J-P Le Brun et J-L Renchon: "Où va la famille" Par L Le Vaguerèse

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Jean-Pierre Lebrun et  Jean-Louis Renchon

« Où va la famille? »

Droit et Psychanalyse

 

 

Ce n’est pas la première fois ni sans doute la dernière que la psychanalyse confronte ses réflexions avec celles issues d’une autre discipline ici le Droit. La rencontre de Pierre Legendre avec la pensée de Lacan en fait foi. Celle nouvelle rencontre s’établit ici entre un collègue bien connu et fort apprécié par nous et un spécialiste du Droit de la famille.

 

Mais de quelle famille parlons nous ?. Celle qui a structuré nos sociétés durant des siècles ou celle qui de nos jours dans sa forme classique semble destinée à disparaître ? Celle qui se compose de deux personnes de sexe différent ou de même sexe mais dont l’engagement vis-à-vis de la société est de fait réduite à sa plus simple expression? Et en quoi le Droit peut-il constituer un frein ou la  consécration de cette situation laissant alors chacun des deux partenaires libres d’agir comme bon leur semble? Et d’autre part en quoi l’évolution du Droit de la famille  reflète-t-il les choix sociaux fondamentaux auxquels nous sommes confrontés?

 

 

On pourrait penser à tort que le fait qu’il s’agisse ici de la situation en Belgique en limite l’intérêt pour un lecteur français mais il n’en est rien dans la mesure où la même pente semble entraîner toutes les sociétés occidentales. Chacune d’elles semble avoir oublié qu’à force de vouloir le « bien » de chacun des individus qui les composent, d’être au service de tous les narcissismes, elles ont oublié ce dont il était d’abord question à savoir faire que ces individus puissent vivre ensemble, qu’il existe entre eux un lien qui ne soit pas fait d’une perpétuelle confrontation entre chaque « un ».

Dans ce mouvement proprement suicidaire et qui ne peut à l’évidence que provoquer des conflits de plus en plus violents, la psychanalyse doit s’interroger et interroger chacun sur le fait de savoir si ce qu’elle rencontre de plus en plus au niveau du discours individuel se retrouve ou pas au niveau des autres disciplines. 

 

C’est bien à cette tâche que se consacre cet ouvrage et Jean-Louis Renchon d’égrainer les modifications successives de la Loi Belge qui au fil des années ont défait le lien social . Car si la notion d’Etat Providence a fait long feu sur le plan social laissant sur bord de la route des populations de plus en plus nombreuses, remplacée un temps par le « quoi qu’il en coûte »   (cet échec aurait pourtant dû nous faire réfléchir sur son côté miroir aux alouettes) c’est en quelque sorte une autre forme d’Etat Providence qui semble peu à peu s’être construit dans le discours politique et social. Dans cette nouvelle  forme d’Etat Providence celui-ci  se donne pour objectif de satisfaire toutes les demandes individuelles à condition précisément qu’elles ne portent pas sur les inégalités sociales

 

La situation qui nous est décrite ici par ces deux protagonistes est celle d’une société qui a dû tenir compte des changements profonds qui se produisaient en son sein, de par l’évolution des mentalités, par les données produites par une société de consommation mondialisée, par les bouleversements dans le registre de la communication tout autant que par les avancées prodigieuses de la médecine et notamment dans le domaine de la procréation. Ces bouleversements qui ont mis à bas la famille traditionnelle tout autant que la structure religieuse qui existaient depuis des siècles et dont il n’est pas niable qu’ils figeaient une société profondément inégalitaire en ce qui concerne les droits de chacun, ces changements, ces bouleversements ont eu lieu si rapidement, qu’une forme de logique semble avoir pris la place du minimum indispensable que toute société doit avoir sur la manière dont elle veut fonctionner  et qu’à l’exemple des conséquences de la destruction écologique de la planète aucune possibilité d’adaptation progressive ni fondamentalement pensée n’a pu avoir lieu. 

 

Le Droit a cette spécificité de toucher tous les domaines du vivre ensemble et d’avoir cette fonction première de garantir les conditions nécessaires à la paix sociale. Chacun des domaines concernés est successivement abordé dans le livre et les auteurs ne peuvent que constater avec nous l’étendue des dégâts

 

 

C’est comme si une fois la pente entamée rien ne pouvait plus en suspendre le cours. Pourtant, à l’issue de la dernière guerre, le programme du Conseil National de la Résistance semblait en tracer la voie mais cette réflexion a été balayée au fil du temps par des « évidences » qui ont rendu cette pensée en apparence obsolète.

 

Toute société humaine se construit dans le temps mais on dirait que ce temps de la réflexion soit nous a manqué, soit que ceux qui en proposaient des alternatives n’ont pas été entendus. Tant et si bien que seules les conséquences désastreuses notamment en terme de violence sont aujourd’hui perçues sans que l’on s’interroge ce qui s’en trouve à l’origine et que face à cette violence l’appel à encore  plus de violence de la part de l’Etat constitue la réponse qui dès lors s’impose au plus grand nombre. On ne s’étonnera pas alors, qu’en Europe et aux États-Unis, on constate une dérive inquiétante des peuples inquiets  cédant de plus en plus souvent aux sirènes de l’extrême droite.

 

Le XXe siècle pourtant semblait nous avoir mis en garde contre les idéaux égalitaristes. Que tout doive être fait dans une société démocratique pour atténuer ce qui résulte du hasard de la naissance est une donnée qui a fait le fond de la pensée de gauche. Cela ne conduit pas à penser que nos demandes soient sans limite, que nous soyons à tout jamais déchargés de tout devoir vis-vis de la société dans laquelle    nous vivons afin de la rendre précisément la moins conflictuelle possible. 

 

Ceux qui , depuis 50 ans ont dénoncé les excès de la société de consommation, je pense en particulier à René Dumont, ont fini par être entendus en particulier par les jeunes générations. Ils ont dans ce qui concerne la société du futur là aussi à prendre garde aux mirages que la société « du tout est possible », du « je le dis donc c’est vrai » « je le demande donc j’y ai droit » « si on ne me le donne pas je retourne ma violence contre l’Etat et ses symboles » ,  risque fort d’engendrer et à très court terme.

 

Laurent Le Vaguerèse