Le fils de jean de Philippe Lioret

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De Philippe Lioret

 

Mathieu, un jeune homme de 30 ans cadre commercial, séparé de sa compagne, reçoit un jour un appel du Canada. Un homme, qu’il ne connaît pas cherche à avoir son adresse pour lui adresser un paquet provenant, soi-disant de son père biologique qui vient de mourir, un père dont il ne connaît que l’existence, sa mère, décédée elle aussi, ne lui ayant jamais révélé l’identité de ce dernier. Mathieu ne voulant pas s’en tenir là décide de partir pour Montréal à la recherche certes de ce père mais surtout de sa famille et en particulier de ses deux frères dont bien entendu il ne sait rien non plus.

 

Arrivant sur les lieux Mathieu découvre que le corps de son père a disparu dans le lac et donc qu’il n’en reste aucune trace sinon des photos. Par ailleurs l’homme qui l’a appelé et qui se dit être l’ami de ce père, est fort mécontent de la venue de Mathieu et insiste avec toute la détermination dont il est capable pour exiger que celui-ci ne révèle pas son identité à ses frères afin de ne pas les perturber davantage.

 

Dès la première image, on sait que le mystère dont le récit est empreint, et qui n’est pour le spectateur qu’un secret de polichinelle c’est le cas de le dire, n’est certainement pas ce qui fait l’intérêt du film. Très vite on comprend qui est le véritable père. Mais peu importe au fond. Le mystère est ailleurs. Il est dans ce lien entre deux êtres humains créés par les hasards de la biologie. Deux êtres humains dont les destins se sont un jour croisés sans que ni l’un ni l’autre n’aient ensuite eu de relations ni soient en quelque façon informés de leur vie passée, présente et avenir.

 

Mahieu a été élevé très jeune par un homme qu’il considère comme son père et a partagé la vie de sa mère et donc sa vie tout court. Que vient donc faire ce père biologique dans cette histoire, dans son histoire ? A-t-il une quelconque importance sinon peut-être de répondre à une question vaguement formulée durant l’enfance et l’adolescence de Mathieu. Quelque chose comme : à quoi ressemble-t-il ? quel trait physique ai-je en commun avec lui, et plus simplement qu’est-ce qui s’est passé pour ma mère pour qu’elle ait avec cet homme une histoire d’un soir ? quelle femme était-elle donc pour accepter cette grossesse d’un homme qu’elle ne reverrait plus ? a-t-elle pensé avorter ? quel a été son regard sur moi pendant ces premières années et mon père d’éducation,comme dirait Dolto, quel regard a-t-il porté sur moi et sur ma mère ? Mais à toutes ces questions, à l’évidence ce voyage ne saurait apporter une quelconque réponse.

 

Le film se tisse par conséquent  bien davantage autour de cette interrogation : qu’est ce qu’un père ? On saura gré à Philippe Lioret de décliner cette question avec subtilité. Et si le corps du père supposé est bien tapi au fond du lac, à quelle réalité concrète le père et le fils « naturel » sont-ils donc confrontés ?. Rien n’est dit sinon un regard de la compagne de ce père finalement bien vivant dans le rétroviseur de la voiture qui les conduit à l’aéroport ; un regard ou cette femme semble s’assurer d’une intuition assortie d’une question qui trouve sa réponse dans une ressemblance peut-être imaginaire entre le père et le fils. Oui, il y a bien quelque chose de subtil et d’indéfinissable qui lie un père « biologique » et son fils « naturel », quelque chose qui ne peut se dire puisque précisément c’est de corps et d’image qu’il s’agit et peut-être d’un lien nouveau et subtil à construire. Un espoir que Philippe Lioret nous laisse entrevoir. Un très beau film avec des acteurs excellents. Une émotion sans mièvrerie à laquelle on se laisse aller sans honte et qui nous parle d’un quotidien aujourd’hui si souvent rencontré et bien rarement évoqué.