JOEY ALEXANDER OU LA VALEUR N'ATTEND PAS LE NOMBRE DES ANNÉES.

joey alexander

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JOEY ALEXANDER

OU LA VALEUR N’ATTEND PAS LE NOMBRE DES ANNÉES.

par Frédéric de Rivoyre

On a beau dire dans notre métier de psychanalyste qu’il faut cent fois sur le métier remettre son ouvrage, rester toujours ouvert à l’inattendu, à la surprise, on ne se méfie jamais assez des habitudes. Tenez, vous qui aimez le jazz, tous les jazz mettons, depuis ce bon vieux Louis Armstrong jusqu’à Bojan Z disons. Vous, donc, qui restez convaincus qu’avec l’âge l’artiste se bonifie, s’allège de ses travers de jeunesse et se permet de plus en plus de libertés. Vous qui avez adoré ce Chet Baker, vieil indien magique, quand il chantait My funny Valentine, vous qui avez bondi de votre siège quand Keith Jarrett à soixante dix ans se levait de son tabouret pour vous emporter dans un étourdissant solo, vous enfin qui avez tapé des pieds et des mains pour accompagner le blues magistral de Sonny Rollins à quatre vingt ans. Vous aviez pris l’habitude de croire que le jazzman ne vieillit pas et vous aviez incidemment accepté l’idée (assez généralement admise) que le travail, l’expérience, la vie qui passe, enrichit le jeu d’un instrumentiste , lui donne davantage de profondeur, de tact, de finesse…

Et il n’est pas impossible que vous pensiez aussi à la carrière du psychanalyste.

Alors, voilà, comme dirait Sigmund Freud, je vais vous annoncer une nouvelle qui va durablement remettre en cause vos idées reçues et peut être entamer votre bon vieux narcissisme : le pianiste qui vient d’arriver dans le jazz et qui vient tout faire basculer a 12 ans et il s’appelle Joey Alexander.

Comme une nouvelle n’arrive jamais seule, apprenez que le jeune prodige de douze ans, ce qui nous fait irrésistiblement penser à Mozart, n’est pas le produit d’une Ella Fitzgerald et d’un Erroll Garner qui auraient pensé très fort dès sa naissance à faire du petit Joey une révélation du jazz. N’imaginez surtout pas que l’on ait gavé l’enfant des interprétations de McCoy Tyner ou de Herbie Hancock . NON , vous n’y êtes pas du tout, abandonnez un peu vos idées sur la transmission inconsciente des désirs des parents, non, d’ailleurs on se demande bien comment c’est possible mais voilà, le jeune prodige est né à Bali, cette île aimée des dieux en Indonésie, dont les pratiques musicales sont à douze milliards de kilomètres du jazz.

Inexplicable mais vrai, c’est bien une énigme freudienne que ce garçon qui s’exprime avec une voix de garçonnet hésitante devant des auditoires ébahis.

Fils d’un couple travaillant dans le tourisme, c’est vers six ans qu’il aurait trouvé sa voie à l’écoute des disques de jazz de son père amateur de Louis Armstrong. Il a tout de suite commencé à jouer d’oreille sur un petit piano électrique jouet les mélodies qu’il entendait. C’est quand il s’est mis à reprendre à l’identique les standards de Théolonious Monk, réputés difficiles, que ses parents ont compris qu’ils avaient un enfant hors norme. Ils ont alors déménagé vers Jakarta capitale de l’Indonésie où il a pu enfin recevoir des cours de piano avec des jazzmen confirmés . Enfin, sa réputation grandissant il sera adoubé par le grand Herbie Hancock qui l’encouragera dès dix ans à se lancer dans la carrière. Puis invité par Wynton Marsalis à se produire dans le monde entier.

Last but not least, en mai 2015, Joey Alexander a sorti un disque de reprise de grands morceaux de jazz comme « Round midnight » de Monk, ainsi qu’un hommage appuyé à un géant du ….saxophone, j’ai nommé John Coltrane dont l’un des titres « My favourite things » donne le titre de l’album de Joey Alexander.1

Si vous êtes perplexes à l’idée d’entendre comment un enfant balinais de douze ans reprend en trio avec une vraie maestria et un toucher confondant la musique des grands maîtres du jazz qui firent les beaux jours de la côte est des USA dans les années soixante, bref si vous aimez les surprises , c’en est une belle.<a

https://www.youtube.com/channel/UCP9GKAbvDxLBqCcEaw4HDiw


  • 1.

    My favourite things de Joey Alexander chez Motema Music, 2015