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Rue Santa Fé, la rue de la sainte foi.Un film de Carmen Castillo
Rue Santa Fé, la rue de la sainte foi.Un film de Carmen Castillo
C'est un film sur l'engagement politique, au plus près de la vérité d'une femme chilienne, Carmen Castillo, qui survit à son compagnon, Miguel Enriquez, chef de la Résistance contre la dictature de Pinochet, mort au combat, rue Santa Fe, dans les faubourgs de Santiago du Chili, le 5 octobre 1974.Un récit tendu par une interrogation :tous ces actes de résistance valaient-ils la peine ?Miguel et les autres sont-ils morts pour rien ?
Au fil des rencontres avec les habitants de la rue Santa Fe, la famille, les amis, leurs vies, leurs visages, Carmen Castillo parcourt un chemin, qui va de la clandestinité à l'exil, des jours lumineux d'Allende aux longues années sombres de la dictature, avec tous ceux qui ont combattu et ceux qui résistent encore aujourd'hui.Se tissent l´histoire d'une génération de révolutionnaires et celle d'un pays divisé. La quête du sens de ces vies engagées nous conduira dans les sous-sols d'un pays amnésique où les morts ne sont pourtant pas morts et où les jeunes inventent, une nouvelle fois, un rêve.Réalisé par Carmen CastilloFilm français. Genre : DocumentaireDurée : 2h 40min. Année de production : 2006Titre original : Calle Santa FeDistribué par Ad Vitam
Rue Santa Fé, la rue de la sainte foi.
La rue Santa Fé, c’est une rue de Santiago du Chili située dans un quartier populaire de la ville. Dans cette rue, après le « Golpe » le « coup » si bien nommé, qui vit l’assassinat du président Allende et le début de la dictature militaire avec son cortège d’assassinats, de tortures, d’horreurs en tout genre, Miguel Enriquez et sa femme ont sans doute vécu le meilleur moment de leur amour. Miguel Enriquez était un dirigeant du MIR, un mouvement révolutionnaire avec des étudiants, des paysans sans terre des pauvres et des fils de riche en révolte contre leur destin. Ils avaient trente ans et ils avaient la foi, la foi dans les lendemains qui chantent, le bonheur pour toujours, les pauvres moins pauvres et les riches moins riches. Cet espoir qui semblait à portée de mains avait le pouvoir de changer le cours de leur vie, celle qu’ils avaient devant eux. Plus de trente ans après, que reste-t-il de tout cela ? qu’est-ce que les enfants qu’eux et les autres militants ont eus peuvent comprendre du fol espoir de vivre et de changer le monde qui animait leurs parents et grand-parent ?
Miguel et sa compagne Carmen Castillo, ont vécu dans cette rue des moments intenses et tragiques, la peur au ventre mais unis face au danger avec les enfants qui rient, les amis et le sentiment de vivre intensément. Salvador Allende n’était pas un révolutionnaire, mais un homme attaché aux valeurs de la gauche, comme on dit. Il était décidé à ce que les choses changent pour le peuple chilien, convaincu de la nécessité d’une redistribution des terres et d’une révolution sociale, une révolution pour la vie. Les propriétaires fonciers de leur côté étaient bien décidés à défendre leurs privilèges. Quant aux Américains, ils avaient choisi d’imposer partout et quel qu’en fut le prix, une dictature dans chaque pays d’Amérique du sud qui ferait mine de menacer leurs intérêts.
Ce 11 septembre 1973, le bruit des armes automatiques, les chars qui tirent sur le palais de la Moneda résidence d’Allende, les soldats partout dans les rues de Santiago, cette vision de cauchemar sonnait dans le monde entier le glas de bien des espoirs. Miguel Enriquez et sa compagne s’enfoncèrent alors dans la clandestinité, une clandestinité certes envisagée mais sur le plan uniquement théorique. On se rase les moustaches et l’on remet les habits d’avant, habits ridicules, déguisements de carnaval avec au bout la liberté ou la mort. Et puis quelques mois plus tard c’est l’assaut contre la maison où ils ont trouvé refuge. Miguel Enriquez est tué, sa compagne enceinte grièvement blessée est sauvée par le courage de ses voisins, le courage de la rue Santa Fé auquel elle rend hommage.
