique voire plus de formation psychopathologique ils doivent choisir ou associer les médicaments avec les thérapies comportementales. Ils y sont conduit de deux façons. En ce qui concerne les médicaments, on leur soumet des études très complètes sur leurs effets et sur les risques encourus en cas de non traitement. Donc ils doivent réfléchir selon un schéma pré établi à savoir : établir un diagnostic en fonction des données qu’ils recueillent puis adapter le traitement en se basant sur les études dont ils disposent et qui leur sont rappelées à chaque fois qu’ils consultent un document ou qu’ils se rendent à l’une des séances de formation permanente obligatoire qui plus est.

 

 

Quant aux thérapies comportementales, je dois avouer qu’à chaque fois que j’ai eu l’occasion de me pencher sur leur fonctionnement,  j’ai constaté que pour l’essentiel  cela[1] tenait de règles de bon sens et je ne me gène pas d’ailleurs dans ma pratique d’en rappeler quelques-unes au passage lorsque cela me semble nécessaire.

 

Mais revenons aux médicaments, les études  négligent un facteur important. Elles reposent sur une approche qui considère le patient comme une éprouvette ; Et, dans ces conditions, elles sont certainement pertinentes. Comme le psychiatre aujourd’hui n’a aucune alternative à proposer il ne peut que raisonner de la façon décrite plus haut. Et si cela ne fonctionne pas, que faire ? d’abord augmenter la dose, puis changer d’anti dépresseur, puis associer un deuxième anti dépresseur puis ajouter- c’est très à la mode- un neuroleptique sans oublier un ou plusieurs anxiolytiques…

 

C’est ainsi que je reçois de plus en plus de patients qui malgré une ordonnance longue comme le bras ne vont pas mieux. Et là le problème se corse. Car diminuer même de façon très progressive la liste des médicaments expose le patient outre à une anxiété bien compréhensible tant il a été formaté pour penser comme le psychiatre que l’issue résidait dans un traitement qu’il prend souvent depuis des années et ce, sans compter sur les effets de descente engendrés par les effets d’accoutumance. Et que vais-je lui proposer ? de l’écouter, de faire en sorte qu’il fasse front de ses difficultés, qu’il arrive progressivement à penser autrement sa vie à y intégrer la dimension toujours surprenante mais toujours pertinente de l’inconscient.  Cela parait bien dérisoire et le succès bien hypothétique. Il ne sait pas que ce que je lui propose repose sur un savoir centenaire et une pratique de bientôt 50 ans. Va-t-il me faire confiance. Peut-être ; Ce que je sais c’est que parmi les psychiatres formés à l’analyse nous sommes de moins en moins nombreux et cela ne me rend pas vraiment optimiste pour l’avenir. Bonne année quand même !

Laurent Le Vaguerèse

 

[1] Je précise  toutefois, afin de ne pas confondre les problèmes que je ne suis pas contre l’usage des médicaments et que leur usage est le plus souvent nécessaires dans les psychoses en particulier ;