Et puis la vie a continué malgré tout, de défaites en défaites, d’exil en exil, de mot d’ordre suicidaire en mot d’ordre suicidaire, le MIR enfin fut décimé jusqu’à se dissoudre peu de temps avant la chute du régime militaire de Pinochet. Carmen Castillo, blessée, contrainte à l’exil, réfugiée à Paris est devenue cinéaste. L’enfant qu’elle portait est mort, l’enfant qu’elle portait dans son ventre, l’enfant qu’elle avait imaginé pour sa vie aussi. Aujourd’hui, elle se penche sur son passé. Non pas pour raconter les horreurs ni pour se plaindre. Elle ne règle aucun compte et pourtant, sans doute l’ardoise est-elle pleine. Non, elle se demande plus de trente ans après : que reste-t-il de tout cela ? qu’ai-je bien pu transmettre de ce que nous avons vécu ? « Je n’ai pas souhaité raconter l’histoire- dit-elle- ni du point de vue du MIR ni du point de vue des historiens, j’ai voulu qu’elle soit racontée par ceux qui l’ont vécu et qui aujourd’hui s’en souviennent, ceux de la rue Santa fé »
Et son film c’est d’abord l’amitié et la joie, la ferveur, le soutien discret, même si la douleur de l’exil, la douleur des morts est présente. Mais c’est surtout le questionnement d’une femme sur sa vie. Que retiendront de ce que nous avons fait les générations d’aujourd’hui ? Qu’en pensent mes enfants, nos enfants ?
Cette question est en chacun de nous. Elle interroge les cassures de l’Histoire, le retour des camps et la surdité de ceux qui ne voulaient plus rien entendre de l’horreur. Les adultes choisissent leur vie et leurs enfants subissent les choix de leurs parents. Dans le silence des enfants de la génération de Carmen Castillo et Eugène Enriquez, dans certains de leurs propos transparaît ce que nous ne devrions jamais oublier. Les enfants ont subi les épreuves provoquées par les choix que leurs parents ont faits, ont été trimballés de pays en pays, ont subi leur absence. De la transmission ils en ont soupé. Ce n’est pas un trop peu mais un trop de transmission dont ils souffrent. Ce que chacun de nous cherche à transmettre passe par la conscience. Nous voulons maîtriser ce que nous transmettons. Et bientôt il devient évident qu’en procédant de la sorte l’essentiel de ce que nous voudrions transmettre nous échappe et que ceux auxquels nous nous adressons ne veulent pas de ce que l’on veut leur faire entendre. Ce que nous voulons transmettre à nos enfants, nos enfants n’en veulent pas. De fait, chacun de nous transmet beaucoup de choses à ses enfants durant la vie mais sans pouvoir en maîtriser le contenu. Les enfants ne veulent pas qu’on leur parle, ils veulent au contraire mettre un peu de distance avec toute cette masse confuse de la transmission. Ils veulent pouvoir construire leur vie pas celle de leurs parents. Alors qui écoutera ces voix, qui posera des questions, qui pourra entendre ce que nous voulons dire ? C’est à la génération suivante que l’on peut enfin expliquer et répondre, avec la distance enfin faite avec sa vie. ; D’où peut-être la douleur de ceux qui n’ont pas de petits-enfants. Car c’est seulement à ces derniers, ceux de la deuxième génération que l’on peut enfin raconter cette histoire si lointaine et pourtant si proche, si étrange et si difficile à dire répondre aux questions que si longtemps nous avons attendu.
Le film de Carmen castillo est actuellement programmé à Paris au Latina http://www.lelatina.com Le Latina
20, rue du Temple (4ème arr.)
75004 Paris Cedex
Tél : 01.42.78.47.86
Métro :
Hôtel de Ville (ligne1)
Rambuteau (ligne11)
Ce film sera également présenté en province par Carmen Castillo durant le mois de février.
Laurent Le Vaguerèse
18/1/08
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